All language subtitles for Rapito.2023.1080p.BluRay.DDP5.1.x264-PTer.Fr

Cette histoire commence
en mars 1852, à Bologne,

où vivait la famille Mortara.

Edgardo, le sixième né,
avait six mois.

Bologne appartenait à l'État pontifical
et Pie IX était le "Pape Roi".

Je lève mes yeux vers les montagnes.

D'où me viendra le secours ?

Le secours me vient de l'Éternel,
qui a fait les cieux et la terre.

Il ne permettra point
que ton pied chancelle,

celui qui te garde ne sommeillera point.

Voici, il ne sommeille ni ne dort
celui qui garde Israël.

L'Éternel est celui qui te garde,

l'Éternel est ton ombre
à ta main droite.

L'ENLÈVEMENT

6 ans plus tard

... cinq, six, sept, huit,

neuf, dix.

Ne bouge pas.

Edgardo, Giulio et Ercole, trouvés.

Tout le monde est libre !

Les enfants, au lit !

Allez.

Écoute, Israël :

l'Éternel notre Dieu est le seul Éternel.

Tu aimeras donc l'Éternel ton Dieu

de tout ton coeur, de toute ton âme

et de toutes tes forces.

Au lit maintenant.

Bonne nuit.

Suis-je au logis de monsieur Mortara ?

Oui... oui.

- Oui est-ce ?
- Il y a des messieurs.

Qu'ils reviennent, mon mari n'est pas là.

Faites-moi monter.

Bonsoir, je suis l'adjudant Lucidi.

Bonsoir.

- Vous êtes seule à la maison ?
- Oui, mon mari n'est pas là.

Nous avons besoin d'éclaircissements
sur votre famille.

Où allez-vous ?

Chez moi.

Je m'appelle Marianna Padovani Mortara,

Salomone Mortara est mon mari,
mais tout le monde l'appelle Momolo.

- Que se passe-t-il ?
- Écoute ce que veut ce monsieur.

Il y a un problème, adjudant ?

Mes supérieurs m'ordonnent

de récolter les noms de toute la famille,
pour les reconnaître.

Pourquoi ?

Riccardo, l'aîné.

Imelda, dans le berceau

et voici les deux jumelles,
Ernesta et Erminia.

Il reste : Augusto,

Arnoldo, Edgardo,

Ercole et Giulio.

- Ils sont au lit.
- Ils dorment.

Je suis désolé, il faut les réveiller.

Va appeler Angelo,
Sanguinetti et l'oncle Bonaiuto.

Tous les amis que tu trouveras.

- Que se passe-t-il, papa ?
- Grand-mère est morte ?

- Mais non.
- Un contrôle.

- Si quelqu'un vous pose des questions...
- Qui ?

- Ne parlez pas, soyez bien élevés.
- Laissez-nous parler.

Qui est ce monsieur ?

Augusto c'est toi ?

Réponds.

Non, moi c'est Arnoldo.

Augusto c'est moi.

- Giulio ?
- C'est moi.

Moi, Ercole.

Et lui c'est Edgardo ?

Oui.

- C'est ça ?
- C'est moi.

Monsieur Mortara,
j'ai le regret de vous annoncer

que vous êtes victime d'une trahison,

votre fils Edgardo a été baptisé

et j'ai l'ordre de l'emmener.

- Comment ça ?
- De l'emmener avec moi.

Qui en a donné l'ordre ?

Le Tribunal du Saint-Office.

Il faudra d'abord me tuer.

- Il doit y avoir une erreur.
- Non.

- Et qui l'aurait fait baptiser ?
- Ça je ne sais pas.

- Où l'emmenez-vous ?
- Je n'ai pas le droit de vous répondre.

Arrêtez-vous, défense de passer !

- Faites-nous entrer.
- Allez-vous-en !

Papa !

J'ai peur !

Ils veulent nous l'enlever !

Lance-le !

Ils veulent nous l'enlever !

Je l'attrape au vol !

Ne faites pas ça !

Pardon.

Adjudant, vous voyez cette désolation ?

Vous avez une famille aussi,
je vous demande un sursis.

L'ordre vient de monseigneur Feletti,

le Père inquisiteur
du couvent de Saint Dominique.

Je ne vous ai rien dit.

"Je vous prie de ne pas
perdre de vue l'enfant,

"pas même un instant,

"afin qu'il ne soit ni enlevé

"ni sacrifié.

"Nous connaissons bien les superstitions
dont les juifs sont abreuvés.

"Vigilance maximale.

"Puis, passées vingt-quatre heures,

"vous pourrez l'emmener,

"c'est-à-dire demain soir,

"sans discussion.

"Père Feletti."

Remettez ceci à l'adjudant Lucidi.

L'Église sait au besoin
être une mère miséricordieuse.

Non, tout a été fait dans les règles,
suivant le droit canonique.

Résignez-vous.

Et ne revenez pas,
je ne suis plus disposé à vous recevoir.

Nous prions aussi
pour les juifs perfides,

afin que Dieu notre Seigneur

enlève le voile qui couvre leur coeur

et qu'eux aussi reconnaissent
Jésus, le Christ, Notre-Seigneur.

Si nous demandons
une contribution à la kehileh

nous pouvons collecter un peu de gelt
et demander un sursis.

Un recours, un renvoi.

Ce sera en vain.

Il s'agit de l'Inquisition,
c'est pire que le Pharaon.

Assez geveynt maintenant.

Il faut qu'on sache qui en a fait un goy.

Edgardo est né en 1851,

le 27 août 1851.

Votre dinst, elle est catholique ?

Oui, mais elle arrivée il y a peu.

- Avant c'était Anna.
- Qui ?

Anna Morisi,

on l'a renvoyée car elle chapardait,

c'était une ganefte.

Momolo.

Ordre de l'adjudant.

Ne perdons pas espoir, il est encore là.

Écoute, Israël :

l'Éternel notre Dieu est le seul Éternel.

Tu aimeras donc l'Éternel ton Dieu,

de tout ton coeur, de toute ton âme,

et de toutes tes forces.

Et ces commandements,
que je te donne aujourd'hui,

seront dans ton coeur.

