All language subtitles for B-Movie Lust Sound In West-Berlin 1979-1989 (2015)_fr

Ce film relève de la fiction.

Toute ressemblance avec des personnes
réelles est purement fortuite et voulue.

- Allemagne !
- Lève-toi, allez.

- Allemagne !
- Lève-toi.

Terrible.

Chers parents,

je suis bien arrivé à Berlin-Ouest.

Je suis épuisé,
mais complètement euphorique.

C'est une machine à remonter le temps...

En écrivant ces lignes à mes parents
en octobre 1979,

je n'imaginais pas l'emprise
que cette ville allait avoir sur moi.

Je suis Mark Reeder et mon histoire
avec Berlin-Ouest commence à Manchester.

Manchester était laide, pauvre,
sale et désespérée.

Mais j'y ai grandi et elle m'avait façonné,

surtout en matière de musique.

L'avenir paraissait bien sombre.

Les usines fermaient une à une.

Manchester était K.-O.

Pendant la guerre,
ma mère travaillait dans l'armement.

Elle montait les bombardiers
qui détruisirent Berlin et l'Allemagne.

Je ne connaissais l'Allemagne
que par la télé

où on la réduisait au maléfique passé nazi.

Ces images ont marqué
les gens de ma génération.

On jouait avec ces images.

On portait des uniformes
ou même des croix gammées.

Tout pour emmerder nos parents.

Après des années de calme plat,
le punk rock nous frappa de plein fouet.

Les Buzzcocks et les Sex Pistols
nous ouvrirent la voie.

La musique semblait être
la seule issue de sortie.

Du coup, tout le monde en jouait,
du moins parmi mes amis :

The Buzzcocks,
Throbbing Gristle,

The Fall,
mais aussi Ian Curtis de Joy Divison

et le présentateur Tony Wilson,
créateur du label Factory Records.

Moi aussi, j'avais un groupe :
The Frantic Elevators.

Notre chanteur, Mick Hucknall,

finit par avoir un peu plus de succès
avec Simply Red.

Je travaillais dans l'épicentre musical
de Manchester,

chez le petit disquaire de la Lever Street.

C'était un îlot de félicité.

Un lieu où les fans de musique
venaient traîner

et s'imprégner des dernières nouveautés
du monde entier.

On nous volait ou cassait
nos casques en permanence,

alors on a bricolé des appuie-têtes
avec des haut-parleurs intégrés.

Comme il y avait très souvent
plus d'une personne à la fois,

ça faisait un boucan infernal.

Monte le son, j'entends rien !

C'était génial. C'était le job de mes rêves
et on me payait pour.

C'était presque parfait.

Mais malheureusement,
j'avais été contaminé...

j'avais attrapé
la maladie des imports allemands :

les Cosmic Jokers, Neu !,
la synthé de Klaus Schulze,

les pionniers de l'électro de Kraftwerk
et les Tangerine Dream de Berlin.

C'était ça ma musique :
des synthés sombres venus d'Allemagne.

Ça m'électrisait. Je voulais absolument
aller à Berlin pour en découvrir plus.

Alors je décidai de quitter Manchester
et mon petit magasin de disques.

Goodbye Manchester, Guten Tag Berlin.

PERDU ET RETROUVÉ

LUXURE ET MUSIQUE
À BERLIN-OUEST 1979-1989

Il a d'abord fallu que je m'y rende
ce qui en soi allait être une aventure.

Aller en Allemagne de l'Ouest était facile,
mais une mer rouge me séparait de Berlin :

l'Allemagne de l'Est communiste,
la RDA.

L'Est me parut gigantesque,

car le trajet monotone sur l'autoroute
passa à une extrême lenteur.

Par dessus ce bruit, la radio crachait
des codes incompréhensibles

probablement destinés
aux espions sur le terrain.

Après des heures de bachotage abrutissant,
je savais compter jusqu'à 10 en allemand.

Bon, je connaissais les nombres,
mais pas dans l'ordre.

Après ce qui sembla durer une éternité,
la frontière berlinoise apparût enfin.

Vous recevez Radio Berlin.
Voici le journal.

Le défilé de l'armée de RDA a marqué

le début des festivités
du 32e anniversaire de la RDA.

Bon sang !

Je n'avais jamais vécu
de contrôles aussi stricts.

On se serait cru
dans un mauvais film d'espionnage.

J'avais de la chance,
le méchant douanier me laissa passer.

Puis enfin... Berlin-Ouest !

C'était encore mieux
que ce que j'avais imaginé.

Je sentais la ville palpiter.

À chaque coin de rue,
il se passait des trucs.

Même les Péruviens étaient différents.

Berlin se montrait sous
ses meilleurs côtés.

Je ne rencontrais que des gens cool.

Souvent, on ne se comprenait pas,
mais ils étaient sympas et accueillants.

- La baise, c'est fun !
- Crétin ! Va te branler !

Me filme pas, connard !

Mais d'abord, plantons le décor.

Ce film raconte l'époque
des discothèques à rollers,

des poils pubiens pour les filles
et des permanentes pour les garçons.

On fumait dans les bars et à la télé.

On avait tous une platine et un baladeur.

Il y avait des squats,
la capuche n'était pas interdite.

Il y avait la RAF,
des cabines téléphoniques bourrées,

les Polaroids,
pas de lave-vaisselle,

les films en Super 8,
les lois homophobes, le deutsche mark,

la RDA, le Mur

et Berlin-Ouest.

Déjà oublié ? On dirait.
Ou alors vous avez rater les années 1980.

J'y étais, moi. Au beau milieu.

Et je m'en souviens assez bien.

Du moins, je l'espère.

Nous vivons dans un état informatique.

Berlin était encore
plus ravagée que Manchester.

Certains quartiers étaient restés
comme en mai 45.

L'histoire était palpable partout.

J'étais curieux de découvrir la ville,
ses habitants,

et bien sûr, sa musique.

Tout était tellement différent,
sans concessions.

Peu après mon arrivée,
je suis allé voir l'un de mes héros,

Edgar Froese de Tangerine Dream.

Il fût un pilier pour Bowie
quand il vivait à Berlin.

