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Pourquoi ne pas dormir un
peu plus longtemps hein?

Bonjour.

- Merci, je vais m'en occuper.
- Doucement, doucement, va doucement

T'as déjà commandé
le petit déjeuner?

Le voilà!

C'est urgent? Tu as tant faim?

Non, non.

Laisse-moi faire, quand tu vas
apprendre à rester immobile?

Aujourd'hui, nous allons
à la mer, non?

Oui.

Non, non, non.

- On va prendre le bateau?
- Sers...

Non, non, pas de lait.

Pas avec le marin, hein?

Je sais pas pourquoi t'es mal à l'aise avec lui,
mon pauvre garçon. Il est drôle.

Alors, pourquoi tu vas plus
jouer avec ces enfants anglais?

Ils sont idiots, voilà.

Ils ne savent rien de rien.

Et qu'est ce que tu crois savoir
puisque tu ne sais rien?

Pourquoi tu dis que je sais rien?

Au contraire, je sais
beaucoup de choses.

Je sais que ton parfum
s'appelle "pour lui"

Je sais ce que tu lis,

- Je sais tout en regardant ton visage.
- Et quoi d'autre?

Et parfois, juste parfois,
je sais ce que tu penses.

Ah oui? Et je pense quoi maintenant?

Maintenant... Maintenant tu penses,
penses, penses,...que je t'aime.

C'est ce que tu penses!

J'ai bien deviné, maman?
Dis-moi si j'ai raison.

Oui t'as bien deviné.

Pendant ces vacances d'un mois,

Agostino et sa mère
étaient toujours ensemble.

A côté d'elle Agostino se sentait en sécurité,
comme si le jour était chargé de significations

que seule sa mère connaissait

et qu'elle lui aurait révélées.

Tout cela culminait dans un sentiment
de haute pureté

qui le remplissait de joie.

On y va.

Donne-le moi.

Maintenant mets ça.

Maintenant, on va prendre
le bateau et s'en aller.

Donne-moi ça.

Comme tu es maigre!

Faut que tu manges plus.

Oui, oui, très bien,
mais vite.

A la mer, on y va!

Je m'en occupe, petit patron.

Bien.

Maman tu viens!

Maman!

Allez.

Tu aimes?

Quand tu l'as acheté?
Pourquoi tu me l'as pas dit?

Comme t'es curieux. Je viens de
l'acheter, faut que je te le dises?

Bien sûr que tu dois me le dire.

Agostino...

- Viens ici à côté de moi.
- Tout de suite.

- Regarde là-bas. Une méduse.
- Quoi?

- Regarde.
- Où elle est?

Là, tu la vois?

Je la vois pas.

Regarde au fond en bas.

Ah, oui, maintenant je la vois.

Mais elle semble pas être en vie.

Comment elle serait vivante?
Regarde, elle bouge pas.

Pourquoi elle est transparente?

Comme le verre.

Faut jamais la toucher.

Pourquoi?

Elles sont couvertes d'une substance
qui irrite la peau,

la même qui la fait luire la nuit.

Elle brille comment?

Une substance lumineuse.

Parfaitement visibles de nuit.

Elles respirent très lentement.

Elles s'ouvrent et se ferment
comme des fleurs.

Regarde, ça ressemble pas
à un animal vivant.

Elle a pas d'yeux, pas de bouche.

Ce sont des invertébrés.

Elles ont un nom dont
je ne me souviens pas.

Je crois ... coelentérés.

Comment tu le sais?

Je l'ai étudié, et maintenant
ça me revient à l'esprit.

Combien de choses tu sais.

Allez.

Viens! Viens Agostino.

Regarde-moi maman!

Je plonge.

Ah, que c'est beau.

Ecoute comme bat ton coeur.

Regarde maman, la méduse!

Où?

Regarde!

Je vais t'aider.

Reste un peu, là.

Maintenant, demi-tour.

Et reste comme ça, hein?

Agostino obéit, et était aussi
fier que quelqu'un ...

qui a été autorisé à participer
à un rituel.

Derrière lui, le corps
de sa mère,

nu au soleil.

Enveloppé dans un mystère qui
mérite une grande vénération.

Et pendant longtemps
resta là dans son âme

la confusion et la folie
de sa vanité filiale.

Un matin, alors
qu'ils étaient allongés

l'ombre d'une personne bloqua
le soleil en face d'eux.

Bonjour.

Vous êtes déjà allée
à la mer ce matin?

Pas encore.

Puis-je vous inviter à une
promenade en bateau?

Mais vous n'êtes pas accompagné?

Pas à chaque fois.

Vous venez alors?

Oui.

Reste pas assis là,
bouge un peu.