Est-ce vraiment nécessaire ?
Pouvez-vous rester dehors ?

Faites comme si nous n'étions pas là.

24 juin 1858

Que Dieu Tout-Puissant vous bénisse.

Au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit.

Allez.

La messe est finie.

Je suis le père d'Edgardo Mortara.

Je vous ai donné un délai de 24 heures,
contentez-vous-en.

Vous pouvez sûrement
encore faire quelque chose.

Non, un baptême ne peut pas être annulé.

Votre fils est un chrétien
pour l'éternité.

Non !

Quand ?

- Ce soir.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Quand a eu lieu ce baptême ?

Qui l'a baptisé à notre insu ?

Je ne peux pas vous le dire,
c'est confidentiel,

mais je vous assure que cela a eu lieu.

Je crois que c'est un malentendu.

Si vous nous donnez un peu de temps,
nous l'éclaircirons.

C'est impossible.

Vous allez l'emmener ?

Oui.

D'ailleurs...

Il faudrait

persuader votre épouse
de ne pas opposer de résistance,

notamment pour ne pas bouleverser
vos autres enfants.

Vous pourrez le voir
autant que vous voudrez.

Et où l'emmènerez-vous ?

Je crois qu'il restera ici en ville.

D'ailleurs il faudrait lui apporter
des vêtements de rechange.

Mais pour combien de temps ?

- Quelqu'un doit pouvoir m'écouter...
- Assez maintenant !

Il est inutile de discuter.

- Alors ?
- Les enfants ?

Ils dorment. Alors ?

Tu dois faire quelque chose !

Ils peuvent pas me l'enlever !

Ils peuvent pas !

Tu dois accompagner Angelo chez lui,

Imelda doit être allaitée.

Je m'occupe d'Edgardo.

Et tout n'est pas perdu,
sois tranquille.

J'irai parler avec le cardinal.

Lucia, allons-y.

Ils me l'enlèvent.

Ils me l'enlèvent.

Ils veulent me l'enlever.

Que se passe-t-il ?

Ils veulent me l'enlever.

Que se passe-t-il, Marianna ?

Je veux descendre.

Lâche-moi !

Ils sont en train de l'emmener !
Je veux descendre !

Mets ça dans ta poche.

Ne le perds pas.

Et rappelle-toi
de réciter le Chéma tous les soirs.

On va me couper la tête, papa ?

Non.

Ils ne te feront rien.

Courage, monsieur Mortara,
Dieu est au ciel pour nous tous.

Oui.

Allons.

Ne t'inquiète pas, nous venons avec toi.

Ton père et moi, nous te suivons
dans une autre voiture.

- Papa, ne m'abandonne pas.
- T'inquiète pas, on vient avec toi.

Papa, ne m'abandonne pas !

Papa !

Ils l'emmènent !

Lâchez-le !

Tu veux un bonbon ?

Non.

- Qui cherchez-vous ?
- Je m'appelle Momolo Mortara.

J'ai apporté des vêtements
de rechange pour mon fils.

- Père Feletti ?
- Il ne peut pas vous recevoir.

Il m'a chargé de vous dire
que votre fils est parti de Bologne.

Comment ça ?

Où est-il ?

Je ne sais pas,
en tout cas il n'a besoin de rien.

Paix et bien.

Où allons-nous ?

Nous allons à Rome, le pape t'attend.

Il a hâte de te connaître.

Qui est le pape ?

C'est un homme très important,

le roi des chrétiens.

C'est ton roi.

Quand est-ce que je rentrerai
chez ma maman ?

C'est elle qui viendra te voir,

mais tu dois le mériter.

CATHÉDRALE DE SENIGALLIA

Voici l'Église du pape,
il a été baptisé ici.

Et voici les fonts baptismaux.

Ça, c'est le baptême de Jésus.

Il était juif comme toi,

et il a été baptisé, comme toi.

Et voilà Jésus crucifié, le fils de Dieu.

- Celui que j'ai vu depuis le bateau ?
- Oui, c'est le même.

- Mais il dort ?
- Non, il est mort.

Tué par les juifs.

J'ai un cadeau pour toi.

Ne l'enlève jamais,

elle te protégera.

Quand tu es triste,

embrasse-la et la tristesse passera.

Viens-là.

Prends l'enfant, dépêche-toi.

- Arrête-toi.
- Non.

Attends.

- N'aie pas peur.
- Nous ne te voulons pas de mal.

Nous voulons juste savoir la vérité.

Tu as baptisé mon fils ?

Dis-lui la vérité.

- Que se passe-t-il ?
- Rien.

- Qu'est-ce qu'ils veulent ?
- Rien, rentre à la maison.

Je ne comprends pas,
qu'est-ce que tu dis ?

- Il était juif, il allait aux limbes !
- C'est quoi ?

C'est quoi les limbes ?

Tu l'as baptisé ou pas ? Arrête.

Anna !

Tu as baptisé mon fils ?

ROME, 28 juin 1858

MAISON DES CATÉCHUMÈNES

Bienvenue,
nous t'attendions avec impatience.

Voici ta nouvelle maison, Edgardo.

Suis-moi.

Bonne nuit
et que le Seigneur soit avec toi.

À demain, bonne nuit.

En cas de besoin, appelle-moi.

Je dors là-bas.

Écoute, Israël :

l'Éternel notre Dieu est le seul Éternel.

Tu aimeras donc l'Éternel ton Dieu

de tout ton coeur, de toute ton âme,

et de toutes tes forces.

Et ces commandements,
que je te donne...

- Tu es juif ?
- Oui.

- Ce n'est pas vrai, tu as un crucifix.
- C'est un porte-bonheur.

C'est la dame qui m'accompagnait
qui me l'a donné.

D'où viens-tu ?

De Bologne.

Moi je m'appelle Elia,
je viens du Ghetto.

Là faut dormir,
y vont nous réveiller à six heures.

- Combien de temps on devra rester ici ?
- Ça dépend de toi.

Une semaine, un mois, un an.

Mais si tu es sage,

si tu étudies,

et si tu fais ce qu'on te dit,
on te renverra chez toi plus tôt,

faut être malin.

