All language subtitles for L.Arbre.de.Noel.1969.1080p.NF.WEB-DL.DDP2.0.H.264-SPWEB

[musique féerique]

[musique entrainante]

[la musique s'arrête]

Pascal, si tu n'aimes pas ça, on peut
le changer. Commande autre chose.

Non, merci, papa.

[serveur]
M. Ségur, votre appel pour San Francisco.

Excusez-moi.

[Catherine] Ah, ce téléphone.

J'en ai pour une minute.

Tu sais quelle heure
il est à San Francisco.

Il y a cinq ou six heures de différence,

mais je ne me rappelle jamais
si c'est plus tôt ou plus tard.

Neuf heures plus tôt.

Il est exactement quatre heures
et onze minutes à San Francisco.

Ah, tu te rends compte ?

Il faut être quelqu'un de très important
pour appeler les gens à cette heure-là.

[soupir] À qui le dis-tu!

Pourquoi tu ne demandes pas une grillade

ou quelque chose d'autre ?

Papa a pris une sole pour lui,
alors il en a commandé une pour moi.

[bruit de bouche]

À partir de maintenant,
on ne le laissera plus faire, hein ?

À partir de maintenant !

D’accord.

Alors maintenant,
on va parler de tes vacances.

Tu as combien de temps ?

Comme d'habitude.

Alors, peut-être que tu pourrais
me rappeler

combien de temps tu as d’habitude
pour les grandes vacances ?

Dix semaines et quatre jours.

Un thé pour Mlle Graziani,
un café pour moi et toi ?

Tout.

Tout.

Tu as une idée de l’endroit
où tu veux aller ?

Pas à Nassau, pas à Deauville,
pas à Monte-Carlo et pas à Capri.

Par simple curiosité,

qu’est-ce que tu n’aimes pas
dans ces endroits ?

Papa aime jouer au gin rummy
et au poker mais moi, non.

[il rit] Où nous emmènes-tu alors ?

Je peux vraiment choisir, tu promets ?

Bon, alors on va en Corse.

En Corse ?

Mais tu plaisantes,

on dit que c'est un endroit où on ne voit
que des caravanes et des campings.

Et c’est justement ce que je veux,
vivre sous la tente. Tu as promis, papa.

Il a raison et je suis témoin.

Pascal, j'irai aussi loin que tu veux,

j'irai au bout du monde pour
te faire plaisir, mais le camping, non.

Quelle heure est-il ?

Près de quatre heures.
Je me suis déjà baigné deux fois.

[Laurent] Tu aurais dû me réveiller.

Tu avais tellement l'air
d'un vieux nounours fatigué.

[Laurent] Pour ce qui est d'être fatigué,
ça tu as raison.

C'est la première fois que je dors bien
depuis près d'une semaine.

On va voir
si on peut attraper quelque chose.

On fait la course jusque dans le canot ?

[Pascal crie]

J'ai gagné !

- [clapotis d'eau]
- [Laurent rit]

[Laurent] C’est moi qui ait gagné.

J’ai dit : "On fait la course
jusque dans le canot."

Alors ! Papa, t'es un tricheur !

D'accord, mais ça te servira de leçon.

N'aie jamais confiance en personne
et surtout pas en ton père.

[Pascal] Paré.

On met le cap sur quoi ?

De quel côté est-ce que
tu veux qu'on aille ?

Vers l'Ouest, pour y trouver
le camphre, la cannelle et les perles,

et pour attraper
un poisson qu'on fera griller.

[il rit] Entendu. Mouille l'ancre
flottante pour qu'on ne dérive pas trop.

[Pascal] Oh.

[Pascal chantonne]

- [vrombissement d'avion]
- [petite explosion]

Qu'est-ce que c'est, papa ?

Je crois qu'ils ont perdu un moteur.

Ne t'inquiète pas,
ils rentreront avec les autres. Hé !

Ah, zut. Papa ?

- [Laurent] Hein ?
- Ma ligne est accrochée.

Après quoi ?

À l'ancre, je crois.

Attends un peu, je vais aller la défaire

[explosion au loin]

Papa, viens voir.

Regarde là.

Laisse filer ta ligne.

[Pascal] Regarde,
tu crois que c’est une soucoupe volante ?

[Laurent] On ne sait jamais,
mais je ne crois pas. C’est peu probable.