Va jouer, je serai
bientôt de retour.

Avec un bonheur jubilatoire,
la mère a accepté l'invitation,

comme si elle avait
décidé depuis longtemps

de ne pas manquer l'occasion,

et dès qu'elle se présente,
la prendre sans hésitation.

Vous aimez?

Tu veux piloter?

Viens ici.

Voyons si tu sais piloter, hein?

Ca c'est l'accélérateur.

Mais faut pas jouer avec.

Tiens fort le volant.

Tu comprends?

Et continue tout droit.

Vous allez jamais vous promener,

jamais au spectacle,

vous êtes toujours
avec votre enfant?

Oui. J'aime être avec lui.

Savez-vous que vous avez ...
vous avez le comportement
d'une femme intouchable?

Oui?

Vous manquez pas de compagnie je pense.

J'ai raison?

Allez, dites la vérité.

On nage ici?

Ici? D'accord.

Alors...

tu aimes le bateau?

T'aimes le piloter? Hein?

- T'aimes le piloter?
- Oui, merci.

T'es pas un homme bavard, hein?

Avec moi il est bavard,
toujours poser des questions.

C'est l'homme aux 1000 pourquoi,
pourquoi... et ce

jusqu'à la fin.

Agostino, allez viens!

Viens!

Mais vous faites quoi là, non!

Non, arrêtez!

Attendez-moi!

Non, non.

N'ayez pas peur.

Agostino...

Pourquoi tu viens pas?

Allez, elle est chaude.

Plonge.

Non, j'ai pas envie.

Ne fais pas ton sérieux.

Vous voyez l'enfant sérieux
que j'ai?

Il est toujours aussi sérieux?

Au contraire.

Aide-moi là.

Pour la première fois il se sentait le ventre
maternel piégé dans le maillot de bain,

comme le véhicule d'un frisson
sombre et vital.

Même avec un vif sentiment
de dégoût

à cause d'une obstination douloureuse,
qu'il ne voulait pas éviter.

Vous avez froid, hein?

Je vais vous sécher de suite.

- Vous voulez?
- Oui, merci.

Vous avez toujours froid?

Non.

Laissons de la place
à cet enfant innocent.

Hé, regarde.

C'est qui lui?

Louis XV.

Bon. Et lui?

Robespierre.

Bon. Maintenant...

Voici un autre.

Pendant quelques jours, le jeune
homme ne s'est pas présenté.

Les vacances ont continué
dans le bonheur.

Agostino et sa mère étaient
toujours ensemble.

Garçon.

Qu'est ce qu'on prend?

Deux glaces.

- Oui.
- Deux glaces, bien.

Tout de suite.

Cette musique
me rappelle l'Autriche.

C'est vrai, mais toi...
comment tu t'en rappelles?

Bien sûr, je m'en souviens.

Vraiment.

Regarde ce mec bizarre.

Parle doucement, c'est
un peintre célèbre.

Tu le connais?

Oui, je l'ai vu avant.

Comment il s'appelle?

Je m'en rappelle plus.

Ensemble, ils ont découvert
que leurs visages

avaient de nombreux points communs

souvent, ils disaient la même chose
avec les mêmes mots.

Agostino et sa mère pouvaient
compléter les phrases de l'autre.

S'ils perdaient cette intimité,

pensait Agostino,

que serait advenu de
son bonheur serein?

Viens la regarder d'ici
Regarde.

D'ici c'est encore plus beau.

C'est de Martini.

Quand j'étais à la fac de lettre
à Padoue, je la voyais tous les jours.

Que c'est beau!

Regarde! On dirait
une montagne de marbre.

Allons là-bas.

Viens.

On dirait une représentation de Pompéi.

C'est beau.

Viens.

Parfois son intuition
enfantine de fils

clarifiait ses pensées.

Agostino sentait en lui
la puissance de ces moments.

T'as vu ça?

Comme ce peintre est étrange.

Il s'appelle Redon.

C'est un peintre
du début du XXe siècle.

Mais, à vrai dire,
il n'est pas bien connu.

J'aime pas ça.

Regarde --- on dirait des cauchemars.

Mais ça n'a pas toujours
été comme ça.

Comment ça va?

On vous a fait attendre, hein?

Pas du tout.

Il n'y avait pas plus de voyages.

Agostino obteint le droit de les accompagner
et d'assister à leurs entretiens,

leurs baignades.

Il se sentait gêné et de trop.

Il sentit que les 2 l'avaient compris
et avaitent décidé de le laisser tranquille.

Mais finalement il était toujours
plus faible et condescendant vers
sa mère et le jeune homme.

