All language subtitles for Joueuse (Bottaro, Caroline 2009)_WEBRip.720p.x264.AAC_FR

- Bonjour, Hélène.
- Bonjour.

N'oubliez pas la 12 et la 19, ce matin.
Vous avez vu Natalia ?

Euh… non.

Ah, je vous jure !
Si je ne vous avais pas, Hélène.

J'en ai marre de me faire
engueuler. Quelle chieuse !

Je m'en fous. Je vais me tirer.

- Tu iras où ?
- Sur le continent ou à l'étranger.

Et Denis ?
Je croyais que c'était l'homme de ta vie.

Ben, il viendra avec moi.
Je ne vais pas croupir ici.

L'été, ça va encore,

mais en octobre, c'est mortel.
Tu n'as pas envie de partir ?

Je n'y ai jamais réfléchi.

Tu n'as jamais rêvé de vivre ailleurs ?

Si, il y a longtemps.
Pour venir ici et me marier.

Oh, le cauchemar !

Excusez-moi.

Vous pouvez faire la chambre,
s'il vous plaît.

On reste ici, ce matin.

Bien, madame.

Check.

Checkmate.

Vous jouez à…

Comment on dit chess en français ?

- Aux échecs ?
- Oui.

Échecs. Vous jouez ?

Non.

Ange !

Ange !

Qu'est-ce qui se passe ?

- Il y a eu un accident ?
- Non. Je voulais te voir.

C'est gentil, mais tu m'as fait peur.

Merde ! Excuse-moi.

- Tu es sûre que ça va ?
- Oui, oui. Ça va.

Bon. J'ai du boulot.
Il faut qu'on finisse.

Je suis à la bourre.

Hélène… À ce soir.

À ton âge, on cherchait
du boulot pendant les vacances

pour gagner de l'argent.

Ma prof d'anglais m'a recommandé ce stage.

Elle est bonne.
On se tue au travail, nous.

Je ne serai pas comme vous.

- Comment ?
- Pauvre !

C'est honteux ?

Il n'y a pas de quoi être fier non plus.

Elle n'a jamais manqué de rien. Alors ?

Calme-toi.
Elle ne pense pas ce qu'elle dit.

Ils nous ont retiré deux chantiers,
cette semaine.

Thierry veut réduire les effectifs.

Les gens qui gagnent de l'argent
ne dépensent plus, aujourd'hui.

Comment on va faire ?

On verra.

Tu as demandé
l'augmentation à l'Américain ?

Bon. Combien il coûte,
ce voyage en Angleterre ?

Quatre cents euros.

Putain. On va se serrer la ceinture.

Je dois retrouver Jacky.
On a une partie à finir.

Je ne rentrerai pas tard, m'attends pas.

Ben ça, c'est sûr.
Évidemment. Bon.

Eh ben, il ne fait rien.

Mais alors, rien. Je ne sais pas
si quelque chose l'intéresse.

Si on demande ce qu'il veut faire,
vous savez ce qu'il dit ?

- Ben, non.
- "Moi, je voudrais être connu."

Docteur Kröger ?

Il n'est pas possible, ce type.

- Il te mène une vie dure aussi ?
- Ça va.

Heureusement que tous les malades
ne sont pas comme lui.

Bonne journée.

Au revoir.

- Bonjour, docteur Kröger.
- Bonjour.

S'il vous plaît, ne déplacez pas tout.

Je ne retrouve rien après votre passage.

Pardon. D'accord.

Faites plutôt ma chambre.

Au fait…

Oui ?

- Pour… pour mon…
- Pour votre ?

Mon salaire. Mon mari a pensé que…

Il pense pour vous ?

- Non, moi aussi, je…
- Oui ?

Vous pourriez m'augmenter de dix euros.
C'est le tarif.

Merci.

Bon voyage.

À bientôt.

Un, deux, trois ! Vas-y !

Ouais ! Bravo !

Joyeux anniversaire.

Bon anniversaire.

- On coupe le gâteau.
- Les bougies.

Oui.

- Tiens. Bon anniversaire.
- Oh là là !

Le cadeau. Le cadeau.

On est combien ? On est sept.

Attention, il l'ouvre.

Un échiquier électronique.

Je vois, mais pourquoi ?

Ben, pour jouer aux échecs !

- Je ne sais pas jouer.
- Apprends.

- Ça rend intelligent.
- Très drôle.

Tu y joues ?

