All language subtitles for FRA-Le Bal Des Folles (Mélanie Laurent, 2021)

[glas]

[cloches d'église]

[la femme pleure]

[musique intrigante]

[carillon]

[Eugénie] Je m'excuse, père.

[Cléry] Où étais-tu ?

J'étais chez une amie. Joséphine.

[Mme Cléry] Joséphine, qui est-ce ?

Jamais entendu parler.

C'est une amie
que vous ne connaissez pas.

Seigneur, bénis ce repas,
ceux qui l'ont préparé,

et procure du pain
à ceux qui n'en ont pas.

- [rire discret]
- [Cléry] Amen.

Amen.

Amen... Hum !

C'est le bénédicité
qui te fait rire, Théophile ?

Non, père.

[Théophile] Je vais m'absenter demain.

J'ai un salon-débat chez les De Beyle.

Bien. Va faire travailler ton esprit.

La France a besoin
d'une jeunesse réfléchie.

Et moi ?

[Mme Cléry] Quand tu travailleras
à l'étude, Théophile,

tes relations seront précieuses
dans la bonne société.

[grand-mère] Un bon travail,

un beau mariage,

c'est tout ce que je te souhaite.

Je doute qu'il trouve une épouse
dans les salons-débats.

Et moi, je peux venir ?

Je ne suis jamais allée à un salon-débat.

Chez les De Beyle ?

[murmure approbateur]

[Théophile] Pourquoi pas ?
Oui, si tu veux.

Il n'en est pas question.

[pas à l'approche]

[la porte grince]

[musique inquiétante]

[petit cri apeuré]

Oh, non !

[respiration haletante]

Qui êtes-vous ? Qui êtes-vous ?

[respiration haletante]

[musique angoissante]

[Eugénie gémit]

[gémissements]

[respiration paniquée]

[elle fait couler de l'eau]

[respiration haletante]

[elle crie]

Vous m'avez fait peur.

J'arrive tout de suite.

À tout de suite, mon petit.

[respiration haletante]

Non, pas trop haut. Ça va comme ça.

- Bonne nuit, grand-mère.
- Bonne nuit, mon petit.

Eugénie.

Dis-moi...

Tu t'es bien rendue aux funérailles
de ce Victor Hugo,

n'est-ce pas ?

Oui, grand-mère.

C'était magnifique, toute cette foule.

Tu m'en diras tant.

Tu peux me laisser maintenant.

[porte]

[claquement à proximité]

[claquement à proximité]

[porte]

[des pas se rapprochent]

[musique inquiétante]

[chuchotements mystérieux]

[deux hommes chuchotent]

[respirations soutenues]

[chuchotements]

[rire discret]

[brouhaha de la rue]

Ah non ! Ah non, non, non !
Eugénie, non !

Père a dit non et moi aussi, je dis non.

C'est hors de question.
Je ne t'emmène pas au salon-débat.

Imagine qu'il l'apprenne, hein ?
Une fille là-bas ?

Une fille comme toi ?
Tu ne vas pas passer inaperçue.

- On se fera un plaisir de raconter...
- Tais-toi donc.

Je me contrefiche de ton salon-débat.

Discuter pendant des heures
avec toi et tes amis ?

[elle rit]

Plutôt mourir.

Non, dépose-moi au café sur le chemin.

Il faut que je prenne l'air,
que je lise, que je fume.

- S'il te plaît, Théo !
- Mais si papa...

Mais quoi, "papa" ? Il est pas là, papa.

Allez, Louis. En avant, à Montmartre.

Bien, madame.

À Montmartre ?

Tu es inconsciente, ma sœur ?
Montmartre.

[Théophile] Alors, je ne t'ai pas vue,
je ne t'ai pas déposée,

je ne te connais pas
et tu te débrouilles pour rentrer.

Quoi ?

Rien. Je te regarde, c'est tout.

Et ?

Tu es beau.

Ne dis pas de sottises.

J'ai un cou de poulet, pas d'épaules,

des jambes trop longues,
un buste trop court.

Alors beau, non. Pas vraiment.

Moi, je te trouve beau. Moi.

C'est bien ce que je dis.
Tu es une petite sotte.

Je sais.

[musique douce]

- Bonjour. Une brioche, s'il vous plaît.
- Cinq centimes.

Merci.

[mélodie douce au piano]

Eh oui, tiens !
À la tienne, mon pauvre Émile.

[Ernest] "Demain, dès l'aube,
à l'heure où blanchit la campagne,

"je partirai.

"Vois-tu, je sais que tu m'attends."

Vous lisez "Les Contemplations" ?

J'adore ce passage.

"Et quand j'arriverai,
je mettrai sur ta tombe un bouquet

"de houx vert et de bruyère en fleur."

C'est bien ça ?

Je peux m'asseoir ?

Oui, ce sont "Les Contemplations".

Et non, vous ne pouvez pas vous asseoir.

Non, j'ai envie d'être tranquille.

Je lis. Merci.

Pardonnez-moi s'il y a un malentendu,
mais...

j'ai cru que vous me regardiez.

Ce n'est pas courant ici
une jeune fille qui lit de la poésie

et qui pose ses yeux
sur un jeune homme qui lit, lui aussi.

Ce n'est pas vous que je regardais.

Bien ! Bon...

Alors, je m'en vais.

C'est votre livre que je regardais.

Tout de même !

Vous voyez que vous me regardiez.

- Non !
- Si !

Si, forcément.
Parce que c'est moi qui tenais le livre.

- Mais non !
- C'était moi qui tenais le livre.

J'étais là, juste derrière.

C'est votre livre que je regardais.

"Il y a dans l'homme trois choses.

"Premièrement, le corps,
ou être matériel,

"analogue aux animaux
et animé par le même esprit vital.

"Deuxièmement, l'âme,

"esprit incarné dans le corps.

"Et troisièmement,
le lien entre l'âme et le corps."

Si ce n'est mon corps,
c'est donc mon âme que vous regardiez ?

Pardonnez-moi.

Ai-je dit quelque chose
qui vous a déplu ?

Non.

Non, au contraire.

Ça me plaît.

Ça me plaît beaucoup.

[froissement de papier]

[il écrit]

Tenez. C'est pour vous.

Mais non, voyons.
Je ne peux pas accepter.

Je ne vous le donne pas,
je vous le prête.

Vous me le rendrez.

Promis ?

Oui, c'est promis.

Merci.

[un feu de cheminée crépite]

[la porte s'ouvre]

[à voix basse] C'est quoi ?

Encore des poèmes ?

"Le Livre des esprits".

Rien que ça ?

[ils soupirent]

Avec un petit mot d'Ernest. Oh...

Dis donc, c'est que ma sœur
fait de belles rencontres.

Oh non !

Eugénie Cléry s'encanaille à Montmartre.

Tu m'as perdu ma page.

Tes amis n'ont le monopole
ni des débats, ni des esprits fins.

Tu serais surpris de ceux qu'on peut
croiser dans les cafés du nord de Paris.

Mais je n'en doute pas.

Je peux rester encore un peu ?

Oui, mais en silence.

Et tu comptes le revoir, n'est-ce pas ?

- Qui ça ?
- [Théophile] Oh, qui ça ?

Ernest... Le poète.

Celui qui fait battre
les cœurs des femmes.

Arrête.

[gémissement étouffé]

T'as les mains froides.

[Théophile soupire]

Et s'il est vrai qu'il est un peu tard
pour briller sur le champ de bataille,

je fais progresser le pays
dans l'équité, l'ordre et la justice.