J'avais le trac.

Edgar n'était pas chez lui.

J'appris plus tard qu'il jouait
en Angleterre. Pas de pot !

Frustré, je partis en quête

des endroits fréquentés par Bowie et Iggy.

Bowie n'avait pas exagéré.

À l'époque,

on vivait quasiment une vie de bohème...

Je crois que la plupart des gens
que je connaissais étaient des artistes.

Ce genre de personnes ou d'endroits
n'existaient pas ouvertement à Manchester.

Mais ces drôles d'oiseaux
ne vivaient pas que la nuit.

Même en plein jour,
on pouvait les entendre chanter.

Tulipes orageuses en lisière du ruisseau.

La salamandre rentre dans son trou.

Les roses brûlent
dans la lumière flamboyante.

La vie s'arrête quand la furolle te pique.

Silke, que j'avais rencontrée en stop,
me montra la ville en voiture...

avec son copain comme chauffeur.

Bon, je m'appelle Silke.

Je suis née à l'Est, mais je vis
dans la partie ouest de la ville.

Je m'appelle Jochen.

Je suis venu à Berlin

pour échapper au service militaire

et pour voir les squats
dont tout le monde parle.

Et puis...

Maintenant j'habite ici et je ne fais rien.

- On va tester cette bagnole.
- C'est pas la nôtre !

J'avais du mal à suivre,

mais j'avais retenu quelques mots :

Kaputtniks

ou Radikalinski.

Berlin rendait claustrophobe,
il y avait une ambiance quasi surréaliste.

C'était une ville austère et froide,
où planait une atmosphère intense.

Voici la Oranienstrasse,

la rue principale du quartier de Kreuzberg.

80% de magasins turcs.

C'est le début du parcours touristique.

Les 50 centimètres au pied du Mur
appartiennent l'Est.

Tout le monde fait des graffitis dessus.

Mais maintenant le gouvernement
donne beaucoup d'argent

à des artistes étrangers pour le peindre.

"Détruis ce que tu ne comprends pas."

"Propriété de la classe 10B."

"Nous avons tous
besoin de lumière pour vivre."

Comme pour les autres touristes, ma visite
s'achevait là, au pied du Mur de Berlin.

Nous apercevons désormais le Mur de Berlin.
Il se trouve juste devant nous.

Derrière le Mur, la tour de télévision,
de la RDA, 4e plus haute du monde.

Après la guerre,

Berlin a été partagée
entre les quatre puissances alliées.

Les Russes ont eu Berlin-Est,

tandis que Berlin-Ouest
a été répartie entre

nous, les Américains et les Français.

VOUS QUITTEZ LE SECTEUR AMÉRICAIN

Le Mur traverse Berlin
sur une distance de 45 km

et entoure la ville
sur une longueur de 115 kilomètres.

Il mesure en moyenne 3,5 mètres de haut,

ses fondations s'enfoncent
d'un mètre dans le sol.

Regarde où tu vas, abruti !

Veuillez retirer vos écouteurs pour marcher,
courir ou conduire sur la base militaire.

Décret de l'armée numéro 385/55
sur la sécurité routière.

Une autre manière de l'armée
d'assurer votre sécurité.

Le meilleur son de la ville : 88 FM.

En cas d'intervention
des forces est-allemandes,

nous ne pouvons pas garantir
pour votre sécurité.

Veuillez quitter immédiatement
le territoire de RDA.

Berlin n'était pas belle,

mais terriblement sexy !

Mon guide me trouva une place
dans un squat près de Nollendorfplatz.

Au lieu d'une clé normale,
on me donna un passe-partout.

Le concept me plaisait bien.

Ça faisait six fois mon ancien appartement
et c'était gratuit,

ce qui rentrait fort bien dans mon budget.

Les appartements berlinois étaient
spartiates et quasiment jamais meublés.

Les pièces faisaient 4 mètres de haut,
mais on vivait au sol.

On était mobiles,
toujours prêts à repartir.

Bien sûr, cet appartement
parfaitement situé et totalement gratuit

avait ses petits inconvénients.

À l'extérieur,
sous nos fenêtres et dans nos cours,

l'ours de Berlin dansait.

Nous faisions la guerre
aux gardiens de la paix,

mais nous allions verser des larmes.

Notre quartier était devenu
la base d'entraînement des autorités.

On nous pourchassait en cars verts
et nous ripostions.

Au bout d'un temps,
ce jeu finit par nous lasser.

Au lieu de me décourager, cela me plongea
un peu plus dans la vie nocturne.

J'étais tombé les deux pieds dedans.

C'est là que je fis la connaissance
du plus allemand des Allemands :

Heino, le "vrai Heino".

On disait qu'il avait un double maléfique
qui chantait de la variété allemande.

Je ne connaissais que l'original.

Je rencontrai aussi
le réalisateur Jörg Buttgereit,

avec qui on tourna quelques films gores.

La plupart de ses films avaient été mis
à l'index par les autorités.

Le vrai Heino avait un magasin de disques,
le "Scheissladen",

le "magasin de merde".

On y trouvait des disques indés, importés,
piratés et aussi des cassettes.

Grâce à Heino, je fis ma première
découverte musicale berlinoise :

Die Toten Hosen.

Ils foncent

sur les routes.

Et les rues

sont désertes.

OK, ils étaient de Düsseldorf,
mais ils passaient leur temps à Berlin

et je finis par devenir
leur ingénieur du son.

Petite frappe, oh Baby,
Baby, petite frappe,

oh Baby, Baby, petite frappe,

on dit que c'est des petites frappes,
yeah, yeah, yeah, yeah !

Je vivais un rêve éveillé.

J'étais à Berlin, j'avais un appartement

et la musique me rapportait
quelques deutsche marks.

Mais il manquait un truc :
une copine berlinoise.

Mon premier rencard allemand
aurait pu y remédier.

MOI, CHRISTIANE F.
13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE

J'attendais beaucoup de ce rendez-vous.
Mais la fille ne vint pas.

Alors je finis par donner son ticket
à une autre.

Mon inconnue me plaisait bien.

Mais elle ne parlait pas anglais,
et moi, pas allemand.