Tu vas pas te baigner aujourd'hui?

Je t'ai dit que
je sais pas encore.

Tu l'attends hein?

Qu'est ce que t'as dit?

Tu veux quoi, toi?

On joue.

Ils doivent pas me voir.

Pourquoi ils doivent
pas te voir?

Tu veux la fermer?

Il s'est enfui, allez.

Ils sont partis.

Qui?

De quoi tu t'occupes?

Je veux jouer aussi.

Avec vous.

Avec cette tête?

Je te donnerai
ce que tu veux.

Tu me donneras quoi?

Ca.

Je vais faire quoi avec ça?

Tu le vends.

Malin toi! Et après
tu me cries après hein?

T'as des cigarettes?

Oui.

Je les prends pour moi.

Y a quoi là?

C'est mieux comme ça,
mille lires, hein?

Comment tu t'appelles?

Agostino.

Quel nom, t'es né en août?

Non.

Moi c'est Roma,
mais on s'en fout.

Allez.

Si Tortima te vois,
il te casse la tête.

Pourquoi?

Pourquoi, pourquoi ...?

Tu le sauras pourquoi.

Allez, vite.

Le surveillant de plage
est juste là, vite!

Tu fumes?

J'aime pas.

C'est ta mère qui veut pas!

Tiens, fume.

Idiot! Comme ça.

Je parie que tu sais pas comment
faire sortir la fumée de tes yeux.

Mets ta main là.

Regarde dans mes yeux.

Regarde.

Prends ça toi!

Tu crois être quoi? Hein?

Tu l'as fait!

Je t'ai fait quoi?
Je t'ai donné les cigarettes.

Je vais te couper en deux, vu?

Retourne chez ta mère, allez.

On y est, allez, Agostino.
C'est le repaire.

C'est Août.

Il m'a suivi.

Mais si tu le veux pas
je peux le jeter.

Tu sais pourquoi il me suit?

T'as eu peur, tu t'es caché
dans une cabine...

comme ça le gardien nous a vu
et on a dû s'enfuir.

C'est pas vrai.
Agostino, dis-lui.

Ouais... c'est ça.

- Abruti, je vais te casser le nez!
- Laisse-moi!

Cigarettes. Je les garde.

Donne-moi les cigarettes,
je vais te casser la, gueule, vu!

Donne-moi les cigarettes, donne.

Lâche mon bras.

Frappe.

Batard!

Donne-moi les cigarettes.

Allez, donne-les moi.

Et si j'ai pas envie
de te les donner?

S'il te plaît, mets-les dedans.

- Je l'ai vu, c'est lui.
- Je l'ai vu aussi.

- Je l'ai vu, c'était Moro.
- Le Sicilien?

- Oui, celui-là
- Il a mon âge.

Comme elle était excitée!

Elle était si excitée!

Respirant fort,
bougeant comme une folle, non?

Il l'a immobilisée,
oui il l'a prit, et zum!

Puis avec l'autre main,
il a tiré le soutien-gorge,

elle avait une poitrine aussi
grosse que la lune.

On aurait dit un trophée.

Avec qui elle est?

Avec qui? Qu'est ce que tu crois,
peut-être avec un radin comme toi?

Et ce mec, d'où il vient?

Celui-là je l'ai pris, moi.

Sur sa plage, toutes
les femmes sont huppées.

Et elles sont toutes désirables!

A Pirola, elles donnent
beaucoup d'argent, beaucoup.

Hé Agostino? Tu dis quoi?
l'argent de toutes les couleurs?

Sa mère est comme ça.

Celles qui ont de l'argent

sont toutes dépravées.

Viens Août, raconte-nous.

Vous raconter quoi?

T'es riche, non?

Je crois que oui.

Combien? 1.000.000?
2.000.000? 3.000.000?

Je sais pas.

T'as une grande maison?

Oui, avec une vingtaine de chambres.

Trou du cul! Quelle chance t'as!

Oui. On a 2 salons.
Et un bureau pour mon père.

Cocu!

Mon père est mort.

Alors sa mère est veuve.

Ouais, sûr. Et dans ces chambres
on y fait quoi?

Pourquoi? Ils savent
pas ce qu'ils font?

Danser, rire, puis faire
l'amour la nuit, hein?

Non, pas faire l'amour.

Si j'allais à ta maison pour
lui parler, tu ferais quoi?

Je dirai que tu dois en partir.

Et si je pars pas?

J'appellerai le majordome.

Z'avez même du personnel chez toi?

Tu sais ce que je ferais?

Je me mettrai au milieu de la fête et
et gueulerai sur cette bande
de putes et de porcs

Mais dis-moi, ta mère,
elle a des amants, hein?