[Prévost-Roumagnac] Cette Légion
d'honneur serait, cher ami,

une bénédiction pour notre cabinet.

[ils continuent leur conversation]

- Vous semblez heureuse, Hortense.
- Oui.

Je vais faire mon entrée
dans le monde.

Je vais être présentée officiellement

lors de la soirée que donne la duchesse
de Noailles le mois prochain.

Présentée comme une pouliche

dont on montre les dents,
les poils et la croupe ?

Félicitations ! Que porterez-vous ?

Une robe de soirée de chez Doucet.
De la soie.

Vous allez être magnifique.
Cela ne fait aucun doute.

C'est donc ce que vous pensez de moi,
Eugénie ?

Que je suis une pouliche ?

Ce n'est absolument pas ce qu'a voulu
dire ma sœur, bien au contraire.

Excusez-moi si je vous ai blessée,
Hortense. Je ne le voulais pas.

Je trouve cela dégradant, voilà tout.

- Mais je ne vous juge pas.
- Bien sûr que vous me jugez.

C'est exactement
ce que vous vous permettez de faire.

[Théophile] Hortense.

Qu'est-ce que tu as encore fait ?
Qu'est-ce que tu as encore dit ?

Tu me fais honte, comme d'habitude.
Tu ne peux pas t'en empêcher.

- Père, je ne voulais pas la vexer.
- Chut ! Plus un mot.

Tu joues avec ma carrière et notre nom.

Réfléchis un peu, pauvre sotte.

[musique inquiétante]

Merci, Marthe.

Avec plaisir, mademoiselle Eugénie.

- [Eugénie] Avancez. Avancez.
- [Théophile] Oui.

- [Eugénie] Non, reculez.
- [Théophile] Oh !

[Eugénie] Reculez. À droite.
Attention, Louis !

[Théophile] À droite.

- [Eugénie] Non, l'autre droite.
- [Théophile] Oh !

- C'est lourd, Eugénie.
- [Eugénie] Là, là.

- Ici ?
- [Eugénie] Oui.

[Eugénie rit]

[musique douce]

On est d'accord
qu'il est exactement à la même place ?

Oui, nous sommes parfaitement d'accord.

[rires]

On va chercher les décorations ?

Oui.

[Eugénie s'éloigne]

Et les rubans ?

Ils sont dans la grosse malle
de derrière.

- [Théophile] Celle-ci ?
- Oui.

[Théophile] Ah !

Comment j'y accède ?

Euh...

Tu veux bien m'aider ?

[musique intrigante]

[Celle-ci...

Ah là là...

Eugénie, viens m'aider.
Je n'y arrive pas.

[respiration paniquée]

[Théophile] Eugénie ?

[respiration paniquée]

[Théophile] Eugénie ?

Eugénie.

[respiration haletante]

Je suis là.

Reste avec moi.

Reste avec moi.

Dis-moi ce que je peux faire.

[sa respiration se calme]

- C'est fini.
- [Théophile soupire]

C'est fini.

[Théophile]
Quelle frousse tu m'as faite !

C'était encore lui ?

Non, ce n'était pas lui.

Comment ça ?

J'en vois d'autres.

Les crises sont différentes.

Depuis quelques jours,
une jeune femme me parle.

Elle souffre.

Si seulement tu pouvais la voir.

Elle me demande de l'aider,
mais je ne sais pas comment.

Je me sens si inutile.

Mon frère.

J'ai lu ce livre, tu sais.

Ce livre merveilleux
qui m'a éclairée sur tout.

Parle-moi. Dis quelque chose.

J'ai peur.

J'ai peur de ces choses-là,
tu le sais bien.

Ce livre me dit
que je ne suis pas seule,

que les esprits existent.

Tout va bien.

Pour la première fois,
je n'ai plus peur de qui je suis.

Et si tu en vois d'autres ?

Tu sais comment finissent
les filles comme toi.

Les filles comme moi ?

[musique majestueuse]

Oh, je l'attendais, celle-là.

- Vous avez encore la main.
- Oui, c'est mon jour de chance.

[Cléry] Eugénie, tiens-toi droite.

[elle expire]

Merci, Marthe.

Eugénie ?

Eugénie.

[grand-mère] Eugénie ?

Que se passe-t-il ?

Ma petite-fille, tu me fais peur.
Que se passe-t-il ?

Eugénie,
qu'est-ce que tu as ?

Mais arrête enfin !

Arrête !

Arrête !

Oh !

Jésus, Marie, Joseph...

C'est un miracle.

C'est un miracle.

Comment est-ce Dieu possible ?

Voilà 40 ans que je l'avais perdu.

C'était un cadeau de ton grand-père
pour nos fiançailles.

Et je...

[la grand-mère sanglote]

Je pensais...

Je pensais que c'était la petite bonne
que nous avions à l'époque

qui me l'avait volé.

Comment as-tu su ?

Je n'en sais rien.

Dis-le-moi.

Eugénie,

comment as-tu su ? Dis-le-moi.

C'est grand-père qui me l'a dit.

[Eugénie pleure]

Eugénie...

Tu as bien fait de te confier à moi.

[Eugénie halète]

Merci.

[soupir]

[Eugénie] Bonjour, mère.

Tout va bien ?

Ton père veut t'emmener
à Meudon ce matin.

Les Prévost-Roumagnac
te donnent une seconde chance.

Et si Hortense

te montre sa robe
pour le bal des Noailles,

tâche de faire preuve d'enthousiasme.

Pas d'esclandre, ni de fâcherie.

Prends sur toi.

Oui, mère.

[Mme Cléry frémit]

Vous pleurez ?

Mère, je vous promets de bien me tenir.

Je vous promets de ne pas vous décevoir.

[soupir]

[musique inquiétante]

[les cloches sonnent]

[une mouche bourdonne]

[carillon]

[musique douce]

[brouhaha de la rue]

[Cléry] Eugénie.

Tiens-toi droite, s'il te plaît.

[musique intrigante]

[Eugénie] Où sommes-nous ?

Je ne reconnais pas le...

Oh, non. Pas ça !

Non, pas ça. S'il vous plaît.

Théophile.

Théophile, pas ça.

Pas la Salpêtrière !

Théophile, pas la Salpêtrière !

S'il te plaît, Théophile !

Non ! Papa, je suis pas malade.

Non, pas ça. Pas ça, s'il vous plaît !

Théophile !

- Allons...
- S'il vous plaît.

S'il vous plaît, pas ça. Non, pas ça.

Papa ! Non, pas ça !

Non ! Théo !

Pas ça ! Papa !

Papa !

Non ! Non !

Papa ! Papa !

[musique triste]

[Eugénie crie]

[Eugénie] Papa !

[Eugénie hurle]

[elle halète] Théo !

Théo !

S'il vous plaît...

[Eugénie] Non, papa !

[les cris d'Eugénie
résonnent dans le bâtiment]

[Eugénie] Théophile ! Théo !

[musique intrigante]

Tu t'es calmée ?

Je vais t'examiner.
Tu me dis si je te fais mal.

[claquements métalliques]

[des cris de femmes
résonnent à proximité]

[Geneviève] Ouvre la bouche.

C'est bien.

Tu es en bonne santé.

Je n'ai rien à faire ici.

Ça, ce n'est pas toi qui le décides.

C'est ton père. Enfin, c'était ton père.

Maintenant, c'est le docteur Charcot.
C'est comme ça.

Rhabille-toi.

[la patiente gémit]

[Geneviève] Conduisez-la au dortoir.

S'il y a du chahut,
vous la mettrez en cellule.