Bonne nuit.

C'est qui ?

Il s'appelle Simone.

- Qu'est-ce qu'il a ?
- Le coeur.

Sa maman vient souvent le voir,
elle a le droit car elle est convertie.

Mortara, avec moi.

Allez.

En rang, les enfants.

La messe a lieu tous les matins
à la même heure,

au début tu ne comprendras rien,
mais tu apprendras.

Le latin n'est pas difficile,
ça ressemble beaucoup à l'italien.

Je sais dire mes prière en hébreu.

L'hébreu pourra te servir plus tard,

pour tes études.

Ici, les prières sont en latin.

Agneau de Dieu
qui enlèves le péché du monde.

Prends pitié de nous.

Agneau de Dieu
qui enlèves le péché du monde.

Donne-nous la paix.

- Je peux m'asseoir à côté d'Elia ?
- Bien sûr.

Seigneur, je ne suis pas digne
de te recevoir,

mais dis seulement une parole
et je serai guéri.

Celle-ci tu dois l'apprendre
entièrement par coeur.

Toi reste ici.

Le corps de notre Seigneur Jésus-Christ.

Qu'est-ce que tu fais ?

La contemplation du Christ.

Chers amis, voilà le document

que nous avons tous rédigé et signé.

Je vous en donne lecture.

"De la commission administrative
des israélites de Romagne.

"Cet appel s'adresse aux consistoires
israélites de France et d'Angleterre.

"La gravité des faits
concernant la famille Mortara,

"apparaît clairement à tous.

"Il n'est plus possible
d'accepter de tels abus."

"Nous sommes certains que pour éviter
que se répètent de tels événements,

"vous, membres des consistoires israélites
de France et d'Angleterre,

"retiendrez de votre devoir sacré
de faire appel

"à vos gouvernements respectifs."

- Ça ne servira à rien, tout est inutile.
- Tu as dit quelque chose ?

Ce ne sont que des mots.

C'est Attila qu'il faudrait.

C'est notre seule arme.

Pour le moment.

Le chapeau on le met ici
car sur le lit ça porte malheur.

- Je t'aide à t'habiller ?
- Non, je le fais tout seul.

Bien.

Edgardo.

Tu me donnes de l'eau ?

Vous priez toujours pour moi ?

Oui, oui, nous prions tous les jours.

Je vais mourir ?

LE PAPE RAVISSEUR

Venez.

Il y a dix ans,
on me voyait comme un libérateur,

les patriotes invoquaient mon nom,

hissaient mon buste sur les barricades,
"Bénissez, grand Dieu, l'Italie !"

À présent me voilà délinquant, assassin.

Les voilà prêts
à m'égorger, les patriotes,

à me guillotiner, à me pendre.

Votre Sainteté, le banquier Rothschild
m'a déjà écrit deux fois,

toujours avec une grande diplomatie.

Notre dette auprès de lui s'élève
à plus d'un million de livres sterling.

Si Rothschild se réveillait un beau matin

et exigeait d'être remboursé,
nous ferions banqueroute.

Les catholiques du monde entier
s'insurgeraient.

Oui, certes.

Mais l'affaire Mortara nous fait du tort
même auprès des catholiques.

Nous avons toute la presse libérale
à dos, on en parle partout,

en France, en Belgique, en Russie,

même le Times de Londres en parle.

Les francs-maçons sont derrière ça.

Et les Judéens du monde entier.

Nous en sommes arrivés là, oui.

À Boston, un acteur a imaginé sur scène

s'introduire dans la résidence papale
avec ses coreligionnaires,

pénétrer dans la chambre à coucher
de Votre Sainteté,

vous immobiliser et...

vous circoncire.

Un blasphème
que seul un juif pouvait imaginer.

Tous les rabbins de France, d'Allemagne,
d'Amérique et de Russie réunis

ne me feront pas bouger d'un millimètre.

Qu'ils me traitent donc de réactionnaire,

ce n'est pas vrai.

Je resterai inébranlable,

c'est le monde qui court au précipice,

le progrès l'entraîne vers la ruine.

J'ai été contacté plusieurs fois

par Gramont, l'ambassadeur.

Napoléon III non plus n'a pas apprécié.

Il n'a pas apprécié.

Depuis quand faut-il apprécier

les décisions du Pape ?

Depuis quand ?

Aux rois, princes et empereurs,

le Pape n'a qu'une réponse à donner :

non possumus.

Nous ne pouvons pas renoncer à l'enfant

par respect des principes de notre foi.

Bien.

On peut tout perdre,

mais pas une âme
que le Christ a conquise avec son sang.

Je suis le Pape !

Je ne suis responsable que devant Dieu.

Alors, les enfants.

Commençons.

Tous ensemble et avec enthousiasme.

- Vous la connaissez par coeur ?
- Oui !

Regarde les autres et répète.

Avec votre permission.

À la vie !

Béni sois-Tu, Éternel, notre Dieu,
créateur du fruit de la vigne.

Coeur de Jésus, fils du Père éternel.

Ayez pitié de nous.

Béni sois-Tu, notre Dieu, toi qui nous
as sanctifiés par Tes commandements

et nous as donné
Ton saint Chabbat en héritage.

Coeur de Jésus,

formé par le Saint-Esprit
dans le sein de la Vierge mère.

Ayez pitié de nous.

Coeur de Jésus, percé par la lance.

Ayez pitié de nous.

Coeur de Jésus, notre vie et résurrection.

Ayez pitié de nous.

Coeur de Jésus,
notre paix et notre réconciliation.

Ayez pitié de nous.

Béni sois-Tu, Éternel,
le sanctificateur du Chabbat.

Que l'ange qui m'a délivré de tout mal,

bénisse ces enfants,

qu'ils soient appelés de mon nom

et du nom de mes pères,
Abraham et Isaac,

et qu'ils multiplient en abondance
au milieu du pays.

Béni sois-Tu, Éternel,
notre Dieu, roi du monde,

Toi qui fais sortir le pain de la terre.

Il faut le baptiser tout de suite.

Entre dans la maison de Dieu

afin d'avoir part avec le Christ
pour la vie éternelle.

