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L'ÉTRANGÈRE

MLLE HAINES
ÉCOLE DE JEUNES FILLES

Clara. N'est-ce pas étonnant ?

- Quoi ?
- Tu as lu ?

J'en apprends de belles
sur notre professeur.

- Je trouve ça romantique.
- Ah oui ?

Pas moi. Et ma mère non plus,
quand elle rentrera d'Europe.

- C'est Mademoiselle D.
- Qui est Mademoiselle D ?

Vite. Mlle Haines est là.

- Elle s'appelle Mademoiselle D ?
- Son nom est Desportes.

Mais on l'appelait Mademoiselle D.
Tu comprends ?

Mesdemoiselles, silence.

"Jane Van Buren.

Margaret Van Rensula."

Tu as vu ce qu'Emily a trouvé
sur la nouvelle professeur ?

Toutes présentes, Mlle Haines.

Merci, Rebecca.
Voici Rebecca Jay.

"Agnes Brevoort.

Mary Simpson.

Marianna Van Horn.

Rose Stanton.

Clara Parker et Elizabeth Ward.

Dor..."

Mesdemoiselles,
vous pouvez aller vous asseoir.

"Dora Vanderbilt.

Emily Schuyler.

Louise DeRham, Helen Lexington..."

- Donne-moi le journal.
- Tiens. Fais attention.

Tu as vue comment je l'ai regardée ?

Ça ne va pas lui plaire ici.

Vous pouvez vous asseoir,
mesdemoiselles.

Je dois dire que
j'ai le très grand plaisir

de vous présenter votre nouvelle
enseignante de français:

Mlle Henriette Desportes.

Je suis ravie de l'accueillir
dans notre école.

J'espère que vous aurez la bonne idée
de profiter de son enseignement.

- Elles sont à vous.
- Je vous remercie.

- Au revoir, mesdemoiselles.
- Au revoir, Mlle Haines.

Imagine-toi, Emily, être au centre
d'un scandale et enseigner ici.

Il est temps de s'amuser
un petit peu dans cette école.

Et dans votre langue:

Bonjour, mesdemoiselles.
Je serai votre professeur.

J'espère qu'avant la fin de l'année,
nous serons devenues amies.

J'en ai terminé pour ceci.

Ouvrez vos livres de littérature
à la page un.

Je vais choisir au hasard
dans la liste.

Agnes Brevoort.

- Oui, mademoiselle ?
- Pouvez-vous lire, je vous prie ?

Dora. Donne ça à Emily.

Emily.

Fais-moi passer le journal.

Marianna Van Horn va traduire.

Mlle Van Horn,
traduisez, je vous prie.

Je ne sais pas
où nous en sommes.

En haut de la page une.

Peut-être Helen Lexington
a-t-elle fait plus attention.

- Moi ?
- Oui...

Mieux ne pas me faire ça devant
la classe, sinon je vais lui faire voir.

"A quoi voudriez-vous jouer ?

George: Non.
Allons plutôt dans les bois

ramasser des fraises..."

Il s'agit de "strawberry" en anglais.

Ce sont les fraises qui poussent
dans les bois.

Comment l'as-tu su ?

La bonne garde les journaux
de Paris et je les ai lus.

- Tu en es sûre ?
- Si j'en suis sûre ?

C'est la même personne.
Je trouve ça mal.

Mlle Schuyler.

Je crois que c'est votre nom,
Emily Schuyler ?

Oui, mademoiselle.

Vous ne cessez de parler
depuis un moment.

- Avez-vous une question ?
- Oui, mademoiselle.

Mais vous ne voudrez pas y répondre,
je crois.

Voulez-vous approcher ?

Voudriez-vous savoir quelque chose ?

Pourriez-vous me dire comment épeler
"Conciergerie" ?

Je vous demande pardon ?

Je voudrais savoir comment
épeler "Conciergerie".

Je crois que c'est le nom
d'une prison française.

Pourquoi voulez-vous le savoir ?

Ce mot-ci, je veux dire ?

Vous avez dit que nous étions là
pour apprendre.

Oui.

En effet.

C...

O...

N...

C...

I...

E, R...

Vous pourriez nous dire comment
épeler le nom Praslin.

Emily.

Emily, tais-toi.

Si vous voulez bien m'excuser.

MLLE HAINES
DIRECTRICE

Entrez, je vous prie.

Mlle Haines, je...

Vous ?
- Oui, c'est moi.

Je suis venu vous accueillir
dans votre nouveau foyer.

Je crains que vous ne soyez venu
pour rien, Henry.

Je dois partir.
Vous devez accepter ma démission.

- Comment ?
- Elles sont au courant.

- J'étais folle de croire que non.
- Qu'ont-elles découvert ?

J'aurais dû vous raconter avant
d'accepter cette place avec déshonneur.

Je me suis présentée
comme Henriette Desportes...

Alors que vous êtes Henriette Deluzy,
la célèbre Mademoiselle D.

- Est-ce cela, ma chère ?
- Vous le saviez ?

Quand M. Field vous a recommandée,
il m'a tout raconté.

Nous étions d'accord que les anciens
scandales seraient oubliés.

- C'est vous, Henry ?
- Mlle Haines,

puis-je parler seul à Mlle Desportes ?

Certainement. J'espère que
votre décision sera la meilleure.

Cela ne sert à rien, Henry.

Bien que je doive cela à votre
générosité, c'est sans espoir.

"Conciergerie."

Cette fille voulait que j'épelle
Conciergerie. Cette enfant...

- C'est du passé.
- Non. Cela m'a suivi à travers l'océan.

Jusque dans cette salle de classe et
dans la façon dont elle me regardait.

Henry, il ne me reste plus rien
pour me battre.

Mais si, vous avez quelque chose.

Si vous pouviez vous voir comme
je sais que vous pouvez être.

Fière, ce regard clair et droit,
sans aucune honte.

Si vous regardez votre conscience,
vous pouvez regarder ces enfants.

Ne quémandez pas leur respect,
exigez-le.

Si seulement j'avais votre courage.

S'il vous plaît.
S'il vous plaît, Henriette.

Je suppose que je vous dois d'essayer.

Mlle Deluzy.
Ça va lui apprendre !

- Pourquoi Mademoiselle D ?
- Son nom est Desportes ou Deluzy.

- Est-ce que le duc était aussi beau...
- La voilà.

Le reste du cours d'aujourd'hui
aura lieu en anglais.

Vous pouvez poser vos livres.
Tout va se passer à l'oral.

Je vais vous raconter
une histoire vraie.

Peut-être ai-je tort
de vous la raconter,

mais dans quelques années,
vous serez en âge d'aimer, souffrir

et d'affronter
des problèmes difficiles.

Il ne vous fera pas de mal d'apprendre

que la vie n'est pas toujours la belle
image que l'on voudrait qu'elle fût.

Si certaines d'entre vous
ne souhaitent pas entendre mon histoire,

elles ont ma permission pour sortir.

C'est entendu, alors.

Je vous demande de m'accorder
toute votre attention.

Notre histoire se passera à Paris,
dans une grande et belle maison,

la résidence du duc
et de la duchesse de Praslin.

Je vais vous raconter l'histoire
de la préceptrice de la maisonnée.

Un matin de février, il y a quelques
années, elle n'était pas encore à Paris

quand elle fut
appelée pour un entretien.

Elle était passagère d'un bateau
à vapeur qui avançait

dans la Manche brumeuse
entre Southampton et Le Havre.

Son sac contenait une lettre de
recommandation de son dernier employeur.

Elle ne pouvait imaginer l'aventure dans
laquelle la lettre allait l'entraîner.

Ni comment une autre lettre, un jour,
ferait de son monde un tas de ruines.

Mais elle savait qu'un cycle de sa vie
était passé et qu'un autre commençait.

Il lui tardait d'atteindre les côtes
invisibles du pays où elle était née,

un sentiment mêlé d'espoir
et d'appréhension.

Elle voyageait seule.

Cela faisait longtemps qu'elle
avait appris à s'occuper d'elle

et si elle se sentait seule,
elle espérait que rien ne la trahissait.

Je vous demande pardon.

Puis-je vous parler ?

Etant donné que nous sommes seuls,
semble-t-il, à affronter le pont.

Croyez-moi, je n'ai jamais adressé
la parole à une étrangère avant.

Si je vous ai offensée
et voulez que je parte, d'accord.

Je vous ai aperçue sur le quai
à Southampton.

Ces gens avaient l'air bien triste
en vous quittant.

Après 5 ans, il est difficile
de quitter ceux qu'on aime.

J'étais triste pour eux,
j'ignore pourquoi.

Cette petite fille
qui pleurait amèrement.

C'était Nina.
J'étais sa préceptrice.

Quand le monsieur a pris votre main
et vous a souhaité du bonheur,

un étrange sentiment m'a saisi.

Vous m'étiez étrangère
et pourtant je...

Je me suis vu espérer de tout mon coeur
que vous soyez heureuse.

Vous devez trouver cela ridicule.

Naturellement.

Pourtant il est vrai
que vous n'êtes pas heureuse.

Votre visage et vos manières le disent.

Vous êtes malheureuse et résignée.

Une personne dans ma position
doit être contente

de ramasser les miettes
de bonheur d'autres tables.

- Si vous voulez bien m'excuser.
- Ne partez pas, je vous prie.

J'ai été impertinent et grossier,

mais je promets de ne plus
fouiller votre vie.

Je parlerai de choses plus générales.

En fait, je parlerai de moi.

- Je suis Américain.
- Je m'en doutais.

Du Massachusetts.

Mon nom est Field. Henry Field.

Il y a "Martyn" entre,
et "Révérend" devant.

Vous êtes pasteur.

Pas un pasteur tout à fait
qualifié pour l'instant.

Je n'ai pas encore pris
de congrégation.

Mais mon père est pasteur
et j'ai fait mon premier sermon

à 15 ans dans l'une de ses robes
raccourcies.

J'élargis mes connaissances
en voyageant.

Elargir ses connaissances
ne fait pas de mal à un pasteur.

Nous allons accoster. Les bagages
sont apportés dans le salon.

Bien. Merci.

- Excusez-moi.
- Je ne connais pas votre nom.

Vous retrouverai-je ?

Je ne sais pas tellement moi-même
où je vais aller.

Au revoir, monsieur.

Vous ne pensez pas entrer
à leur service, mademoiselle ?

- J'espère devenir préceptrice.
- Vous espérez ?

Mieux vaut ne pas entrer là
de votre propre volonté.

- Vous trouvez cela amusant ?
- Oui, très amusant.

Vous voyez, mademoiselle, je suis
le vieux Pierre, l'homme à tout faire.

Non seulement je dors dans la cour,
mais je lave les vitres et tout.

J'aurais des choses à vous raconter.
Tant de choses.

- Je suis attendue.
- Suivez-moi, mademoiselle.

Tout le monde ici sait quel plaisir
tu prends à m'humilier.

Je ne veux pas t'humilier, Frances.
Ma décision...

Chaque jour n'est-il pas
une humiliation ?

Théo, je suis ta femme.
Nous sommes jeunes et nous vivons...

Frances, au nom de ta fierté.

Entrez.

Mlle Henriette Desportes.

Oui ?

Madame la duchesse.

Peut-être est-ce que j'arrive trop tôt.

Vraiment ? Quelle heure est-il ?

Vous m'aviez dit 11 h, madame,
mais si je vous dérange...

Je vous en prie, mettez-vous à l'aise.

Merci, monsieur le duc.

- Permettez-moi.
- Merci.

Permettez-moi de vous exprimer
ma gratitude pour m'avoir

appelée pour parler de l'éducation
de vos enfants.

Je vous ai envoyé ma lettre
de référence hier.

J'espère qu'elle vous convient.

La référence.
Ah, oui, tout à fait.

Si je me souviens bien,
elle était excellente.

Il doit y avoir bien d'autres choses
que vous voudriez savoir.

Pour ma part, j'aimerais
en savoir plus sur les enfants

avant de prendre
une telle responsabilité.

Les exigences sont les mêmes que
pour votre ancien poste, Mlle Desportes.

Nous voulons qu'une préceptrice prenne
entièrement en charge leur éducation,

surveille leur musique,
leurs dessins et leur comportement.

Il y a pas mal de choses,
je le crains.

Nous avons trois filles.
Elles peuvent être difficiles.

Elles ont entre 8 et 13 ans.

Je comprends, monsieur.

Puis il y a un garçon

qui est né

quelques années plus tard.

Raynald
n'a pas tout à fait 4 ans.

C'est un garçon brillant,
mais sa santé...

Raynald est sensible comme je le suis.

Pendant des années avant sa naissance,
j'étais malheureuse et malade.

- Il porte les marques de ma souffrance.
- Frances.

Nous pouvons achever là notre entretien,
Mlle Desportes.

Au vu de vos excellentes références,

le poste est à vous
si vous voulez vous y essayer.

Avant de vous engager, monsieur,

on m'a demandé une lettre
de garantie de mon grand-père,

mon seul parent encore en vie.

Il a refusé, j'en suis navrée.

N'est-ce pas étrange ?

Votre propre grand-père ?

Et en outre...

Ceci est très gênant,

Si j'entre ici, je vous demanderais
de m'appeler autrement que Desportes.

Dois-je comprendre que
votre nom n'est pas Desportes ?

Mon grand-père, le baron Desportes,
a reçu ce titre de Napoléon.

Naturellement, il est opposé
à ce que je m'associe à une maison

d'amis si éminents du roi actuel.

Je dois dire que c'est...

C'est une situation gênante,
Mademoiselle...

Deluzy.

J'ai choisi ce nom
pour garder mes initiales.

Voilà ce qui se passe
lorsque l'on veut changer, Théo.

Doit-on prendre quelqu'un qui enseignera
la déloyauté à nos enfants ?

Je vous donne ma parole, madame,

que je mes opinions politiques
n'affecteront pas mon enseignement.

Mais si...

Si cela fait une différence pour vous,
je comprendrai, bien entendu.

Cela doit être les enfants.

J'ai demandé à Mlle Maillard
de les faire venir.

Cela est-il nécessaire à présent ?

- Bonjour, papa.
- Est-ce la nouvelle préceptrice ?

- Vous n'êtes pas venu souper hier.
- J'ai terminé ma leçon...

Mes enfants.
Pas tant de bruit.

Epargnez cela à votre mère.

- Mlle Maillard.
- Oui, monsieur ?

Voici Mlle Deluzy.

- Enchantée.
- Moi de même.

- J'espère que vous allez mieux.
- Les enfants, venez saluer.

Ce poulain à longues jambes
est Isabelle, l'aînée.

Vous êtes déjà une jeune fille.

Ma petite Louise.

Quels beaux cheveux à boucler.

Puis-je les boucler ?
Mlle Maillard...

Aucun de vous n'a même dit bonjour
à votre mère.

- Bonjour, maman.
- Bonjour.

Et où est Berthe ?

Je suis là, mademoiselle.

Grands dieux, ne renverse pas
l'encre de maman.

Je ne la renverse pas, je dessine.

Donne-moi ça.

Combien de fois t'ai-je dit de ne rien
toucher sur le bureau de maman ?

Quelle belle enfant.

Un peu têtue, mais adorable
si l'on sait la conquérir.

Raynald, éloigne-toi d'elles
immédiatement.