Les nouvelles, ça les excite toujours.

[cloches d'église]

[brouhaha de cris]

[patiente] Voleuse ! Voleuse !

[infirmière] Voilà votre lit, Cléry.

[Louise] Arrête !

- [Eugénie crie]
- [Louise] Arrête !

Déguerpis maintenant. Déguerpis !

- [rire]
- Va-t'en !

Salut. Moi, c'est Louise.

- Eugénie Cléry.
- Ah ?

Dis donc, t'es drôlement bien fagotée,
Eugénie Cléry.

Oh, merde ! Les filles, une bourge !

Madame !

C'est pas souvent
qu'on a des dames par ici.

On est voisines de lit. C'est bien !

Moi aussi, je suis une dame. Qu'est-ce
que tu crois ? Je suis fiancée.

- Et toi, t'es fiancée ?
- Non.

Ah non ? Oh...

Mais pourtant, t'es tellement belle.

Il doit y avoir plein d'hommes
amoureux de toi.

C'est injuste, ces trucs-là.

L'amour... C'est pour ça,
moi, j'en ai de la chance.

Il est beau, mon homme.
Et c'est pas n'importe qui.

Il est docteur.

Parfaitement, madame.
Moi aussi, je vais être de la haute.

Tu me crois, hein ?
Parce que c'est vrai.

- Alors, t'as choisi ton costume ?
- Quel costume ?

Ben, pour le bal.
T'es une drôle de pomme, toi.

Le bal de la mi-Carême, c'te blague !

Moi, je vais être en Espagnole.

Avec mantille, volants,
robe qui tourne, gants.

Tout !

Oh ! Et toi,
tu sais comment je te vois ?

Que tu vas être belle ! Et on va
te trouver un fiancé, tu verras.

Tu seras Eugénie Cléry,
la plus belle du bal !

[Thérèse] Écoute pas ce qu'elle dit,
c'est une exaltée.

[brouhaha]

[infirmière] Suzanne, assieds-toi !

[Louise] Elle est arrivée y a deux mois.

On l'a pas entendue dire un mot,
mais moi, je suis sûre qu'elle parle.

- Tu me pousses pas !
- [Louise] Marguerite...

Elle est jamais contente.

Ne me regarde pas comme ça !

Henriette, celle qui se lève,
elle est mélancolique.

Mélancolique,
pour moi, c'est pas une maladie.

Ici, y en a qui font
que regarder dans le vide

et on dit qu'elles sont malades.

Thérèse. Ben, Thérèse, quoi !

Elle a poussé son homme
dans la Seine. Crise de jalousie.

Ça fait 25 ans qu'elle est là
et qu'elle tricote pour les filles.

Là-bas, à gauche, c'est Denise.

Denise, je sais pas ce que c'est,
sa maladie,

mais elle est complètement timbrée.

Ne t'en fais pas.
Elles sont pas méchantes.

C'est quoi, toi, ta maladie ?

Et toi ?

Moi, ma tante m'a retrouvée par terre,
un jour, en train de faire une crise.

Son homme me grimpait dessus.
Je voulais pas.

Quand je l'ai dit à ma tante,
elle m'a hurlé dessus.

C'est elle qui m'a envoyée ici.
Pour se débarrasser de moi.

Des fois, je rêve encore qu'il m'oblige
à regarder dans sa culotte

et y a un serpent qui en sort.
Ça fait un peu peur.

Mais quand je me réveille,
je suis mieux ici qu'avec l'autre mufle.

Et t'imagines,
j'aurais pas rencontré Jules.

La vie est bien faite, quand même.

[ronflements]

[une femme gémit doucement]

[hurlements]

[infirmière 1] Allez, debout !
On se lève !

[infirmière 2] Réveillez-vous !
On se lève, allez !

[médecin] Allez, Louise. C'est l'heure.

- [Geneviève] Comment ça va, ce matin ?
- [Louise] Ça va.

J'espère que je vais être bien.

Mais oui, comme d'habitude.

[brouhaha]

[infirmière 1] Allez, debout !

C'était lui, Charcot ?

On l'a jamais vu ici, le maître Charcot.

Non !

- [infirmière 1] On se dépêche.
- Laisse-moi tranquille.

- [infirmière 2] On y va. On me suit.
- [Marguerite] Je veux dormir.

Bien ! Bonjour, messieurs.

[Charcot] Je vous présente aujourd'hui
une patiente

atteinte d'hystérie symptomatique aiguë.

Je vais donc procéder
à la phase hypnotique.

C'est pourquoi

je vous demande la plus grande attention
ainsi que le plus parfait silence.

Merci.

[le diapason résonne]

[musique intrigante]

Louise, vous allez écouter ma voix.

Rien que ma voix.

Vous écoutez ma voix
et vos paupières sont lourdes.

Vos yeux se ferment.

Ne luttez pas, Louise.

Vos paupières se ferment.

Vous n'entendez que ma voix.

Et maintenant, Louise, vous dormez.

Dormez.

Tendez vos bras devant vous, Louise.

Très bien, Louise.

Maintenant, touchez votre ventre.

Touchez votre poitrine, Louise.

Touchez votre gorge, Louise.

Effleurez votre menton, Louise.

Vous touchez votre bouche, Louise.

Ouvrez vos lèvres, Louise.

Touchez vos lèvres, Louise.

[respiration haletante]

Maintenant, Louise,
joignez vos mains devant vous.

- Louise ?
- [respiration haletante]

[Charcot] Joignez vos mains devant vous.

[respiration paniquée]

[brouhaha de surprise]

Silence !

[respiration saccadée]

[Louise cherche à reprendre son souffle]

À mardi prochain, messieurs.

[brouhaha animé]

[brouhaha joyeux]

[patiente] C'est que ça fait du bien.

Ça fait du bien, hein ?

Tu veux que je t'aide ?

- J'ai mal à la tête.
- C'est normal.

Tu as été très bien.

Le docteur Charcot est très content.

[la porte s'ouvre]

Merci, mademoiselle Gleizes.

Je déposerai mon rapport d'examen
sur votre bureau.

Bien, docteur.

Julie,
Louise a besoin de calme et de repos.

Je vais m'occuper d'elle. Seul.

[la porte claque]

- Je suis fatiguée, Jules.
- Je sais.

Tu as été merveilleuse.

Tu es si belle, ma Louise. Si belle.

- Je suis pas ta Louise.
- Mais si.

Je sais très bien
que tu dis ça à toutes les filles.

[en chuchotant] Non.

Je dis ça qu'à toi.

Je veux me marier avec toi, Louise.

Tu le sais bien. Je te l'ai déjà dit.

- Tu me feras ta demande quand ?
- Bientôt, mon chat.

Mais quand ?

[il rit]

À la soirée du bal.

- Mais c'est dans longtemps.
- [rire] Mais non.

Mais non, Louisette. Ça passe vite

quand on est fiancé, tu verras.

Hm ?

Je t'aime.

Je t'aime.

- Qu'est-ce que tu fais, Jules ?
- Je sais pas...

C'est de ta faute...

[il soupire]

Je t'aime si fort, Louise.

Je t'aime si fort.

[il pousse des soupirs de plaisir]

- Ce n'est pas à la bonne heure, ça.
- Ah si, Mme Geneviève !

[elle soupire]
À tout à l'heure !

[brouhaha de la rue]

[Geneviève] C'est moi, père.

[Gleizes] J'espère bien que c'est toi.
Ça fait une heure que je t'attends.

Je vous prie de bien vouloir m'excuser,
j'ai été retenue.