[grosse explosion et clapotis d'eau]

[Pascal] Regarde ça ! Et là ?

Un parachute !

[Pascal] C’est pas un homme qui descend.

Qu’est-ce que c’est ?

Il va tomber sur le bateau.

Non, il n'y a aucune chance,
il est bien trop loin.

[musique angoissante]

Tu vois ?

L'appareil qui vient d'exploser,
tu crois que c'est un avion de guerre ?

J'en sais rien mon petit. Je sais
seulement qu'il faut s'en aller d'ici.

[gémissement] Détache l'ancre
et tant pis pour ta ligne.

C'est drôle que ça puisse arriver.

C'est un coup de malchance.

Les gens ont besoin de chance, hein ?

- Certainement.
- J'ai froid.

Tiens, mets ça !

Si les pilotes n’avaient pas
de parachutes…

Alors cette chose-là est plus importante
que les pilotes !

[la musique s'arrête doucement]

Je suis triste de partir.

Oui, moi aussi.

C’est chouette la Corse, hein ?

Absolument splendide.

Et dormir sous la tente,
c’était pas trop dur ?

Moins dur que bien des endroits
où j’ai dormi du temps de la guerre.

Verdun m’a raconté, il m’a dit
que vous deviez dormir dans les arbres

pendant que les allemands
vous cherchaient.

Ça s’est produit une fois.

On venait de faire sauter un train

et on n’avait pas eu le temps
de repartir dans les montagnes.

Raconte-moi.

Je crois que la résistance
et la guerre sont des choses

qu’il vaut mieux oublier.

Heu… Un jus s‘orange et pour moi…

un Fernet-Branca.

J'aime le bruit des vagues.

- Ah, c'est paisible.
- [fille crie]

[voix d'homme] Surtout pas de poisson,

pas après ce que j'ai entendu dire
ces jours-ci !

[serveur] Un carré d'agneau peut-être,
ou le poussin à la broche ?

[femme] Non, seulement un steak.

[serveur] Bleu ? Saignant, madame ?

[femme ] Saignant.

La même chose pour moi, à point.
Et une salade.

Tu devrais arrêter de parler de poisson.

[femme] Tu as vraiment fâché
le type du restaurant sur le port.

[homme] Deux précautions
valent mieux qu'une.

Si ce qui est arrivé à Palomares
se passe ici, j’ai le droit de le savoir.

Bon, tu commandes pour moi. Une salade
niçoise. Il faut que j'aille téléphoner.

Oh, papa !
Tu as promis de ne pas téléphoner !

Ce n'est pas pour affaires.

Catherine alors ?

[rit] Ça non plus, c'est pas des affaires.
En tout cas, pas les tiennes.

Maître d'hôtel, la carte s'il vous plaît.

Salade niçoise, spaghettis bolognaise
et après, un mutton shop, s’il vous plaît.

À la Préfecture ils sont muets,
ils ne savent rien

parce qu’ils ne veulent rien savoir.

Ici, il y a des bruits qui circulent.
Tu dois bien être au courant ?

[Raymond] Non, pas nécessairement.

Je t'en prie, Raymond,
ne me raconte pas ça.

Tu es au Cabinet du Ministre.
On a forcément des détails à Paris.

Si c’est important, il faut
que je le sache car je n’étais pas seul.

Pascal était avec moi et je suis inquiet.

[Raymond] Vous feriez peut-être mieux
de revenir à Paris tous les deux.

[conversations en fond]

C’est donc une bombe atomique,
comme à Palomares, en Espagne, hein ?

[Raymond] Je te conseille de rÈvenir,
mais en attendant, n’en parle pas.

Pourquoi ?
Parce que vous allez étouffer l’affaire ?

[Raymond] Laurent, sois raisonnable.
Ça ne sert à rien d’affoler les gens.

[agacé] Il ne faut pas nuire aux intérêts
du tourisme local, évidemment !

[raccroche le téléphone]

[sirène d'ambulance]

- [ils rient]
- [sirène d'ambulance]

Qu'est-ce qui vous fait rire ?

Rien, papa se fichait de moi.

Apparemment tout va bien. Il faudra qu'on
repasse dans une heure pour les radios,

mais il n'y a rien de grave.

Une heure.

Où allons-nous ?

Voyons. Il est trop tôt pour voir un film.