C'est très méchant d'arracher
les fleurs de maman.

Puisque c'est comme ça,
tu resteras ici ce soir.

Au dîner, pas de baba.
Pas une cuillerée.

Qu'est-ce qui t'a poussé à faire ça ?

C'est pour mademoiselle,
pour mettre sur sa robe.

C'était gentil, Raynald,
une très gentille intention.

Mais tu aurais dû demander
la permission.

Peut-être que si tu le lui demandes,
elle te laissera me la donner.

Mais je l'ai ramassée
pour la nouvelle mademoiselle

parce qu'elle a des rubans roses
dans son bonnet.

Mlle Maillard,
laissez-le la lui offrir

et faites-les tous sortir d'ici.

Comme il vous plaira, madame.
Va, Raynald.

Merci, Raynald.

C'est la fleur de ta maman:
Ne vaut-il pas mieux la lui donner ?

Elle serait très jolie sur sa robe.

Je ferai semblant de la porter
quand je sortirai.

D'accord, Raynald ?

Oui, mademoiselle.

Tenez, maman, c'est pour vous.

Merci, Raynald.

Les enfants, retournez à l'étude.

Mlle Maillard, Isabelle, Louise,
Berthe, vous tous.

Je vous verrai au déjeuner.

- N'oubliez pas de venir.
- Vous avez promis de faire du cheval.

Vite, vite.

Eh bien, Mlle Deluzy,

on ne sait jamais comment une personne
s'adaptera à une maisonnée,

mais j'aime vos façons avec les enfants
et ils semblent vous apprécier.

Serait-il possible de m'informer
dans la matinée ?

C'est très aimable à vous, monsieur.

Mais je ne pourrai venir sans
l'approbation de madame également.

Cela ne me concerne en aucune façon.

Monsieur s'occupe de l'éducation
des enfants.

Il sait que j'étais satisfaite
de Mlle Maillard

puisqu'elle a prouvé sa loyauté
et son affection.

J'espère que vous ne vous opposerez pas
à ce qu'elle reste à mon service.

A demain alors, mademoiselle.

J'espère que vous resterez longtemps
avec nous.

Merci, monsieur.

Mlle Deluzy.

Oui, madame ?

Quel âge avez-vous ?

Vingt-cinq ans, madame.

C'est tellement jeune.

- Par ici.
- Ne vous dérangez pas.

Je trouverai la sortie.

- Au revoir, madame.
- Au revoir.

Monsieur.

Ne me quitte pas, Théo.
Comme tu es en colère après moi.

- Je suis attendu au palais.
- Il faut parler. Je ne te vois jamais.

Le roi m'attend.

Le contact de mes mains
te provoque-t-il de l'aversion ?

- Vraiment...
- Ce doit être de l'aversion

car tu me fuis, tu ne veux jamais
m'accorder la moindre attention.

Je ne cherche pas à t'éviter, Frances.

Je te parlerais des heures si
nous pouvions le faire dans le calme.

- Mais cela finit toujours pareil.
- Attends, Théo.

Attends.
Comme tu es cruel, mon amour.

Prends les enfants, prends-les.

Ils me sont égal,
tout le monde m'est égal sauf toi.

Théo, si je promets de ne plus

de tourmenter avec ma colère
et ma méfiance...

- Tu ne sais pas ce que tu dis.
- Théo.

Théo.
Théo, reviens, je t'en prie.

Théo, reviens. Je t'en conjure.

Je te déteste.

Je te hais.
Tu es méchant, méchant, méchant.

Oh, Père Gallard.

Soyez patiente, mon enfant.

"Puis un jour, alors que la petite
princesse se promenait dans les jardins,

elle remarqua une ravissante rose
qu'elle n'avait jamais vue auparavant.

Quand elle se pencha pour sentir
son parfum, elle disparut tout à coup.

A sa place se tenait
sa marraine la fée.

La fée s'adressa à la princesse
et lui dit:

"Mon enfant, tu as été gentille
et je veux te récompenser.

Je n'ai qu'un seul présent
à t'accorder

alors écoute-moi bien.

Une fois ton choix fait,
il ne pourra plus être modifié.

Il est en mon pouvoir
de te donner le bonheur

alors que tu es jeune
ou alors que tu seras vieille.

Que choisis-tu ?"

La princesse se mit à penser.

"Le choix n'est pas facile,
ma bonne marraine.

Mais si je dépense mon bonheur
tant que je suis jeune,

il ne me restera plus rien à espérer.

Je choisis le bonheur
pour quand je serai vieille

et puisse le ciel
m'accorder la patience."

La marraine l'embrassa.

"Tu as fait un sage choix.

Tu ne le regretteras pas, ma chérie.

Va, je te bénis."

Croyez-vous qu'elle ait fait
le bon choix ?

- Je vous ai posé une question.
- Quand êtes-vous entré ?

Louise, la princesse avait-elle raison
d'attendre la vieillesse ?

Non, je crois qu'elle a eu tort
d'attendre si longtemps.

Ne pouvait-elle en demander un peu
pour la jeunesse et pour la vieillesse ?

Berthe montre des signes précoces
de diplomatie.

Mais ce n'est pas si facile que ça.
N'est-ce pas ?

Non, ce n'est pas aussi facile
que ça, monsieur.

Le bonheur n'est pas un gâteau
que l'on coupe selon sa faim.

Mademoiselle n'a-t-elle pas bien lu ?

Elle ne lit pas comme une préceptrice.

Je dirais que la grande Rachel
n'aurait pas mieux lu.

M'emmènerez-vous la voir
sur scène un jour ?

Vous aimeriez voir Rachel,
n'est-ce pas ?

J'adorerais. Je ne l'ai jamais vue.

- J'ai bien peur que ça ne...
- S'il vous plaît, papa.

Peut-être.
Je ne devrais pas vous interrompre.

Il est temps de reprendre la leçon,
n'est-ce pas ?

Certainement.
Les filles ont leur histoire

et Raynald va aller dans un coin
avec son alphabet et son nez bouché.

Comment ? Le nez bouché ?

Comment a-t-il pu l'avoir ?

Raynald ne l'a pas invité.
Il est juste venu.

Congédie-le de la même façon
que mademoiselle va me congédier.

Ne partez pas.
C'est égal à mademoiselle.

Pourquoi ne resteriez-vous pas ?

Malheureusement, la Chambre des Pairs
se réunit aujourd'hui.

Votre père doit faire un discours
sur un traité avec la Turquie.

- Un discours ?
- Il attendra.

- Peut-on venir vous écouter ?
- Si je fais un bon discours, peut-être

mademoiselle m'autorisera à me joindre
à votre promenade au parc.

- Qu'y a-t-il, Pierre ?
- La voiture est prête.

Ah, oui.
Mademoiselle, j'aimerais vous parler.

Bien, monsieur.
Isabelle, occupe-toi de Raynald.

Louise, Berthe, à vos livres.

- Oui.
- D'accord.

Viens, Raynald.

- Oui, monsieur ?
- Parlez-moi, je vous prie

du nez bouché.

Pensez-vous qu'il s'agisse
d'un rhume ?

Il est trop tôt pour le dire.

Tout ira bien.
Je ne le laisserai pas sortir.

- Bien. Mademoiselle ?
- Oui, monsieur ?

Il y a une chose
que je voulais vous dire.

Si j'ai commis des erreurs...

Nous avions presque oublié
ce qu'était la paix

jusqu'à votre arrivée. Je ne puis
vous dire combien cela m'est précieux.

Vraiment, monsieur,
ce sont de si gentils enfants.

Mes craintes
semblent insensées à présent.

- Vos craintes, monsieur ?
- A propos de vous. Une étrangère.

Désormais,
ma crainte sera qu'un jour

vous nous quittiez.

Je ne serai jamais aussi insensée.

Tant que les enfants auront besoin
de moi et que vous voudrez que je reste.

Je vous remercie, mademoiselle.

Berthe, ma chère, la chanson est pour
apprendre l'histoire, pas pour danser.

Oui, mademoiselle. Je ne voulais pas.

Je suis désolée.

Louise, tu es assez grande
pour le savoir.

Mais mademoiselle, c'est dur de se
souvenir de choses si anciennes

arrivées en Angleterre, pas en France.

Quand j'enseignais l'histoire de France
à une Anglaise, elle m'a dit pareil.

La Guerre des roses est très simple
si tu apprends la chanson.

L'écusson du roi arborait l'emblème
de la rose rouge de Lancaster

et celui de la reine,
la rose blanche de York.

Je sais. Comme maman et papa.

Elle avait son blason
avant de l'épouser.

Son blason à lui était mieux.

- Maman avait plus d'argent.
- Pas pour son mariage.

Maintenant si.
Grand-père Sébastiani en avait, lui.

La maison est à lui. Nous vivons ici
parce que papa a épousé maman.

C'est vrai, mademoiselle.

Je parie que ça rend papa furieux...

Allons, Louise. Une autre fois.

Nous devons finir notre chanson.

Berthe, ma chérie, viens ici.

Là.

Pardon d'empiéter sur votre domaine,
Mlle Deluzy.

Au contraire, nous aimerions
que vous veniez plus souvent.

Je suis venue là uniquement parce que
je pensais y trouver monsieur.

- Il passe tant de temps avec eux.
- Il est parti, maman.

- Il est allé faire un discours.
- Sur la Turquie.

Je vois qu'il parle de ses plans
dans la salle d'études.

Voudriez-vous vous asseoir
et vous joindre à notre cours ?

Non, du tout. J'avais prévu
de partir avec monsieur.

Je ne vais pas sortir
pour que tout le monde le voie.

Habillez Raynald.
J'attends dans la calèche.

Pardon, madame.
Raynald ne peut pas sortir.

Qu'avez-vous dit ?

Il a toussé quelques fois.
Il pourrait s'agir d'un rhume.

Dois-je comprendre que vous m'interdisez
de prendre Raynald, Mlle Deluzy ?

Non, madame. Mais il fait si froid,
et monsieur lui-même...

Cela fait-il partie des prérogatives
octroyée par monsieur

que de me dicter ce que je dois faire
avec mes enfants ?

Pas du tout, madame.

Si j'ai dit cela,
c'était pour l'intérêt de Raynald.

Je ne voulais aucunement vous offenser.

Si vous voulez prendre
l'un des autres...

- Mlle Maillard ?
- Oui, madame ?

Habillez Raynald tout de suite.

Je vais habiller Raynald, madame.

- Mademoiselle, s'il vous plaît.
- Tu prendras la place de papa.

Une dame a besoin d'un gentilhomme
pour l'accompagner.

Non, Raynald, l'autre siège.

- Tu abîmerais ma robe.
- Non, maman, s'il vous plaît.

Pardon. Il m'a dit que cela le rendait
malade d'être à contresens.

Bêtises que tout cela.
Allons, Albert.

Les poules futées vont se mettre
à l'abri en entendant l'orage.

Ne croyez-vous pas, mademoiselle ?

J'étais à contresens toute la route.
Quand j'ai été malade, elle m'a grondé.

Oui, chéri, je sais.
Mais il ne faut pas pleurer pour ça.

Une si petite chose
ne vaut pas tant de larmes.

Est-ce vrai ce que madame
m'a raconté sur Raynald ?

Elle m'a fait voyager à contresens.

- Il s'est un peu refroidi.
- Je sais. Vous me l'avez dit ce matin.

Oui. Il aurait été préférable
qu'il ne sorte pas.

C'est certain.
Pourquoi l'avez-vous permis ?

- J'ai dit qu'avec sa toux...
- La prochaine fois, soyez plus ferme.

Mais quand sa propre mère...

Je vous ai faite responsable
de mes enfants.

Il n'est pas question de mettre
en doute votre autorité.

Vous me mettez
dans une position difficile.

Vous savez que cela
ne sera pas apprécié.

Etes-vous en colère
contre mademoiselle ?

Je ne suis pas en colère
contre mademoiselle.

Je suis navré.

Je comprends. Je sais
ce que les enfants représentent.

Excusez-moi.

J'ai parlé à la duchesse.

Je crois qu'elle comprend
ce que je viens de vous dire.

Vous voyez, nous devons réaliser
qu'elle est parfois très impulsive.

Sa tendresse s'efface
avec son jugement.

J'apprécie votre confiance.

Raynald est un petit homme fort.

Il sera sur pied demain.

- N'est-ce pas, chéri ?
- J'irai mieux demain, mademoiselle.

Ça fait mal, Raynald, je sais,
mais encore une fois.

- Mademoiselle.
- Je suis là, chéri.

Voilà. C'est fini.

Ça ne faisait pas si mal, si ?

Pauvre petit bonhomme.

Le traitement de la diphtérie
est toujours douloureux.

Mademoiselle.
Il faut remettre la compresse.

- Bien, docteur.
- La gorge est enflammée.

Il ne reste qu'à espérer
que cela ne va pas s'étendre.

Il doit rester au calme.
Et les autres enfants ?

Ils partent immédiatement
chez leur grand-père en Corse.

Bon. Je repasserai ce soir.

N'oubliez pas les fenêtres.

- Oui. Bien entendu, docteur.
- Au revoir.

Au revoir.

Mademoiselle, j'ai mal au cou.

Voilà. Tu vois, Raynald ?

Maintenant, tu portes une cravate
comme celle de papa.

Et voici du chocolat.

Non. Je n'en veux pas.

D'accord, Maxine.
Vous pouvez partir.

Sois patient, mon chéri.
Tu te sentiras bientôt mieux.

Si vous lui apportiez son miroir,

il constaterait lui-même
combien il a l'air grand.

Il portera un haut de forme
et une canne très bientôt.

Merci, monsieur. Tiens.

Montre à papa comme tu sais
bien sourire quand tu veux.

Vous voyez ? On ne peut pas dire
que Raynald n'est pas brave.

Nous allons prendre notre déjeuner
sur un plateau

comme ta maman prend le sien.

Non. Ça me fait mal au cou.

Oublions le chocolat, alors.

Voici une mandarine.

Je la pèle pour toi. Tu dois deviner
le nombre de quartiers.

Vous savez combien il y en a ?

Non, mais nous le saurons bientôt.

Allons.

Comptons.

- Un.
- Un.

- Deux.
- Deux.

- Et trois.
- Trois.

Ne vaudrait-il pas mieux
que je reste avec Raynald

et que quelqu'un d'autre
emmène les filles ?

- Dix, 11, 12.
- Dix, 11, 12.

Essayons celui-ci d'abord.
Il est joli et frais.

Laisse le jus couler dans ta gorge.

Je pensais prendre quelqu'un
de l'un des hôpitaux.

Là. Ça n'a pas fait très mal, si ?

- Pas beaucoup.
- Non. En voici un autre.

Je suis sûre de pouvoir suivre
le traitement du docteur.

C'est très gentil, mademoiselle.

J'éloignerai les filles avec Maxine,
alors.

Ma tête ne tient pas, mademoiselle.

Est-ce qu'elle va tomber comme
la poupée de Berthe restée dehors

et la sciure s'en est allée ?

Non. Nous allons tenir tout cela.

De plus, ta tête n'est pas
remplie de sciure.

Elle est pleine de bon sens
et de courage.

Vais-je mourir et devrai-je prendre
ces mauvais remèdes ?

Quelle idée.