Il faut déjà que je me dépêche,
je suis en retard.

Tu es toujours en retard.

Moi aussi, j'étais toujours en retard.

J'ai jamais commencé un repas à l'heure
et je l'ai toujours fini en avance.

Ce matin, à la leçon,
Louise a fait une très belle crise.

Elle est tombée au sol,
tordue, contractée.

Elle n'avait même plus forme humaine.

Arc-hystérie ?

[Geneviève] Sous hypnose.

Peut-être de l'épilepsie.

C'est bien possible que Charcot
suscite des décharges nerveuses

dans ses séances.

Ça expliquerait l'hystérie
à bien des égards.

Vous êtes neurologue désormais,
docteur Gleizes ?

Figure-toi que si je devais refaire
mes études de médecine aujourd'hui,

eh bien oui,
c'est la spécialité que je choisirais.

La Salpêtrière.

On travaillerait ensemble
et tu m'assisterais.

On déjeunerait tous les midis

et tu en profiterais
pour me faire tes rapports.

Charcot devrait se reposer sur toi.

C'est toi qui connais les malades.

[murmure approbateur]

Et il y a une nouvelle qui est arrivée.

Comment est-elle ?

Elle est...

[soupir]

...intense.

C'est pas un symptôme, ça, "intense".

Tout va bien, Eugénie ?

[Eugénie] Très bien, madame.

Tu peux m'appeler Geneviève, tu sais ?

[Eugénie] Bien, madame.

Je ne vais pas rester longtemps ici,
vous savez ?

Ce n'est pas toi qui décides,
je te l'ai déjà dit.

[Eugénie] Oui, c'est vous.

Vous allez m'aider.

[Geneviève] Bien !

Nous viendrons te chercher demain
pour voir les médecins.

[en marmonnant] Blan... dine.

Blandine.

Qu'est-ce qu'il y a, tu fais une crise ?

Blandine.

C'est votre sœur, Blandine ?

Arrête ou c'est l'éther.

Elle est rousse, n'est-ce pas ?

Si tu crois
que c'est comme ça que tu vas sortir...

[Eugénie] Si vous me croyez folle,

alors pourquoi vous lui écrivez
des milliers de lettres, à votre sœur ?

C'est bien que vous pensez possible
qu'elle vous entende.

C'est bien que vous croyez aux esprits.
Elle vous entend.

Elle vous regarde aussi, vous savez.

Vous voulez lui parler ?

Elle est là. Dans la pièce.

- Elle est prête à vous écouter.
- Tais-toi.

Tais-toi.

[musique majestueuse]

[soupir]

[respiration nerveuse]

[Louise] Psst !
[en chuchotant] Cléry !

- Tu dors ?
- Non.

- Tu vas mieux ?
- J'en sais rien.

- Tu sais...
- [Eugénie] Quoi ?

[Louise] Je suis rudement contente
que tu sois à côté de moi.

On est sœurs de lit, comme ça.

- Hé, Louise !
- [Louise] Quoi ?

Tu feras quoi quand tu sortiras ?

Quand je sortirai ?

Je sais pas.

[Marguerite] Moi, j'irai me taper
la cloche aux Halles.

Et après...

après, j'irai au guinche.

Tu crois que ça existera encore,
le guinche ?

Pas de danger que ça s'arrête.

Et après,

j'irai sur le boulevard du crime
faucher les larfeuilles des bourgeois.

- Et comment tu t'y prendras, maligne ?
- Qu'est-ce que tu crois, pauvre tarte ?

Y avait pas meilleure faucheuse
que moi dans le temps.

Marguerite-les-doigts-d'or
qu'on m'appelait.

[Henriette] Moi, je retrouverai mon homme
et je le surinerai. Bien lentement.

Et je le regarderai se vider.

Heureusement
que t'es pas près de sortir, toi.

[rires]

[surveillante] Chut !

[grincement]

[la porte claque]

[rires]

Je prendrai un bain chaud,
comme chez les riches.

Avec de l'eau chaude
et des serviettes propres.

Blanches et propres.

[Babinski] Laudanum tous les soirs.

Une cuillère à soupe, lundi et vendredi,
deux cuillères à soupe, les autres soirs.

[La Tourette] Cléry Eugénie, 26 ans.

Parents bien portants,

frère cadet bien portant,
pas d'antécédents.

Prétend communiquer avec les défunts.

Son père l'a fait interner.

Est-il vrai que vous communiquez
avec les morts,

mademoiselle ?

Répondez à ma question.

- Je ne communique pas avec les morts.
- [Babinski] Pourtant...

Ce sont des esprits.

Et je n'ai rien demandé.
C'est arrivé, voilà tout.

Entendre des esprits
n'est pas le genre de chose

qui arrive, mademoiselle.

On accepte bien qu'une jeune fille
ait vu la vierge à Lourdes.

Ça ne gêne personne, ça, n'est-ce pas ?

Et puis quoi encore ! Ça n'a rien à voir.

Pourquoi est-il accepté de croire en Dieu

et inconvenant de croire aux esprits ?

Pourquoi elle et pas moi ?

Je vous pose une question.
Pourquoi elle et pas moi ?

Calmez-vous.

Je me calme si je veux.

Ce n'est pas Dieu que vous voyez,
ce sont des morts.

C'est écrit là, des morts.

- Si vous croyez tout ce qu'on écrit...
- [Babinski] Ça suffit !

J'en ai assez entendu.

Traitement numéro deux : hydrothérapie,

quinze jours.

- Ne me touchez pas.
- On y va.

Ne me touchez pas.

Non !

Ne me touchez pas !

Lâchez-moi !

Une hystérique.

Ça ne fait aucun doute.

[chocs métalliques]

[elle gémit]

[chocs métalliques]

Je suis calme. Je suis calme.

- Viens avec nous.
- Si, je suis calme.

Non, mais c'est pas...
C'est pas la peine !

C'est pas la peine, je suis calme.

Non ! Non !

[Eugénie crie]

[infirmière 1] Qu'est-ce qui se passe ?

S'il vous plaît ! S'il vous plaît !

[infirmière 2] C'est bon ?

[respiration paniquée]

[elle a le souffle coupé]

[gémissements]

[respiration fébrile]

[musique triste]

[respiration paniquée]

[infirmière 1] Allez, sors.

[Camille crie]

[respiration haletante]

[respiration tremblante]

[clameurs dans la rue]

- [musique oppressante]
- [course dans l'escalier]

[Geneviève halète]

- Geneviève Gleizes ?
- Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

Bonjour, madame. N'ayez pas peur.

Je m'appelle Théophile.
Théophile Cléry.

[Geneviève souffle]

Je voulais savoir comment va ma sœur.

Je ne peux rien vous dire, M. Cléry.

Alors, pouvez-vous lui remettre ce livre ?

- S'il vous plaît.
- [soupir]

- C'est interdit par le règlement.
- Je vous en prie.

Je vous en prie.

[soupir]

[Théophile] Je vous en prie.

Merci, madame.

Je pensais bien faire.

Sincèrement.

Je pensais l'aider.

Mais vous allez l'aider, n'est-ce pas ?

Au revoir, monsieur Cléry.

[Geneviève soupire]

[tintement de clés]

[cliquètements]

[la porte claque]

[respiration tremblante]

[musique mélancolique]

[respiration tremblante]

[en chuchotant] T'inquiète pas.
Le corps s'habitue à tout.

[soupir]

[respiration fébrile]

[respiration haletante]

[brouhaha de la rue]

[un cheval hennit]

[une femme prie en italien]

[la femme chante une prière en italien]

[brouhaha]

Ne t'inquiète pas, ma puce.
Je vais t'aider.