Sors de cet enfant, esprit impur,

et cède la place
à l'Esprit-Saint Paraclet.

Répudie l'infidélité judaïque,

refuse la croyance populaire hébraïque.

Reçois le signe de la croix

sur ton front

et dans ton coeur.

Accueille la foi
et ses enseignements divins.

Reçois le signe de croix.

Au nom du Père, du Fils,

et du Saint-Esprit.

Afin que tu aies la vie éternelle

et que tu vives
dans les siècles des siècles.

Lève-toi, complète la prière et dis amen.

Au nom du Père,

du Fils, et du Saint-Esprit.

Mon fils, Edgardo, bienvenue.

Voici ta famille à présent.

Deux pièces, s'il vous plaît.

Aidez-moi.

Achetez-le, madame !

S'il vous plaît, j'ai faim.

Madame, une pièce !

Je suis Sabatino Scazzocchio,
le secrétaire de la communauté.

- C'est moi qui t'ai écrit.
- Enchanté.

Mon épouse Marianna.

Viens.

Viens, Salomone.

Voici l'une des cinq synagogues
des juifs de Rome, nous prions ici.

Bonjour.

Bonjour, Nathan.

Asseyons-nous là.

Nos informateurs
de la maison des catéchumènes

disent que l'enfant va bien.

Merci, Sabatino.

J'en suis très heureux.

Non, tu n'as pas compris,

l'enfant va bien.

Oui, j'ai compris,

je m'en réjouis.

Mais c'est justement ça le problème,

car ils disent qu'il se sent bien

et qu'il récite les prières,

et que vous ne lui manquez pas du tout.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

S'il est content, c'est plus difficile
pour nous de le récupérer.

Et avec tout votre remue-ménage,
c'est encore plus difficile.

Mais comment ça...

Comment ça ?

Vous avez mis une belle pagaille !

Vous n'en avez fait qu'à votre tête !

L'histoire est dans tous les journaux,

elle est arrivée jusqu'en Amérique.

- En Amérique ?
- Oui, en Amérique !

Vous auriez dû venir nous voir
tout de suite.

Nous savons quoi faire, nous connaissons
les directeurs des journaux,

même les journaux catholiques.

Nous essaierons d'agir quand même,
mais c'est plus difficile.

Vous avez fait trop de vagues.

Trop de vagues ?

Qu'est-ce qu'il fallait faire ?

À présent, quand tu le verras,

dis-lui que sa mère est très affligée

et que sans lui elle est tombée malade.

Mais ce n'est pas vrai,

elle est désespérée, oui,
mais pas malade.

Tu dois lui dire que cette affaire

lui a fait perdre la tête.

On raconte qu'elle est devenue folle.

Ce n'est pas vrai.

Je le sais bien, nom d'un chien !

Mais c'est ce que tu dois lui dire !

L'enfant doit se rebeller !

Il doit refuser de manger,

il doit crier, pleurer,

il doit dire que la vie

est insupportable sans sa famille !

S'il s'adapte, s'il se résigne

et qu'il oublie sa religion,

vous ne le reverrez plus jamais !

Plus jamais !

MAISON DES CATÉCHUMÈNES

Monsieur Mortara, venez.

Bonjour, Edgardo.

Bonjour, papa.

Tu vas bien ?

Oui.

Tu ne me dis rien ?

Comment se passe ta journée ?

Je vais à l'école,

d'abord la messe tous les matins,

les leçons,

le déjeuner,

la récréation, l'étude...

Il a une mémoire prodigieuse.

Tu nous manques beaucoup, tu sais ?

Maman...

Maman va bien.

Elle allaite Imelda.

Bref, on fait aller.

Riccardo me donne un coup de main
au magasin maintenant,

Ercole a perdu les dents de devant,
il est très rigolo.

Tu m'embrasses ?

Vous ne pourriez vraiment pas
le laisser rentrer chez nous ?

Même juste pour quelques jours.

Ça ne dépend que de vous,

Edgardo rentrera quand vous consentirez
à devenir chrétiens.

Au revoir, papa.

Comment ça s'est passé ?

- Tu as vu Edgardo ?
- Oui, je l'ai vu.

Il va bien,
il m'a même embrassé.

Mais...

Mais quoi ?

Il a donné la main au recteur
et il s'en est allé sans se retourner.

Je ne pouvais pas crier,
sinon ils s'en prendraient à lui.

Je sais, tu penses
que j'aurais pu faire plus.

Mais si tu avais vu la situation,

il ne réussit plus à être spontané,
affectueux,

il a peur.

Si on se convertit, ils nous le rendront.

- C'est toi qui as peur, pas lui.
- Qu'est-ce que tu dis ?

Je veux le voir.

Aronne, Dieu a-t-il un corps comme nous ?

Dieu n'a pas de corps comme nous,
il est pur esprit.

Dieu est seul et unique, Elia ?

Oui, il est unique.

Dans les Dix Commandements il est écrit :
tu n'auras pas d'autre Dieu que moi.

- Et où est Dieu, Gioele ?
- Au ciel, sur terre et en tout lieu.

Parce qu'Il est l'Immense.

Et Dieu est si immensément miséricordieux
qu'Il nous pardonne,

si nous nous repentons sincèrement,
bien sûr.

- Combien de fois ?
- Soixante-dix fois sept fois !

Très bien.

Edgardo, viens au parloir,
ta mère est là.

Edgardo, Dieu sait tout,
même nos pensées.

Comment vas-tu ?

Bien.

Mais comment t'ont-ils habillé ?

C'est l'uniforme du collège,
ils le portent tous.

Papa n'est pas là ?

Non.

Tu manges bien ?

Oui.

Tu n'as pas froid la nuit ?

Non, il fait chaud.

Tu as maigri.

Madame, il a grossi.

Et comment dors-tu ?

Bien.

- Et ça ?
- On me l'a donné.

Mais pourquoi l'as-tu mis ?

Si tu le portes,
ça signifie que tu n'es plus juif.

Votre fils n'est plus juif,
il est chrétien.

Mon fils est juif !

C'est vous qui êtes en train de le tuer !