On pourrait aller dans une bibliothèque
publique pour potasser un peu.

Ça plairait à Pascal.

- Oh, toi !
- [ils rient]

Une heure ? J'ai une idée.

Attachez vos ceintures. On y va.

[jacassements de canards]

On a encore combien de temps ?

Vingt minutes. On peut rentrer doucement.

Alors, on a le temps de revoir les loups.

[ricane] On est déjà passé
les voir deux fois.

Allons plutôt boire quelque chose au bar.

Non. Les loups !

Et Catherine ? Tu pourrais
lui demander ce qu'elle veut faire ?

Elle aimerait bien revoir les loups.

[il crie de joie] Youpi.

Est-ce qu'elle aimerait voir
le château d’Hérode, ce week-end ?

Non, pas ce week-end. Une autre fois.

Pascal !

- [aboiement]
- Pascal !

[musique de terreur]

Il a voulu te donner un avertissement.

[Pascal] Je savais qu’il me mordrait pas,
et lui aussi le savait.

Ce qu'il est rapide !

- Oui, il a appris.
- Quand ?

Il y a plusieurs milliers d’années.

Pascal, remets ton imper.

Il est temps de rentrer.

Oh, ça m’ennuie de les quitter.

On reviendra demain avant que tu partes
camper avec tes scouts.

Les louveteaux !

Et on leur apportera
quelque chose à manger.

Je me demande ce qu’ils mangent.

Je ne sais pas.
J’achèterai un livre et tu l'apprendras.

Tu sais, ce sont les meilleures vacances
que j'ai jamais eues.

Pour toi aussi, papa, hein ? Dis-le.

Ce sont vraiment les meilleures.

Et tu veux que je te dise ?
Elles ne sont pas encore finies.

Au revoir les loups.

Le château d'Hérode :
l’endroit que j’aime le mieux au monde.

Je suis heureuse que tu m’aies amenée.
C’est là que tu es né ?

À quelques kilomètres.

Mais quand j'étais petit, avant
qu'on aille s'installer en Amérique,

je me suis promis
que cet endroit serait à moi.

Et voilà !

Je suis contente
que tu aies tenu ta promesse.

[elle rit]

Je pensais qu'il n'y avait personne.

[Laurent] Il n’y a personne.

Marinette habite dans sa maison à elle.

Je lui ai dit de ne pas nous attendre.

Et tu laisses les portes ouvertes ?

[Laurent] Dans un coin comme ici…

Pascal campe près d'ici ?

Pas loin.

Et tu ne veux pas le voir ?

Maintenant ?

Idiot. [rit]

[musique romantique]

Et combien y a-t-il de pièces
dans ton château ?

Aucune idée.

Tu ne les as jamais comptées ?

Je n’y ai pas pensé.

Tout ce que je sais, c’est qu’on vit dans
six ou sept pièces, le reste est fermé.

Ah, les hommes !

Tu es sûre que tu n'en veux pas ?

Et puis, qu’est-ce que
ça veut dire tout ça ?

C'est le nouveau style d'interview
de Paris-Match ?

Note bien que je ne m'en plains pas.

Je t’ai déjà dit que j'étais
directeur artistique, pas journaliste.

Mais c'est pas difficile du tout, tu sais.

M. Ségur, mes lecteurs voudraient savoir

à quoi vous attribuez votre succès ?

À ma double nationalité

et à ce que j'ai fait mon premier million
avant mes 25 ans.

Et votre succès auprès des femmes ?

À ma double nationalité

et à ce que j'ai fait mon premier million
avant mes 25 ans.

Tu es impossible.

- C'est sans espoir.
- Sans espoir ?

Je croyais qu'une fois
que tu connaîtrais Pascal

et que t'aurais vu le château,
tu penserais :

"Tout compte fait, ce type-là
n’est pas complètement impossible."

Heureusement,
je m'entends bien avec Pascal

et je ne marche pas
avec des talons hauts dans la campagne.

Tu me comprends mal !

Je n'étais pas inquiet pour ça.

Ton bracelet en poil d'éléphant,

il t'a porté chance ?

[petit gémissement] Oui, beaucoup !

Tu penses !
C'est du poil d'éléphant blanc !

Tu feras bien de le garder, parce que…

avec un fils de dix ans,
cette maison et moi,

un poil d'éléphant blanc,
tu en auras besoin.