Je vais t'aider.

[femme] Pousse-toi, c'est chaud.
Ça va éclabousser de partout.

Madame Geneviève.

Ton frère m'a remis un livre pour toi.

[Eugénie] Vous avez vu Théophile ?

- Comment va-t-il ?
- Bien, je suppose.

Il m'a posé la même question
à ton sujet.

Je n'ai qu'une seule chose
à te demander en échange de ce livre.

Quel livre ?

"Le Livre des esprits".

Vous l'avez lu ?

Oui.

Je souhaite...

Je souhaite parler à ma sœur.

Madame, s'il s'agit d'un échange,
je préférerais me passer du livre

et retrouver ma liberté.

Tu sais bien que cela est impossible.

Alors, parler à votre sœur
sera impossible aussi.

Bien, je...

Je ferai ce que je peux
auprès du docteur.

Mais seulement si je parle à ma sœur.

Merci.

Je te ferai signe le moment venu.

[Geneviève s'éloigne]

[Marie] J'ai récupéré la Berthe
totalement défaite.

Je sais pas combien de temps
elle y a passé.

Huit jours, dix jours...

[Joséphine] Chez Jeanne ?
Tu parles ! Au moins, 15 jours.

T'en sors pas indemne, c'est sûr.

[Marie] Tiens ! Parfois, je me demande
si c'est pas elle

qui les rend comme ça.

[Joséphine] C'est comme ça.

C'est ce qu'ils leur font,
c'est l'isolement.

[Marie] C'est le cachot, oui.

[Joséphine] Vous allez bien, Geneviève ?

Vous avez une petite tête.

Heureusement que c'est pas vous
qu'on prend en photo.

[Geneviève s'éloigne en courant]

[coups de flash]

[Charcot] Vous êtes prêt, Peltier ?

Oui, maître.

- Vous êtes en retard, Geneviève.
- Veuillez m'excuser, maître.

Vous transmettrez le dossier

de Marie au photographe
pour les archives.

- Hystéro-épilepsie. Contracture.
- Très bien.

J'ai besoin d'ici la fin de la semaine
d'une vue d'ensemble des photos

sur les six derniers mois.
J'ai une présentation devant l'Académie

à préparer.

Il n'y a que ça
pour attirer leur attention.

Oui, maître.

[Charcot] Ne bougez pas, Marie.

Déclenchez.

[coup de flash]

[musique majestueuse]

[brouhaha]

[petit rire]

[rires]

[prêtre] L'ange du Seigneur s'approcha

et la gloire du Seigneur

les enveloppa de Sa Lumière.

[Cléry] Les fils se mirent à creuser
pendant des jours et des jours.

Et tout le village y croyait.

[prêtre]
Voici que je viens vous annoncer

une bonne nouvelle.

[Cléry] Après un mois d'excavation,
toute la maison s'est effondrée.

[rires]

[Cléry] Joyeux Noël.

- [musique triste]
- [brouhaha]

[prêtre] Et soudain,

il y eut avec l'ange

une troupe céleste innombrable.

♪ Ma mère ♪

♪ Elle a des yeux qui tuent ♪

♪ Et j'aime ses mains sur mon corps ♪

[en chuchotant] Camille, non.

♪ J'aime l'odeur
Au-dessous de ses bras ♪

♪ Oui ♪

♪ Je suis comme ça ♪

[elle rit]

♪ Dans les yeux de ma mère ♪

♪ Il y a toujours une lumière ♪

♪ L'amour, je trouve ça toujours
Dans les yeux de ma mère ♪

♪ Dans les yeux de ma mère ♪

♪ Il y a toujours ♪

♪ Une lumière ♪

♪ Ma mère ♪

♪ Elle m'écoute toujours ♪

♪ Quand je suis dans la merde ♪

♪ Elle sait
Quand je suis conne et faible ♪

♪ Et quand je suis bourrée
Comme une baleine ♪

♪ C'est elle qui sait
Que mes pieds puent ♪

[rires]

♪ C'est elle qui sait
Comment je suis nue ♪

♪ Et quand je suis malade ♪

♪ Elle est la reine du suppositoire ♪

♪ Dans les yeux de ma mère ♪

♪ Il y a toujours une lumière ♪

♪ Dans les yeux de ma mère ♪

♪ Il y a toujours une lumière ♪

[murmure joyeux]

[petits cris d'excitation]

[cris d'excitation]

[les femmes rient]

[Thérèse] Ma loute.

[Camille rit]

[pas à l'approche]

[Geneviève] Toujours rien ?

Non.

[Geneviève] Est-ce qu'on doit faire
quelque chose ?

Rien.

- [Geneviève] Tu es sûre ?
- Oui.

- [cris d'infirmières au loin]
- Dépêche-toi.

- Tu me mens depuis le début, c'est ça ?
- Non.

Bon, allez ! On arrête.

On arrête. Relève-toi.

Arrête, Eugénie.

[respiration saccadée]

Eugénie ?

[respiration haletante]

- Eugénie !
- Elle... Elle...

- Elle... Elle... Elle...
- [musique inquiétante]

- Elle est là ?
- Elle... Elle... Oui.

- Elle te parle ?
- Oui, oui...

[Eugénie suffoque]

Elle...

Elle ne veut pas...

- Elle ne veut pas...
- Elle ne veut pas, quoi ?

Pas... Pas maintenant.

Elle ne veut pas maintenant.

Elle ne peut pas. Elle n'a pas le temps.

- Elle ne peut pas quoi ?
- Elle n'a pas le temps.

Elle n'a pas le temps...

- Qu'est-ce que tu me racontes ?
- C'est votre père.

Mon père ?

Il est arrivé quelque chose
à votre père.

Dans la cuisine.

Il est arrivé quelque chose
à votre père dans la cuisine.

Allez-y ! Allez-y, maintenant !

Allez-y !

[brouhaha de la rue]

Père.

[respiration haletante]

[en chuchotant] Oh, quelle idiote !

Oh, quelle idiote !

[respiration haletante]

Père ?

Père ?

Père !

[musique angoissante]

[respirations haletantes]

C'est le ciel qui t'envoie,
ma petite fille.

Chut ! Ne parlez pas.

Par quel miracle es-tu là ?

Comment as-tu su ?

Je me suis inquiétée
et soudain, j'ai eu peur pour vous.

C'est bien, ça !

C'est bien de penser à ton pauvre père.

[Geneviève] Oui, c'est bien.

Reposez-vous.

[cloches d'église]

Elle n'est pas très bonne,
n'est-ce pas ?

Euh...

Bonne, ce n'est pas le mot, en effet.

- Elle n'est pas bonne.
- [rires]

Mais c'est bon de t'entendre rire.

[soupir]

Comment as-tu su ?

Pourquoi es-tu venue ?

Je vous l'ai dit.
Je l'ai su, je l'ai senti.

Ce n'est pas si important.

On ne sait pas ces choses-là.
On ne sent pas ces choses-là.

Ça n'existe pas.

Dis-moi.

C'est Blandine qui m'a avertie.

Ne prononce pas ce nom, je t'en prie.

[Geneviève] La nouvelle qui est arrivée,
elle parle avec les esprits.

Elle parle avec Blandine.

Mais comment peux-tu croire
une chose pareille ?

Je t'ai élevée dans le respect
de la science, dans la compréhension,

la raison,
et tu viens me dire ces bêtises ?

- Tu n'as pas honte ?
- [Geneviève] Je sais...