Dommage.

- Je veux me piquer aussi.
- Je crois pas, non.

Que je sniffe ou que je me pique,
quelle différence !

Et comment.
Un shoot, c'est super violent.

J'aurais pu lui parler de Bowie.

Tu me files ta seringue ?

Et elle aurait pu me
parler de Christiane F.,

héroïne d'un film avant
même d'avoir 20 ans.

Je sortais souvent, au "SO36" par exemple,

un des clubs les plus en vue,
situé en plein Kreuzberg.

Les groupes les plus déjantés
venaient y jouer.

À les regarder sur scène...

Quoi ? Vous avez plus de bière ?

On sentait que ces artistes
étaient toujours sur le fil,

pas seulement dans leur musique,
mais aussi dans leur existence.

C'est là que j'ai rencontré Gudrun Gut.

C'était le moteur de la scène berlinoise,

toujours à l'origine de nouveaux projets.

Le dernier en date était un groupe féminin.

On n'avait jamais rien vu,
ni entendu de pareil.

Soulève mes mains, soulève mes bras.

Soulève mes épaules, soulève mes jambes.

Soulève mes cuisses, soulève ma poitrine.

De l'eau claire et fraîche.

Soulève mes mains, soulève mes bras.

Soulève mes jambes, soulève mes cuisses.

Soulève ma poitrine.

Je ferme les yeux.

De l'eau claire et fraîche...

Les filles étaient peu conventionnelles.

Résolument différentes.

On n'est ni un groupe new wave,
ni un groupe punk,

ni... On est quoi au juste ?

On va pas se coller une étiquette.
On fait la musique

qui nous plaît,
sans chercher à suivre la mode.

Même si Joy Division est très à la mode,
on va pas faire la même chose.

À l'époque, je travaillais
au "Zensor" à Schöneberg.

Je vendais des disques.

Les gens n'avaient
que Joy Division à la bouche

et ça m'énervait tellement.

Tout le monde voulait du Joy Division,
sinon rien.

C'était presque comme vendre du Madonna.

J'en pouvais plus de Joy Division.
Pour moi, c'était de la merde.

C'était beaucoup trop populaire.
Mais un sacré truc, quand même.

Ils étaient presque des héros à l'époque.

Je savais que Berlin plairait beaucoup
à Joy Division et Ian Curtis.

En tant que représentant
du label Factory Records à Berlin,

j'organisai un concert au cinéma Kant
pour mes potes de Manchester.

Le seul concert de Joy Division à Berlin
fût un véritable flop.

Il y avait à peine 150 spectateurs.

Mais le groupe s'amusa quand même.

Leur chanson "Komakino"
est le récit de leur expérience berlinoise.

Ian Curtis traversait
une période difficile,

comme Bowie, lorsqu'il se retira à Berlin
pour chercher l'inspiration.

Ce fut l'un de leurs derniers disques
et n'existe qu'en flexi disque.

Quatre mois plus tard, Ian était mort.

Il se pendit à seulement 23 ans.

Ce fut très dur pour moi.

C'était comme si un monde s'écroulait.

Mais une chose était sûre :
je ne voulais pas retourner à Manchester.

Berlin s'était emparée de moi.

Le groupe Ideal décrivait sa beauté
comme personne, grâce à leur hymne pop,

"Wir stehn auf Berlin",

"On est dingues de Berlin".

Leur musique était unique,
très différente de celle des anglo-saxons.

Au début, je chantais en anglais,

car c'était plus facile de se cacher
derrière des "baby" et des "ooh ah".

Mais en chantant en
allemand, on se met à nu,

car le public comprend les paroles.
Le public le sent si on ment.

C'était le début de ce qu'on allait appeler
la "neue deutsche Welle".

la "nouvelle vague allemande".

Après ça, tous les groupes allemands
se mirent à chanter dans leur langue.

J'avais vu Ideal à un concert
de soutien aux squatteurs de Kreuzberg.

L'évènement avait pour but
d'attirer l'attention des médias.

MIS EN ÉTAT DE SQUAT

Le nombre de squats
dépassa vite le Sénat de Berlin,

qui avait ses recours
pour les faire évacuer.

Veuillez retourner derrière la barrière.
Reculez, s'il vous plaît.

- Un instant !
- Allez de l'autre côté.

Une manifestation contre les expulsions

devint le théâtre d'un évènement tragique.

Chassée par la police, la foule
s'est dirigée vers la Potsdamer Strasse,

où le trafic n'avait pas été interrompu.

Klaus-Jürgen Rattay, 18 ans,
est renversé par un bus, il meurt.

Ce fut un véritable choc, qui
radicalisa la communauté des squatteurs.

Inflexible, le Sénat eût la brillante idée

de renforcer les prérogatives de la police.

Tout d'un coup,
les flics portaient des gilets pare-balles.

Ils ressemblaient à des RoboCops.

En réponse, les squatteurs militèrent
avec plus d'acharnement.

Du pain béni pour les médias.

ÉMEUTES À BERLIN :
PREMIÈRE VICTIME

Mais la vie continua.

On filait sur les rails de la nuit,

mangeant des space cakes
et sniffant du speed bon marché.

Tout était "geil", "génial",

un des mots les plus importants
que j'ai appris.

Mais toutes les nuits avaient une fin.

Ensuite, il fallait affronter la journée.

C'était quoi la suite ?

Mon job de représentant de Factory Records
ne m'occupait pas à plein temps.

Et puis, je voulais plus
qu'une part du gâteau,

je voulais toute la boulangerie.

ON VEUT PLUS QU'UNE PART DU GÂTEAU,
ON VEUT TOUTE LA BOULANGERIE

En plus, j'étais obnubilé
par le groupe de Gudrun, Malaria !

La guerre est là,
mais pour un jour seulement,

demain tout redeviendra normal,

rien n'est perdu...

Qu'est-ce qu'il y a ?

Alors j'ai postulé pour...
Pour quoi exactement ?

Mark Reeder était notre manager.

Enfin pour ce que ça veut dire.

À l'époque,
le métier n'était pas professionnalisé.