Tu dois prendre tes remèdes
pour aller mieux.

Mais il ne faut pas penser à mourir.

Mon lapin blanc est mort, lui.

Je l'aimais plus que le marron
qui n'est pas mort.

Chut, mon chéri.

Tu vas dormir, maintenant.

Oui, mademoiselle.

C'est dommage de fermer les fenêtres
et laisser le soleil dehors

surtout avec le doux printemps
qui s'en vient.

Oui, c'est dommage.

Mais le docteur dit que...

Oui, je le sais, monsieur.

Je veux que vous sachiez

combien je vous suis reconnaissant.

Quand madame comprendra,
elle vous sera également reconnaissante.

Je reviens dans un moment.

Amen.

Il est trop petit pour avoir peur.

Monsieur, Mlle Deluzy.

Dr Louis ?

Oui, madame ?

Pas moi ?

Non. Il serait sage de ne pas y aller.
Cela risque de le contrarier.

Moi ? Le contrarier ?

Le danger d'infection est grand.
Je parle pour votre bien.

Comment osez-vous ?

La place d'une mère n'est-elle pas
près de son mari et de son enfant ?

Vous ne pouvez rien faire.
Pensez à votre santé.

Pourquoi penser à moi-même
alors que personne ne le fait ?

Ma santé, mes souhaits, rien.

Ma chère. Votre santé est importante
pour nous tous.

Père. Allez dans votre chambre,
je vous verrai plus tard.

Ma chambre.

C'est là qu'ils voudraient
me voir rester.

Surveillez-le, qu'il reste au calme
et bien couvert.

Voilà tout ce que nous pouvons faire.

J'attends un changement avant la nuit,
pour le meilleur ou le pire.

Espérons que sa force
lui fera traverser cette crise.

Oui, monsieur. Elle l'y aidera.

Mais il n'a pas de forces.

Il a toujours été frêle et sa fragilité
est un reproche envers moi.

Pourquoi dites-vous cela ?

Vous souvenez-vous du jour de
votre arrivée ? J'ai parlé de 3 enfants.

Puis d'un,
né plusieurs années plus tard.

- Oui.
- Cela ne vous dit-il pas tout ?

Il symbolise les cendres froides
qui n'auraient pas dues être ravivées...

Monsieur, je vous en prie.

Je ne préfère pas.

...et dans ces années avant Raynald,
combien j'étais affligée.

Puis notre réconciliation fut douce !

Maintenant il attend la mort
et avec lui meurent mes espoirs !

Lorsque vous avez dit que vous
me confiiez les enfants,

j'ose croire que cela vous plairait.
Quelle erreur !

Je n'aurais jamais dû laisser cette
femme dont vous préférez la compagnie...

Théo ?

Père Gallard.

J'espérais voir Théo.

Je suis venu vous apporter
du réconfort.

Quel réconfort trouverais-je quand
on m'écarte comme une poussière ?

Oh, Père, je ne sais combien de temps
je supporterai cette douleur.

Soyez patiente, mon enfant.

Mortifiez votre âme et endurez
avec calme les attentes de Dieu.

Je passe les journées seule
à penser à lui.

La nuit, je pleure.

Mes larmes se mêlent à l'encre
en écrivant mes lettres.

Ces lettres portent l'espoir
qu'il voudra bien les lire.

Je reste de côté de peur que
s'il me voit, il me fera des reproches.

L'or et l'argent sont purifiés
par le feu,

mais ceux que Dieu recueille
vivent humiliation et chagrin.

Vous êtes mon confesseur
et je vous fait vraiment confiance.

Nous sommes jeunes, Théo et moi.
Pourtant, depuis 3 ans, nous vivons...

Mon père, est-ce un péché pour moi
que d'aimer tellement un homme ?

Le mariage est sanctifié dans
la plénitude des concessions.

Alors dites-lui qu'il est mauvais,
qu'il pèche.

On me repousse. Même une préceptrice
peut aller et venir à sa guise.

Cela est exigé par la maladie
de Raynald.

Non. On ne la repousse pas, elle.

Elle le reçoit en robe de chambre
dans sa chambre.

Ou dans la sienne à lui.

Cette servante ne prendra pas
ma place dans cette maison.

Jour et nuit, à tout moment,
ces deux-là sont toujours ensemble.

Ne désespérez pas, monsieur.

La crise viendra
à un moment ou à un autre.

- J'espère seulement que...
- Mademoiselle ?

Oui, chéri.

Il fait trop sombre ici.
Puis-je voir le jardin ?

Le docteur a dit "pas encore", chéri.

Demain, peut-être.

Qu'est-ce donc qu'il veut autant ?

Il se plaint de l'obscurité
et du manque d'air.

On étouffe ici.

Il ne me croit pas quand je lui dis
combien le jardin a poussé.

Et que l'amandier est en fleurs.

Il veut voir dehors.
Si je pouvais, je le laisserais.

S'il vous plaît.

S'il vous plaît. Le jardin, papa.

Malades ou pas, nous ne sommes
pas faits pour suffoquer.

Juste une fois.

- S'il vous plaît.
- Il fait très doux.

C'est tellement peu demander.

La vie n'en aura que plus d'intérêt
s'il voit le jardin.

Après tout, le soleil et l'air
sont bons pour tout être humain.

J'ignore pourquoi j'écouterais plus
vos paroles que celles du médecin,

- mais c'est le cas.
- Merci, monsieur.

Voilà. Papa va te porter.

- D'accord, mon petit.
- Oui.

Nous allons voir le jardin.

Il ne pèse rien.

Tu vois, Raynald ?

L'amandier respire au soleil
et au chaud air du printemps.

Chaque jour, il devient plus fort
et plus beau.

Tu dois faire comme lui,
devenir fort et beau.

Théo. Es-tu fou ?
Vous voulez le tuer, mademoiselle ?

Théo. Lâche-moi. Tu me fais mal.
Laisse-moi.

- Alors va-t-en.
- S'il meurt, ce sera ta punition.

Dieu aura sa vengeance
en cette demeure.

Viens, chéri.

Nous reverrons l'amandier demain,

si tu me promets d'essayer de
te rétablir de toutes tes forces.

Mademoiselle. Regardez. Vous voyez ?
Je cours plus vite que papa maintenant.

Bien sûr, mon chéri.
N'est-ce pas merveilleux, mademoiselle ?

Si, mais ne courrons pas trop
pour une première journée.

- Il est hors de contrôle.
- Je vois cela.

Mademoiselle,
vous ne descendez pas ?

- Puis-je entrer, mademoiselle ?
- Oui.

Ceci est de madame.

Mon coeur vous remercie de votre aide
envers Raynald

alors que l'amour d'une mère
lui était refusé.

Frances Duchesse de Praslin

Madame, j'espère ne pas venir
à un moment importun.

Je ne pouvais plus attendre pour
vous remercier de ce charmant cadeau.

La broche ? Oh, oui.

Un petit souvenir.
Contente qu'elle vous plaise.

J'apprécierai pouvoir vous parler
seule à seule.

Vraiment ? Je suis très occupée.

Le duc et moi partons cet après-midi.

J'espère
que les enfants seront heureux.

Oui, nous allons en Corse les rejoindre.

Le duc et moi.

- Je ne resterai pas longtemps.
- Raynald.

- Est-ce sa voix ?
- Donne-moi le ballon.

- Oui. Il joue avec Raynald.
- Mlle Maillard ?

- Oui, madame ?
- Demandez-lui de venir.

Bien, madame.

Vous savez, le pauvre homme
est impatient de éloigne

de tout.

Cela fait longtemps que j'ai besoin

de vous parler pour que
nous nous comprenions bien.

Votre gentil message
et cette expression bienveillante

m'ont dit que c'était le bon moment.

Je n'ai jamais ressenti le besoin
d'une conversation avec vous.

C'est juste que j'espère l'harmonie
entre nous avant toute chose.

Pendant la maladie de Raynald, j'ai
ressenti de la désapprobation...

Mademoiselle, comme Raynald a survécu
comme par miracle

et que selon vos notions,
vous l'avez soigné fidèlement,

n'en parlons plus.

Madame, même si les enfants
sont à la charge de monsieur,

j'aimerais beaucoup suivre aussi
vos souhaits.

Alors je ne puis que réitérer
ce qu'une femme doit attendre:

Être la première dans sa propre maison,
avec ses propres enfants

et avec son mari.

Vraiment, madame, aucune autre pensée
ne m'a traversé l'esprit.

Si j'ai outrepassé ma position,
cela n'était pas intentionnel.

Je vous assure que je ferai
plus attention à l'avenir.

A l'avenir ?

Oui.

Qui sait ?

Mademoiselle ?

Oui, mon petit dormeur ?

Je n'ai pas envie de partir
la semaine prochaine.

Je voudrais que papa vienne ici.

Papa me manque.
Pas à vous, mademoiselle ?

Si, Raynald.

Papa et maman me manquent.

Pas maman.

Voilà une chose bien inconsidérée
à dire.

Maman t'aime beaucoup.

Ne t'a-t-elle pas envoyé une boîte
de soldats de plomb hier ?

- Elle me fait mettre à contresens.
- C'est une broutille.

Vous me faites pas voyager en arrière,
mais je pourrais si vous le demandiez.

Je pourrais maintenant.

Chéri,
je ne veux même pas que tu essayes.

Mais je veux vous montrer.

Ça n'est pas nécessaire.
Henriette sais que tu l'aimes.

Je serai pas malade.
Je le serai pas.

Pierre, je voyage en arrière.

Eh bien, ça alors !

Qui est arrivé à la maison ?

Moi je le sais,
mais vous devez trouver.

J'ai même pas été malade.

Mademoiselle. Mademoiselle.
Nous sommes rentrés.

Louise.

- Papa.
- Tiens ! Comment va mon garçon ?

J'ai voyagé à contresens.

C'est vrai ? C'est merveilleux.

Mademoiselle. Comment allez-vous ?

Ne remarquez-vous rien,
mademoiselle ?

- Eh bien, que...
- Regardez-moi.

- Que s'est-il passé ?
- Ma dent. J'ai eu très mal.

Papa a dit qu'on irait chez le dentiste.
Maman voulait qu'on y aille là-bas,

mais papa ne fait confiance
qu'au Dr Dupont.

Je l'ai fait pour mademoiselle,
toute la route du retour.

Raynald a l'air très bien.

Quand vous m'emmènerez chez le dentiste,
si je suis brave,

papa m'a promis une surprise.

Nous avons tout prévu.
Vous ne devinerez pas.

J'ai pas été malade, hein ?

Nous porterons nos plus beaux habits
et ne nous coucherons pas avant minuit.

Ne devinez-vous pas ?

Vous n'avez jamais vu Rachel.

Pas vrai, mademoiselle ?

C'est trop gentil.

Mademoiselle, si vous disiez
à papa que je ne l'ai pas été ?

C'est l'idée de papa.

Elle joue demain.

C'est la dernière de Phèdre.

Après ça,
elle retournera en Angleterre,

- d'où vous venez.
- N'est-ce pas, mademoiselle ?

Regardez. J'ignorais que le Duc
de Praslin était en ville.

Des fleurs, mademoiselle.
N'est-ce pas étourdissant ?

N'est-ce pas parfait d'être avec
un bel homme qui nous offre des fleurs ?

Merci. Voici un programme.

- Merci.
- Merci, monsieur.

Je me demande qui s'est.
Une amie de la duchesse ?

Ils ont une préceptrice séduisante
dans cette maison.

Si c'est vrai, on le dirait bien,
elle est très séduisante.

En tant que préceptrice.

J'ai tellement hâte que je n'arrive pas
à lire mon programme.

N'êtes-vous pas contente de porter
votre nouvelle robe ?

On ne dirait pas une préceptrice,
n'est-ce pas ?

- Pas du tout.
- Louise.

Je me demande ce qui a fait revenir
le duc à Paris si soudainement ?

On m'a dit que la duchesse était seule
en Corse avec son père.

Ah oui ?

C'est très pratique.

Papa. Mademoiselle.
N'est-ce pas le roi ?

Si, chérie.

Regardez, mademoiselle.
Il nous salue.

Asseyez-vous.

Je crois bien que je vais mourir.

Imaginez-vous,
ma première visite au théâtre,

le roi me salue.
Voyez, tous le monde nous regarde.

Louise, le rideau va se lever.

Pourquoi y a-t-il de la musique ?
N'y en a-t-il pas qu'à l'opéra ?

C'est un prologue musical.
Silence, ma chérie, je te prie.

Oui, mademoiselle.

- Je vous demande pardon.
- Qu'y a-t-il ?

Rien, monsieur, rien.

Je me demandais
ce qu'était tout ce bruit.

Pardon de vous avoir dérangé.
Bonne nuit.

N'arrêtez pas.
J'adore danser avec vous.

- Il est tard. Je vais aller me coucher.
- Oh, papa.

- Il est minuit passé, Louise.
- Doit-on s'arrêter ?

C'était merveilleux.
Merci, papa.

Merci, chère mademoiselle.

Je suis navrée d'avoir jeté
mes violettes.

Mais j'étais si troublée
et les autres ont jeté les leurs.

Même vous, mademoiselle,
vous avez jeté les vôtres.

J'aurais aimé les garder
pour ne pas oublier cette soirée.

Puis-je vous offrir la mienne
en compensation ?

Vous êtes si gentil, papa.
Merci.

- Bonne nuit, ma chérie.
- Bonne nuit, papa.

Puis-je vous remercier, monsieur ?
Cela m'a énormément plu.

J'en suis ravi.

Je dois dire que, personnellement,
je préfère la comédie.

C'est un signe de vieillesse, dit-on,
mais je n'y peux rien.

Il y a assez de tragédie en ce monde.

Il n'est pas utile d'acheter nos larmes.

- Bonne nuit, mademoiselle.
- Bonne nuit, monsieur.

Oui, Louise ?

Vous savez quoi ?

Je pensais:
Je vais vous donner la fleur.

- Non, ma chérie.
- Si, mademoiselle.

Nous ne nous étions jamais autant amusés
avant votre venue.

Nous n'avions jamais rien eu de tel.

Même papa n'a jamais été si gai.

Oui, prenez la fleur.

Papa te l'a donnée.
Tu devrais la garder.

- Croyez-moi.
- Très bien.

Si nous la gardions jusqu'à demain
et la mettions dans un livre ?

Je sais:

Je la mettrai dans mon journal
à la date du 11 juin 1846.

- Pourquoi ça, chérie ?
- C'est aujourd'hui.

Savez-vous ce que j'écrirai ?

"Le plus beau jour de ma vie."

Tu es énervée.
Veux-tu que je m'asseye un moment ?

Non, merci.

D'une certaine façon,
je préfère rester seule.

- Bonne nuit, chère mademoiselle.
- Bonne nuit, Louise.

- Mademoiselle.
- Oui, Louise ?

Je voulais juste vous dire que
je vous aime presque autant que papa.

Et je t'aime beaucoup moi aussi,
ma chérie.

- Dors bien.
- Oui.

Le fait que le duc et la duchesse
de Pr... ne soient pas apparus ensemble

depuis quelque temps a fait naître
des rumeurs de dissension.

Hier soir, le duc est apparu
en public au théâtre

mais pas avec la duchesse,

qui est dans le sud
pour des raisons de santé.