Oui ou non?

Tu les connais pas, mec?

Bien sûr tu les connais, hein?

Et ils font quoi, ils embrassent?

Sûr qu'ils embrassent, non, perroquet?

Ils s'embrassent,
Agostino, hein?

Ils s'embrassent, dis-nous.

Dis-moi la vérité, hein?

Comme ça.

Tu vois pas qu'il sais pas?

Pourquoi tu dis qu'il sait pas?

Dis Août, un homme et une femme,
ils font quoi?

Un homme et une femme.

Qui veut lui dire, hein?

Moi, moi, moi!

Ferme-la, je vais lui dire moi.

Mais tu sais rien toi.

Qu'est ce que tu peux savoir?

Celui qui a déjà fait explique.

Sandro, dis-lui.

- Sandro.
- Sandro.

Raconte-lui.

Dire quoi?
Y a rien de spécial.

T'as jamais vu deux chiens?

Scarpa, montre-lui.

Viens Moro, on lui montre.

Je joue l'homme et
tu joues la mère d'Agostino.

Allez, Scarpa, viens.

- Montre-lui.
- Sésame, ouvre-toi.

Sésame, ouvre-toi.

.

.

.

.

.

.

Allez! Géant!

.

.

Allez Roma, ça suffit.

.

.

On devrait se baigner!

- Allez, on va se baigner!
- Laisse-moi!

Non, laisse-moi!

Laisse-moi!

A l'aide!

Allez Berto, laisse-le, on y va!

Elle est une femme,

rien de plus qu'une femme,
se répétait-il.

De ce jour commença pour Agostino

une période sombre et tortueuse.

Ils lui avaient ouvert
ses yeux de force.

Mais ce qu'il avait appris,
c'était plus qu'il pouvait supporter.

Caché, il observait
l'intimité de sa mère.

Ses yeux regardaient où, la veille,
il n'aurait pas osé les lever.

Maintenant, à la lumière des révélations
de Saro et des garçons

sa mère lui apparut d'une
toute nouvelle façon,

pleine de présages impudiques.

Ah? T'es là mon chéri?

Quand tu es revenu?

Allo?

Bonsoir.

Non, je n'irai pas.

Fais pas l'enfant.

Quels vilains mots!

Je ne sais pas pour demain.

Ce soir, absolument pas.

C'est comme ça.

Je vais me coucher.

Là, je ne suis pas libre de parler.

Bonne nuit, Renzo.

Tu t'es pas sentie seule
aujourd'hui

sans moi?

Parlons plus d'aujourd'hui.

D'accord?

Dépêche, il est tard,
tu dois encore t'habiller.

La sortie de ma mère a été
plus longue que d'habitude.

La plage était déjà vide.

Agostino attendait,

et imaginait sa mère abandonnée
dans les bras du jeune homme,

il était sûr que ce jour-là,
il s'était passé ce que sa présence

avait empêché depuis ce jour,

comme démontré par les garçons

et Saro.

Il aimait la seule femme qu'il
était en mesure d'approcher,

et cette femme était sa mère.

Et alors t'as fait quoi?

Je me suis bien amusé.

Je suis sorti avec les enfants
de l'ingénieur.

- Oui?
- Les voisins de notre tente,
tu les connais?

On est allé à la mer,
on a trouvé un bateau de pêche.

On est allé se baigner.

Et toi? Où t'es allée?

Au phare.

Des pêcheurs peignent des coquillages.

Je voulais en acheter un,

mais j'avais pas d'argent.

Il est temps de dormir. Se pelotonner.

Tu me diras ça demain.

Il voulait voir de près

les traces de ce jour en elle.

Et il se demandait ce que

des garçons plus âgés que lui feraient

au sujet de son amour pour
sa propre mère,

après avoir appris ce
qu'il savait maintenant.

L'été se termina.

Très peu de touristes isolés

encore moulus par
ce faible soleil de septembre.

Combien de jours vides et malheureux
attendaient Agostino,

avant que les vacances
se terminent.

Il remarqua que quelque chose
en lui avait changé.

et senti que les lourdes moqueries
des gars sur sa mère

avaient accéléré ce changement,

et pour cette raison il devait
chercher à entretenir

cette moquerie.

Il voulait tellement
ne plus aimer sa mère,

mais il a lamentablement échoué.

Je comprends pas.
T'es toujours en train de t'enfuir.

Même sur la plage tu pars
sans rien dire.

Je m'ennuie. Tu t'ennuies ici,
tu t'enfuies toujours toi aussi.

Tu veux venir avec nous?
Renzo l'a souvent dit.

Renzo est ton ami,
pas le mien.