Non.

Ça va.

Bon, ça va !

Ça changera du jacquet.

Avec qui je vais jouer ?

Ben, je ne sais pas. Avec moi.
Ou même seul, si tu veux.

C'est l'avantage de ce jeu.
Tu peux y jouer seul.

- Tout seul ?
- Ben, oui.

C'est un petit ordinateur.

Bon ! On mange le gâteau.

Donne ton assiette.

Qu'est-ce qui t'a pris ?

Merci, Hélène.
Tu ne l'as pas acheté trop cher ?

Non.

- Champagne !
- Oh !

- Et les coupes à champagne ?
- Ah oui.

On n'est pas à la chasse !
Le sanglier, il est où ?

N'oublie pas le cadeau
de ton père.

- C'était bien, non ?
- Très.

Avec ce qu'on a bu,
ça va être dur de se lever.

Bonne nuit, chérie.

Le cavalier.

La tour.

Le pion.

Le roi.

"La richesse des échecs

"provient de la marge différente
de chaque pièce.

"La dame est la pièce la plus puissante."

"La dame est la pièce la plus puissante."

- Tu es sûre que tu as tout ?
- Je ne pars pas sur Mars.

Tiens. On ne sait jamais.

Merci. Tu es sûre ?

Oui.

Lisa, vous allez rater le bateau !

J'arrive !

- Fais attention.
- Je n'ai plus huit ans.

Ben, justement.

- Tu viens boire un verre ?
- Je ne peux pas.

- Tu ne passes plus jamais.
- Je n'ai pas le temps. À plus tard.

C'est toi ?

Ben, oui. Ça va ?

Oui.

Qu'est-ce que tu faisais ?

Euh… rien.

Tu refumes ?

Un peu.

Tu appelles ça "un peu" ?

Ça m'aide.

- À quoi ?
- À réfléchir.

Réfléchir à quoi ?

Je n'ai rien fait à manger.
On pourrait aller au restaurant.

C'est moi qui invite.

Je dois voir Jacky. Une pizza, ça te dit ?

J'aimerais bien sortir. S'il te plaît.

Bon, habille-toi.
Mais c'est moi qui invite.

Ça fait longtemps
qu'on n'a pas été chez Mady.

J'ai baissé la tête et…

je suis retourné
au travail sans rien dire.

Maintenant, c'est chacun pour soi.

Quand trois copains se font virer,
c'est moche,

mais on est content que ce soit eux,
et pas nous.

Lisa a peut-être raison.

On est devenus des moutons.

Mais est-ce qu'on a le choix ?

Du temps de mon père,
il y avait une vraie fraternité.

Les gars se retrouvaient
tous les dimanches.

Ma mère faisait des beignets.

Ça chantait, ça picolait,

ça refaisait le monde.
Ce n'était pas triste.

En cas de coup dur,
on se serrait les coudes.

Tu disais quoi ?

- Moi ?
- Oui.

On ne se parle plus comme ça.

Oui.

- Tu sais de quoi j'ai envie ?
- Oui.

Non, j'ai envie…

- C'est ça que tu veux ?
- Oui.

- C'est vrai ?
- Oui.

C'est quoi, le but du jeu ?

Le but du jeu ?

C'est de réussir
à prendre le roi de l'adversaire.

Et de faire échec et mat.

- Et…
- Et quoi ?

- C'est tout ?
- Oui.

Chaque pièce a une marche spéciale ?

Oui. Enfin, sauf les pions.
Ils marchent tous pareil.

Ça, c'est le fou. On en a deux chacun.

Ils vont en diagonale, comme ça.

La tour.

La tour avance devant elle
ou sur le côté, s'il y a la place.

La dame,

c'est la pièce la plus importante.

Elle peut tout faire,
se déplacer où elle veut.

Elle est plus forte que le roi.
C'est fou, non ?

Voilà. Tu as compris ?

Bien sûr. Tu me prends pour un con ?

Allez, je commence. Les blancs commencent.

À toi.

Non ! Le cavalier va là.

- Le fou va en biais.
- Tu n'as pas dit ça.

Mais si.

Je ne comprends rien. J'en ai marre.

On va se coucher ?

Allez, une dernière partie.

Je vous réveille ?

Je suis désolée.

- Vous fouillez dans mes affaires ?
- Pardon ?

Mais non, mais…

Bon. Remettez ça où vous l'avez trouvé.