La loge du duc n'était pas sans
parure féminine toutefois,

car près de sa fille, il était
accompagné de la belle Mlle D...,

qui serait la préceptrice.

Nous pensions rester jusqu'à septembre,
mais maman nous a dit

que nous rentrions le jour même.

J'ignore pourquoi,
mais elle semblait en colère.

Elle s'est mise en colère
et a pleuré.

Puis grand-père Sébastiani
lui a pris la main.

- Je suis heureuse de vous voir.
- Moi de même, mademoiselle.

Vous m'avez manqué toutes les deux.

Savez-vous pourquoi grand-père
Sébastiani est rentré avec nous ?

Comment le saurais-je ?

C'est plutôt drôle, car il n'est pas
venu ici depuis des années.

Dans le train, chaque fois que lui,
l'abbé et maman étaient ensemble

et que nous arrivions, ils disaient:
"Les enfants."

Et ils parlaient du paysage.

- Mlle Deluzy ?
- Oui ?

Le Maréchal Sébastiani voudrait
vous voir dans son appartement.

Pourquoi grand-père
voudrait-il vous voir ?

Je vous le dirai
une fois que je le saurai.

Occupez-vous, pendant ce temps.
Il est presque l'heure d'aller au lit.

- Pourquoi il veut la voir ?
- Quelque chose ne va pas ?

Sans doute, sinon grand-père
Sébastiani ne l'aurait pas demandée.

Entrez.

Madame la Duchesse.

- Votre voyage était agréable ?
- Oui. Merci.

- Père Gallard.
- Mlle Deluzy.

Je suis le Maréchal Sébastiani.

Enchantée de vous connaître.

Les enfants m'ont beaucoup
parlé de vous.

J'ai pu entendre moi aussi beaucoup
de choses sur vous, mademoiselle.

J'aurais espéré

que notre première entrevue se passe
dans des circonstances plus agréables.

Père, finissons-en.

Mlle Deluzy,

cet article de journal a-t-il été porté
à votre attention ?

Nous attendons une explication.

Un soir, en tant que préceptrice,
j'ai accompagnée Louise et son père

au restaurant et au théâtre.
Cela nécessite-t-il une explication ?

Réalisez-vous ce que cela signifie ?

Des gens écrivent des saletés
et d'autres les lisent.

Vous avez fait une tentative délibérée
de me voler tout ce que j'aime.

Mais que vous ayez inventé
cette insulte...

Vous avez usé de votre influence
sur mon mari pour que le roi

et le tout Paris vous voient.

Laissez-moi m'expliquer, madame.

La calomnie m'indigne autant,
voire plus que vous.

Réalisez-vous ce que cette calomnie
implique ?

- C'est clair.
- Vous l'admettez.

Je n'admets rien.

Si vous choisissez de ne pas me croire,
vous devez croire les faits.

Cette maison est infestée
par Mlle Maillard et par vos espions.

- On sait ce que je fais.
- Que voulez-vous dire ?

Un moment, Frances,
ne soyons pas pressés.

Eh bien, peut-être n'y a-t-il rien
de mal entre vous.

J'ai trop foi en mon mari pour croire
qu'il s'abandonnerait avec une servante.

Si vos actions ont cet aspect,
c'est que c'est peut-être le cas.

Il existe une différence entre
l'apparence et un fait, madame.

Si, comme l'implique cet article,

il semble que vous et monsieur
ne soyez pas en bons termes,

faut-il également l'accepter
comme un fait ?

Comment ?

Je ne tolérerai pas ceci plus longtemps.

Moi non plus, madame.

- Ai-je votre permission de partir ?
- Pas encore.

Entrez.

Désolée,
mais madame m'a demandé de l'informer.

Mlle Deluzy,
ma fille est très importante pour moi.

Je n'ai pas pu lui acheter son bonheur,

j'espère lui éviter
toute l'humiliation possible.

Il faut trouver une sortie
à cette pénible situation.

Monsieur, c'est très simple.
Je vais faire ma valise.

Cela serait peu judicieux et hâtif.

Pourquoi ? Puisque la duchesse
n'est pas satisfaite de mes services.

Puisque c'est son bonheur
qui est votre seul but.

Si vous partiez,
cela donnerait foi à la rumeur.

Mon fils et ma fille seront vus
plus souvent en public.

Ce commérage sera oublié.

Vous vivrez ici, dans les meilleurs
termes avec eux deux.

Tout ce que je demande c'est que
vous soyez plus prudente à l'avenir.

Je vous assure que ma conduite
ne vous posera plus de problème.

N'est-ce pas suffisant de m'humilier
à la maison ? En public aussi ?

Toute la cour,
le Tout-Paris en parle.

Ils savent que tu as une femme
et tu dis par tes actions

aussi clairement qu'avec tes mots,
que tu préfères une domestique.

N'est-ce pas suffisant qu'elle soit
préceptrice sans en faire ta compagne ?

Théo, tu dois mettre un terme
à tout cela.

Mademoiselle, ne partez pas.

Vous n'auriez pas dû venir.
Il y a déjà assez de problèmes.

- Pensez aux enfants.
- Pas ça, monsieur.

Raynald vous doit la vie. Louise,
Berthe, Isabelle vous font confiance.

Elles sont jeunes et oublieront.

Il est inutile de se battre
contre certaines choses.

L'une d'elles est la jalousie
d'une autre femme.

Elle me déteste.

Croyez-moi, ce sera mieux pour
nous tous. Elle sera plus heureuse.

- Avec le temps, vous et elle...
- Jamais.

Elle vous aime, monsieur.

Quel est l'amour
qui conduit à la folie ?

Si elle vous torture, c'est parce
qu'elle est aiguillonnée par sa passion.

Etant moi-même une femme,
je le comprends.

J'espère que vous ne saurez jamais ce
que c'est qu'être étouffé par un amour

devenu intolérable.

Je n'aurais pas dû parler d'amour
du tout.

- Je n'avais pas le droit.
- Je suis content que vous l'ayez fait.

Je voulais que vous le sachiez.
C'est toujours pareil.

Exigences, exigences, lettres, larmes.

Je crains d'être amené à faire
quelque chose de désespéré.

- N'y pensez pas.
- Je sais ce que je demande.

Je sais les vexations et l'humiliations
que vous devrez supporter.

Moi, je dois faire ce qu'il faut
pour faciliter les choses.

Je leur donnerai l'apparence
de la réconciliation.

Leurs précieuses apparences
qu'ils croient si importantes.

Mademoiselle, votre coeur ne permettra
pas de refuser aux enfants et à moi

le seul salut que nous ayons.

Mais monsieur,
j'ai toujours eu à me débrouiller.

- Cela m'a enseigné à être pratique...
- Soyons pratiques, alors.

Elle est une raison
pour que vous vouliez partir.

Il y en a cinq
pour que vous restiez ici.

- Cinq ?
- Oui, mademoiselle.

Quatre jeunes et leur père.

Dois-je les compter sur mes doigts
pour vous ?

Non, monsieur,
ne vous en donnez pas la peine.

Vous me l'avez demandé
et cela me suffit.

Si vous aviez tenté de me soudoyer
ou de marchander avec moi,

je ne céderais pas
contre mon jugement.

Etre aimée comme vous l'êtes ici
est au-delà de tout marchandage.

CHRONIQUE MONDAINE.

En vue dans les cercles
de la cour,

le duc et la duchesse de Praslin
forment un des plus beaux couples.

Leurs Majestés Louis-Philippe,
Roi des Français, et la Reine Amélie

vous convient
à la soirée du 15 juillet

Vous plairait-il de m'accompagner,
ainsi qu'un groupe d'amis,

au bal demain soir ?

Le Duc et la Duchesse de Praslin
prient M. Et Mme de Saint-Simon

de leur faire l'honneur d'assister
au bal en leur demeure...

N'est-ce pas merveilleux ?

Regarde qui vient d'entrer.
C'est Victor Hugo.

Quand je serai grande,
je donnerai des bals.

Voilà Lamartine, le grand poète.
Il parle à Chopin.

- J'espère qu'il jouera.
- Le roi n'est pas encore arrivé ?

Pas encore, idiote.
Tous seront là, même Rachel.

J'ai vu Rachel.
Vous le savez, non ?

Oui, on en a entendu parler.

Regardez là-bas. C'est papa.

Personne ici ne danse aussi bien
que papa.

Papa n'est-il pas beau ?
J'aimerais danser avec lui.

- Moi, je l'ai fait.
- C'est vrai ?

Oui. Regarde, c'est comme ça
qu'il me tenait.

Que faites-vous ? J'ai mis Raynald
au lit et vous ai cherchées partout.

- Ne soyez pas en colère.
- C'est tellement excitant.

Nous regardions.

- En chemise de nuit.
- Personne ne nous a vues.

Juste papa. Il a regardé.
Je sais qu'il nous a vues.

Puis il a détourné le regard,
un regard tellement seul.

Mademoiselle, pourquoi papa
ne vient-il plus à la nursery ?

Oui, pourquoi ?

Eh bien, il fait ce qu'il peut.

Pas comme avant.
Il ne vient plus s'amuser.

Il vient parfois avec maman et
nous demande poliment comment ça va.

Mademoiselle, pourquoi papa
n'est-il pas heureux ?

Vous savez,
votre père travaille très dur.

La période est trouble
pour le royaume.

Donc parfois, s'il semble soucieux
et un peu étrange,

c'est parce qu'il a les gros problèmes
du pays à l'esprit.

Maman est plus plaisante et je crois
qu'on peut avoir tout ce que...

Mademoiselle, regardez, le roi.

- Votre Majesté.
- Chérie.

Je veux qu'il salue pour que Berthe
et Isabelle me croient.

Maintenant, venez.
Vous avez vu le Roi.

Maxine attend pour vous laver le visage.
Déguerpissez.

Le roi est-il méchant ? Pierre dit
que le peuple veut lui couper la tête.

Il n'est pas méchant.
Il est l'ami de papa et le mien.

Celui de mademoiselle aussi.

Mademoiselle, pensez-vous que c'est
le roi qui empêche papa de venir ici ?

Berthe, ton père est un pair de France

et a de nombreuses responsabilités
à assumer.

Mademoiselle, quand je serai grande,
je serai pair de France ?

Nous en parlerons demain.

Maintenant, au lit.

Tu dois me promettre
de ne plus parler ce soir.

Bien, mademoiselle.

- Bonne nuit, mademoiselle.
- Bonne nuit, Berthe.

- Bonne nuit, Louise.
- Bonne nuit, mademoiselle.

Isabelle.

Chérie.

Pourquoi ces larmes ?

Je suis tellement malheureuse.

Isabelle, toi ?

- Pourquoi ?
- Je ne sais pas.

Ce n'est pas quelque chose
que je peux raconter.

J'ai tellement peur.

Alors,

ma petite fille
est en train de grandir.

Je ne veux pas grandir.

Mais chérie, tout le monde grandit.

C'est naturel et beau.

Il n'y a pas de quoi avoir peur.

Quelqu'un t'a raconté quelque chose ?

Depuis que grand-père Sébastiani
est arrivé, lui et l'abbé,

ce matin, quand je suis allée
à confesse, l'abbé a dit...

Il a dit...

Oh, je ne peux pas.

Chérie, ne sais-tu pas que tu peux
avoir confiance en moi ?

Il a dit que dans un an ou deux,
je serai assez vieille pour me marier

et que je devais me préparer.

Eh bien, qu'a-t-il dit, Isabelle ?

Il a parlé des devoirs du mariage
et de la soumission.

Je ne sais même pas
de quoi il parlait.

Mais l'abbé n'a pas voulu t'effrayer.

Parfois, quand on est jeune,
la vie nous fait peur.

Un jour, quand tu seras amoureuse
et aimée en retour,

tu découvriras
que rien d'autre ne compte.

S'il y a des choses que tu veux savoir,
va le demander à ta mère.

Je ne pourrais pas. A mon mariage,
je ne veux pas être comme elle.

- Isabelle, tu ne dois pas...
- Mais c'est ce qui me fait peur.

A voir maman comme elle est,
je ne pourrais pas lui parler.

Mais vous,
j'aimerais que vous me le disiez.

Eh bien, il n'y a pas
grand-chose que je puisse te dire.

Je n'ai jamais été mariée, tu sais.

N'avez-vous jamais été amoureuse ?

J'ai eu l'amour de mes enfants.

Je parle de l'autre genre d'amour.

Rend-il toujours les gens malheureux ?

Que puis-je répondre ?

Si l'amour est le bon, c'est le présent
le plus précieux au monde.

Mais tu dois être sûre, très sûre,
que c'est le bon.

Car s'il ne l'est pas,

il n'y a pas pire souffrance.

Rien de plus amer.

Rien de plus solitaire
qui puisse se concevoir.

Merci, chère mademoiselle.

Je me sens déjà tellement mieux.

Désolée d'avoir fait le bébé.

Tu n'as pas fait le bébé, chérie.

Nous en parlerons davantage demain,
si tu veux.

Dors maintenant, Isabelle.

Oui, mademoiselle.

Bonne nuit.

Bonne nuit, mademoiselle.

Monsieur.

Je suis navré. Je suis resté en bas
aussi longtemps que j'ai pu.

Les sourires, les courbettes,
l'hypocrisie.

Comment vont les enfants ?

Très bien, monsieur.
Les études...

Ils me manquent.

Vous leur manquez.
Ils pensent à vous.

Ils se posent des questions. Je me
demande si j'ai eu raison d'accepter...

Madame vous a-t-elle parlé
de nos plans pour samedi prochain ?

Non, voilà plusieurs jours
que je n'ai vu madame.

Je suis ravi qu'elle n'ait rien dit,
c'est une bonne nouvelle.

Nous amenons les enfants à Melun
pour les vacances.

Les enfants m'ont tellement
parlé de Melun.

C'est chez vous.

En effet.

Oui, c'est chez moi.

La campagne doit être belle
en cette saison.

Quel agrément peut-on tirer
de s'éloigner de...

D'ici.

La première neige.

Oui, elle arrive tôt cette année.

Elle transforme le jardin
en pays enchanté.

Pourquoi souriez-vous ?

Puis-je partager ce qui vous fait
tant plaisir ?

Vous me trouverez bien bête, je crois.

Mais rester là,
avec la neige qui tombe,

me fait penser à quelque chose
que je connais.

Vous souvenez-vous des petits globes
de verre ronds qui...

Oui, je vois.
Avec une scène de neige à l'intérieur.

Nous avions un presse-papier
comme ça sur le bureau.

On le secoue et la neige apparaît
de nulle part en tempête aveuglante.

Oui, c'est exactement ce dont je parle.

Et si l'on regarde d'assez près,

le reste du monde semble

effacé et lointain.

Je parlerai de Melun aux enfants.

Ils vont être ravis.

Merci, mademoiselle.

- Bonne nuit.
- Bonne nuit.

Bonsoir, monsieur.

Vous avez passé un bon moment,
j'espère.

- Qui êtes-vous ?
- Charpentier.

- Charpentier ?
- Le nouveau valet, monsieur.

Depuis quand ?

Depuis ce soir, quand le maréchal
a été assez bon de m'engager.

- Le maréchal vous a engagé ?
- Oui.

Le maréchal est bien prévenant.