Je te promets qu'on sera heureux.

Toi, moi et Pascal.

[Catherine] Sais-tu vraiment
pourquoi je t'épouse ?

[Laurent] Bien sûr.
C'est pour avoir un double passeport.

[chants d'oiseaux]

Quelle direction ? Est ? Ouest ?

[hésitation] Par là.

[soupir] Tu veux que je te dise ?
Un bon bol d'air !

- [gémissement]
- [enfants chantent au loin]

Trop tard pour s'échapper !

Tu meurs d'envie de voir Pascal
et moi aussi.

Allez.

[les enfants chantent]
♪ S'en allaient trois garçons ♪

♪ S'en allaient trois garçons ♪

Moi, j'ai d’abord cru que c'était
une soucoupe volante,

mais mon père n'en était pas très sûr.

C’était vraiment une soucoupe volante ?

Pas du tout. Le truc qui allait si vite,
c’était un moteur tout en feu.

Le parachute, c’était autre chose.

[garçon] Mince ! Et alors ?

Et alors, on est rÈvenu à terre.
On a fait du café sur un feu de bois.

T’as dû bien t'amuser ?

Oui, mais c'est pas
tellement bon comme ça.

- Ça un drôle de goût.
- Et alors ?

Et alors, nous…

[Pascal] Papa, papa.

[femme] Pascal ! Ici, s'il te plaît,
comme tout le monde.

Allez, en place les autres,
et continuez d'avancer !

[femme] Allez les enfants, faut aller
vous laver les mains maintenant.

Le casse-croûte est dans la cuisine.

Juste une minute, j'attends St-Tropez.

Tu parles avec ce bon à rien de Verdun.
Dis-lui que je l'embrasse.

Allô, Verdun ?

- [musique rythmée]
- Allô, Pascal ? Enfin !

Alors, tu dis à ton père
que je rentre dans 15 jours.

J’aide mon copain Robert.
Il a des difficultés de personnel.

Allô ? Mais non, mademoiselle,
je ne suis pas à Toulouse, mais non !

Allô ? Oh mais non,
ça ne m'ennuie pas du tout

d’être coupé toutes les cinq minutes,
au contraire…

Marinette aussi va très bien.

C’est Verdun. Je vous ai raconté
l'hôtel chic à Saint-Tropez ?

[garçon] Oui.

Ne quitte pas !

Ça suffit comme ça, petit voyou.
Si je te reprends, tu vas voir !

Et puis toi, ne le secoue pas, je te dis.

Il doit s’occuper d'un client
très importent.

Allô, Pascal ? [soulagement]

Ben toi aussi tu me manques, Pascal,
tu sais.

Quoi ? Bon, ben, rappelle-moi plus tard.

Non, je dis : "Rappelle."

- [aboiement]
- Chut !

Bon, je dis: "Envoie-moi un télégramme."

Bon, écris-moi une lettre alors.
Allez, au revoir. Allô ? Quoi ?

Mais non, mademoiselle, je ne suis pas
à la gare de St-Raphaël !

Qui veut du pain ?

[les enfants] Moi !

- Elle est chouette, ta mère.
- C’est pas ma mère. Elle est morte.

- [garçon] Elle est morte de quoi ?
- [Pascal] Elle s'est noyée dans la mer.

[garçon en fond]

Pas mal, hein ?

À moi ! À moi !

[Laurent] Dites-moi,

cette marque bleue sur le front de Pascal,
comment est-ce qu’il a eu ça ?

Ce n’est rien du tout. Il a déjà eu
plusieurs petits bleus comme ça.

Ils ne durent jamais plus d'une journée.

[cliquetis de couverts
et conversations en fond]

Je vais donner un coup de téléphone.

Tu peux faire tes bagages
et prendre ce qu’il faut pour Pascal ?

On retourne à Paris tout de suite.

[on frappe à la porte]

[on frappe plus fort]

Incurable ?

Il n'y a pas d’espoir ?

[docteur] Buvez. Tout.

C'est impossible qu'il n'y ait pas
le moindre espoir !

Je mentirais en vous disant le contraire.

Comme vous avez déjà menti,
il y a un mois,

la première fois
que vous nous avez examinés

Il y a un mois, je vous ai dit
qu’on devrait vous réexaminer.