Pourquoi t'es si dur avec moi?
Je te reconnais plus.

Pardonne-moi.

Qui sont ces nouveaux amis?

Des enfants. Je te l'ai déjà dit.

Mais il y a plein d'enfants
gentils ici aussi,

à l'hôtel, et t'y restes
même pas une minute.

C'est un cimetière,
tu vois pas?

Les gens ici sont
tous des momies.

Vois, il y a:

cette dame avec ces yeux.

Elle a les paupières velues
comme une crotte de scarabée.

Et là derrière

une avec des jambes d'éléphant.

gosses, comme ça, t'as vu.

Et insolent aussi.

Parle pas si fort.

Je me demande pourquoi les gens riches
ici sont tous si laids.

Le pire exemple des champions
de la bourgeoisie,

ils sont tous immensément riches,

et ils sont laids et stupides, aussi.

Etrange, ils devraient
être beaux aussi.

Ils sont trop riches pour être beaux
et trop vieux.

T'as raison, même les enfants
semblent être vieux.

Mais toi, tu es très belle,

et pourtant très riche.

Maintenant on va se reposer.

Je me repose pas aujourd’hui.

Où tu vas?

Me balader.

Non chéri. Aujourd'hui
tu restes à l'hôtel.

Je reviens tout de suite.

Non chéri. Si tu veux,
tu peux jouer dans le salon,

et quand je descends,
on ira nager ensemble.

- D'accord?
- D'accord.

Viens.

Agostino!

- Bonjour.
- Tu connais mes frères?

Je savais pas que
t'avais tant de frères.

Tu sais? Cette année on va aller
à l'école au Montana.

Tu as eu Frau Getz cette année?

Oui, la pauvre.

Regarde la belle collection
de timbres du Ghana quelle m'a envoyée.

C'est beau.

Et toi, tu fais quoi?

Je m'ennuie --- et toi?

Nous aussi, pareil.

Si Dieu le veut, dans un mois
on sera de retour à l'école.

Heureusement, moi aussi.

Au revoir.

Combien monstrueux lui avait semblé
ces enfants bien éduqués.

Leurs loisirs contaminés par
le contrôle des gouvernantes.

Quel ennui leurs conversations sur
l'école, sur les collections de timbres.

Une irrésistible envie le poussait
à chercher le gang des garçons

celui qui exerce sur son
âme une sombre attraction.

Il aurait voulu devenir
comme eux,

si indifférents et si heureux.

Allez, Roma.

Hé, regarde ça, fais mieux!

J'ai gagné!

- Du calme, attend.
- Laisse-moi!

D'abord on va mesurer.

C'est très clair que j'ai gagné.

Quatre et quatre, huit.

Quatre plus trois, sept.

Agostino a gagné.
Plus t'es riche, plus tu gagnes.

Août, viens ici.

Tu veux parier à la loterie?

Non, non, non. J'ai gagné
et j'en reste là.

Stupide! Par définition,
parce que t'es riche!

Et t'es un radin.

Voilà ce que t'es.

T'as dit quoi?

T'es un radin.

Roma!

Montez à bord, il y a de la
place pour tout le monde!

Pousse sur la rame!

Les poissons!

Allez, Agostino.

Il devrait en avoir quatre
ou cinq, au moins.

Maintenant, je vais le vendre.

Arrêtez-là.

Vous m'attendez tous ici.

Non, t'attends toi.

Mais un de nous
doit venir voir.

Viens Agostino, allez Agostino.

Oui, j'y vais.

Tu crois que t'es malin,
ta tête montre que t'es malin.

Je prends qui je veux.

Je sais où tu vas.

A cette vache de Tecla, c'est ça.

Tu vas voir Tecla la vache, hein?

C'est qui Tecla la vache?

C'est elle, là, regarde.

Avec 3.000 lires, elle fait
tout ce que tu veux.

- Toi, tu l'as fait?
- Oui, mais gratuitement.

L'argent est pour nous.

Là, jette un oeil.

Habituellement elle dort
à cette heure.

Elle travaille la nuit.

Viens.

Regarde.

Mais elle le fait avec tout le
monde, vraiment tout le monde?

S'ils payent pour ça.

Comment on fait?

C'est très simple.

T'entres, tu la salues,

car elle est très nerveuse,

Devine?

Elle te frapperait sur la gueule.

Puis tu fais semblant
de discuter un peu.

Si elle voit que t'as de bonnes
manières, elle t'emmène au lit.

Attention.

Qu'est ce qu'il y a Agostino?

Pourquoi tu me regardes comme ça?

Tu veux pas me le dire?

Qu'est ce qu'il y a?

Viens ici, Agostino.