Vous devriez avoir honte,

honte.

Comme je le craignais,
nous avons eu tort de faire confiance.

Dites-vous au revoir, je vous prie,
sans tarder.

Je te promets
que tu rentreras à la maison.

Tu rentreras chez tes frères,

aies confiance en ta mère.

Je dis le Chéma tous les soirs,
même le matin, je te le jure.

Écoute, Israël, l'Éternel notre Dieu
est le seul Éternel.

Je sais.

Je veux retourner chez mes frères.

Je veux retourner chez mes frères.

Je veux retourner chez mes frères.

Je sais !

Je veux retourner chez mes frères !

Maman !

Je veux retourner chez ma maman !

Reste là !

Je veux rentrer à la maison !

Maman !

Du calme, reste là.

Calme-toi !

Il ne s'est rien passé !

Tu reverras ta mère !

Nous le faisons pour ton bien
et pour celui de ta mère.

Calme-toi, il ne s'est rien passé !

Edgardo, du calme.

Elle se convertira et vous serez réunis
pour toujours.

Tu peux rester calme,
il ne s'est rien passé.

Arrête !

Essaie de rester tranquille,
nous le faisons pour ton bien.

Reste calme. Il ne s'est rien passé !

Tu es un bon garçon, pas vrai ?

Pas vrai ?

Tout ira bien, sois tranquille.

Allez, tu es fatigué.

C'est bien.

Par cette onction sainte
que le Seigneur te pardonne

les fautes que tu as commises, amen.

Par la vue, l'ouïe, l'odorat,

le goût, amen.

Prions pour le petit Simone,

que Dieu a rappelé à Lui
quelques jours après son baptême.

Simone a été très chanceux.

- Pourtant on avait prié.
- Comme nous l'avait dit le recteur.

Nous devons être heureux pour lui.

Alors nous n'avons pas assez prié.

Moi j'ai beaucoup prié,
mais parfois je me suis endormi.

Et il s'unira à son enveloppe mortelle
le Jour du Jugement.

C'était inutile ?

- Qu'est-ce qu'on doit faire ?
- Un salut ou un signe de croix.

Ce n'est pas lui !

Restez calme, il ne s'est rien passé.

Continuons.

Votre Sainteté.

Nous, syndics et rabbin de la misérable
communauté des juifs de Rome,

nous présentons devant le trône
de Vos Excellences et de Votre Sainteté

emplis de sentiments
de soumission sincère et de sujétion.

Avec la prière de nous honorer
d'un regard bienveillant

et de nous autoriser à demander

au Très-Haut de concéder durablement paix

et tranquillité au souverain Pontife

qui règne avec bonheur.

"Soumission sincère et sujétion"...

Quelle belle démonstration de sujétion
vous nous avez donnée l'an passé

quand vous avez mis toute l'Europe
en ébullition pour l'affaire Mortara.

Vraiment, nous...

Oui, vous, juifs de Rome.

Et on soupçonne que vous ayez trempé

dans l'enlèvement raté du petit Mortara,

profanant ainsi la maison de Dieu.

Votre Sainteté, nous y sommes
entièrement étrangers.

Oui, nous enquêterons...

Et vous, Scazzocchio,

vous avez été assez fou,
pour ne pas dire scélérat,

pour infiltrer la presse,
vous avez répandu des mensonges,

vous vous êtes même permis
d'aller à La Civiltà Cattolica.

Mais les journaux peuvent écrire
ce qu'ils veulent.

Vous avez pensé, je le sais,

que ce tumulte serait le meilleur moyen
de servir votre cause.

Mais non ! Ces articles ne sont pas
de notre responsabilité,

je me suis plutôt employé
à limiter leur publication,

j'en ai même fait le reproche
à la famille.

Oui, c'est vrai, je me suis rendu
à la direction de La Civiltà Cattolica,

mais pour éclairer plus justement
certaines circonstances

en raison de ma fonction
de secrétaire de la communauté.

Baissez la voix.

Et agenouillez-vous.

Avez-vous oublié à qui vous parlez ?

Je vous demande pardon, Votre Sainteté.

C'est de nous savoir innocents
qui m'a poussé

à dépasser la mesure.

Attention.

Attention.

Je pourrais vous faire mal, très mal.

Je pourrais vous contraindre
à retourner dans votre trou.

Vous rappelez-vous le portail du Ghetto
fermé du soir jusqu'à l'aube,

ou l'avez-vous déjà oublié ?

Ma pitié à votre égard
est si forte que je vous pardonne.

Je dois vous pardonner.

Je te salue, Ô Reine,
Mère de miséricorde,

Toi qui es pour nous vie,
douceur, espérance.

Vers Toi, nous les fils d'Ève,
nous crions dans notre exil.

Ne bougez pas.

Ce fut une très belle journée

et je suis heureux de célébrer avec vous

la fête de l'Immaculée Conception.

Quelqu'un...

peut me dire ce qu'est un dogme ?

Le dogme est une vérité de foi,

à laquelle on croit
sans poser de question, sans discuter,

car elle vient directement de Dieu.

C'est bien, Edgardo.

Tu m'as coûté cher,
mais tu m'as amplement récompensé.

Dieu a fait un miracle

en confondant
les scélérats qui voulaient t'enlever,

mais heureusement tu es encore avec nous.

Trois, quatre, cinq,

six, sept, huit,

neuf, dix.

Diego, trouvé !

Où est Edgardo ?

Edgardo, où es-tu ?

Où est-il passé ?

Tout le monde est libre !

1859, Bologne s'insurge
contre le gouvernement du pape

Vive l'Italie !

Vive Bologne libre !

Le pape hors de Bologne !

Renversons-la !

Votre Sainteté !

Calmez-vous.

Calmez-vous.

Votre Sainteté.

"Ceux qui ont fomenté
la rébellion dans les provinces

"de notre État pontifical,

"et en ont promu

"l'annexion illégale,

"ainsi que leurs commanditaires,
complices,

"et tout autre personne
qui aurait favorisé

"la réalisation
de ce qui est décrit ci-dessus,

"ont encouru l'excommunication majeure

"et les autres blâmes
et peines ecclésiastiques prévues

"par les canons sacrés.