Il était Anglais,
connaissait le monde de la musique,

et le milieu était petit.

C'était un mec dynamique.

On lui a plu et il nous a aidées.

Il ne voulait pas qu'on l'appelle manager,
mais il l'était.

On disait : "Mark Reeder est
notre manager." Ça sonnait bien.

Je m'occupais du son, des salles de
concerts et de la première partie.

J'étais leur homme à tout faire.

Au début, on se lâchait complètement,
on faisait juste du bruit.

On s'est enregistrées
et on a écouté les cassettes,

et à partir de là, on a essayé
de développer notre propre son.

Les filles de Malaria ! étaient
différentes, androgynes et mystérieuses,

mais surtout, très originales.

Les gens venaient pour voir des filles
jouer, mais pas pour notre musique.

L'argent gouverne le monde.

Notre musique est plus violente
que celle des mecs, plus brutale.

Je préfère travailler avec des filles,
plutôt qu'avec des mecs.

Les mecs veulent toujours
te dire ce qui est bien ou pas,

mais je crois que
je le sais très bien moi-même.

Gudrun ne faisait pas que de la musique.

Elle tenait aussi une boutique de fringues
sur la Goltzstrasse.

Elle devint le point de rencontre
de notre petite scène.

La boutique avait un locataire
qui dormait sur un vieux matelas :

Blixa Bargeld.

Blixa était un personnage fantaisiste,
même pour Berlin.

C'était un ami proche de Gudrun.

Le soleil brille, les oiseaux chantent,

le monde est beau, les gens sont bons.

Berlin-Ouest était
un îlot de créativité un peu à part,

mais c'était ma seule référence.

Tout le reste était juste
différent de Berlin-Ouest.

Les loyers étaient bien moins chers
qu'ailleurs en RFA.

On pouvait survivre
avec un minimum d'argent à Berlin-Ouest.

Et en même temps,
cette atmosphère a attiré beaucoup de gens,

d'Allemagne de l'Ouest et d'ailleurs,
et les a poussés à rester à Berlin-Ouest.

Malaria ! vient de sortir son propre album.

Voici donc un morceau du disque
"Die Hausfrauen - New-York Berlin".

J'avais déjà envoyé une démo
au célèbre DJ anglais, John Peel.

Désormais, mon amie Muriel Gray voulait
faire un documentaire sur Berlin-Ouest

pour la télévision anglaise.

On voit ici une frontière
entre deux entités politiques,

mais ça ressemble juste à un mur de jardin.

- C'est le rideau de fer !
- Je sais, le fameux !

Quelle est la différence, s'il y en a une,

entre les musiciens de Berlin
et ceux de Grande-Bretagne ?

Il y a une grosse différence.
En fait, il y a...

Les artistes ne cherchent pas
à faire partie d'un seul groupe.

Ils aiment bien passer de l'un à l'autre,
changer de groupe.

Donc ces gens jouent
dans des tas de groupes différents ?

Oui, c'est comme un groupe géant.

Muriel n'en revenait pas.

L'île de Berlin-Ouest
n'avait rien à voir avec l'île anglaise.

L'instant, la liberté et la créativité

comptait plus que le succès commercial.

Notre devise : "Vas-y, fonce."

Je me contorsionnais tant et plus
pour sortir de la rondeur du trou.

Les mains butées refusaient
de voir tomber le joyeux gobelet.

Voir tomber le joyeux gobelet !

De l'ignoble trou émergeait
une créature hideuse qui se mit

à ronger ma chair.
Seuls restèrent les os dénudés !

Seuls restèrent les os dénudés !

Muriel était ravie. Quelques artistes
seulement se la jouaient inaccessibles.

Il y a une raison particulière
pour laquelle tu veux filmer Berlin ?

La ville m'intéresse, c'est tout.

Tu crois qu'à travers un film
on peut comprendre ?

Tu veux filmer l'essence de Berlin ?
Ça me paraît impossible...

Bien sûr que c'était possible.

Il fallait juste réussir à rentrer
au "Risiko".

Blixa bossait au bar

et faisait boire ses clients
jusqu'à ce qu'ils s'écroulent.

La vie nocturne de Berlin
est assez exceptionnelle.

Ça commence à minuit,
pour finir vers 9h du matin.

Il n'y a pas que des repères de "punks"...
Le terme n'est pas très apprécié.

Il y a aussi des bars, des cafés, etc.

Ce qui explique ma mine de déterrée.

Allez jetez un œil
pendant qu'on finit nos verres.

- C'est vraiment ça Berlin ?
- Oui, c'est ça Berlin.

Excusez-moi.
Christiane ? Voici Christiane F.

- Qu'est-ce que tu fais à Berlin ?
- Deux secondes... Mark !

- Traduction !
- Voilà.

Qu'est-ce que tu fais à Berlin ?

- Qu'est-ce que tu fais ici ?
- Ce que je fais ?

Ben, je vis ici, j'habite ici.

Et ça te plaît ?
C'est ça une soirée type à Berlin ?

Tout à fait.

C'est quoi pour toi le vrai Berlin ?

- Elle a dit quoi ?
- C'est quoi pour toi le vrai Berlin ?

C'est la ville la plus intéressante
d'Allemagne.

Le lendemain,
on réussit enfin à convaincre Blixa

que la crédibilité de notre documentaire
dépendait des Einstürzenden Neubauten.

ÉCOUTER LA MUSIQUE COMMERCIALE
NE SERT QU'AUX RÉACS

Ils étaient le fer de lance
d'un mouvement avant-gardiste,

radicalement opposé
aux géants de l'industrie musicale.

Ils s'appelaient les "geniale Dilettanten",
les "dilettantes géniales".

À ce moment là,
je me suis interrogé sur ma situation,

et sur mon environnement personnel,

en tant qu'habitant de Berlin-Ouest
sans papiers, sans adresse, sans travail,

sans revenus, sans diplôme.

Si je meurs, et je meurs, meurs du scorbut.

Du scorbut.

Je meurs du scorbut.

Alors je suis passé d'un groupe à l'autre,

et l'un d'eux était
les Einstürzende Neubauten.

Nourris mon égo !