Et arrêtez de vous excuser
à tout bout de champ.

C'est un signe de faiblesse.

Vous… vous y jouez ?

Si je joue aux échecs ?

Moi, oui.

Vous ?

J'ai un échiquier électronique
à la maison.

J'apprends, la nuit.

Et le jour, vous dormez.

Vous voulez bien jouer avec moi ?

- Pardon ?
- Je n'y arrive pas toute seule.

Pourquoi les échecs ? Pourquoi moi ?

Parce que je ne sais pas
à qui d'autre le demander.

Essayez les réussites, plutôt.

S'il vous plaît.

- Écoutez… Comment déjà ?
- Hélène.

Hélène, oui. Hélène, c'est ça…

Je n'aime pas qu'on m'emmerde.
Vous comprenez ?

Je pourrais venir
faire le ménage gratuitement.

Alors, si vous me prenez
par les sentiments, mardi, 16 h.

Euh…

Que les choses soient bien claires :

on fait un essai. Une fois.

C'est compris ?

Hélène !

- Qu'est-ce que tu fais ?
- J'arrive.

Viens voir ! Tu sais pourquoi
on ne doit pas faire la 11 ?

Non.

Elle a eu une histoire
avec un client, il y a trois ans.

- Un Italien. Tu savais ?
- Non.

Il lui a promis qu'il reviendrait.
Elle y va tous les jours, à la même heure.

Tu y crois, toi ?

Elle reçoit tous les mois
une lettre de Rome.

Natalia, portez le linge

au pressing. C'est votre tour. Ah !

Hélène, il y a quatre chambres à faire.
Je compte sur vous.

Bien, madame. D'accord, madame.

Tu exagères. Elle n'est pas bien méchante.

Toi, tu dis toujours oui.

Hop !

On a une heure.
Vous comptez la passer debout ?

Les blancs commencent. À vous.

Échec et mat.

Alors ?

Alors quoi ?

Vous voulez bien m'apprendre ?

Pourquoi est-ce aussi
important pour vous, ce jeu ?

Je ne sais pas.

Bon. On recommence.

- À mardi.
- À mardi.

Et souriez, de temps en temps.

Ça vous va mieux
que cet air toujours sérieux.

D'accord.

Une sortie précoce
de la dame est peu recommandée.

Elle favorise

le développement des pièces adversaires,

qui peuvent gagner
des tempos en l'attaquant.

Il est essentiel de ne pas perdre
de temps dès l'ouverture,

afin de ne pas avoir
de retard de développement.

Vous regardez tout le monde
de cette façon ?

Comment ?

Comme si votre vie dépendait
de ce qu'on va vous dire.

Ce ne sont pas tant les règles
que leurs exceptions qui comptent.

Transgresser les règles
au moment opportun,

c'est ça qu'il faut réussir à faire.
Vous comprenez ?

Pas très bien, non.

Hum…

Moi non plus.

On continue ?

Ah ! Vous avez vu l'heure ?

Passons pour aujourd'hui.

Figurez-vous que notre Natalia

a été admise
à la première partie de son concours.

Vraiment ? Bravo.

Ce n'est pas gagné.
Sur deux cent, ils n'en prennent que dix.

Si ça marche, je pars en stage
dans un resto sur le continent.

Et alors là,

bye bye à tous !

Elle doit aller deux jours
à Marseille pour l'oral

et je n'ai personne pour la remplacer.

Vous pouvez rester deux après-midi
la semaine prochaine ?

- Quand ?
- Mardi et mercredi.

Non.

Comment ?

Mardi, ce n'est pas possible.

Je m'ex… Je ne suis pas libre.

C'est moi.

- Bonjour.
- Bonjour.

- Vous ne voulez pas que je fasse…
- Quoi ?

Vous voulez faire le ménage ? Il est fait.

- Mais vous me payez pour ça.
- Non.

Je vous paie pour que vous fassiez
ce que je vous demande. Venez.

Quinze minutes.

Et aujourd'hui, c'est moi qui commence.

Alors…

E4, C5.

Ah oui.

Ah ! Ma chérie !

Tu es belle !

Tu étais où ? On s'inquiétait.

J'étais chez Kröger. J'ai raté mon bus.

Ça doit être propre, chez lui, à force.

C'est plus important que ta fille ?

Vous allez pas vous engueuler !

Oui, tu as raison.

Ben, nous, on rentre.