Aide-moi avec ça.

Prêt?

Tu es brave mon garçon.

Mon triste petit garçon.

Viens là!

Mon amour? Viens ici.

Il lui semblait que la relation avec
sa mère aurait dû être clarifiée.

Et elle aurait dû se rendre
compte du malaise

de l'ennui,

du dégoût que suscitait en lui
maintenant ses caresses.

Depuis ce jour il commença à espionner
et surveiller sa mère,

dans le but spécifique de détruire l'aura
de dignité et de respect

que, jusqu'à maintenant, elle
avait dans ses yeux.

Il ne voulait pas l'aimer plus,

à cause du ressentiment d'avoir cru qu'elle
était si différente de ce qu'elle était.

Cependant il avait un sombre
sentiment d'impureté

que seule la compagnie des garçons,
encore plus impure,

et cette plaisanterie brutale
sur sa mère

pourrait rendre inaperçu.

Bonjour.

Eh bien, c'est quoi?

Et les autre, ils sont où?

Ils sont allés à l'île.

Tu verras, un jour, t'auras
un choc de sel dans le cul.

J'y suis pas allé.

Parce que t'as pas voulu.

Pas allé, pour rester avec toi.

Ne me tutoies pas Moro,
on n'est pas frères.

Tais-toi et reste
à ta place, compris?

- Et quand vont-ils revenir?
- Cette nuit, très tard.

Si tu veux, on peut y aller aussi.

- Comment?
- Avec le bateau.

Allons-y en bateau, c'est bon!

Si tout va bien, on y sera
dans une demi-heure.

On y arrivera, mais s'ils marchent autour
de l'île, comment on va les trouver?

On les trouvera, on les trouvera.

Viens Agostino.

Agostino, écoute.

Moi et Saro on a quelque chose à faire,
on veut personne autour. Compris?

Alors fais-moi plaisir,
vas-y par toi-même.

Pourquoi?

Parce qu'on a quelque
chose à faire.

Mais je veux venir.

Tu dois pas venir.

Non, laisse-moi tranquille.

Ecoute, viens à un autre moment.

Une autre fois, je promets,
Agostino, je le jure!

- Non, j'ai dit non.
- Je le jure!

Pourquoi je peux pas y aller?

Regarde...je te donne ça.
Je te les donne toutes.

Non.

Mais tu veux quoi?

Aller à l'île.

Allez, Agostino.

T'y es.

Toi, pousse.

Saro!

- Lâche.
- Laisse-moi venir Saro!

Je t'ai fais quoi?

Vas-y avec le vapeur
ou à la nage.

Saro, qu'est ce que je t'ai fait?

Saro!

Saro!

Saro!

Saro!

J'ai fait quoi?

Allez, prend la barre.

Reste concentré, hein?

Comme ça, continue,
tu sais comment. Bravo.

Comme ça, continue.

Non, non, non. De l'autre côté.
C'est ça, très bien, bravo.

Non, un peu plus.

Encore, encore.

Bien, c'est ça.

Comme ça le bateau
va plus vite.

Tu vas à l'école?

Oui.

En quelle année tu es?

Troisième année.

Ils t'apprennent quoi?

L'italien.

Le latin.

L'histoire, la géographie,

et d'autres choses.

Ils t'apprennent beaucoup de choses.
Et ça te plaît?

Bien sûr.

Assez.

Des poèmes t'en connais?

Oui.

Tu veux m'en dire un?

Je ne sais pas lequel.

Peu importe, celui que tu veux.

Goethe:

'Les vents forts, la
nuit profonde

qui monte dans la nuit?

Serré, serré, un père tient son fils
dans les griffes de ses bras.

Avec mon bouclier,
je fais face au ciel menaçant

je fais face aux noirs fantômes qui
se cachent dans la nuit, en foule.

Pourquoi mon fils?

Pourquoi tu caches

Avec horreur ton
cher petit visage?

Lâchez-moi s'il vous plaît!

Qu'est-ce qu'il y a, t'as peur?

De quoi t'as peur?

Je suis un homme bon, tu sais.

Si je voulais...

Je pourrais écraser la tête
des gens comme ça.

Mais je suis bon et puis ...
je pardonne.

On m'a appris à pardonner.

Tu connais un autre poème?

Oui.

Dis m'en un autre.

Le cyprès:

Là, à Bolgheri,
hauts et droits,

ils vont à San Guido
en double file

presque en courant,
ces enfants géants

sautaient pour me rencontrer
et me regarder passer.

Hé, lève la tête!

Tu vois l'île?

Saro! Regardez, Août! Août!

Agostina!

C'est le même, notre Août,

t'aimes aller en bateau hein?