Tire !

On organisait des expéditions.

On investissait des lieux industriels

et on faisait de la musique
avec trois fois rien.

C'étaient des lieux cachés, dans des
piliers de ponts d'autoroutes ou de trains,

qui avaient quelque chose de magique
et une acoustique incroyable.

Confinés dans un espace
d'à peine 1,5 mètre de haut,

à l'intérieur d'une structure en métal
qui doit faire 40 mètres de long,

avec le bruit des camions au dessus,

c'est difficile de jouer un truc
en phase avec le mouvement pacifiste.

On travaillait pas seulement
avec des ponts d'autoroutes,

on travaillait avec absolument
tout et n'importe quoi.

Surtout avec des trucs
complètement insolites.

Évidemment, d'autres musiciens berlinois
utilisaient des instruments conventionnels.

Die Ärzte, par exemple,
un groupe de fun-punk que j'adorais.

Je réussis à convaincre Muriel
de les filmer aussi.

Eva ! Eva !

Afin d'éveiller l'intérêt du public anglais
pour un groupe punk allemand,

il fallait un truc accrocheur
pour leur premier passage télé.

Le groupe écrivit donc
une chanson d'amour sarcastique,

un sujet que même les Anglais
pouvaient comprendre.

Ah, Jan. - Salut Muriel.
- Salut ! Merci d'être là !

- Tu veux du café ?
- Oui, merci.

Déjà, est-ce que Berlin-Ouest
est si dingue que ça ?

On imagine un truc décadent,
comme dans le film "Cabaret"...

C'est vraiment ça !
Tu savais qu'ici, dans les années 1920,

c'était l'endroit où tout le monde
venait prendre de la cocaïne.

- Dans ce café de mémés ?
- Elles étaient plus jeunes à l'époque.

Alors voici les vestiges des années cocaïne ?
- Oui, regarde leur nez !

Ses yeux sombres

promettaient de la sensualité.

Elle voulait partir avec moi,

aucun chemin n'était trop long pour elle.

Heil, Heil, Heil.

Elle était toujours

prête à tout pour moi.

Je ne l'oublierai pas

jusqu'à la fin des temps.

C'était la plus belle de toutes les femmes
- Eva Braun...

- La plus belle de toutes...
- Eva Braun...

Comment tu vois l'avenir
des groupes berlinois ?

Il y en a peu qui ont
un succès international.

Tu penses que ça va changer ?

Je ne pense pas.
Les Einstürzenden Neubauten ont réussi

car ils sont novateurs.
Ça m'étonnerait qu'on perce au Royaume-Uni

parce que notre musique...

Ce qu'on fait, vous l'avez déjà,
avec The Undertones, The Buzzcocks...

Ils étaient meilleurs que nous, mais...

C'est difficile de percer à l'étranger
pour un groupe allemand,

parce que pour être sincère,
il faut chanter en allemand,

alors personne ne comprend.

Mais Farin se trompait.

On pouvait devenir une star
avec des textes allemands,

car il y avait Jim Rakete,
et il était prêt à sortir l'artillerie pop.

Il était photographe, artiste, dénicheur
de talents, producteur et manager.

Dans son atelier de Kreuzberg, la "Fabrik",

les projets fusaient.

Jim Rakete conduisit Nina Hagen
et bien d'autres au succès international.

Berlin est une vraie colonie américaine
en ce qui concerne le rock.

On a grandi avec AFN, la radio
de l'armée américaine, et Coca-Cola.

Il y avait beaucoup
d'influences culturelles des États-Unis.

Et puis, Berlin est une ville meurtrie,
et sa musique aussi.

Mais avec Nena, il fit un carton.

Nena réussit à accomplir
ce que l'on croyait impossible.

Elle devint une star mondiale
qui chantait en allemand.

99 pilotes d'avions,
tous de véritables guerriers,

ils se prenaient pour capitaine Kirk

et lancèrent un grand feu d'artifice...

La dernière à y être parvenue
était Marlene Dietrich

et ça commençait à faire date.

Nena, la fräulein prodige allemande,

était devenue une vraie
poule aux oeufs d'or.

99 ministres de la guerre,

allumettes et bidon d'essence,

se prenaient pour des malins,
flairaient surtout le gros butin...

C'était toujours Nena, notre prodige en or.

- Je veux épouser Nena.
- Moi aussi.

Et comment je veux épouser Nena !

Moi aussi je possédais un disque de Nena.

J'aimais bien son côté pop.

Mais à ce moment,
je ne pensais qu'à mon nouveau groupe :

Shark Vegas.

Le destin nous fit jouer en première partie
de groupes britanniques.

Et le destin avait un nom : Monika Döring.

Elle gérait le "Loft" et organisait
les meilleurs concerts de Berlin-Ouest.

Les groupes anglo-saxons
sont là pour attirer le public,

ensuite je leur sers un groupe d'ici,
qu'ils en veuillent ou non.

Bon, c'est qui la fille la plus sexy
ici ce soir ?

Pink, viens !

Notre carrière décollait enfin.
Mais sa direction restait à définir.

Par une opération impressionnante,
l'Est et l'Ouest ont procédé

à un échange de prisonniers
longtemps attendu.

Il a eu lieu sur le pont de Glienicke,
entre Berlin-Ouest et Potsdam, en RDA.

On accompagnait New Order
sur leur tournée européenne.

Ils étaient ravis de revenir à Berlin.

Toi qui vis à Berlin, quelle est
la grosse attraction de la ville ?

Là voilà, l'attraction ! Là voilà !

Les petits sont là.

La célèbre Rat Jenny
proposait une attraction unique.

C'est pas magnifique !

En voilà une maman fière !

Bernard Sumner de New Order
nous aida à produire notre single.

On touchait le succès du doigt.

Mais on ne parvint pas à percer.

Notre clip fut sans doute
ce qui mit fin à notre carrière.

Mais une autre commença pour moi :

je devins présentateur
pour la télé anglaise.

Berlin était toujours cool

et j'avais enfin ma propre émission.

On va découvrir la ville ensemble, faire
la bringue. Ça se passe comme ça ici !