Trouve le temps de passer.
Ce serait bien qu'on parle, non ?

- Oui. D'accord. À plus tard.
- Salut.

On est allés à Londres un jour,
pour visiter.

On s'est carrément cassés du musée.

Juste tous les deux. C'était génial.

Et là, il m'a violée trois fois
derrière la Chambre des lords.

Hein ? Qui ?

Ah, d'accord.

Je te raconte que je suis amoureuse.

Tu n'écoutes pas.

Mais si. C'est Antoine, c'est ça ?

Tu as couché avec lui ?

Ce n'est pas moi qui ai changé. C'est toi.

Plus faim.

Bon ! À nous.
Les pointes, comme d'habitude ?

Non. J'aimerais bien des petites mèches.

Tu vois ? Un peu partout.

Ils ne vont plus être de la même longueur.

Oui. Je ne veux plus qu'ils soient
de la même longueur.

Ils ne tiendront plus dans ton chignon.

Je sais.

- À moi, tu peux le dire, tu sais ?
- Quoi ?

Toi et le docteur Kröger.
Redresse la tête.

- Tout le monde en parle déjà.
- De quoi ?

Que tu ne vas pas chez lui
juste pour le ménage.

Méfie-toi, Hélène.

C'est un drôle de type.

Quand sa femme est morte,
on a entendu de ces choses.

Bon, on n'a jamais rien pu prouver.

N'empêche qu'après,
il n'a plus voulu voir personne.

- Tu ne t'en souviens pas ?
- Non.

OK.

Échec et mat.

Échec et mat. C'est vrai.

- Bravo.
- Merci.

Il est tard.

Vous devriez être chez vous.

C'est vrai. De toute façon,
j'ai raté le dernier bus.

Si on prenait un verre ?

Votre mari ne va rien dire ?

Si.

Il est comment ?

Qui ? Ange ? Il est… beau.

- Beau ?
- Oui. Très beau.

When the stars threw down their spears

And water'd heaven with their tears

Did he smile his work to see?

Did he who made the Lamb make thee?

Tyger Tyger burning bright

In the forests of the night

What immortal hand or eye

Dare frame thy fearful symmetry?

Il y a beaucoup de livres.

Hum. Trop.

Vous les avez tous lus ?

La plupart.

Et vous, vous aimez lire ?

Je ne sais pas. Je ne lis jamais.

Martin Eden.

Prenez-le.

Ça vous plaira.

Ça va ?

Il faut que j'aille aux toilettes.

Bien. Allez-y.

Elle était belle, votre femme.

Très.

Vous jouiez aux échecs avec elle aussi ?

Non.

Ce n'est pas vrai, ce qu'on dit, hein ?

Que vous l'avez aidée à mourir.

On vous a dit ça ?

Et vous l'avez cru ?

Non.

Vous avez changé vos cheveux ?

Oui.

Mais il faut que j'y aille.

- À mardi.
- Oui, à mardi.

Ça va ?

- Qu'avez-vous mangé ?
- Des pâtes. On n'a rien trouvé.

- C'était bien ?
- Quoi ?

Ben, je ne sais pas. Tu rentres à minuit,

toute belle et contente.
Je te demande si c'était bien.

Qu'as-tu ? Tu as bu ?

- Je n'ai pas réussi à me soûler.
- Je vais te faire un café.

Les gens disent que je suis cocu.

Ça, c'est dur mais je m'en fous.

Tu sais que c'est faux.

Ce que j'ai vu est pire.

Quoi ?

Toi et Kröger.

Tu m'as suivie ?

Il te paie ?

Comment ça ?

J'essaie de comprendre.

Y a rien à comprendre !

Vous avez mangé des pâtes, et alors ?
Vous n'en êtes pas morts.

J'ai le droit d'avoir

un truc à moi, pour une fois, non ?

Ce n'est pas un crime !

Entrez.

- Vous avez demandé à me voir ?
- Oui. Asseyez-vous.

Qu'est-ce qui se passe ?

Il y a quinze jours,
un couple de Belges s'est plaint

que vous ne leur aviez pas
changé les serviettes.

Hier, un client m'a fait constater
que son lit était mal fait.

Ce matin, un autre me dit
que vous lui avez mal parlé

quand il vous a demandé
une bouteille d'eau. Pourquoi ?

Je suis femme de ménage, pas serveuse.

Vous êtes ce pour quoi je vous paie.