- Dois-je vous préparer pour la nuit ?
- Non, merci.

Je suis capable de me préparer seul.

- Puis-je faire quelque chose ?
- Oui, vous pouvez sortir.

Allez lui dire que je lui ferai
le compte-rendu de mes activités.

- Mais Sa Grâce...
- Bonne nuit.

Bonne nuit, monsieur.

Qui est là ?

Ça n'est que moi.

Il est tard.
Vous ne devriez pas dormir ?

Si, mais je ne pouvais pas.

Et vous ? Ne devriez-vous pas...
Vous ne pouviez pas, non plus ?

- Que voulez-vous, Pierre ?
- Ceci vient du maître.

Ne soyez pas si pressée.

Non, restez sur des charbons ardents
une minute ou deux.

- Que signifie cet humour, Pierre ?
- L'humour est une chose merveilleuse

et nous ne devrions pas en perdre
une miette quand il s'approche.

Par exemple,
il y a l'humour du maître

qui m'envoie au milieu de la nuit

acheter des breloques
pour la jolie préceptrice.

- L'impertinence n'est pas drôle.
- C'est autre chose, l'impertinence.

C'est un privilège qui vient avec l'âge
en compensation d'autres pertes.

Je vais vous donner un conseil
impertinent mais bon, mademoiselle.

Fuyez ! Fuyez cette maison
s'il n'est pas déjà trop tard.

Je n'ai aucune idée
de ce dont vous parlez.

Je parle d'un homme qui a une épouse.

- Comment osez-vous ?
- Pardonnez à un vieillard

de parler si franchement.

Je vous ai vue entrer
dans cette maison difficile

et je sais ce que votre présence
signifie pour les enfants et monsieur.

Je l'aime depuis qu'il était
un enfant galopant partout à Melun.

C'est un gentilhomme, mademoiselle.

Oui, il l'est, Pierre.

Je sais que vous êtes
une gentille personne aussi.

C'est pourquoi j'ose vous parler ainsi.

Savez-vous qu'il n'y a jamais eu
de geste entre le duc et moi

qui ne puisse être vu
par tous les yeux du monde ?

Vos sentiments, pourraient-ils l'être ?

Oui, bien entendu.

Alors pourquoi attendez-vous
à la fenêtre ? Cela arrive souvent.

Que voyez-vous de là ?

Peut-être les lumières
de l'autre aile de la maison ?

Sur la gauche, les lumières de
la chambre de madame sont allumées

et sur la droite, les lumières de
la chambre de monsieur, allumées.

Entre eux, il y a un long passage
où les lumières ne brillent jamais.

Et si un soir vous voyez
ce passage allumé ?

Pourriez-vous partager vos sentiments
avec le monde entier ?

- Vous feriez mieux de partir, Pierre.
- Oui, je vais partir.

Je vois qu'il est trop tard
pour vous avertir.

Vous êtes dans le filet et
vous ne voulez pas vous échapper.

Bonne nuit, mademoiselle.

Si l'on regarde assez près,

le reste du monde semble
effacé et lointain.

Veillez sur le duc et la duchesse.

George, veillez sur mademoiselle
et les enfants.

Mettez les bagages du maître
dans l'autre voiture.

Les bagages de madame
ne sont pas là ?

Pas encore, monsieur.

Je vais voir ce qui se passe.

J'espère qu'il y aura de la neige.

- Tout est prêt ?
- Oh, papa.

Nous y allons vraiment ?

Certainement,
dès que votre mère sera prête.

As-tu suffisamment de bas
de laine pour toi ?

- J'espère que Marie fera du traîneau.
- Quand arrivons-nous ?

Frances, les enfants attendent...

- Je comprends. Puis-je y aller ?
- Oui.

Excusez-moi, Monsieur le Duc.

Puis-je envoyer Pierre
pour tes bagages ?

Théo, hier soir, je vous ai ouvert
mon coeur dans une lettre.

J'ai rampé à votre porte,
je ne peux pas entrer.

Je me suis penchée
et l'ai glissée sous la porte.

- Je l'ai reçue, Frances.
- Mais regarde,

tu ne l'as même pas ouverte.

Théo, crois-tu que ces jeux de dupes
sont ce que j'espérais ?

Hier soir,
je t'ai imploré de venir à moi.

J'espérais pouvoir commencer ce voyage
unis comme nous l'étions.

Théo, as-tu complètement oublié la vie
que nous partagions ?

Si tu es malheureuse,
je suis désolé,

mais je te jure que je ne t'ai jamais
voulu de mal.

Ce ne sont que des mots.

En réalité,
tu te délectes à me torturer,

comme un jour, plaise à Dieu,
je te torturerai.

- Nous t'attendrons dans la calèche.
- Ne t'en fais pas.

Je ne viens pas.

Comment ça, tu ne...

- Tu ne viens pas ?
- Je ne mettrai pas un pied dehors

- avec cette femme.
- Les enfants vont entendre.

Il est temps qu'ils réalisent que
tu conspires contre leur mère.

- Tu les as détournés de moi.
- Si tu n'arrêtes pas...

Ils réaliseront combien je les aimais

quand je serai morte et ne
te gênerai plus. Il sera trop tard.

- Au nom du ciel, Frances.
- Théo ! Lâche-moi.

Je te délivrerai de ma présence,
je ne serai plus un problème.

- Frances !
- Non, Théo !

Papa, ne la laisse pas faire.

Mademoiselle.

Puis-je avoir les bagages,
je vous prie ?

Qu'y a-t-il ? Ne m'avez-vous pas
entendu ? Je dois les prendre.

Certainement, Pierre.

Venez, les enfants. Levez-vous.

Mademoiselle, pourquoi maman
déteste-t-elle tout le monde ?

- Berthe.
- Mais c'est vrai.

Tu te trompes. Souviens-toi que
ta maman est souvent fatiguée.

Venez.
Dans la calèche.

- Mais...
- Votre mère va bien.

N'ayez pas l'air si effrayés.

Elle m'a demandé de vous dire
qu'elle n'avait pas envie de voyager.

Vous et mademoiselle
devez partir quand même.

- Venez-vous ?
- Pas cette fois.

- Ça fiche tout par terre.
- Ne nous disputons pas.

Vous allez manquer le train.

- Allez.
- Dépêchez-vous.

- Vous viendrez nous voir ?
- Vous devez.

- S'il vous plaît, papa.
- Oui, peut-être.

Monsieur ?

Pierre, faites-les monter, je vous prie.

- Puis descendez mes bagages.
- Bien, monsieur.

- Est-ce la vérité ? Elle ne...
- Non.

- Elle ne s'est pas fait mal.
- Dieu merci.

Monsieur, nous ne pouvons pas continuer.

Voici les billets.

Je suis sûr que les enfants
vont s'amuser.

Veillez à ce qu'ils écrivent
à leur mère.

Je penserai à vous
pendant les vacances.

- Que s'est-il passé ?
- Rien du tout.

Pourquoi cachez-vous votre main alors ?

Je n'ai pas voulu effrayer les enfants.

Ce n'est rien.
Une petite coupure.

Un coupe-papier. La lame
était plus aiguisée que je ne pensais.

Etes-vous sûr
que ce n'est rien de grave ?

Dois-je envoyer le chariot à bagages,
monsieur ?

Oui, Pierre.

HALLOWEEN
QUAND LES SORCIERES ATTENDENT

Louise.

Où êtes-vous ?

Isabelle.

Louise.

Il fait sombre, mademoiselle.
Nous aurions dû prendre les chiens.

Les enfants, il se fait tard.

Loti nous attend.

Où êtes-vous ?

Je suppose que nous ferions mieux
de les chercher.

- Mademoiselle ?
- Oui, chérie ?

Mademoiselle, que fait-on
si l'on voit un fantôme ?

Je suppose qu'il y a de bons
et de mauvais fantômes.

Oh, non, mademoiselle,
pas à Halloween.

Juste le diable et les sorcières.

Mademoiselle, rentrons à la maison.

- Lutin. Sorcière. Fantôme !
- Isabelle, Louise, j'ai eu peur.

- On ne pouvait pas arrêter de rire.
- Nous étions derrière.

- Je vous croyais disparues.
- Oh, non, mademoiselle.

- Nous étions derrière vous.
- Venez.

Vous nous aviez vues ?

Mademoiselle, rentrons à la maison.

Chut, chéri,
ça n'est qu'une vieille chanson.

Un fantôme.
Mademoiselle, un fantôme.

- Allons, Berthe.
- Vraiment, mademoiselle.

Regardez là. C'est un fantôme.

Un fantôme de chair et d'os.
Ne reconnaissez-vous pas votre père ?

- Papa, quelle surprise.
- Que faites-vous ici ?

Je savais où vous trouver.

Loti faisait cuire des pommes quand
je n'étais pas plus grand que Raynald.

- C'est ce que j'ai fait, monsieur.
- Préparez une pomme.

- Oui, Louise.
- Nous étions tristes sans vous.

- Maman a changé d'avis ?
- Maman n'est pas là.

Je lui ai demandé de venir,
mais elle a préféré rester à Paris

avec votre grand-père et l'abbé.

Vous êtes venu seul en train ?

Dieu du ciel, non.
Pierre était là pour me protéger.

Je ne voulais pas venir,
mais la fin de l'année approchant,

j'ai pensé à vous tous,

et je n'ai pas pu résister.

Mademoiselle, aimez-vous Halloween
à Melun ?

Vous n'auriez pas...

Oui, beaucoup, monsieur.

Là, monsieur.
Si vous vous approchiez du feu ?

S'il vous plaît, papa.

Je serais heureux de me joindre
à vous si je suis le bienvenu.

Mais je peux rentrer à Paris
s'il y a des objections.

Oh, non, papa.
Ne pensez pas une telle chose.

Et vous, mademoiselle ?

Ce qui vous semble être pour le mieux.

DES JOURS PARFAITS...
FESTIFS ET INSOUCIANTS...

RENDUS JOYEUX
PAR LE RIRE DES ENFANTS

- Les enfants vont bien ?
- Mais Pierre est avec eux.

Nous avons promis qu'après le manège,
ils verraient les marionnettes.

- Je sais, mais la maison est loin.
- Bonsoir.

Bonsoir.
Comment va Mme Gauthier ?

- Bien, merci.
- La voici.

Je n'en crois pas mes yeux:
Monsieur le Duc.

- Mme Gauthier, heureux de vous voir.
- Vous nous avez manqué à Melun.

- Les enfants, sont-ils avec vous ?
- Il vont arriver.

Mlle Deluzy,
voici Mme Gauthier.

Qu'avez-vous pour nous réchauffer ?
Ma cuvée spéciale de cognac ?

Nous en avons toujours, monsieur.
Jean, vite.

- Si vous vous asseyiez près du feu ?
- Merci.

Voilà longtemps
que je ne vous avais vu.

Mme Gauthier, je dois dire
que vous n'avez pas changé.

- Puis-je prendre votre manteau ?
- Merci.

Je dois avouer, monsieur,
que j'avais froid.

Les enfants doivent avoir grandi.

Attendez de les voir.

Voici votre cognac.

Jean, prends ça.

Ce sera bien de les revoir.
Raynald, avec ses grands yeux.

Berthe, Louise.
Isabelle doit être en âge de se marier.

- Mme Gauthier ?
- J'arrive.

Excusez-moi.

Alors, vous voyez ?
Je ne peux rien cacher.

Même un vieil ami me rappelle
que je serai bientôt un grand-père.

Ne soyez pas ridicule, monsieur.

A Melun,
vous êtes le plus jeune d'entre eux.

Pourquoi ne le serai-je pas ?
Asseyez-vous, que j'enlève vos bottes.

Merci.

Ne pensez-vous pas que
nous aimons tous revenir au temps

où nous étions le plus heureux ?

Vous voyez, ici à Melun,
je peux oublier.

Mais vous ?

Nous n'avons toujours parlé
que des enfants.

Cela a été "mademoiselle" ceci
et "monsieur" cela.

Il y a tant de choses
que je voudrais savoir sur vous.

- Que dire ?
- Eh bien, parlez-moi de vous.

Etiez-vous une enfant heureuse ?

J'étais seule,
mis à part mon grand-père.

Il ne m'a jamais totalement
pardonnée d'être née.

Il avait ses raisons.

C'est pour cela que vous êtes
devenue préceptrice ? La solitude ?

Je me le suis souvent demandé.

Comme j'adore les enfants,
qu'y a-t-il de mieux ?

Le mariage.
Vous raviriez n'importe quel foyer.

Je ne me marierai jamais, monsieur.

Puis-je vous demander pourquoi
vous dites cela ?

Il plane un mystère sur ma naissance.
Grand-père ne voulait rien dire.

Ça n'a pas toujours été agréable
de vivre avec ce vide.

Je me sens parfois comme ces silhouettes
découpées dans du papier noir

et que l'on colle sur un carton blanc.

Juste le contour d'une personne
qui se tient devant rien.

C'est terrible pour vous.

Pardonnez-moi. Je ne veux pas que
vous vous sentiez désolé pour moi.

J'ai les enfants.

Même si ce ne sont pas les miens,
j'imagine parfois qu'ils le sont.

Quand je les borde au lit

et que je sais qu'ils se lèveront
en m'aimant toujours, la vie est belle.

Bien que je ne puisse me plaindre
de la chance qui vous amena chez nous,

en tant qu'ami,
j'espérerais autre chose pour vous.

Puis-je demander quoi, monsieur ?

Cela me rendrait très heureux
de penser à vous

assise devant votre propre cheminée

avec vos propres enfants
jouant près de vous.

Et votre mari qui vous regarderait
en se disant qu'il a de la chance.

- Il est tard, nous devrions partir.
- Ne partez pas.

Ne bougez pas.

Pourquoi ?

Je devrais dire: "Ne bougez pas."
Vous êtes assise là,

le reflet du feu est si beau
dans vos cheveux.

Je pourrais dire: "Ne bougez pas"
parce que c'est la Toussaint

et qu'il ne faut pas déranger
les esprits.

Mais aussi, je pourrais dire:

"Ne bougez pas"

car c'est un moment
si rempli de compréhension

que je ne supporte pas
qu'il puisse se terminer.

Est-ce qu'on ne
s'est pas bien amusés ?

Papa, pourrons-nous aller voir
Mme Gauthier demain ?

- C'est bien possible.
- Elle fait de bons hors-d'oeuvre.

Ses pâtisseries pour nous
étaient encore meilleures.

- Vous ne devez pas entrer avec nous.
- Pourquoi ça ?

Nous avons une surprise
et elle n'est pas emballée.

Vous devez promettre de
rester dehors 5 minutes.

S'il vous plaît.

- Veillez à ce qu'elle obéisse.
- D'accord.

Donnez-nous quelques minutes,
votre patience sera récompensée.

- Aidez-les, Pierre, d'accord ?
- Ne vous en faites pas.

La journée a été longue.
Vous devez être fatiguée.

Non, je ne suis pas fatiguée.
J'ai peur.

Auriez-vous préféré
que je ne vinsse pas ?

Non. Je dois avouer que c'était bien
de vous avoir là quelques jours.

J'ai essayé de ne pas penser aux
comptes que vous et moi devrons rendre.

Quoi qu'il advienne, je vous promets
que vous n'aurez rien à faire.