Voici l'un des endroits les plus cools
de Berlin : le "Dschungel".

Tous les gens branchés veulent y rentrer,
d'autres essayent d'en sortir.

C'était le club le plus cool de la ville.

David Bowie y venait de temps en temps.

À mon grand étonnement,
mes copines y étaient aussi.

Tu fais quoi, Mark ?

Je bosse sur une émission.
C'est pour les jeunes d'Angleterre.

On veut savoir ce qu'il y a à faire ici.

Là on est au "Dschungel"...

Tu peux sortir !
- Oui, mais là il est deux heures du matin...

Qu'est-ce qu'on peut faire
à 2 heures du mat ?

Il y a un tas de possibilités...

Tu peux aller au "Safe Sex", au "DNC"...

La scène berlinoise
ne semblait jamais dormir.

Du moins pas la nuit.

On ne voulait jamais rien louper.

On faisait la tournée des clubs,
on rentrait, on se douchait

puis on ressortait.

Au "Far Out",
le club hippie du gourou Bhagwan,

les disciples du sannyâsa
dansaient frénétiquement.

C'était un lieu de drague malfamé

et une grosse source de revenus
pour ce gourou basé à Pune.

Cassia et Lucy vivaient dans un minuscule
magasin de la Potsdamer Strasse.

Elles tenaient un salon de coiffure,
le "Penny Lane".

Le jour, on se faisait couper
les cheveux ou épiler les poils pubiens,

le soir, on venait voir des expositions,

des performances
et des concerts expérimentaux.

La vache ! Il se passe quoi ici ?

Bien sûr, je ne pouvais pas
tout montrer à la télé,

mais Berlin pouvait
satisfaire toutes les envies.

La ville comblait tous les désirs :
fête, drogue, sexe, musique...

Absolument tout et toujours dans l'excès.

Mais à chaque fois,
ça se terminait au "Risiko".

C'est la fin de la nuit
ou le début du jour.

Il doit être à peu près 7 heures du matin,
si je me trompe pas. C'est ça.

C'est le repère des morts-vivants.

Ils viennent ici pour faire la fête.
Par exemple, certains êtres...

Le "Risiko" allait bientôt
avoir un nouveau client,

et Blixa, un nouveau camarade de jeu :

Nick Cave.

Je l'avais déjà rencontré quand Malaria !
avait fait sa première partie.

Sa vie était dans une impasse

et il voulait découvrir Berlin.

Quelques mois plus tard, il était là,
devant ma porte, une valise à la main.

Il s'installa dans mon appartement miteux,
en attendant de trouver mieux.

Voici ma chambre.

C'est la chambre à coucher.

Et ma collection
de peintures gothiques allemandes.

Mon flingue.

J'ai vécu à Berlin
pendant environ trois ans, à Kreuzberg.

J'ai tout de suite été plongé
au cœur de la scène musicale et culturelle.

Elle était très variée.
Il y avait des réalisateurs, des poètes,

des musiciens. Il y avait de tout.

C'était comme retrouver sa jeunesse.

Une période géniale.

Hélas, Berlin sonna le glas
du groupe de Nick, The Birthday Party.

Après la mort du bassiste,
il forma un nouveau groupe avec Blixa.

Le projet s'appelait The Bad Seeds.

On était très bons amis à Berlin.

On passait beaucoup de temps ensemble.

On était en guerre contre le sommeil,
comme disait Blixa.

En gros, on ne dormait pratiquement pas.

Mon expérience à Berlin a changé ma vie.

Ça m'a vraiment donné confiance en moi,

pour faire ce que j'avais envie de faire,

sans me soucier
de ce qu'on pouvait penser de moi.

C'est très berlinois comme attitude.

Même moi,
je pouvais m'exprimer à Berlin-Ouest.

Surtout à travers
mon goût pour les uniformes.

Les Berlinois s'en fichaient,

mais j'avais sans arrêt droit aux questions
des touristes ou des journalistes.

Pourquoi tu t'habilles comme ça ?

Parce que je suis un militariste.

- Ah bon ?
- Oui.

Vraiment ?

Non, c'est juste que c'est confortable,
résistant, pratique.

Et ça énerve les gens.

C'est une chemise
de l'ancienne police de Berlin,

elle doit avoir à peu près 70 ans.

Mon obsession faisait de moi
un comédien intéressant,

surtout aux yeux
du réalisateur Jörg Buttgereit.

Probablement parce que
j'apportais mes propres costumes.

Mais à cause de cela,
j'étais cantonné aux mêmes rôles.

Alors que même sans uniforme
j'avais de l'allure.

Que voulez-vous...

Le monde ne tournait plus rond et
Berlin-Ouest était dans l'œil du cyclone.

En général, je me fichais de la politique,
mais la situation était inquiétante.

Regarde.

Oui, mais fais-moi descendre.

Voici le journal de 20 heures.

Les nouvelles étaient diverses,
mais la météo jouait un rôle majeur,

des pluies radioactives
semaient la panique.

Un accident est survenu
à la centrale de Tchernobyl en Ukraine.

Un réacteur a été endommagé.

L'information n'est pas confirmée,
mais le cœur du réacteur aurait fondu.

Un évènement de ce type est qualifié
d'accident nucléaire majeur.

LE CANAL NOIR

- Le SIDA, ça vous dit quelque chose ?
- Le SIDA ? Je connais pas.

Le collectif multimédia berlinois,
Die Notorischen Reflexe,

créait sa propre vérité historique
avec des extraits de journaux.

Berlin est une ville à part,

partagée entre des influences américaine,
allemande et l'influence des Russes.

La Russie est un facteur important.

Cela crée une tension particulière.

Nous vivons dans un monde
dans lequel nous puisons nos idées,

que nous exprimons à travers un média.

Ça peut être la musique, la vidéo,

la peinture, l'écriture.

On mélange ces éléments dans notre émission
pour servir notre concept.

C'était dans ce sens...

Le Premier ministre Begin
s'est remis d'une opération des hanches.

Bien mélanger avant d'ajouter le vinaigre.

Vive le Super 8!

Le Mur de Berlin fut le décor
de nombreuses performances artistiques,

visant à représenter
le quotidien d'une ville divisée.