Si ce travail
n'est plus assez bien pour vous,

il y en a plein qui seront ravis
de vous remplacer.

Je gère tout ça seule.

Je ne peux rien laisser passer,

vous comprenez ?

D'accord.

Lisa ?

Lisa.

- Que se passe-t-il ?
- Rien. Laisse-moi.

Viens.

C'est Antoine ?

- Il t'a fait du mal ?
- Il ne veut plus qu'on se voie.

Mais pourquoi ?

Il a déjà une copine.

Il te l'avait pas dit ?

Si, mais il pensait que c'était fini.

Depuis qu'il est rentré,
ben, il l'a revue.

Oh ! Mon bébé…

Remarque, je le comprends.

Je suis une fille de prolo.

Quoi ?

Antoine, c'est un bourge.
Il sort avec une fille de bourges.

Tu veux que je te dise ?
Je suis contente que ce soit fini.

Je n'aurais jamais pu l'inviter.
C'est trop moche !

Lisa, arrête.

Je ne lui ai pas dit que tu étais
femme de ménage. J'ai honte !

J'ai pas envie de finir comme toi !

Lisa, va te coucher !

Vous me dégoûtez, tous les deux !

Tu as raison. Je bousille tout.

Arrête !

Arrête !

Non, je ne suis pas malade.

Je… Je ne veux plus venir chez vous.

Voilà, j'ai décidé…
je ne veux plus jouer aux échecs.

Parce que ce n'est pas possible.
C'est trop compliqué.

Je ne vais plus venir chez vous,
même pour le ménage.

Au revoir.

- Bonjour, Jacky.
- Salut.

"Le monde véritable
était celui de son cerveau,

"et les histoires qu'il écrivait,
la seule réalité possible."

J'ai trouvé ça dans ta chambre.

Tu l'as lu ?

J'ai pleuré. C'est trop beau,
ce marin qui devient écrivain.

Tu veux dire cet écrivain
qui aurait dû rester marin ?

Pourquoi tu dis ça ?

Parce qu'il est malheureux.

Tout ce qu'il a fait
n'en valait pas la peine.

Et en plus,
il n'est plus nulle part.

Oui, mais il l'a fait.

Il est devenu bien meilleur
que ceux qu'il voulait épater.

À quoi ça sert d'être meilleur
quand on n'en fait rien ?

Ça a dû être dur pour toi,
quand tu es arrivée ici.

Un peu, oui.

J'avais tout quitté.
Je ne connaissais personne.

Je passais mon temps à attendre ton père.

Tu ne joues plus aux échecs ?

Non.

- Pourquoi ?
- Ce n'est pas pour les femmes.

Ça m'énerve, ça.

Comme si les mecs étaient plus malins.

La pièce la plus forte,
c'est la dame, non ?

- Comment tu sais ça, toi ?
- Je le sais, c'est tout.

Maman !

Montre-moi comment tu faisais
avec ton amie Widad.

Allez !

Si vous êtes là pour le ménage,
repartez avec vos fleurs.

J'ai trouvé quelqu'un d'autre.

On y va ?

Comment ça ?

Ben, on joue.

Je prends les blancs ?

Vous vous êtes sûrement entraîné
tout seul pendant mon absence.

Mais allez !
Je n'ai pas toute la vie, moi.

C'est pour ça que vous êtes revenue ?

Évidemment. Pour quoi d'autre ?

On fait un blitz ?

Oui.

- Tu veux que je te dise ?
- Quoi ?

Tu ne m'as pas manqué,
mais je suis content que tu sois là.

Vous non plus, vous ne m'avez pas manqué.

Oh là là ! Qu'est-il arrivé ?

J'ai fait cuire le poulet. C'est réussi.

- Tu veux que je t'aide ?
- Non. Je m'occupe de tout.

Ange…

Oui ?

Il faut que je te parle.

- Il faut que je te parle aussi.
- Ah bon ? De quoi ?

Tu avais raison.
On ne peut pas continuer comme ça.

Quoi ?

Je veux te voir heureuse.

C'était mon cadeau, non ?

Tu n'allais pas le jeter, quand même.

Lisa ne va pas tarder à rentrer.

Mat en deux coups.

Ça fait cinq fois de suite. Je me rends.

C'est le hasard, c'est tout.

Le hasard n'a rien à voir là-dedans
et tu le sais aussi bien que moi.

Tu sais…

Je crois que le moment est venu.