Voici la pute.

Ce matin t'as été changé.

Août, Agostino!

Regardez la tapette!

Allez, tire!

Toi et Tripoli vous pouvez vous fiancer,

serrez-vous la main. pédales!

Pourquoi vous vous moquez de moi juste
parce que je suis venu dans le bateau?

Menteur, pédé, tapette.

J'ai fait quoi de mal?

Je lui ai récité un poème.

Un poème!

Demandez-lui si c'est pas vrai.

Demande à l'employeur
si le vin est bon. Hein, Saro?

Viens avec moi.

Et toi, tu veux quoi?

Pauvre mec!

Agostino,

tu me dis un poème aussi?

Dites-le à moi aussi,
ce beau poème.

On va voir ce que le poème dit.

Vas-y!

Allez, Roma, assez.

Lève-toi de ma vue.

Va-t'en, va-t'en.

Saro, on a volé beaucoup
de pastèques.

Alors le chien s'est mit à aboyer,
et le vieil homme est arrivé.

On en a eu encore plus!

Le vieil homme s'est montré avec
le pistolet et a commencé à crier:

voleurs, bâtards!

Et nous...de courir vers le bateau,

et lui de tirer.

Il nous a dit
d'aller nous faire voir!

Heureusement, le vieux
est aveugle.

Roma, pendant qu'on fuyait
il a commencé à lui crier

qu'il était cocu.

t'aurais dû voir le vieux!

Il a sauté sur la rive et
a crié comme un fou.

Regarde, on a aussi volé
des épis de maïs.

Donne m'en un.

Viens ici, Août.

Il sentait un désir désespéré de laisser
les garçons derrière lui,

de quitter Saro, sa mère,
et toute sa vie ancienne.

Qui sait, peut-être il y avait un pays où
il serait accepté pour son coeur,

et où il aurait pu oublier tout
ce qu'il avait appris

puis réapprendre sans embarras
ou injure,

d'une façon douce et naturelle
comme ça aurait dû se faire.

.

Tiens.

Pourquoi ils m'embêtent toujours?

Moro est venu sur le
chaland à ordures.

Il a dit que t'étais allé
dans le bateau avec Saro.

Oui c'est vrai.

Je voudrais pas aller seul
sur le bateau avec Saro.

Pourquoi?

Pourquoi? Tu sais pas?

Allons petit malin, tu sais.

Non, je sais pas.

Viens, je vais te le dire.

Ah!

Hé! Ils ont mangé la pastèque.

Venez voir.

Ils l'ont mangée,

et ils nous ont pas appelés.

Il en a encore donné à Agostino.

Vous voyez ça? Pédé, pédé.

On veut pas de pédales.

Sandro, on va se baigner à poil.

Viens aussi Agostino, et
on va te faire un strip-tease.

Agostino, quel beau jour si
ta mère me voyait nu,

elle dirait quoi?

Qu'on doit le faire?
Bien sûr on le ferait.

Un petit regard autour...

Allez, Roma, bang!

Viens Agostino.

De quoi tu as honte?

Hé! Il a honte.

Dis-moi ce que
tu leurs as dit sur moi.

.

La vérité.

Et c'est quoi?

Si tu continues à faire la pute de Saro,
je vais tout raconter à ta mère.

Ma mère sait même
pas qui vous êtes.

Regardez-moi ça!

La fée jalouse.

Va, donne-lui un joli baiser,
je vais en faire une belle photo.

Allez!

Regardez ça.

Tous fous!

Ca lui semblait injuste

que, dans cette mer,
sous le ciel,

qu'un bateau navigue
si plein de méchanceté,

avec ce Saro,
heureux et fier.

Il souhaitait qu'ils coulent,

et il pensait qu'il serait
heureux de mourir,

alors qu'il se sentait pourri

et heureux.

T'es contrarié avec Moro?

Oui.

Et tu lui fais peur.

Comment?

Facile.

Si tu m'aides...

Pourquoi je devrais t'aider?

Je suis pas comme vous.

C'est vos affaires,...

entre vous et Moro.

Pour qui tu me prends?

Lâche-moi.

Lâche-moi, je te dis.

Lâche-moi! Lâche-moi!

Lâche-moi, je suis pas comme Tripoli.

Sandro croyait aussi
à cette diffamation,

le seul qui lui ait montré
une certaine amitié.

Cet incident l'a convaincu plus que jamais
qu'il n'a pas sa place dans leur monde

et il n'a jamais vraiment fait
partie du gang des garçons.

Il avait eu son meilleur
comportement

mais il pensait qu'il avait
perdu son état d'origine

sans être en mesure
d'en acquérir une autre.