Je ne puis m'empêcher de penser
que vous allez payer très cher.

Je paye toujours.

Parfois, je paye
pour ce que je n'ai jamais eu.

Il n'est pas injuste que j'aie pu avoir
ce que je ne pourrai jamais acheter.

- Je vous en prie, monsieur.
- Ces quelques heures,

cette vision brève
de ce que la vie aurait pu être.

- Je ne demandais rien de plus.
- Non.

Même si cela n'avait été qu'une heure,
une minute,

cela aurait valu la peine de
tout jeter pour cela.

En sachant que cela ne durerait pas ?

Cela durera tant que
les souvenirs resteront.

Monsieur, si vous voulez bien passer
à l'étude.

Dites aux enfants que je monterai
dans quelques minutes dire bonne nuit ?

MIle Deluzy, un moment.

Mais madame, je croyais que...
Monsieur est en bas...

Quoi qui le retienne en bas,
je veux m'assurer que vous comprenez.

Cette fois,
vous êtes allée trop loin.

Vous devez quitter cette maison où
vous avez fait entrer mal et péché.

Oui, madame,
il y a du mal dans cette maison.

Mais il y était avant mon arrivée.
Je ne l'ai pas fait entrer.

Quelle intrigue se cache
derrière ce masque d'innocence ?

Il ne vous suffisait pas
d'être préceptrice. Non.

Vous deviez conspirer
pour devenir la maîtresse,

voler tout ce qui était à moi,
même l'affection de mes enfants.

L'affection ne se vole pas, madame.

On la donne librement
ou pas du tout.

Si vous aviez été leur mère,
si vous aviez gagné leur amour,

rien de ce que j'aurais pu faire
n'aurait jamais...

Vous les avez utilisés pour l'attirer,
pour le séparer de moi.

Vous vous trompez si vous croyez cela.

N'avez-vous pas une once de décence ?

Comment osez-vous le séduire
pour qu'il vienne à vous ?

Confesser que vous et lui, admettre
ouvertement sans délicatesse que...

Pourquoi vous arrêtez-vous ?

Je vous défie de m'accuser de ce
que vous savez ne pas être vrai.

Je ne suis pas là pour vous défier
dans une affaire personnelle.

Je suis là pour vous congédier en tant
que domestique qui ne convient pas.

Mademoiselle, si vous acceptez de
partir sans faire de difficultés,

je suis prête
à être généreuse avec vous.

Je vous donnerai une lettre
lavant votre nom de tout scandale

et parlant de vous en termes élogieux,

affirmant que vous partez
de votre propre volonté.

Madame, je ne sais que répondre.

Et les enfants ?

J'ai promis à Monsieur le Duc...

N'espérez pas
qu'il vous protège, cette fois.

Un homme qui trouve si facilement
à remplacer sa femme

n'aura pas de difficulté
à remplacer une préceptrice.

Une minute, mademoiselle.
Nous ne sommes pas prêtes.

- J'avais oublié.
- Juste une seconde.

- Je prends le manteau et le chapeau ?
- Oui, merci, Louise.

- Nous sommes presque prêtes.
- C'est une surprise.

- Il nous tarde que vous voyez.
- Vous êtes prêts ?

- Pas encore.
- Dépêchez-vous.

Juste une seconde.

- Prêt.
- Vous pouvez regarder.

C'est pour vous.

Vous devez l'ouvrir toute seule.

- Vous ne devinerez jamais.
- Nous y pensions depuis longtemps.

C'est pour ça que nous voulions
que vous alliez chez Mme Gauthier.

Nous ne sommes pas allées voir
les marionnettes.

Il y a encore une boîte.
Vous devez ouvrir celle-ci.

Pourquoi papa n'est-il pas monté
lui aussi ?

- Oui, pourquoi ça ?
- Il va venir bientôt.

- En voilà une autre.
- Attendez de voir ce qu'elle contient.

- Pressez-vous, mademoiselle.
- Oui.

- C'est la dernière.
- Ouvrez-la vite, mademoiselle.

- La voilà.
- Nous espérons que ça vous plaira.

- Nous savions que vous n'en aviez pas.
- Avec notre argent de poche.

- C'est si beau.
- Cela vous fait plaisir ?

Nous ne l'avons dit à personne,
même pas à papa.

N'était-ce pas drôle
avec toutes ces boîtes ?

Mais mademoiselle,
vous ne l'avez pas ouvert.

Oui, il y a une inscription.
Comme pour les bijoux de maman.

Lisez tout haut, mademoiselle.

"Notre amour pour mademoiselle.

Isabelle, Louise, Berthe, Raynald."

Vous devez le retourner.

"Melun.

2 novembre 1846."

Nous l'avons choisi nous-mêmes.

Nous l'avons pris pour que vous
n'oubliiez ni ce jour, ni nous, ni Melun.

Entrez.

Mademoiselle,
pourriez-vous descendre ?

- Je parlerai à mademoiselle.
- Mais...

Faites ce que je dis.

- Regardez ça.
- Oui.

- Montrez-lui.
- Juste une minute.

- Je dois parler à mademoiselle.
- Il est temps d'aller au lit.

- Vous ne voulez pas voir ?
- Que s'est-il passé ?

- Rien. Ecoutez mademoiselle.
- Mais...

Aide les petits à se déshabiller.
J'arrive.

- Dans une minute.
- Vous ne venez pas ?

Isabelle vous aidera.
J'arrive dans une minute. Monsieur.

Si vous les aviez entendus.

Croire que vous et moi,
avec les enfants ici...

Eux et tous les autres.

Le maréchal m'a montré les journaux.
Vous imaginez ce qu'ils disent.

Pleins de pitié pour la femme malade
et seule, alors que son mari...

- J'en ai trop honte.
- Je vous en prie, monsieur.

Vous aviez raison de parler de folie.
La mienne.

Imaginer que l'on puisse échapper,
même pour un instant,

à leur pieuse hypocrisie !

Henriette,

parlez-moi, dites-moi quelque chose.

Ne restez pas là sans rien dire !

Aidez-moi.

S'il y avait quelque chose que je puisse
dire ou faire pour vous aider,

je le ferais.

Je suis désolé.

Parfois, je crois qu'ils n'arrêteront
pas tant que je ne serai pas fou.

Je vous prie de me pardonner.

Mon cher ami,

nous savions tous deux
comment cela allait finir.

C'est vrai.

Nous le savions.

Dans nos coeurs, nous savions que
si vous partiez, je partirais aussi.

- Non, monsieur.
- Où vous irez, j'irai.

Vous êtes désespéré.
Moi aussi, je le suis.

Nous risquerions de le regretter.

Rester et vous voir partir,
c'est ce que je regretterais.

Je ne le supporterais pas.

Etre ici sans vous, dire votre nom
et n'avoir aucune réponse.

Ne me quittez pas.

Si vous vous en alliez avec moi,

cela ferait dire qu'ils avaient raison.

Si je devais rester,
que n'adviendrait-il pas entre nous ?

Non, je dois partir, monsieur.
Mais vous...

Déjà, quand j'allais partir,
vous m'avez demandé de rester.

Vous l'aviez demandé pour les enfants.

Si vous les aimez,
pensez à leur avenir.

Isabelle, Louise et Berthe
qui seront prêtes à se marier.

Qui ne doivent pas grandir
à l'écart de leur monde

et de leur église à cause de nous.

Rien de cela n'est leur faute.

Elles seules sont innocentes, en fait.

En ce qui nous concerne,

je suis venue chez vous,
mon cher ami

et dans votre malheur,
vous avez tendu la main.

Dans ma solitude, je l'ai prise.

Nous avons eu une amitié que peu
de gens connaissent.

Mais où irez-vous ?

Que ferez-vous ?

J'ai mon travail.
Il y a d'autres places et enfants.

Après tout,

on ne peut pas s'attendre
dans ce monde

à être le seul mis à l'écart pour
laisser libre cours à son coeur.

Voyez, monsieur.

Ils voulaient que je vous le montre.

"Notre amour à mademoiselle.

Isabelle, Louise, Berthe, Raynald.

Melun.

2 novembre 1846."

J'aurais aimé que mon nom y figure.

Il y est.

Il y sera à jamais.

Cela vous aidera-t-il de savoir
que quand vous serez partie,

mon seul bonheur sera de savoir
que je partage votre solitude ?

Soyez béni.

Vous direz au revoir aux enfants
pour moi ?

Si vous le souhaitez.

Non. Je dois le faire.

Mais je ne sais que leur dire.

Mademoiselle,
cela a-t-il plu à papa ?

Berthe, reste tranquille.

- Venez, mes chéris.
- Qu'y a-t-il, mademoiselle ?

Y a-t-il un problème, mademoiselle ?

Papa semblait si étrange.

J'ai peur d'avoir une mauvaise nouvelle
pour vous.

Cela vient de papa ?

C'est ça ?

Non, c'est juste que je dois m'en aller.

Vous en aller ?

Où ça ?

Mademoiselle, êtes-vous malade ?

Vous semblez l'être.

Non, je ne suis pas malade.

C'est que...

Mon grand-père est malade.

Vous ne nous avez jamais dit
que vous aviez un grand-père.

Je n'ai pas pensé que cela
vous concernait.

Mais mademoiselle, tout ce qui
vous touche nous concerne.

Quand devez-vous partir ?

Ce soir. Maintenant.

Mademoiselle.
Mademoiselle, ne partez pas.

C'est vrai, vous ne pouvez pas.

Combien de temps serez-vous partie ?

Pour très longtemps, j'en ai peur.

S'il vous plaît, ne pleurez pas.

Isabelle, tu es l'aînée.

Je compte sur toi
pour veiller sur les petits.

J'écrirai.

Mademoiselle reviendra ?

Je n'en sais rien, Raynald.

Je l'espère bien.

Après avoir passé l'hiver en Corse
chez le Maréchal Sébastiani,

le Duc et la Duchesse de Praslin
rentrent à Paris pour le printemps.

Manifestement absente du cercle
familial, une certaine MIle D...

MIle Henriette Desportes
Grenier

Location - Avril à août - 180 francs
La somme est impayée.

Vous devez trouver une façon
de payer. Mme LeMaire

Ce que je dis, c'est que je ne peux pas
attendre éternellement.

Désolée pour le loyer.
Je n'ai jamais voulu être un fardeau.

Et je ne veux pas vous laisser.

Mois après mois. Je suppose qu'il y a
une première fois à chaque bêtise.

- Si vous voulez que je parte...
- Sornettes. Où iriez-vous ?

Henriette, soyons pratiques.
Vous connaissez votre situation.

Une préceptrice n'a qu'un avoir.
Sa réputation.

- Vous avez jeté le vôtre.
- Vous n'y croyez pas.

Quand j'étais jeune, on disait que
les gens jetaient des pierres aux arbres

chargés de fruits.

Je suis une amie
et je vous crois plutôt que les ragots.

On ne vous croira pas si vous n'avez pas
de lettre de la duchesse.

- Elle a promis de m'en envoyer une.
- C'est ce que vous m'avez dit.

C'était en novembre.
Nous sommes en août.

C'est long pour croire
à une promesse.

Je serais ravie de vous donner
une place ici pour enseigner,

mais même ce pauvre établissement
a sa réputation à défendre.

J'ai écrit bien des fois.
Je crois encore qu'elle l'enverra.

Donnez-moi cette lettre
et je vous mets au travail de suite.

Sans elle, pour être franche,
vous ne travaillerez ni ici, ni ailleurs.

Je sais.

Je le sais bien.

- Henriette ?
- Oui.

Que dit Monsieur le Duc
de tout ceci ?

Je ne le lui ai pas dit.
Il pense que je travaille ici.

Vous l'avez laissé venir vous voir
par deux fois avec les enfants

et vous ne lui avez pas parlé
de la lettre de la duchesse ?

Voilà pourquoi vous l'avez reçue
au salon et pas ici.

Vous savez qu'il aurait deviné

que tout n'est pas aussi bien
que ce que vous le prétendez.

Je préfère ne pas en parler.

Vous feriez mieux
de faire quelque chose.

Mme LeMaire,

serait-ce trop demander que de
solliciter encore le salon aujourd'hui ?

Le duc va revenir ?

Oui, j'ai eu une lettre de Louise.

"J'espère que vous allez bien.
Vous nous manquez. Et nous ?

Papa me demande de vous dire
que le 17 août

nous vous rendrons visite
en rentrant de Melun."

- Nous sommes le 17.
- Je vois. D'où la belle robe et tout.

Utilisez le salon mais, cette fois,
utilisez-le à bon escient.

- Vous êtes bonne pour moi.
- Pas de sentiments. Je déteste ça.

Vous avez une chose de bien.

Le sac dans lequel
vous gardez votre courage

n'est pas aussi vide que celui dans
lequel vous gardez votre argent.

Nous prendrons le train de 8 h

et arriverons à grands cris
chez vous à 9 h.

Mademoiselle !

Nous avions peur
que vous n'attendiez pas.

Vous saviez bien que si.
C'est un tel plaisir.

Nous avons dû prendre un train
plus tard. Nous arrivons de la gare.

C'est si gentil
de les avoir amenés tous.

Vous ne savez pas combien
je suis content aussi.

Comment allez-vous ?

On ne peut mieux, merci.

Et vous ? Votre dernière visite
remonte à si longtemps.

Moi ?

Les jours passent, l'un après l'autre.

Venez voir
ce que nous vous avons apporté.

Allons au salon.

Mademoiselle,
si seulement vous voyiez Melun.

- C'est tellement beau, là-bas.
- Monsieur le Duc ?

Lui aussi, mademoiselle.

- Vous m'avez manqué.
- Puis-je vous parler ?

- A moi ?
- Oui.

Cela concerne notre amie commune.

Maman nous a dit que nous rentrions
ce jour-là.

- Où est Pierre ?
- Il n'a pas pu venir.

Il ne se sentait pas bien.

J'aurais tellement aimé le voir.

Et Raynald,
des roses et du myosotis.

Berthe, tu t'es souvenue
que j'adore la mignonnette.

Oui, et les fougères des bois.

Et les fruits, mademoiselle.
Des raisins et des pêches.

- Des pêches énormes.
- Regardez mon panier, mademoiselle.

Elles sont toutes pour vous, de Melun.

Les fraises sont terminées.
Il était tôt pour les mûres.

Ce melon n'est pas encore mûr.

Bref, c'est le premier des vignes.
Regardez.

C'est adorable de penser
à moi comme ça.

Quand reviendrez-vous ?

- Nous partons. Dites au revoir.
- Mais papa, on vient d'arriver.

Il est tard, et je veux parler
à mademoiselle.

- Pourrons-nous revenir vous voir ?
- Oui. Allez.

- Raynald. Isabelle.
- Bonsoir.

- Nous reviendrons bientôt.
- Venez nous voir.

Bonsoir, mademoiselle.

Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?

Si seulement Mme LeMaire
n'avait rien dit.

Il était temps
que quelqu'un le fasse.

Vous auriez continué à me mentir
en disant que vous travaillez ici.

Vous avez assez de soucis.

Vous auriez pu dire qu'il ne s'agissait
que d'une lettre de sa part.

J'espérais qu'elle l'enverrait.
J'ai écrit souvent.

Quand ça ?
Qu'a-t-elle dit ? Qu'a-t-elle osé dire ?