Le moment de quoi ?

Il faut que tu voles de tes propres ailes.

Ça fait un bout de temps que j'y pense.

On va t'inscrire à un tournoi.

Moi ?

Un petit tournoi.

Pas le championnat du monde. Pas encore.

Vous ne voulez plus me voir ?

Ce n'est pas ça.

C'est avec vous que j'aime jouer.

Comment peux-tu dire ça ?

Tu n'as jamais joué
contre quelqu'un d'autre.

Dis plutôt que tu as peur,
que ça te rassure de venir ici.

Pas du tout.

Je ne suis pas prête.

Mais si. Bien sûr que tu es prête.

En plus, le prochain tournoi
est dans deux mois.

Ça laisse un peu de temps.

On ne se débarrasse pas de moi

comme ça.

Tu aurais pu m'en parler. C'était clair.

Joue ici ou avec Kröger,
mais de là à te ridiculiser.

Se "ridiculiser" ?

En ville,
on t'appelle "la folle des échecs".

Ça m'est égal.

Je passe pour le roi des cons.

Merde, papa. Tu devrais être fier d'elle,

au lieu de nous pourrir la vie !

Tu sais quoi ?

J'admire maman. Peu seraient
capables de faire comme elle.

Elle doit se préparer :

bien dormir,
manger sainement, être en forme.

Ce n'est pas un sport.

Ben si, justement !

Le premier prix, c'est 1 500 euros.

Puisque vous êtes de mèche
toutes les deux contre moi.

Dommage que je ne puisse
t'en prendre qu'un à la fois.

Très drôle.

Pourquoi tu fais ça ?

Va au bout de ton raisonnement.

Mais il est nul.

Vaut mieux jouer
un mauvais plan de façon logique

que de ne pas avoir de plan du tout.

C'est trop dur.

C'est du travail.

Non, le travail,
c'est quand je fais le ménage !

Là, plus j'apprends, moins je comprends.

- Ça en fait partie.
- De quoi ?

Du travail.

Vous en savez quoi ? Vous passez votre vie

enfermé avec vos livres.
C'est du travail ?

C'est du luxe.

Ça m'a évité
d'avoir à côtoyer trop de cons.

C'est facile de mépriser tout le monde.

Pas tout le monde.

Je préférais avant.

- Avant quoi ?
- Quand je ne pensais à rien.

Oh, c'est exaltant !

- Ah, tu es là ? Ça ne va pas ?
- Si, si.

Natalia, vous avez oublié les serviettes.

Il faudrait vous mettre
un peu de plomb dans la cervelle.

Il faut que j'arrête de me moquer.
Je ne suis pas près de partir.

Ben, oui. J'ai raté l'oral.
En beauté, en plus.

J'ai eu trop le trac.

Tu pourras le repasser.

Je pourrais, mais bof.

J'ai rêvé trop grand.

Denis veut qu'on se marie vite.
Il veut quatre enfants.

Finalement, c'est l'essentiel :
un mari qu'on aime, des enfants.

- Hein ?
- Oui.

Si on se fait choper !
Il reste la douze et la neuf. J'y vais.

Oui, moi aussi.

Entrez.

Oui. Écoute… Une seconde, je…

Je verrai ça avec toi
la semaine prochaine, d'accord ?

OK. Ouais. Ciao.

C'est pourquoi ?

- Je viens pour le tournoi.
- Ouais…

Je voudrais m'inscrire.

Vous faites partie d'un club ?

Non.

Vous jouez aux échecs depuis longtemps ?

Pas très, non.

Vous êtes classée ?

- Classée ?
- Ouais.

Non.

C'est un tournoi amateur,
mais c'est d'un très bon niveau.

Le docteur Kröger
vous envoie cette lettre.

Kröger ?

C'est un ami à vous ?

Oui.

Asseyez-vous, je vous en prie.

Vous êtes sa femme de ménage ?

Oui, pourquoi ?

Pour rien.

- C'est tout ce qu'il dit ?
- En substance, oui.

Il aurait dû me dire autre chose ?

Il a toujours aimé faire
ce qu'il veut avec les gens.

Vous auriez un peu de temps
pour venir chez moi ?

Ma femme cherche quelqu'un.

Pour deux après-midi
par semaine, c'est possible ?

Il faut voir, oui.

Quelque chose ne va pas ?

Non, tout va très bien.

On ne dirait pas.