Moi aussi, j'étais incrédule.

Mais Blandine lui parle. J'étais là.

Sinon, comment aurais-je su ?
Elle est parmi nous.

Elle est peut-être même là,
dans cette chambre.

Blandine est morte, tu m'entends ?

Morte.

Je vais tous les jours sur sa tombe.

Morte.

Je sais que tu ne te le pardonnes pas.
Ce n'est pas une raison pour affabuler.

Il faut me croire, elle veille sur nous.

Tais-toi !

Je t'en prie.
Voilà que tu parles comme une sorcière.

À moi ? À moi,

tu viens parler d'esprits
et de fantômes, tu n'as pas honte ?

Je ne veux plus t'entendre.

[Geneviève] Père.

C'est toi que je perds à présent,
ma petite fille.

À force de fréquenter des folles,
tu l'es devenue à ton tour.

C'est contagieux, cette peste-là.
Laisse-moi maintenant.

[soupir] Papa.

Pars.

S'il te plaît.

[soupir]

[respiration paniquée]

Soufflé au fromage.

Poularde rôtie.

Un civet de lapin.

Tartine de beurre.

- Lapin truffé.
- Baba au rhum.

Allez, Henriette.

Des crêpes au beurre.

- [infirmière] Il faut y aller.
- Non, s'il vous plaît.

- [infirmière] Quoi ? Allez !
- Je l'ai fait y a pas très longtemps.

J'y suis déjà allée la semaine dernière.

Fais pas d'histoires, Henriette.
Allez, allez !

C'est juste que ça me fait
encore un petit peu mal.

- Viens avec nous.
- [Infirmière 2] Ça va bien se passer.

Est-ce qu'on peut reporter
à un autre jour ?

[infirmière 2] Ça n'est pas possible,
viens.

- Viens, maintenant.
- [Henriette] Non, s'il vous plaît.

[infirmière 1] On va pas rappeler
les médecins. Viens avec nous.

- [Henriette] On peut attendre demain ?
- [infirmière 1] Non, viens.

[musique triste]

- [Babinski] Maître !
- [Charcot] Oui ?

[Babinski] J'aimerais vous entretenir
des derniers essais cliniques.

[ils continuent leur conversation]

Arrêtez de bouger.

[musique sombre]

[gémissements]

[docteur] Ovaires gonflés.

Et douloureux.

Et on augmente les saignées.
Deux fois par jour.

[soupir]

[porte]

[Louise]
Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Eugénie ?

Docteur, qu'est-ce qu'il m'arrive ?

[Babinski] Que s'est-il passé ?

Elle a fait une crise sous hypnose,
hémiplégie latérale côté droit.

[Louise] Mais qu'est-ce que c'est ?
Docteur...

Pourquoi je peux plus bouger ?

- Ma main ! Ma jambe !
- Aucune réaction, c'est fascinant.

[Louise] Eugénie,
qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Ce qu'il t'arrive, Louise ?

Mais c'est eux.

Ce qu'il lui arrive, c'est vous.
C'est vous.

C'est vous qui lui faites ça.
Vous nous rendez folles.

- Faites-la taire.
- [Eugénie] Oh, mais oui !

Mais oui ! [elle rit]

Mais faites-moi taire, docteur.

[Jules] Éther.

[Louise] Allez-y ! Faites-moi taire.

Parce que je pourrais tout dire.

Je pourrais tout vous dire.

[musique angoissante]

Je pourrais vous dire
que ce que vous nous faites...

[Jules] Chut...

[cris des internées]

[secrétaire] Le maître vous attend.

Vous arrivez après la bataille,
Mlle Gleizes, une fois de plus.

[Geneviève] Je vous prie
de bien vouloir m'excuser, maître.

J'ai été retenue au chevet de mon père.

[Charcot] Votre père n'est pas
interné ici à ce que je sache.

Contentez-vous
de veiller sur mes patientes.

Bien sûr.

À ce propos, je viens de voir Louise.
Elle s'est calmée.

Pas d'améliorations physiques.
Je la laisse au repos.

C'est bien.

On tentera une magnétothérapie
la semaine prochaine pour un transfert.

Et les autres ?

Denise Platel. Des progrès.

Elle se nourrit seule,
mais refuse toujours de parler.

Aphasie. Quel traitement suit-elle ?

[Geneviève] Valériane et éther,
par sonde utérine.

On réduit l'éther progressivement.
Une dose en moins par jour.

C'est tout ?

Pas tout à fait. Le cas Cléry.
Eugénie Cléry.

- Que comptez-vous faire ?
- Isolement.

Elle est dangereuse.

Je ne veux pas
qu'elle contamine les plus fragiles.

Bien.
Je vais m'en occuper personnellement.

Non, pas vous. Jeanne.

C'est Jeanne qui s'en occupera.
Dès ce soir.

[des cloches résonnent]

Au revoir, Mlle Gleizes.

Au revoir, maître.

[cloches]

[une femme crie]

Suis-moi.

C'est ici.

Les vieilles cellules de la Salpêtrière.

C'est historique, Eugénie.

Tu as beaucoup de chance, tu sais.

[une femme tousse]

[de l'eau s'écoule]

[respiration fébrile]

[respiration haletante]

[Jeanne] Chut...

Calme-toi.

Calme-toi. Tout va bien se passer.

[elle inspire]

Il faut que tu respires, Eugénie.

On va bien s'entendre toutes les deux.

Je vais veiller sur toi.

Et quand tu sortiras,
tu seras une autre femme.

Tu verras.

[hurlements à proximité]

[respiration fébrile d'Eugénie]

[une femme tousse]

- [verrou de la porte]
- [respiration saccadée]

- [hurlements à proximité]
- [respiration saccadée]

- Madame Geneviève...
- Oui, ma Louise ?

Elle revient quand, ma copine ?

Je ne sais pas.

C'est quand même des vaches,
Mme Geneviève.

C'est une dame, vous savez ?

Une grande dame.

Nous autres,
on est traitées pires que des animaux.

Louise.

Je veux que tu penses à toi.
Je veux que tu récupères.

Elle doit avoir peur en bas toute seule,
Eugénie.

[respiration haletante]

[respiration suffocante]

[musique douce]

[respiration haletante]

[elle gémit]

[cris de rage]

[Eugénie gémit]

[respiration suffocante]

[elle halète]

[respiration haletante]

[de l'eau s'écoule]

[soupir de dégoût]

[cris d'une femme à proximité]

[Jeanne] Bonjour, Adèle.
Comment va-t-on aujourd'hui ?

Tiens, j'ai rêvé de toi cette nuit.

[Adèle marmonne
d'une voix grinçante]

- [Jeanne] Tu étais le diable ?
- [Adèle] Oui !

[Jeanne] Mais je n'avais pas peur.

- C'était moche, c'était pathétique.
- [rire démoniaque]

[Jeanne] C'était toi.

Parce que le diable est en toi,
n'est-ce pas ?

[rire démoniaque]

- [Adèle récite une prière d'exorcisme]
- [Jeanne rit]

- [Jeanne] Eugénie.
- [cri paniqué]

[Jeanne] Eugénie !

[elle frappe à la porte]

Tu connais le jeu de l'éclipse ?

[une femme hurle]

[Jeanne] Tu vas adorer.

- [grincement métallique]
- [petit cri de panique]

Non, non ! Pas la lumière.

- Non !
- [claquement]

[Eugénie hurle]

[musique sombre]

- C'est arrivé quand ?
- Hier.

[infirmière 1] Elle m'a fait mal.
C'est la troisième fois cette semaine.