"Et si nécessaire,

"nous les frappons de nouveau
d'excommunication et d'anathème."

- Révérend, la Garde Royale.
- Je sais.

Que voulez-vous ?

"Feletti Frère Pier Gaetano
de l'Ordre des prédicateurs,

"ex-inquisiteur du Saint-Office,

"par ordre du gouvernement
des Provinces royales d'Émilie,

"je vous déclare en état d'arrestation
pour avoir ordonné la séparation violente

"de l'enfant Edgardo Mortara
d'avec sa famille israélite

"en raison de la déduction d'un baptême.

"Séparation advenue à Bologne,
le soir du 24 juin 1858."

C'est absolument arbitraire.

Je considère mon arrestation

comme provenant
d'une autorité non compétente

en tant que prêtre régulier

et en tant que chargé par le souverain
Pontife de l'Inquisition de Bologne.

Je dois simplement exécuter
l'ordre d'arrestation

et vous conduire à la prison
du Torrone, donc suivez-moi.

Heureux ceux qui ont faim et soif
de justice car ils seront rassasiés.

Heureux les miséricordieux
car ils obtiendront miséricorde.

Heureux les coeurs purs,
car ils verront Dieu.

Heureux les pauvres en esprit
car le Royaume des Cieux est à eux.

Heureux les affligés
car ils seront consolés.

Je suis le juge Carboni.

Vous avez été juge vous aussi,
désormais les lois ont changé,

le nouveau gouvernement a aboli
le Tribunal du Saint-Office...

Qu'y a-t-il ?

Préalablement, j'entends préciser

que les décisions,
les jugements de l'Église

ne sont sujets à aucune autre autorité

inférieure à elle.

Je suis seulement là pour vous demander

comment vous avez su

que le petit Mortara, quoique israélite,
avait été baptisé.

Ces interrogations

touchent à des actes du Saint-Office.

Je n'ai pas de langue pour parler,

lié que je suis par un serment,

le plus sacro-saint...

Mais qui peut avoir informé
l'Église de Rome ?

J'essaie de vous faire comprendre

que je ne peux rien ajouter
à ce que je vous ai dicté.

30 janvier 1860
Tribunal de Bologne

Procès à huis clos
de père Pier Gaetano Feletti,

ex-inquisiteur du Saint-Office de Bologne

Alors, monsieur Mortara,

combien de temps Anna Morisi
est-elle restée à votre service ?

Environ six ans,
avec quelques interruptions.

Quand Edgardo est tombé malade,

est-ce Morisi qui a veillé sur lui ?

Non, jamais.

Edgardo était toujours dans le berceau
près de notre lit, jour et nuit.

Anna Morisi dit avoir baptisé votre fils

alors qu'il était mourant,
quand il avait six mois.

Je ne sais pas.

Personne n'était présent.

Mais je sais qu'il a été baptisé à Rome
en présence du pape,

et qu'il est impossible
de baptiser un enfant deux fois.

Puis-je intervenir ?

Il est probable qu'il ne s'agisse pas
d'un véritable baptême,

mais d'un rite d'accueil,

de confirmation,
pour confirmer, justement...

Non, c'était un baptême, nous avons
les dates, les documents et le lieu,

la chapelle palatine.

Ne nous égarons pas !
Répondez à ma question.

Dans cette circonstance,
votre fils était en danger de mort ?

Mon fils n'a jamais risqué de mourir,

le docteur Sgravoni peut en témoigner.

Docteur Sgravoni, combien de temps
le petit Mortara est-il resté malade ?

Deux ou trois jours tout au plus.

Dans sa déposition,
Anna Morisi prétend pourtant que l'enfant

était malade depuis deux mois
et que son état s'était aggravé.

Je ne l'ai jamais trouvé
dans un état grave.

Je ne lui ai rendu qu'une seule visite
et il s'agissait de peu de chose,

à savoir une fièvre vermiculaire.

- La fièvre était forte ?
- Rien d'alarmant.

Monsieur Lepori, vous rappelez-vous
avoir conseillé à Anna Morisi

d'administrer le baptême
à Edgardo Mortara ?

Non, je ne me rappelle pas avoir
jamais conseillé à qui que ce soit,

encore moins à Anna Morisi,

d'administrer le baptême
au petit Mortara.

Avez-vous été convoqué
par monseigneur Feletti

pour témoigner de la rencontre
qui aurait eu lieu

entre vous et Anna Morisi
dans ces circonstances ?

Jamais.
Et puis, pour témoigner de quoi ?

Cette rencontre n'a jamais eu lieu...

Anna Morisi soutient
que vous en avez parlé avec elle.

Ce n'est pas vrai, c'est une menteuse.

Mon mari gère le Caffè Brera,
au coin de la rue Lame,

là où habitent les Mortara.

Je connaissais bien leur servante,
mademoiselle Morisi.

Madame Morisi.

Elle est mariée et a un enfant.

À l'époque, Anna était très complaisante

avec les officiers allemands
en garnison à Bologne.

Une fois, elle avait mis dans son lit
un petit soldat autrichien.

Sa chambre était dans la maison Mortara.

Le jour suivant, quand elle m'a croisée,

elle m'a tout raconté.

Puis, effrontément, à voix haute :

"Oh, quelle baise !

"Madame Rosina, quelle belle baise
qu'on s'est faite cette nuit !"

- Où est maman ?
- Elle s'est couchée.

Rangez un peu.

Tu ne viens pas manger ?

Je n'ai pas envie.

Comment ça s'est passé ?

Très bien.

Il n'y a pas de témoins du baptême,

ce qui signifie que Feletti a commis
un abus de pouvoir.

J'ai raconté le second baptême
au Vatican.

Et puis, ils ne pouvaient pas emmener
un enfant de moins de sept ans,

c'est dans le droit canonique.

Ça, j'ai oublié de le dire.

Il est toujours là-bas à Rome, tout seul,

ils le remplissent de mensonges.

Ils me rendront mon enfant
après tous ces bavardages ?

Ils nous le rendront, tu verras.

Après la condamnation de Feletti,
le pape négociera.