On joue ?

Non, je fais le ménage.

Je ne suis que votre femme
de ménage, après tout.

C'est ce que vous avez écrit.

Alors c'est ça ?

Vous vous êtes servi de moi
comme d'une marionnette.

Je n'ai pas votre éducation,
mais j'ai ma dignité.

Et je ne suis pas votre chose.

Non. Tu as raison. Tu n'es pas ma chose.

Je suis désolé.

Je n'aurais jamais dû écrire ça.

Mais en même temps, c'est vrai.
Tu es ma femme de ménage.

Qu'est-ce que tu fais ?

Je vais m'en aller. Je veux mon argent.

Je vous déteste.

Reste. Je veux te montrer quelque chose.

Tu vois ces toiles ?

C'est ma femme qui les a peintes.

Elle avait du talent.

Oui. Elle avait beaucoup de talent, même.

Mais elle en a toujours douté.

À sa mort,

j'ai… pensé que…

j'aurais dû l'encourager plus.

J'aurais dû la sauver.

Mais c'est encore de l'orgueil, tout ça.

Parce que personne ne sauve personne.

Son doute a été plus fort que sa peinture.

Tu comprends ?

Vous m'avez fait du mal.

Oui.

Tu as un vrai don, Hélène.

Tu as en toi

cette chose qu'on n'apprend pas

à l'école ni dans les livres,

qui ne s'achète pas avec de l'argent

et que beaucoup de gens
cherchent et ne trouvent jamais.

Moi, le premier.

Vous viendrez au tournoi ?

Va-t'en.

- Ça va ?
- Laisse-moi.

Pars.

Les noirs appuient sur la pendule.
Bonne chance à tous.

La tour…

Déplace ta tour.

De C8 en C4.

Il va être obligé de changer le pion.

Ça ne lui servira à rien,
parce que là, tu…

tu reprends avec la tour.

Échec et mat.

Je la vois.
Elle est au fond. Venez, venez.

Ouais ! Hein, tu vois ?

Bravo !

Elle a gagné ? C'est vrai ?

- Elle a gagné !
- Chut !

Papa ! Papa !

Quoi ? Elle a perdu ?

Non, elle est en finale.

Et alors ?

Ça n'a pas commencé. Tu viens ?

Non, non. Ça la déconcentrerait.

- Vas-y, toi.
- OK.

- Et viens me tenir au courant.
- Oui.

Il est 17 h. On va commencer.
Bonne chance à vous.

Que se passe-t-il ?

Il va arriver en retard.
C'est pour la déstabiliser.

Mais c'est dégueulasse !

Tu te poses trop de questions.

Ce n'est qu'un jeu, alors joue.

Sois toi-même et amuse-toi.

Un mauvais coup peut réduire à néant

quarante bons coups précédents.
Alors pousse-le à la faute.

Souviens-toi : la menace est plus forte

que l'exécution.

Elle a gagné !

Ouais ! Bravo !

- Pardon, je suis encore en retard.
- Ce n'est pas grave, Natalia.

Voilà notre championne.

- Félicitations.
- Merci.

Là, on verra bien "Les roches rouges".

Pardon, je vais prendre
la gagnante, juste.

Ah, bon. D'accord.

La gagnante de quoi ?

On ne bouge plus. On sourit.

Tu es une vedette.

Pas mal.

Je pensais que vous viendriez.

Je vous ai attendu.

Tu as pourtant gagné, non ?

Tu vois bien que tu n'avais pas
besoin de moi.

Le prochain tournoi est à Paris.
Je vais y aller.

C'était ton rêve, non ?

Enfin, ça va être autre chose.

Il y aura vraiment des grands joueurs.

On verra.

Quand on prend des risques,
on peut perdre.

Quand on n'en prend pas,
on perd toujours. C'est bien ça ?

Je t'aurai quand même appris
une chose ou deux.

Quand je reviens, on s'y remet ?

Hein ?

Tu sais bien que j'ai horreur de perdre.

Tu n'auras qu'à bien jouer.

E4.

E5.

F4.

E prend F4.

Cavalier F3.

Fou E7.

Cavalier C3.

Fou H4. Échec.

Roi E2.

D5.

Cavalier prend D5.

Cavalier F6.

Cavalier prend F6.

Échec.

Dame…

prend F6.

D4.

Fou G4.

Dame D2.

Cavalier C6.

C3.

Grand Roque.

Va.