Comme en 1986,

lorsqu'on fêta le 25e anniversaire
du "rempart anti-impérialiste",

et Die Notorischen Reflexe
décidèrent de fêter dignement.

VERRE DE VIN 3 DM
PICCOLO 5 DM

Ville du Mur...

BERLIN EST JÉRUSALEM

Happy Birthday, cher Mur...

Parmi tous ces gens, personne
n'avait l'intention de faire tomber le mur.

Après tout,
il maintenait Berlin-Ouest en vie.

Il délimitait un espace de liberté absolue.

Mais peu de gens s'intéressaient
à ce qui se passait de l'autre côté.

Tu y es allé ?
- Où ça ? - De l'autre côté.

Oui, mais pas à Berlin-Est.

Je suis souvent
allé de l'autre côté, au sens large,

je ne suis jamais revenu d'ailleurs.

Mais à Berlin-Est, non.

- Ça ne t'intéresse pas ?
- Non, j'ai mieux à faire.

C'est trop compliqué.
Il y a des papiers à remplir...

Résidant à l'Ouest, il faut remplir
un formulaire et attendre...

Combien de temps déjà ? Trois jours.

Et après, tu peux y aller...

Tu pars à 8 heures du matin
et tu dois revenir à minuit.

Non, je peux pas prévoir d'aller
à Berlin-Est trois jours à l'avance.

Je n'ai pas de raison d'y aller
et de passer la frontière.

Non, non et non !

J'aime l'idée de ne connaître
qu'une moitié de la ville.

Mais ce n'était pas mon cas.
J'allais souvent à Berlin-Est.

35e ANNIVERSAIRE DE L'ÉTAT PACIFISTE
LA RDA : PROSPÈRE - PERFORMANTE - FIABLE

C'était Disneyland pour dépressifs,

baigné dans des odeurs de moteurs
à deux temps, de fours à charbon,

de plastique et de caoutchouc.

J'avais de la peine
pour les jeunes de là-bas.

Leur régime leur interdisait
d'écouter de la bonne musique.

Je voyais des punks de l'Est,

qui n'existaient pas officiellement
au pays des ouvriers et des paysans.

Je leur jouais de la musique de l'Ouest

et organisais le premier
concert secret des Die Toten Hosen,

que je réussis à faire entrer incognito
à Berlin-Est.

Ça prend du temps.
- Où ? - C'est la fête !

Ouais, c'est la fête ! Génial !

La vitre baissée, le bras dehors,
la radio à fond la caisse.

La queue de renard flotte au vent,
dans chaque bagnole quatre hommes.

On a largué les flics, une Ford à 110, et
on a fait une queue de poisson à une Fiat.

On a acheté des gros boudins
et des stickers rallye.

Nous sommes les gars du gang des Opel,
on les a tous largués.

Nous sommes les gars du gang des Opel,
on les a tous largués.

Le gang des Opel !

Ce fut l'une des dernières tournées
avec Die Toten Hosen et Heino.

Nous sommes Die Ärzte.

Je blaguai !
Die Toten Hasen, les lapins morts !

Oui, oui, bleu, bleu, bleu...

Heino allait bientôt ne plus être Heino.

Son sosie avait gagné
le procès en justice.

Le tribunal retira à mon ami
son droit d'existence.

La partie est finie pour le faux Heino
qui voulait être le vrai.

C'est moi le vrai Heino.

- C'est moi le vrai Heino.
- Je suis le seul et l'unique Heino.

- Je suis le vrai Heino.
- Moi aussi.

- Ne cherchez pas, c'est moi.
- Je suis le vrai Heino.

Il fut condamné à payer
une amende de 10 000 marks

pour ne pas s'être clairement
démarqué du chanteur Heino,

mais M. Hähnel de Berlin.

La décision a été rendue
par le tribunal de Bonn. Bonne soirée.

Pour couvrir les frais de justice,

les Toten Hosen organisèrent
un concert de solidarité.

Le "vrai Heino" monta sur scène
en tant que Norbert Hähnel, le Pétomane.

Je fis le mixage de ce morceau...
qui ne manquait pas d'air.

Peu après, une blessure du tympan
lors d'un concert des Hosen

m'obligea à arrêter
de travailler sur les concerts.

Heureusement, un nouveau job en studio
me permit de payer les factures.

Oh, c'est bon.

Viens, bébé.

Allez, embrasse-moi.

C'était naze.
Tu peux y mettre un peu plus du tien ?

30 minutes de pause.

Ça ne pouvait pas être la fin.
À moins que...

Je cogitais sans arrêt.

J'étais paumé.

Cette ville m'avait appâté, dévoré
et elle allait désormais me digérer.

Je n'allais pas pouvoir passer mes
nuits dans les clubs indéfiniment.

Il était clair que le bon temps était fini.

Pas seulement pour moi.

La scène underground était dans un sale
état, comme Berlin un lendemain de 1er mai.

L'innovation, la spontanéité,
l'énergie avaient disparu.

Quelques groupes avaient percé,
mais la plupart s'étaient séparés.

Même Malaria !

La commercialisation avait tué
le punk et la new-wave.

Le rêve était fini
et la créativité était au point mort.

Les incontournables "SO36" ou "Risiko"
fermèrent leurs portes à tout jamais.

Cette ville est assez triste en fait.

J'essaie d'imaginer que je la quitte.

Bye, Berlin !

Je vois alors une ville grise et triste.

C'est triste.
Berlin est en train de partir en vrille.

Cette scène meurtrie vit ses membres
sombrer dans la drogue.

- Vous avez appelé une ambulance ?
- Ici !

Certains quittèrent la ville.
Nick Cave, par exemple.

C'était très frustrant.

Enfin, c'était carrément un cauchemar.

Bonne chance !

FIN

Réveille-toi, on ferme !

Mon Berlin-Ouest, toujours si moderne, avait
désormais été rattrapé par l'histoire.

Le journal.

Le président américain Reagan
en visite officielle à Berlin...

Monsieur Gorbatchev, abattez ce mur !

Bowie donna un concert devant le Reichstag,
situé juste à côté du Mur.