Elle n'a jamais répondu.
Elle n'a rien répondu.

Rien ?

Est-ce que rien est une réponse ?

Oui, rien serait sa réponse.

Quand les faibles se font cruels,
il faut s'en méfier, mon amie.

Les faibles savent user
de leur pouvoir.

Ils ont de blanches mains dont
ils se servent pour vous étrangler.

Monsieur, vous me faites peur.

Je vous fais peur ?

Ce regard que vous avez.

Est-il aussi visible que cela
que je deviens fou ?

Je vous en prie, oublions la lettre.
Je me débrouillerai.

Venez demain à la maison.
Venez à 14 h.

Je retournerai en Angleterre.
Je ferai n'importe quoi.

Venez demain.

Venez à 14 h.

Vous aurez la lettre.

A qui de droit

Tu vois,
en faisant irruption aussi tard

et en me menaçant de ta colère,
tu as agi bêtement.

Je suis désolé, Frances.

Je n'imaginais pas que la lettre
était déjà écrite.

Peut-être devrais-je faire
mes excuses également.

Je n'ai pas réfléchi.

La pauvre MIle Deluzy
doit en avoir souffert.

A-t-elle souffert ?

Tu dois le savoir.
Tu es allé la voir ce soir, non ?

Tu m'as laissée au train
et pris les enfants pour aller la voir.

Oui, je suis allé la voir avec
les enfants. Oui, elle a souffert.

Et tu as souffert aussi, pauvre Théo,
n'est-ce pas ?

- Donne-moi la lettre.
- Attends.

Je vais te la lire.

Je dois m'assurer qu'elle répond
à tes attentes.

"Le 17 août 1847.
A qui de droit:

Je recommande par la présente
MIle Henriette Deluzy

pour ses excellentes qualités
d'esprit et de caractère

qui lui ont permis de se faire bien
aimer de nous pendant son service

en tant que préceptrice.

Elle est partie, regret mutuellement
partagé, à sa propre demande.

Signé, Frances, Duchesse de Praslin."

Cela vous satisfait-il, Théo ?

C'est plus que satisfaisant, Frances.

C'est généreux. J'ai été injuste
envers toi, Frances.

Attends. J'en ai aussi
écrit une autre.

Peut-être la préféreras-tu.

Cette lettre est importante pour
MIle Deluzy.

Je dois m'assurer que
tu es entièrement satisfait.

"A qui de droit:

Je certifie par la présente
que MIle Henriette Deluzy

a été employée chez moi
en tant que préceptrice

sans tenir compte de mon avis,
moi, leur mère.

Dès le début, elle a conspiré pour
me priver de ce qui m'est cher.

Elle a appris à mes enfants
à me ha ! R

et s'est associée sans honte
avec mon mari.

Pour finir, ne pouvant plus la supporter,
j'ai dû la renvoyer à jamais.

Tout ceci, je le jure devant Dieu.
Frances, Duchesse de Praslin."

Laquelle te plaît le plus, Théo ?

Dire que je t'ai presque crue.

Je ne fais que te donner le choix,
mon cher Théo.

Peut-être cela
n'a-t-il pas d'importance

car il n'y a que peu de différence
entre les deux. Tu vois ?

Laisse-moi te dire autre chose.

Je n'écrirai aucune lettre,

sauf une visant à l'empêcher de faire
à une autre ce qu'elle m'a fait.

Elle se croit à l'abri à l'étranger ?
Elle se trompe.

Si elle va en Angleterre,
j'écrirai là-bas.

Si elle choisit un autre pays,
ma haine la suivra.

Même si elle traverse l'océan,
je ne la lâcherai pas, où qu'elle aille.

Si elle va aux confins de la Terre,
ma haine la suivra !

Théo.

Théo. Théo ! Je...

Je ne voulais pas. Je...

Non ! Théo, tu ne pourrais pas !

Tu n'oserais pas. Je...

Aie pitié. Tu es fou, Théo.

Non, Théo, je ne le pensais pas.
Théo, non.

Non, Théo. Théo, pitié.

Pitié. Théo, Théo.

Il fallait que ça en arrive là.
Les gendarmes chez moi.

Scandale, mauvaise réputation, ruine.

Oui, c'est là.

Ne frappez pas. Ouvrez la porte.

Etes-vous Henriette Deluzy-Desportes ?

Comment ?

La duchesse a été assassinée.
Voilà ce que vous m'apportez.

Trêve de bavardages.

Habillez-vous.
Ne touchez à rien dans cette pièce.

J'ai toujours su que quelque chose
de terrible adviendrait.

- Expliquez-moi avant de m'arrêter.
- Je n'ai rien à expliquer.

- Je dois vous amener à la Conciergerie.
- Reculez-vous !

Ça va être dur de t'en sortir.

Au meurtre !
La Duchesse de Praslin a été assassinée.

Voici la victime.
La Duchesse de Praslin assassinée.

Si je me souviens,
c'était au milieu de la nuit

quand Mlle Maillard et moi avons accouru
dans l'appartement de la duchesse

et avons frappé à la porte.

Tout était verrouillé.

Nous sommes passés par le jardin
et avons emprunté l'escalier extérieur.

La porte n'était pas fermée à clé.

Il était trop tard.

La duchesse était étendue
au pied du lit.

Un moment après, elle mourait
dans les bras de MIle Maillard

sans avoir prononcé un seul mot.

Pauvre madame, si bonne, si gentille.

C'est cette femme
qui est à l'origine de tout ça.

- Autre chose ?
- Oui, monsieur.

Quand j'ai vu que nous ne pouvions
rien faire, j'ai appelé le Duc.

A mi-chemin, je l'ai vu,
et il m'a suivi dans cette pièce.

- Dans quel état était-il ?
- Très agité.

Qu'a-t-il dit ? Quels ont été ses mots ?
C'est important.

Il m'a posé trois questions:
"A-t-elle parlé ?

Qu'en pensez-vous ?

Avez-vous vu quelque chose ?"

En disant cela,
il semblait être très mal à l'aise.

Pourquoi ne pas lui poser
des questions à lui ?

Signez votre déposition.
Juste là.

Suivante.
MIle Hortense Maillard.

Ne quittez pas la pièce.
J'aurai peut-être d'autres questions.

MIle Maillard, votre témoignage
est vital pour cette enquête.

Quand j'ai entendu les cris
des domestiques, j'ai pris un pistolet

et suis allé dans la chambre
pour y apprendre ce que je savais déjà.

Avez-vous une raison
qui expliquerait cette tragédie ?

Non. Un intrus, peut-être ?

C'était notre idée première, le vol.

Mais comme rien ne manque,
nous l'avons écartée.

La duchesse avait-elle des ennemis
qui lui auraient voulu du mal ?

Non.

On ne souhaite la mort de personne.

Je n'en suis pas si certain, monsieur.

Pouvez-vous expliquer les tâches
de sang retrouvées sur votre habit ?

Il y avait du sang partout.
Elle était couverte de sang.

Dans votre chambre, vous avez essayé
de laver le sang.

N'est-ce pas vrai ?

Si, je voulais voir les enfants
et leur dire...

Dieu leur vienne en aide.

Le témoignage du valet
est très étrange, monsieur,

concernant les portes
de la chambre de la duchesse.

Il semblerait qu'elles aient été fermées

puis mystérieusement,
elles ne l'étaient plus après.

Je vous rappelle qu'en tant que pair,
je n'ai pas de compte à rendre.

Vous avez raison, monsieur.
Selon la loi française,

vous ne devez des explications
qu'à la Chambre des Pairs.

Je me demande comment
on doit se sentir

quand on n'a pas la chance
d'avoir une position si confortable ?

Que voulez-vous dire ?
Où voulez-vous en venir ?

Un juge d'enquête
ne veut en venir à rien.

Il ne fait que suivre là
où l'emmènent les preuves.

Dans ce cas, à la Conciergerie,
à la cellule de Mademoiselle D.

Je crois que vous la connaissez.

Elle ne peut être aucunement liée
à cette affaire.

Aucunement.

Faites-la sortir.

Vous me posez toutes ces questions.

Mais vous ne me dites rien.

Le procureur voudrait en savoir plus
sur votre relation avec la victime.

D'après les domestiques, les lettres
et autres papiers de la duchesse,

il semblerait que vous soyez coupable
de fautes envers elle.

Vous n'aviez pas la déférence
que vous auriez dû avoir.

Vous avez essayé de lui retirer

l'affection de son mari
et de ses enfants.

Non, ce n'est pas vrai, monsieur.

Quand je suis entrée à leur service,
les choses étaient déjà mal en point.

Il y avait déjà peu d'affection
entre la mère et les enfants.

Ils étaient cause de dissensions
entre le duc et la duchesse,

ce qu'il n'était pas en mon pouvoir
d'arrêter.

Si la duchesse a dit plus tard que
j'étais la cause de son malheur,

cela ne montre que le fonctionnement
d'un esprit

torturé par la plus horrible
et irraisonnée des jalousies.

Si vous l'aviez connue, vécu avec elle,
vous comprendriez.

Quelle est votre description
des relations entre vous et le duc ?

Vous parlez de scandales
qui n'étaient pas vrais.

- Assez pour provoquer votre renvoi.
- Je suis partie.

Mais sans abandonner l'influence que
vous aviez sur les membres de la maison.

Combien de fois
avez-vous vu le duc depuis ?

- Trois fois.
- Seule ?

Non, il venait toujours
avec les enfants.

Qu'est-il advenu des enfants ?

Répondez seulement aux questions.

- L'avez-vous vu le 17 août ?
- Il est venu avec les 4 enfants.

L'avez-vous vue seul à cette occasion ?

- Quelques minutes.
- Pourquoi ?

- Pour consoler votre séparation ?
- Non.

Pour parler d'une lettre
que m'avait promise la duchesse.

Je ne comprends pas
l'orientation de vos questions.

N'avez-vous pas appris
qu'il y avait des preuves

accusant le duc
d'avoir assassiné sa femme ?

Non.

C'est impossible.

Lui qui ne supportait pas de voir
l'un de ses enfants souffrir.

Je ne le crois pas.

Dites-moi que cela n'est pas vrai.
Je vous en prie.

Il n'a pas pu. Il était si gentil.

J'aimerais vous amener dans
une certaine pièce, mademoiselle.

Là, vous verriez, écrit dans le sang,

le témoignage de la lutte
d'une femme pour sauver sa vie.

Des traces de mains partout,
de la sonnette à la porte,

en essayant en vain
d'échapper aux coups

de l'assassin qui l'a mise à terre.

Ecoutez-moi: Il n'aurait jamais
pu faire cette horrible chose.

S'il a joué un rôle là-dedans,
c'est moi la coupable

parce que j'ai trop demandé.

J'avais tort. Je le vois maintenant.
Et il est trop tard.

Il a dû aller voir la duchesse pour
exiger la lettre de recommandation.

Elle doit la lui avoir refusée et...

Vous voyez. Je suis coupable.
Ecrivez ça: Coupable.

Moi seule, pas lui.

MIle Henriette Deluzy-Desportes,

je vous arrête pour le meurtre
de la duchesse.

- Emmenez-la.
- Croyez-moi, je vous en prie.

Je suis la seule coupable.

- Venez par là.
- Non.

Voilà 4 jours qu'un crime
ayant secoué

et révolté les coeurs,
sauf celui du Duc de Praslin,

gardé à résidence, mais pas arrêté
car il n'est pas soumis à la police.

Les membres de la Chambre
des Pairs et le Roi

supposent-ils que le peuple
va tolérer cela ?

Parfois, il est difficile de dire
d'après le ton d'une foule

si le peuple demande une révolution
ou s'il veut s'amuser.

Mais à cette occasion,
j'ai peur que ce ne soit clair.

Nous ne pouvons plus attendre,
Votre Majesté.

J'hésite à le dire, mais il y a déjà
beaucoup de mécontentement.

Et voilà ce crime scandaleux
qui éclabousse de sang tous les Pairs.

Le Duc de Praslin et cette femme
doivent être jugés rapidement.

- Pauvre Théo.
- Le protéger coûtera le trône.

Oui, le peuple exige son sang.

- Vous le condamnez ?
- Vous devez.

Il y a des difficultés, Votre Majesté.

Pour le condamner,
nous devons établir un mobile.

Qui se trouve dans la relation honteuse
entre le duc et la préceptrice.

Oui, mais où trouver
une preuve irréfutable ?

Dans des articles scandaleux ?
Les ragots de domestiques ?

Les lettres d'une femme
qui n'a jamais accusé son mari ?

Ce qu'il nous faut, ce dont nous avons
besoin, c'est l'aveu des accusés,

tous les deux ou un seul,
de leur amour coupable.

Alors vous devez obtenir cet aveu
d'une façon ou d'une autre.

Baron Pasquier, en tant que chancelier
et président de la Chambre des Pairs,

il vous incombe de questionner
le duc et cette femme.

S'il est coupable, vous l'obligerez,
elle, à être jugée au tribunal.

J'ai préparé l'avis d'arrestation
du Duc de Praslin.

Il ne manque que la signature
de Votre Majesté.

Il était mon ami.

"Au vu de l'Article 29
de la Constitution

demandant qu'aucun Pair ne
soit arrêté sauf par la Chambre,

nous avons ordonné ce qui suit:

Article 1,
la Cour des Pairs doit être réunie.

Article 2,
la Cour procédera à l'enquête

et au jugement du crime imputé
à Théobald Duc de Swazer de Praslin.

Etabli au Palais, le 19 août 1847.

Signé, Louis-Philippe."

Qu'il en soit ainsi.

Il a été décidé de vous emprisonner
ici plutôt que dans une prison.

Le peuple est enragé par un acte

commis si ignoblement
contre une noble et pieuse femme.

Traverser les rues ne serait pas sûr.

J'apprécie votre sollicitude
pour ma sécurité.

J'implore que vous m'autorisiez
à faire une confession.

Avez-vous commis le crime
dont on vous accuse ?

Qui peut dire ce qu'est un crime ?

Vous osez affirmer
que vous n'êtes pas coupable ?

Vous êtes venu,
convaincu de ma culpabilité.

Rien de ce que je dirai
ne changera votre opinion.

Votre famille et amis aimeraient croire

que vous avez été conduit
à cet acte barbare par une passion.

N'étiez-vous pas incité par le conseil
d'une autre personne ?

Je n'ai reçu aucun conseil de quiconque.

On ne donne pas de conseil
dans de tels cas.

Monsieur, nous sommes prêts à traiter
avec vous très libéralement.

Dites seulement qu'on vous a forcé
et, peut-être, vous vous sauverez.

Vous sauverez le trône et nous tous,
c'est certain.

Qu'est-ce que la vie d'une femme
comparée à cela ?

Vous me donnez honte de vous connaître.

Je n'ai pas d'autre choix que
de vous livrer au procureur du roi.

Quelles étaient vos relations
avec Henriette Deluzy ?

Elle était préceptrice de mes enfants.

Et pour vous, monsieur ?

Elle était préceptrice de mes enfants.

Elle leur a apporté la paix et l'ordre

quand seules
régnaient crainte et confusion.

Elle leur a donné l'amour
qu'on leur refusait.

Mais à vous, à vous-même ?