J'ai peut-être fait
quelque chose de mal.

Non.

[musique sombre]

[grincement métallique]

[cloches d'église]

[Jeanne] Eugénie.

Non !

[la porte claque]

[grincement métallique]

[Jeanne] Eugénie.

À table !

Bon appétit !

[une femme hurle à proximité]

[musique triste]

[la porte s'ouvre]

[respiration haletante]

[Jeanne] Eugénie.

- [elle hurle]
- [claquement]

[musique triste]

[conversations indistinctes]

[respiration haletante]

C'est Geneviève.

Tu avais raison pour mon père.

Blandine avait raison.

Je vais t'aider.
Je reviendrai, je te le promets.

[en chuchotant] Qui est-ce ?

[des voix chuchotent]

[les voix se font plus présentes]

[elle gémit]

[phrases d'Eugénie qui s'entremêlent]
Arrêtez, s'il vous plaît. Doucement...

[Eugénie gémit]

[les voix disparaissent doucement]

[claquement métallique]

[cris de femme]

Comment vas-tu, Eugénie ?

[soupir]

Je ne crois pas que tu ailles très bien.

J'en ai vu des comme toi, tu sais,
qui abandonnent,

qui se laissent partir.

Moi, je ne veux pas que tu partes.

Il faut que tu manges.

Hm !

Je les ai achetés là,
juste derrière, rue Bruant.

Tu sais ?

Ha ! Non...

Tu ne sais pas.

Tu en veux un ?

[soupir]

Tu ressembles à tes fantômes.

Ils ressemblent à ça, non ?
Tristes et livides.

Ce serait tellement plus simple pour toi
si tu ne les voyais pas.

Ma pauvre.

Je peux t'aider, moi.

Je crois que...

- Je crois que...
- Ça alors !

Mais oui ! C'est bien de croire.

Tu crois quoi ?
Ça m'intéresse. Dis-moi.

Je crois que c'est votre mère.

[souffle]

Laisse ma mère là où elle est, va.

Et garde ton petit jeu pour les autres.

Oui.

Oui, elle me dit
qu'elle est votre mère.

Elle ne vous en veut pas
pour ce que vous lui avez fait.

Qu'est-ce que vous lui avez fait,
Jeanne ?

Vous l'avez internée ici.

Elle était là, votre mère.

Tu dis ni plus ni moins
ce que tout le monde sait.

Tout le monde sait
que ma mère était folle.

Et alors ?

Non.

Non, personne ne sait
ce qu'elle a fait...

à votre fils.

[respiration haletante]

François.

C'est bien cela ?

[musique triste]

[Eugénie] François.

Elle vous demande pardon.

[sanglots]

[Jeanne pleure]

[respiration haletante]

- [musique angoissante]
- [Eugénie gémit]

Tu vas te taire, hein ?
Tu vas te taire ?

Tu vas te taire, saleté ?

[musique angoissante]

Tu n'as pas le droit.

- Tu n'as pas le droit !
- [Eugénie crie]

Tu n'as pas le droit, toi,
de parler, sorcière !

Sorcière !

[Eugénie suffoque]

[respiration saccadée]

[respiration suffocante]

[respiration haletante]

[pluie]

[tonnerre au loin]

[hurlements d'une femme]

[brouhaha animé]

Madame Jeanne,
y a des puces dans ma paillasse.

Ça me démange. Regardez, ça me gratte !
[elle hurle]

- Je vois rien.
- Si, regardez de plus près.

- Là.
- Je vois rien.

Mais si ! Ici, là.

Si tu fais ça pour avoir de l'éther,
tu vas goûter de ma badine.

- Non. Promis, madame Jeanne.
- Retourne avec les autres.

[tintement métallique]

[Jeanne] On y passera la journée,
mais je peux vous garantir

que je vais la retrouver,
cette satanée clé.

C'est le moment de parler.
Après, ce sera trop tard.

[infirmière] On n'a rien trouvé.
Vous l'avez perdue ici ?

Madame Geneviève.

[de l'eau s'écoule]

Elle est là.

[respiration haletante]

C'est vrai ?

Elle me dit
qu'elle est heureuse de vous parler.

Elle vous remercie pour les lettres.

Mais elle veut
que vous arrêtiez de lui écrire.

Elle veut...

que vous soyez légère

et heureuse.

Vos lettres la rendent triste.

Elle n'en a pas besoin
pour se sentir aimée.

Vous lui manquez.

[sanglot]

[Geneviève] Elle aussi, elle me manque.

Elle me manque tellement.

Elle ne souffre plus.

Elle n'a pas peur.

Elle désire la même chose pour vous.
Elle veille sur vous.

[musique douce]

Elle est dans le sourire d'une femme.

Dans le rire d'une malade.

Dans les mains que vous soignez.

Les yeux que vous rassurez.

Elle est tout autour de vous.

Partout.

[Geneviève pleure]

[Eugénie] Elle ne vous en veut pas.

Elle est partie.

Merci.

Merci.

[musique mélancolique]

[Geneviève] Merci.

Je vois
que vous avez retrouvé ma clé.

Rends-la-moi.

Eugénie Cléry
est faible et anémiée.

Je vais immédiatement prévenir
le docteur Charcot.

Je vais la récupérer.

Mais bien entendu,
madame l'infirmière en chef.

Bien entendu. Faites donc.

[tintement métallique]

- Maître.
- Oui ?

- C'est au sujet d'Eugénie Cléry.
- Oui ?

Elle est à l'isolement
depuis presque un mois

et j'ai constaté de réels progrès.

- Mais seulement...
- [Charcot] Seulement quoi ?

[Geneviève] Elle ne mange plus.
Elle est très fatiguée, très faible.

Et je crains une apoplexie.

- Est-elle toujours si vindicative ?
- Pas du tout. Elle est calme et docile.

Elle n'en a plus la force, ni l'envie.

Elle m'a tenu d'ailleurs
des propos très sains.

C'est bien. Jeanne a été efficace.

J'aimerais, si vous êtes d'accord,

qu'elle sorte
et qu'elle rejoigne le dortoir.

[Charcot]
N'est-ce pas un peu prématuré ?

[Geneviève] Écoutez, docteur.
Je m'en porte garante.

C'est encore moi qui suis garant
de mes patientes, Mlle Gleizes.

Et sachez que s'il y a quoi que ce soit,
je vous tiendrai pour responsable.

Allez prévenir Jeanne de son transfert.

- Vous ne le regretterez pas.
- [Charcot] Geneviève.

Vous me viderez ces pots de chambre.
C'est une infection, ça sent jusqu'ici.

Oui, maître.

[brouhaha de la rue]

[vendeuse] Achetez "Le Petit Parisien" !

Achetez "Le Petit Parisien" !

[musique majestueuse]

Achetez "Le Petit Parisien" !

[conversations indistinctes]

[musique majestueuse]

[infirmière] Tu sors demain. Lave-toi.

Ouvrez.

[souffle léger du vent]

[musique douce]

Bonjour, Louise.

Eugénie Cléry, ça alors !

C'est chouette de te voir.

Alors,
t'en as pas trop bavé en isolement ?

Et toi, comment vas-tu ?

[Louise rit]

C'te blague !

J'ai une robe qui tourne
et je peux plus tourner.

[en chuchotant] C'est pas de chance.

[musique majestueuse]

Allez-y, allez-y !

Voilà.

Christine,
vous mettez ça à la réception.

Julie, les plantes.
Il me faut cette alcôve,

cette alcôve et cette alcôve.