Ils doivent nous le rendre,
sinon des émeutes éclateront.

C'est ça, des émeutes...

Tu te fais des illusions.

Allez, mange avec nous.

Non, je ne viens pas.

Vas-y toi, ils t'attendent.

Mets ta kippah.

Tu ouvres ta main

et tu rassasies à souhait
tout ce qui a vie.

J'offre de souffrir les peines

qui pourraient être infligées

aux personnes impliquées dans l'affaire,

y compris le juif Momolo Mortara.

Madame Morisi,

pourquoi n'est-ce qu'après six ans

que vous avez senti le besoin
de révéler à monseigneur Feletti

que vous aviez baptisé Edgardo Mortara ?

- Pourquoi avoir autant attendu ?
- Je suis une bonne chrétienne.

Je l'ai fait pour soulager ma conscience
qui me pesait.

C'est pourquoi vous l'avez baptisé ?

Pour faire de lui un chrétien,
pour qu'à sa mort son âme soit sauvée.

Et qui vous a enseigné
la formule consacrée ?

M'sieur Lepori, l'épicier,

à qui j'avais demandé conseil,
il me l'a apprise.

Monsieur Lepori nie vous avoir suggéré
de le baptiser.

Mais c'est lui qui me l'a apprise !

Essayez de parler
de façon compréhensible.

Une nuit, j'ai vu les Mortara

prier à côté du berceau d'Edgardo.

Ils avaient en main le livre qu'y lisent
quand l'un est sur le point de...

de mourir.

Le lendemain j'suis allée
à la boutique de m'sieur Lepori,

et y m'a dit de le baptiser,

pour qu'il aille au paradis.

Si quelqu'un meurt sans être baptisé,
il va dans les limbes.

- Il ne brûle pas en enfer ?
- Non, il va dans les limbes.

Là, il n'y a pas de flammes...
c'est difficile à expliquer.

Mais si tu ne le baptises pas,
c'est toi qui commets un péché mortel.

Mais comment je fais pour le baptiser ?

C'est facile, tu prends un peu d'eau,
tu verses quelques gouttes,

pas beaucoup, sur la tête d'Edgardo
et tu dis ces mots :

"Je te baptise au nom du Père, du Fils...

"du Filleul, et du Saint-Esprit."

Poursuivez.

Après, je refaisais les lits,

quand j'ai entendu

qu'Edgardo était seul dans la chambre...

J'ai pris de l'eau dans une carafe
qu'était posée sur un banc.

Et puis...

en un instant, je l'ai baptisé.

Je te baptise au nom du Père,

du Fils et du Saint-Esprit.

Monsieur Mortara, je suis désolée,
vous avez toujours été bon pour moi...

Adressez-vous à moi.

J'pensais pas causer tant de chagrin.

Adressez-vous à moi.

Anna, soyez sincère,

vous n'avez révélé le baptême

qu'après six ans à monseigneur Feletti
car il vous a offert de l'argent.

Non, je n'ai jamais rien eu.

Soyez sincère, c'est mieux pour vous.

Oui, c'est vrai, j'ai eu des sous !

J'avais besoin d'une dot,
et de nourrir mon fils !

J'ai dit beaucoup de mensonges,
mais moi cet enfant, je l'ai baptisé !

Ça me faisait de la peine,
je l'aimais cet enfant !

Comme ça, il allait pas dans les limbes,

même s'il serait seul au paradis
vu que vous êtes juifs,

son âme était sauve.

Vous avez reçu dans cette maison
deux sacrements,

la confession et la communion.

Samedi vous recevrez
un troisième sacrement,

la confirmation, qui fera de vous ?

Des soldats du Christ.

Non seulement des chrétiens,
mais des soldats du Christ.

Et cela vous engagera
à ne jamais le renier.

Et à sacrifier même en son nom...

quoi ?

La vie.

Et à accepter jusqu'au ?

Martyr.

Qu'a répondu Pie IX aux protestations

contre la prise du petit Mortara ?

"Non possumus".

Ce sont ses derniers mots.

Il ne pouvait pas en proférer
un seul autre.

L'ordre est donc venu du pape

et le père Feletti était forcé
de l'exécuter.

Comment peut-on reprocher à un magistrat

d'avoir simplement appliqué
la loi inhérente à son office ?

Quand cet office existait encore.

Le gouvernement qui succède à l'ancien
peut annuler des lois qui lui déplaisent,

pas incriminer celui qui les exécutait
et les faisait respecter.

De plus, on a cherché à discréditer
Anna Morisi de toutes les manières,

en lui attribuant les pires vices,

d'être une voleuse, une prostituée...

une ingrate, une irresponsable.

En admettant qu'Anna Morisi ait été,

six ans après, voir monseigneur Feletti

et lui ait révélé son secret par intérêt,

cela ne change rien en substance

au fait que le baptême a eu lieu.

On a dit que mon client n'avait pas fait
d'enquête suffisante,

qu'il n'avait pas entendu de témoins.

Anna Morisi est témoin unique

et son seul témoignage ne suffit pas.

Quand il s'agit de baptiser,
même un seul témoin est suffisant.

Soit entendu que par unique témoin,

par la nature même de l'acte,

on entend le baptisant lui-même.

J'ai fini, votre Honneur.

- Félicitations, maître.
- Merci.

La Cour.

15 février 1860

Prions.

J'aurais dû dire qu'Edgardo

n'avait pas sept ans
quand il a été enlevé.

Ayant invoqué le saint nom de Dieu,

le Tribunal déclare
que dans la soirée du 24 juin 1858

fut enlevé par la force publique

aux époux israélites
Salomone Mortara et Marianna Padovani

Edgardo, leur fils,

et que la soustraction
vint d'un ordre de l'autorité

qui, hors du contrôle de l'accusé,
ne peut lui être reproché.

Elia, je te signe
du signe de la croix

et je te confirme du chrême du salut.

Au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit.

La paix soit avec toi.

Il n'y a donc pas lieu d'incriminer

l'exécuteur de la susdite soustraction,
le père Feletti,

de l'Ordre des prédicateurs,
alors inquisiteur du Saint-Office.