Le choix n'était pas anodin :
il savait que Berlin-Est écouterait.

De l'autre côté, ses fans se rassemblèrent,
revendiquant leur droit à la liberté.

"Die Mauer muss weg !"
"Le Mur doit tomber !"

Le Mur doit tomber !

Le 6 juin 1987,

un attroupement important
de jeunes à l'allure décadente

s'est formé près de la
Hermann-Matern-Strasse.

On y entendait distinctement
la musique provenant de Berlin-Ouest.

À 19 heures, le rassemblement
avait atteint 250 à 300 personnes.

Sur le plan musical,
le Mur commençait déjà à s'effriter.

L'artiste WestBam,
alias Westfalia Bambaata,

fut le premier à prédire
une révolution musicale.

Disco.

Allemagne.

Alors, vous faites quoi ?

On ne fait pas ce genre de plans,
ce genre de plans...

Voilà le tableau :
les DJ sont les nouvelles pop-stars.

Ils ne sont plus de simples intermédiaires
entre le public et les artistes.

Ils sont eux-mêmes les artistes
d'une nouvelle scène musicale.

La donne a changé.

Dans un article, Westbam proclama
l'avènement du "Record Art".

Le DJ était devenu artiste.

J'utilise les deux mains.

On a besoin des deux mains pour scratcher.

Il ne suffit pas de faire ça...

Le scratch, c'est plutôt ça.

- Le principe du sampling...
- Touche pas aux boutons...

Par exemple si tu dis un truc...

C'est ta voix.

- Une petite démo ?
- Un, deux...

- Et vous voulez percer avec ça ?
- Ouais.

En 1985, il avait 17 ans...

Je n'en croyais pas mes yeux :

même Gudrun et ses amies
avaient le virus du "boum boum".

On allait bientôt appeler ça la "techno".

Oui, les sirènes de la nuit
appelaient leurs enfants,

désormais appelés "ravers".

C'était dans le prolongement du punk,
mais avec des instruments électroniques.

C'était la folie. C'était partout.

Un truc inouï
était en train de se passer.

Il y a maintenant un
certain nombre de DJ...

qui ont compris qu'il s'agit d'une nouvelle
forme musicale, d'un nouveau genre.

Ça se développe
en même temps que la technique.

Le matériel était toujours plus performant

et de plus en plus facile
à programmer et à manipuler.

Plus rapides et agressifs,

les morceaux devenaient aussi
plus mélodiques et dansables.

Le "UFO" fut le premier club
à passer cette musique.

Son propriétaire ouvrit plus tard
le célèbre club "Tresor".

Le "UFO" était installé dans une cave
qui sentait le renfermé.

C'était un véritable bouillon de culture.

Le "UFO" avait même sa propre bière,
ornée d'une étiquette fluorescente.

Sinon, impossible de
retrouver sa bouteille.

Le futur avait commencé,
à cet endroit et à ce moment précis.

Le 1er juillet 1989,

près de 150 ravers transformèrent l'avenue
du Ku'damm en piste de danse géante.

Ce fut la première Love Parade.

C'était la première manifestation
non pas contre, mais pour quelque chose.

Sous la devise "paix, joie et crêpes",

nous défilions pour l'amour et la liberté.

Dr Motte était l'initiateur de la parade.

Mais il ne se doutait pas plus que nous
que quelques années plus tard,

des millions de ravers du monde entier
envahiraient Berlin pour la Love Parade.

La carrière de WestBam décollait.

Il eût bientôt son propre char et composa
chaque année l'hymne de la parade.

Ce jour là, personne n'imaginait ce qui
allait arriver quatre mois plus tard.

Notre appel à la liberté avait été entendu.

Ses conséquences politiques
allaient changer la face de ville...

et du monde entier.

C'était donc ça,
le Berlin-Ouest déjanté des années 1980.

On jouait avec des symboles
nazis et militaires.

On brisait les tabous.
On passait les frontières.

On faisait ce qu'on voulait.

On était témoins,
mais aussi auteurs de l'histoire.

On y était. J'y étais.

Et putain, c'était génial.

J'ai dû oublier de mentionner
certains lieux ou certaines personnes.

Certaines histoires sont un peu déformées,
d'autres complètement.

Ou ai-je inversé la chronologie ?

Essayez donc de vous rappeler
les détails des décennies après...

J'avais enfin atteint mon but initial.

Les rêves de musiques électroniques
qui m'avaient conduit à Berlin,

s'étaient enfin rèalisés.

Je finis par fonder mon propre label,
premier label de trance,

et premier label indépendant de Berlin-Est.

Son nom : MFS.

MFS était le nom officiel de la Stasi,

le Ministère de la Sécurité de l'État.

Mais désormais cela signifiait :
Masterminded For Success.

Un bel exemple de musique trance.

La trance est un genre musical

pour lequel des milliers de jeunes gens

à travers l'Allemagne et l'Europe
se passionnent.

C'est un mouvement musical en plein essor.

C'est ça l'avenir.

Je n'ai pas vu passer
les années 1980.

À la fin,
j'étais à la fois heureux et triste.

Berlin-Ouest,
c'était del'histoire ancienne.

Mais quelle histoire !

Je compris que la créativité
était toujours là, même aujourd'hui.

Tout ce qu'il faut, c'est foncer.

Je pense que tout est possible.
Le ciel est notre limite.

Euh, quoi ?

Vous vouliez un happy-end ?

OK, pas de problème.

Alors, après la chute du Mur,

j'ai rencontré une fille
et on est tombés amoureux.

Nous vécûmes heureux...

jusqu'à ma mort.

J'ai vu pas mal de films dans ma vie,

mais rien qui ressemble à celui-là.
C'était génial.

L'acteur principal
était vraiment époustouflant.

Je suis choqué d'avoir eu
à regarder un truc pareil.

À mon âge en plus. C'est trop.

J'ai pas eu peur, mais c'était dingue.

Ce film m'a bouleversé,
au plus profond de moi-même.

J'ai trouvé ça super, excellent !

Ce film était top moumoute !

Sous-titrage : SUBS Hamburg
Coline David