Pascale,
vous me mettez tous les bougeoirs

en haut et en bas, à la réception.

Bonjour, messieurs.
Vous montez au 2e étage

et vous allez au balcon.

[cris d'excitation]

[infirmière] Ne vous battez pas !

Doucement, doucement !

- Ça me va bien ?
- Oui.

[infirmière] Oh, très belle perruque !

Ah ! C'est doux !

Elle a une corne. [rire]

- Comme ça, ça va ?
- C'est bon.

[Marguerite] Tu ne touches pas.
J'ai pas encore choisi mon costume !

Dégage !

- Thérèse !
- [Thérèse] Oui ?

Tu viens au bal avec nous cette année ?

Non, toujours pas.

C'est le seul soir
où je suis tranquille.

J'en profite. J'ai pas de temps à perdre
avec des vieux schnocks.

Faut pas charrier quand même !

- Y en a des jeunes, y en a des beaux.
- [Thérèse] Bah, c'est tous les mêmes !

Tu verras, Eugénie.
Bien habillé ou en guenilles,

dans deux heures, on ne saura plus
qui est fou, qui est beau, qui est libre.

Moi, je reste ici.

Non !

Tais-toi, Marguerite.

Si t'es trop excitée,
ils te laisseront pas descendre.

Allez !

C'est beau.

[rire]

[musique majestueuse]

Tenez.

[rires]

- [infirmière] Votre manteau ?
- Non, je le garde. Merci.

Bonne soirée, monsieur.

[Marguerite] Regarde, il est trop beau.

Eugénie, à ta place.

- Bonsoir, Jeanne.
- Bonsoir, maître.

[musique douce]

Mesdames et messieurs,

bonsoir !

Bienvenue à l'hôpital de la Salpêtrière.

Bienvenue à notre grand bal annuel.

Les infirmières, les médecins,

le docteur Charcot et moi-même

sommes ravis et honorés
de vous accueillir cette année encore.

Les femmes que vous allez voir
sont des patientes

intéressantes, à plus d'un titre.

Fascinantes, même.

Certaines sont psychotiques,

d'autres sont mythomanes,

maniaques, mélancoliques,

ou simplement idiotes.
Leurs troubles sont parfois

difficilement décelables à l'œil nu,

et pourraient passer inaperçus
lors d'un examen clinique général.

Mais ils sont tous bien réels,
diagnostiqués

et identifiés ici

grâce à de nouvelles méthodes d'étude,

de recherche et d'enseignement.

Mais ce qui les rassemble,

c'est qu'elles sont toutes les patientes

du plus grand scientifique français
de notre époque,

j'ai nommé
le docteur Jean-Martin Charcot.

[applaudissements]

Je vous prie maintenant d'accueillir
celles que vous attendez tous.

Mesdames, c'est à vous.

- [clochette]
- [rire]

[valse rythmée]

Au revoir, Jeanne.

[musique inquiétante]

Oh, merci ! Merci, merci.

- Je te demande pardon, ma sœur.
- [Eugénie] C'est pas important.

C'est pas important.

- Désolé.
- Non, tout va bien.

Dépêchons-nous.

Oh, merci.

[valse rythmée]

[musique intrigante]

Ben alors ? Tiens.

Tu veux boire ? Vas-y, vas-y.

C'est bon, ça.

Hein ?

T'es quoi, toi ? T'es une petite...

une petite gitane ?

C'est pas bon ? Si, c'est bon, hein ?

T'es une petite voleuse, hein ?

Fais voir les petites mimines
de petite voleuse.

[la musique du bal
résonne dans les couloirs]

[musique inquiétante]

[respiration haletante]

Ben, qu'est-ce qu'il t'arrive ?
T'as trop guinché et tu fatigues ?

Faut que tu viennes.

[musique sombre]

Pourquoi on est là ?

Jules ?

Pourquoi tu m'as amenée ici ?

Chut...

Viens là.

[Jules rit]

Alors, mon chat ! Hein ?

Ce soir, on se marie.

T'es déjà un peu ma femme.

Hein ? [Jules rit]

Dis-le.

Dis-le que t'es déjà ma femme.

Attends, Jules. Attends.

[cris d'excitation]

Louise Plessis,

acceptez-vous de prendre
Jules Lemoine, ici présent...

- Arrête, Jules. Pas comme ça.
- ...comme époux.

- Non...
- Allez, ma puce.

Donne ta bouche.

- [Jules pousse des soupirs ]
- [Louise gémit]

[Jules] Attends, attends...
Tiens, tiens.

- Chut, chut...
- [Louise gémit]

[Louise pleure]

- [Jules gémit de plaisir]
- [Louise sanglote]

- [Jeanne] Eugénie Cléry !
- [Geneviève] Lâche-la.

Lâche-la ! Lâche-là. Lâche-là.

[Jeanne] À l'aide ! À l'aide !

[gémissements]

[Jules] Chut, tais-toi ! Tais-toi.

Tais-toi !

- Attrapez-les !
- [femme] À l'aide ! À l'aide !

- [la femme rit]
- [Jeanne crie]

- [Théophile] Louis nous attend.
- Ici ?

[Théophile] Non, devant.

[Thérèse] Non !

Dégage !

Escroc !

Crapule !

[Jules éclate de rire]

Salopard !

[rires]

Au secours !

[Jules crie]

Arrête ! Au secours !

[Jeanne] Ils sont là-bas !

[Eugénie] Geneviève, non.

Non !

Non, je ne vous laisse pas.
Partez avec moi.

Écoute-moi. Pars, je suis libre.

Je suis libre.

Dépêche-toi. Dépêche-toi.

Arrêtez-les !

[tintement métallique]

Pauvre folle.

Il est bien difficile, Jeanne,
de savoir qui est fou ce soir.

[ressac des vagues]

[ressac des vagues]

[soupir]

[musique douce]

[Eugénie] "Ma très chère Geneviève.

"Je pense à vous chaque instant.

"Ici, la liberté est belle.

"Mais elle a un goût amer :
celui de votre sacrifice.

"Aussi, je m'efforce de vous faire honneur.

"Et comme vous me l'avez demandé,
de faire le bien.

"J'aide, je transmets,
je témoigne, je réconforte.

"On vient à moi
avec une confiance et un amour

"qui me bouleversent chaque jour.

"Ici, je ne fais pas peur.

"Ici, je suis comprise."

[infirmière] Pour vous.

[musique mélancolique]

[Eugénie] "Geneviève, ma douce amie.

"Hier soir, votre Blandine
est venue me rendre visite.

"Elle vous protège,
elle vous accompagne.

"Et comme moi, elle vous aime.

"Si votre corps est toujours là-bas,
dans ce dortoir que je connais si bien.

"Sachez que votre cœur
et votre esprit sont ici.

"Près de moi.

"Je vous imagine assise à me lire.

"Mais je ne vous laisse pas finir, non.

"Je vous prends la main.

"Je vous prends la main.

"Nous faisons quelques pas.

"Le vent est frais et salé.

[propos indistincts]

"L'horizon est loin, si loin.

"Le sentez-vous ?

"Nos âmes dansent sur la mer
et nos douleurs s'envolent,

"tourbillonnent et disparaissent
dans un nuage d'écume.

"Nous rions, nos pieds dans le vide.

"Nous dansons.

[ressac des vagues]

"Nous dansons.

"Nous dansons.

"Et ainsi, ma Geneviève,

"nous sommes libres.

"Nous sommes fortes.

"Nous sommes éternelles.

"Votre Eugénie."

[ressac des vagues]

[musique mélancolique]

[ressac des vagues]