En conséquence, le Tribunal ordonne
qu'il soit libéré de prison.

Qu'est-ce que ça signifie ?

Que nous avons perdu
et que la ligne de la défense a gagné,

mais c'était une étape importante,

nous avons mis sur le banc des accusés
un juge de l'Inquisition,

un nom qui terrorisait
rien qu'à l'entendre prononcer.

Ce procès entrera dans l'histoire.

Mais mon fils ?

Nous le libérerons
quand nous libérerons Rome.

10 ans plus tard.

Votre Sainteté !
Vous vous êtes fait mal ?

Relevez-le.

Du fond de l'abîme je t'invoque,
ô Éternel.

Seigneur, écoute ma voix.

Avance.

Mais qu'as-tu fait ?

Il ferait beau voir que j'aille dire

qu'Edgardo Mortara a voulu tuer le pape,

après que le pape l'a tant aimé.

Tu dois faire pénitence.

Agenouille-toi.

Embrasse la terre.

Ça ne suffit pas.

Fais trois croix avec la langue
sur le sol.

Voyez comme il a obéi ?

Rappelez-vous,
les prêtres font voeu d'obéissance.

À présent, je te bénis.

Mais fais plus attention
la prochaine fois.

19 septembre 1870

L'avant-garde de l'armée italienne
aux portes de Rome

Les Français nous ont donc abandonnés.

Tout le monde nous a abandonnés,
Votre Sainteté.

Mais nous ne pouvons pas nous rendre
au premier coup de canon,

nous devons combattre

et démontrer
que nous n'avons pas peur d'eux !

À la guerre, le tribut en vies humaines
est inévitable,

il est même nécessaire !

C'en est fini.

C'en est fini de nous.

Si par espoir de nous sauver
nous commençons à céder,

on nous en demandera toujours plus.

Aujourd'hui nous perdons la crosse,

demain nous céderons la chasuble,

nous donnerons la tiare

et nous ne serons pas sauvés pour autant.

Ils veulent nous ensevelir.

Autant aller dans la fosse

avec tous les signes et la dignité
de notre grandeur passée.

Allons-y.

- Où, Votre Sainteté ?
- À l'Escalier Saint.

Je viens aussi.

Non, vous êtes trop intelligent.

Dans la pire des hypothèses,
essayez de sauver le trésor.

Allons-y.

Vous, restez ici.

Priez en silence, s'il vous plaît.

AINSI FAUT-IL QUE SOIT ÉLEVÉ
LE FILS DE L'HOMME

20 septembre 1870

- Sainte Mère de Dieu.
- Priez pour nous.

Sainte Vierge des vierges...

Edgardo.

Que veux-tu ?

Je te ramène à la maison.

Je ne rentre pas.

Qu'est-ce que tu dis ?

Ma maison est ici.

Je ne reconnaîtrai jamais ton roi,
car c'est un usurpateur.

Je ne sais pas comment tu peux porter
cet uniforme d'assassin.

L'Histoire estampillera vos crimes
en lettres de feu,

et exaltera la grandeur du Saint Père,

grand comme Christ
face à Pilate et Hérode.

Comment peux-tu être du côté
des criminels qui t'ont enlevé ?

Ce n'était pas un enlèvement.

- C'était un choix libre.
- Un choix libre ?

À six ans ?

Je suis heureux que le christianisme
soit ma religion désormais.

Je ne crois à aucune religion !

Tu as été arraché à nos parents !

En les reniant ainsi, tu les insultes,
honte à toi !

Je n'ai insulté personne,

je n'ai pas de motif de honte.

Je sais très bien que maman et papa
ont beaucoup souffert,

mais je suis désormais
maître de ma propre vie.

Le baptême m'a sauvé.

Maintenant va-t'en, mon frère.

Va-t'en.

Edgardo, nous nous en allons.

Vierge Mère, me voilà.

Giovanni Maria, dors-tu ?

Giovanni Maria, dors-tu ?

Giovanni Maria, dors-tu ?

Le pape est vraiment mort.

7 février 1878

La dépouille de Pie IX est transférée,
trois ans après sa mort,

de Saint Pierre
à la basilique Saint Laurent.

Dans le Tibre !

Criminel, dans le Tibre !

Il aurait mieux valu se faire escorter
par des gendarmes.

Le pape ne veut pas de leurs milices,

nous refusons la protection
du Royaume d'Italie.

Au Tibre, le porc !

Il fallait le guillotiner !

Que faites-vous ? Arrêtez !

Arrêtez ! Laissez-le en paix !

Laissez-le !

Il est mort !

Il est mort ! Arrêtez !

Laissez-le en paix ! Il est mort !

Laissez-le en paix. Il est mort !

Il est mort !

Laissez-le en paix, il est mort !

Arrêtez !

Edgardo !

Oui.

Jetons-le au Tibre ce pape.

Ce porc de pape ! Jetons-le !

Jetons-le dans le Tibre !

Dans le Tibre !

Dans le Tibre !

Porc !

Saloperie !

Où est-elle ?

Viens.

- Tu veux boire quelque chose ?
- Non, merci.

- Attends ici.
- D'accord.

Ils ont besoin de rester seuls.

Viens.

Maman.

J'ai tant attendu ce moment.

Tu m'as donné la vie.

Et moi...

avec le baptême...

je te la rends.

Je suis née juive

et je mourrai juive.

Écoute, Israël,

l'Éternel notre Dieu
est le seul Éternel...

Qu'est-ce que tu voulais faire ?

Notre mère est en train de mourir
et tu insistes encore ?

Ça ne te suffit pas
de lui avoir gâché la vie ?

Tu n'es même pas venu
à l'enterrement de notre père.

Tu n'as pas honte ?

Béni soit le juge de la vérité.

Et ces commandements,
que je te donne aujourd'hui,

seront dans ton coeur.

Don Pio Maria Edgardo Mortara
a poursuivi jusqu'en 1906

sa vie de prédication
et son activité missionnaire.

La même année il se retire chez les
chanoines réguliers de Bohay, en Belgique

où il est mort le 11 mars 1940,

à presque 90 ans.

L'ENLÈVEMENT