On dirait que
personne n'habite ici.

Oui, c'est vrai.

Où sommes-nous?

Dans l'estuaire.

Vous voyez monsieur?

Au fond il y a le cimetière.

C'est vrai que les morts
sont plongés dans la mer?

On le dit.

C'est vrai, monsieur.

Mais pourquoi?

Parce que la terre est humide

et au-dessous il y a
de l'eau courante.

On peut la trouver.

Ils forent et

au-delà, je peux pas
expliquer davantage.

Quelle sombre discutions.

Alors s'ils coulent
dans la mer,

ils sont là tout autour de nous

quand on se baigne.

Oui, ils sont tous
autour de nous.

Assez avec ça.

D'accord.

.

Et ça, c'est quoi?

C'est la maison des esprits.

Elle est habitée?

Elle était à un anglais.

Elle avait pas de vitres aux fenêtres,

on pouvait voir de l'extérieur
à travers les fenêtres.

C'était un homme qui savait
organiser ses fêtes.

Un type étrange, un fou.

Puis ils ont fermé.

Pourquoi?

Comment pourquoi?

Parce qu'il mettait ses invités
nus dans le jardin.

Immobiles comme de vraies statues.

Les gens qui passaient par là
ont protesté

mais il a continué ses fêtes
et créé du fantasme.

T'as peur maman? Moi oui.

Mais non.

Viens à côté de moi Agostino.

Faut pas que tu ais peur.

Ils s'amusaient, tu comprends?

Et combien!

De tous ces jours passés

il n'avait qu'un sentiment
d'impureté.

Il lui semblait avoir perdu
son innocence

à une confuse

et hybride condition,

qui, s'il voulait la voir clairement

l'amenait à l'obscurité
encore plus profonde.

Il avait souvent des cauchemars
très pénibles,

qui lui révélaient

ses vrais désirs cachés.

Se sentir libéré de
l'amour maternel.

Couper pour toujours ce sombre
et déviant lien sensuel.

Cela semble l'objectif le
plus urgent à réaliser.

Et pour y parvenir bientôt,
très bientôt,

il interposerait entre lui et sa mère,
l'image d'une autre femme.

Agostino.

Où tu étais, hein?

Je suis allé pécher.

Avec qui?

T'es sortie cette nuit toi aussi.

Oui.

Avec Renzo?

Oui.

Agostino.

Tu trouveras le dîner
dans la chambre.

Sandro! Sandro!

Agostino, qu'est-ce que t'as,
te balader à cette heure?

Je dois deviner?

Pas de plaisanterie, OK?

Regarde, j'ai de l'argent.

Et où tu l'as trouvé?

Je l'ai pris dans le sac de ma mère.

Tu deviens malin! Bravo!

T'as tenu parole.

On y va.

Elle sera chez elle, Tecla?

Elle peut pas être partie?

On verra bien.

Ce sera un bon moment.

C'est ta première fois, hein?

Oui.

T'as rien à craindre.

Tu lui lâches tout.

Mais elle voudra le faire avec moi?

Et toi? Tu le veux?

Je veux devenir comme toi.

Tu lui diras, d'accord?

Oui, oui.

Qui c'est?

Tecla!

Quoi? Tu veux quoi, criminel?

Tire-toi ou j'appelle la police.

J'ai de l'argent, regarde!

Ouvre, nous laisse pas là.

Allez entre, juste pour cette fois.

Hé! Et celui-là?

C'est un ami.

Mais comment t'ose amener
un enfant à mon domicile?

Je veux pas de marmots.

Dégage! Va chez ta mère, pars.

Laissez-moi entrez, svp.

Assis-toi là.

Sandro, Sandro, ouvre!

Sandro, ouvre, Sandro!

Rien ne s'est passé,

rien n'avait changé.

Le lendemain, commencerait à nouveau
avec les taquineries des gars,

l'impur tourments de la relation
avec sa mère

Il y avait encore de
nombreuses années entre lui

et l'expérience libératrice.

Et avec cette pensée, il
sentait dans son âme

un sentiment amer

de n'être toujours pas en mesure
de posséder une femme.

Maman.

Tu ne dors pas?

Je veux m'en aller d'ici.

Pourquoi?

Qu'est-ce qu'il y a,
tu n'es pas heureux ici?

Maman.

Je veux plus que
tu me traites comme un enfant.

Très bien.

Je vais te traiter
comme un homme.

Comme un homme qu'il ne pouvait
s'empêcher de penser

avant de s'endormir.

Mais il n'était pas un homme

Et un long et malheureux temps
passerait...

avant qu'il le soit.

Synchro: Make.
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