Elle a sauvé la vie de mon fils,
un jour. Le saviez-vous ?

Nous récompensons bien étrangement
les gens qui nous sont fidèles.

Vous persistez à ne parler
que des enfants.

Nous exigeons une réponse honnête
à une question simple.

Aimiez-vous cette femme ?

Si je l'aimais ?

Connaissez-vous le sens de ce mot ?

Je crois que nous parlons
de la même chose.

Je ne l'aimais pas.

Je vous ai donné une dernière chance
de vous sauver.

Je vous avertis: Donnez une réponse
sincère à cette question.

Nous commençons juste.

S'il faut des heures ou des jours,
nous l'obtiendrons.

En êtes-vous sûr ?

Qu'avez-vous dit ?

Je pensais juste

qu'il existe plusieurs réponses
à une question.

Je ne vous comprends pas.

Je ne pensais pas
que vous comprendriez.

Mlle Deluzy.
Par Victor Hugo

MIle Deluzy est toujours
à la Conciergerie.

MIle Henriette Deluzy.

- Oui ?
- Suivez-moi.

Mademoiselle, un visiteur
vous attend dans votre cellule.

Un visiteur ? Pour moi ?

Oui, mademoiselle.

Vous ne devez pas
vous souvenir de moi.

Si, je me souviens.

- Monsieur...
- Henry Field.

- Vous êtes le pasteur américain.
- Vous vous souvenez.

Comment êtes-vous arrivé ici ?
Je n'ai pas droit aux visites.

On peut vous refuser une visite,
mais pas la consolation d'un pasteur.

J'ai lu votre histoire.
Je suis venu au plus vite.

Vous pensez que je vais croire
que vous venez pour ça ?

Cela doit vous surprendre,

mais c'était une impulsion plus forte
que ma volonté.

Peut-être que
quand je vous ai vue,

lors de cette brève rencontre,

j'avais vu
que vous n'étiez pas heureuse.

Je voulais vous dire quelque chose.

Depuis ce jour,
j'ai regretté de ne pas l'avoir dit.

Que pouviez-vous avoir à me dire
l'autre fois ou aujourd'hui ?

Juste un mot de foi
qui pourrait vous réconforter.

Tous les pasteurs ont leur foi.

La plupart prêchent
que l'on doit supporter patiemment

les misères de ce monde
pour mériter le bonheur dans l'autre.

Mais je crois que,
quel que soit notre désarroi,

il y a un ciel sur cette terre
pour nous tous.

Il suffit de le trouver.

Une femme est morte,
les enfants que j'aime sont orphelins.

Désolée, mais je n'arrive pas à croire
à votre ciel sur terre, M. Field.

Essayez de ne pas être amère.

Ne savez-vous pas que vous n'allez
pas m'aider mais vous faire du mal ?

Vous êtes un pasteur.

Et moi ? Ne savez-vous pas
ce que l'on raconte sur moi ?

- Mais ce n'est pas vrai.
- Et si ça l'était ?

Cela ne ferait aucune différence.

Vous êtes inconscient.

Je suis allé chez votre logeuse
et j'ai pris des affaires

que la police n'a pas confisquées.

J'ai pensé que vous aimeriez les avoir.

Puis je suis allé chez la famille.
Voulez-vous des nouvelles des enfants ?

J'ai parlé à
un vieux domestique, Pierre.

Que deviennent-ils ?

Ils ont été envoyés en Corse
chez leur grand-père.

Leur mère va être enterrée là-bas.
Je n'ai pensé à rien d'autre

sauf venir ici pour vous dire
que vous aviez un ami.

C'est très gentil, M. Field.

- Pardon d'avoir été grossière.
- Je comprends.

On va vous interroger devant
la commission de la Chambre des pairs.

Etes-vous préparée ?

Avez-vous un bon avocat ?

Non, je ne veux pas d'avocat.

Je leur dirai
tout ce qu'ils veulent savoir.

Après tout, j'ai la vérité avec moi.

J'appelle votre attention sur le fait
qu'au 1er interrogatoire,

vous avez fait le violent aveu
de votre culpabilité dans ce crime.

J'ai dit que je n'aurais pas dû
demander la lettre.

J'aurais dû accepter mon destin.
En cela, je suis coupable.

- Quand vous l'avez envoyé...
- Je l'ai imploré d'oublier cela.

C'est encore pire pour vous deux.

Cela démontre l'emprise
que vous aviez sur lui.

Votre pouvoir sur lui
qui a résulté dans cette passion

qu'il y avait entre vous.

Nous y revenons encore,
c'est cela, monsieur ?

Oui et nous y retournerons toujours.

Alors je vous redirai que je n'ai pas
amené le péché dans cette demeure

puisque c'est ce à quoi vous pensez.

Je n'aurais pas pu, ne serait-ce
que par respect pour les enfants.

Je n'aurais pas pu leur embrasser
le front si j'en avais été coupable.

Ils étaient comme mes enfants.

Peut-être ai-je eu tort de penser à eux
en ces termes.

Ne comprenez-vous pas qu'il soit
possible d'aimer honnêtement ?

Vous appelez ça un amour honnête
quand il se transforme en crime ?

Oui, monsieur, il était honnête.

Il n'y a jamais rien eu de mal entre
le duc et moi par le passé

et nous n'avons rien espéré de mal.

Je vous dis la vérité,
vous devez me croire.

Rien dans le ton d'une voix
ne pourra-t-il vous en convaincre ?

MIle Deluzy, j'ai des nouvelles
qui vous feront parler.

- Que puis-je dire d'autre ?
- Attendez-vous à un choc.

J'ai reçu un message.
Le Duc de Praslin s'est empoisonné.

- Oh non.
- Si, mademoiselle, empoisonné.

A cet instant, il se meurt.

Ce n'est qu'une question d'heures.

Pour moi, cela n'a qu'un sens:

Par cet acte, il admet sa culpabilité.
Il s'est jugé et condamné.

Pour vous,
cela doit avoir un sens plus terrible

et je vous demande de bien
y réfléchir.

Il est clair, mademoiselle,
qu'il vous abandonne.

Il cherche à éviter la justice
que sa conscience lui fait craindre.

Il a pris la voie de la lâcheté.

Il vous laisse seule affronter
la colère du peuple de France.

Je fais appel à vous en cet instant

pour adoucir les conséquences
pour vous-même.

Admettez cette passion
adultère ayant mené au meurtre.

Dénoncez cet homme
qui vous a trahie.

Réprimandez sa lâcheté en ayant
le courage de votre confession.

Je ne sais pas ce qui a pu le mener
à un acte aussi terrible.

Je ne sais pas s'il m'a abandonnée,
comme vous dites.

Je ne puis que vous dire
ce que j'ai déjà dit.

Vous m'amenez à une décision
que j'aurais préféré éviter.

Je dois vous emmener là-bas
et vous mettre face à face.

- Je vous en prie, monsieur.
- Allez-vous parler ?

Seulement pour lui.

S'il meurt, ayez au moins la pitié
de le laisser mourir en paix.

Capitaine, amenez les voitures.
Une garde importante sera nécessaire.

Bien, monsieur.

Sergent, doublez votre escorte.

Amenez la prisonnière
chez le Duc de Praslin.

Vous ne pensez pas entrer
dans cette maison, mademoiselle.

On ne peut pas entrer dans cette maison
de sa propre volonté.

Je l'ai fait pour mademoiselle
sur tout le trajet depuis le parc.

Raynald a l'air en forme, mademoiselle.

Je voulais vous dire que je vous aime
presque autant que papa.

Nous ne nous étions jamais
autant amusés avant vous.

On n'a jamais rien eu de tel.

Même papa n'a jamais été si heureux.

Etre aimée comme vous l'êtes ici
est au-delà de tout marchandage.

- Pouvons-nous entrer, docteur ?
- Vous ne devriez pas, monsieur.

Vous ne pensez pas l'interroger ?

Il se meurt.
Il vit une agonie effroyable.

Laissez-nous entrer. MIle Deluzy
attendra qu'on l'appelle.

Bien, monsieur.

Nous venons vous interroger
pour la dernière fois.

Je vous implore de ne pas mentir.

Que votre repentir soit aussi public
que votre crime l'est devenu.

Je n'ai plus la force

de dire quoi que ce soit.

Dire toute la vérité
prendrait bien trop de temps.

Nous ne demandons pas
toute la vérité.

Nous voulons un oui ou un non.

Etes-vous coupable du meurtre
de votre femme ?

A certaines questions

il n'y a ni oui ni non.

Votre suicide est votre réponse.

Nous voulons juste connaître
votre mobile.

N'était-ce pas votre liaison
avec Henriette Deluzy

qui vous a conduit à la folie
qui s'est emparée de vous ?

Mes forces m'abandonnent.
Une autre fois.

Faites entrer la femme.

Qui ça ?

Vous...
L'avez-vous amenée ici ?

Vous avez encore une chance d'avouer.

Faites-la entrer.

Vous allez voir votre créateur.

N'ajoutez pas de culpabilité à votre
âme en protégeant un autre coupable.

Aimez-vous cette femme ?

Je ne puis répondre
à d'autres questions.

La douleur physique n'est-elle pas
moindre que celle de l'âme ?

- L'avez-vous aimée ?
- Ne serez-vous donc jamais satisfait ?

Que voulez-vous de moi ?

C'est votre dernière chance,
mademoiselle.

Avez-vous quelque chose
à dire à cet homme ?

Il n'est nul besoin que je parle.

Inutile de continuer. Emmenez-la.

J'ai fait tout mon possible
pour vous aider,

mais cela a été en vain.

Que Dieu ait pitié de vous.

Pierre.

Monsieur.

Penchez-vous.

Ecoutez-moi bien.

Nous avons peu de temps.

Je veux que vous lui parliez.
Dites-lui pourquoi j'ai pris le poison.

Elle a pu croire que j'ai eu peur.

Mais je n'avais pas peur de moi,
comprenez-vous ?

Non, monsieur.

Il aurait fallu les entendre,
même maintenant.

"L'aimiez-vous ? L'aimiez-vous ?"

Je n'aurais pas pu
le supporter longtemps.

Je le leur aurais crié en plein visage.
"Oui, je l'aime.

Je l'adore de chaque goutte du sang
qui court dans les veines.

Elle est mon coeur,
elle est l'âme perdue

que je recherchais."

Ils l'auraient envoyée à la mort.

- Je lui dirai, monsieur.
- Oui.

Oui, Pierre, dites-le-lui.

Dites-lui les mots
que je n'ai pas pu lui dire.

Peut-être le savait-elle.

Je le crois.

Je crois qu'elle savait.

Ils ne pourront plus lui faire de mal.

RELAXÉE FAUTE DE PREUVES

Elle était libre enfin.

Libérée de toute prison
sauf de celle des souvenirs.

C'était là ce à quoi il était parvenu.

Une tombe dans une terre non bénie,

un numéro sur sa pierre tombale
comme en portent les prisonniers.

Voilà tout ce qui restait du
noble Duc de Praslin.

Et leur amour,

déjoué de son vivant,
transformé en une abomination.

Il aurait fallu sa mort pour lui donner
la vie et la beauté éternelles.

Oui, elle aurait voulu mourir,
mais ce n'était pas possible.

Elle était vivante
et devait continuer à vivre.

Un ami doté d'une grande tendresse
lui parla de son avenir.

Mais quel avenir y avait-il
dans un pays où elle était détestée,

où la foule l'aurait mise en pièces
avec joie ?

Pour la première fois,
il lui parla d'un nouveau pays.

Une terre lointaine
où il pourrait l'emmener.

Il lui fit comprendre qu'il n'était
plus sûr de rester en France.

Il avait raison.

Le peuple était en colère,
agité de nombreux mécontentements.

Que le roi et la Cour libèrent
cette méchante femme

fut la dernière goutte d'eau.

Ils firent la révolution de 1848
et retirèrent le roi de son trône.

Il est étrange que le destin d'une
préceptrice puisse changer l'Histoire.

Après de nombreux mois,

arriva d'Amérique
une offre d'emploi surprenante.

Elle ne pouvait pas savoir que c'était
son bon ami qui en était à l'origine.

Je ne puis vous dire son émotion

quand elle s'approcha
de ce nouveau pays étrange.

Supposez que les terribles choses
qu'elle voulait oublier la poursuivent.

Les gens sont aussi cruels
dans un pays que dans un autre.

Ils trouvent de vieux journaux et font
remonter ce qu'il vaut mieux oublier.

Ils échangent des regards
et des chuchotis.

Même s'ils ne pensaient pas
faire de mal,

la fâcheuse histoire se répand
jusqu'à ce qu'elle n'ait de paix.

Non, pas même en Amérique.

S'il vous plaît, mademoiselle,
ne continuez pas.

Eh bien.

C'est à vous de me raconter
la fin de l'histoire.

Cette femme mérite-t-elle de souffrir
le restant de sa vie ?

Ou a-t-elle gagné le droit
de continuer son travail

dans ce pays où tant de personnes
avant elle ont trouvé refuge ?

Je vous remercie.

Je vous remercie de tout mon coeur.

Mais vous, Emily Schuyler,

vous n'avez rien dit.

Cela me surprend.

J'imaginais que vous seriez la première
à me poser une question.

Je n'ai pas de question, mademoiselle.

Mais Emily,
je suis toute prête à vous répondre.

Non, mademoiselle.

Inutile d'en dire plus.
Vous savez ce que je ressens, je crois.

Nous sommes des andouilles.

Emily Schuyler,
si MIle Haines t'entend dire ce mot,

tu seras renvoyée pour de bon.

C'est ce que nous sommes.
Je me fiche de qui me l'entend dire.

Je vais brûler ces journaux

et ne plus dire un mot à quiconque
tant que je vivrai.

Faisons la promesse, que nous soyons
taillées en pièces si nous le faisons.

Nous sommes désolées.

Mademoiselle,
Emily ne l'a pas pensé.

- Je vous en prie.
- Je n'oublierai jamais ce jour.

Mademoiselle,
dites que vous nous pardonnez.

- N'est-ce pas ?
- Mais bien sûr.

Très bien, mesdemoiselles.

Nous reprendrons les cours demain.

Vous n'aurez pas appris
beaucoup de français,

mais je crois que vous avez appris
la patience et la tolérance.

On dit pareil dans les deux langues.
Dépêchez-vous.

- On se voit demain alors ?
- Il nous tarde d'y être.

- Chère mademoiselle.
- Nous sommes ravies de vous avoir.

Mademoiselle, je...

Je voulais vous dire
que nous vous aimons beaucoup.

Depuis quand écoutez-vous ?

Assez longtemps
pour voir votre triomphe.

Vous avez conquis
leur amour pour la vie.

- Le croyez-vous ?
- Oui.

J'ai bon espoir dans l'avenir, alors.

Si vous pouviez voir dans l'avenir,

vous verriez
qu'il y a bien plus qui vous attend

si vous l'acceptez.

La première neige.

Si l'on regarde assez près,

le reste du monde semble effacé

et lointain.

Henriette, il y a plusieurs amours
possibles entre un homme et une femme.

La paix, la tendresse et la compagnie

ne sont pas les moindres.

Je vous ai un jour promis de trouver
le ciel sur cette terre

et je tiendrai cette promesse
dussé-je prendre une vie de dévotion.

[FRENCH]