L'enfant n'avait rien.

On n'a trouvé aucune trace de radiation
dans les tests que nous avons faits.

Et qu’est-ce qui me dit
que vous ne vous trompez pas encore,

comme la dernière fois ?

Vous n’êtes pas Dieu,
vous n’êtes pas infaillible.

- Cette fois, vous avez fait une biopsie ?
- [docteur] Oui.

Mais le mois dernier,
elle n’aurait rien révélé.

Aujourd'hui, trois autres spécialistes,
les plus éminents, et moi-même…

Comme au bridge.

On se met à quatre…

à quatre pour condamner à mort un enfant.
À quatre pour décréter que…

Il ne souffre pas jusqu’ici.

- Mais plus tard ?
- C'est peu probable.

L'infirmière vous montrera
quels comprimés il doit prendre

et comment lui faire les piqûres.

On ne peut pas faire grand-chose de plus.

Mais le traitement
que vous lui faites maintenant,

vous ne pourrez pas le continuer ensuite ?

Les médicaments qui combattent
son désordre globulaire sont dangereux,

toxiques pour les cellules,

et ils ne produiraient pas
le même effet la seconde fois.

[Laurent] Combien de temps ?

De trois à six mois,
en menant une vie normale,

peut-être un an s'il reste ici.

Alors, qu'est-ce qu'il vaut mieux ?
Six mois ou un an ?

Vous pensez qu'il vaut mieux le traîner
d’un examen de laboratoire à un autre,

d'un hôpital à un autre,

en le laissant se douter
peu à peu de son état,

avec l'angoisse de la fin ?

Et tout ça pour rien.

Vous parlez toujours aux malades
avec autant de franchise ?

Pas en temps normal.

Mais je suis un vieillard usé
et malheureux,

et j'ai jugé que, pour une fois,

je pouvais me permettre de livrer le fond
de mon cœur à mon dernier malade.

Comment, votre dernier malade ?

Je devais déjà prendre ma retraite,
il y a deux ans,

mais il y avait tellement à faire.

Il y a encore beaucoup à faire,

mais peut-être que les jeunes gens
résistent mieux que moi aux déceptions.

Je ne comprends pas.

Non.

Qu'aujourd’hui,
on envoie des gens sur la lune,

mais qu'à côté de ça,
on n'ait ni le temps, ni l'argent

pour une recherche sérieuse
pour sauver des vies.

Que chaque fois qu’on lance
une fusée spatiale,

on dépense autant d’argent
que pour construire cinq hôpitaux.

Vous ne comprenez pas ça ?

Pour l'instant,
vous ne vous sentez pas concerné.

Un jour, il se peut que vous le soyez.

Mais maintenant, vous dÈvez profiter
de l'occasion qui vous est donnée.

[soupir ironique]

Vous appelez ça une occasion ?

[docteur] Oui.

Considérez que vous venez de naître
en compagnie d'un enfant de dix ans

et que vous avez tous
les deux six mois à vivre.

Six mois à vivre.

C'est long six mois, quand vous auriez pu
ne pas disposer d'un seul jour.

Quand vous auriez pu
n'avoir jamais été ensemble.

[docteur] Profitez de votre chance.
Amusez-vous. Soyez heureux.

[Catherine] Alors, c’est tout ce
qu’il te reste à faire, être heureux.

Oui, être heureux.

Rendre Pascal heureux.

Lui donner les six mois
les plus merveilleux

qu’un enfant ait jamais connus.

[crissement de pneus, accident]

Plutôt que douze mois avec les médecins ?

Pour ça, je ne peux pas t’aider.

Personne ne peut.

J'ai déjà décidé.

Quand te le laisseront-ils l’emmener ?

Dans quelques jours.

Il vaut mieux
que je ne vienne pas avec vous.

Plus tard peut-être…

si tu as besoin de moi.

Je saurai m'occuper de lui. Il serait
grandement temps, tu ne crois pas ?

Ça lui donnera l'occasion
de faire connaissance avec toi.

Tout paraissait si merveilleux.

Et maintenant…

Et pour toi ?

Ils n'ont rien trouvé ?

J'étais sous l’eau,

ça a fait écran.

On en apprend tous les jours.

[sirène de police]

- [policiers parlent entre-eux]
- [sifflets]

[policier] Allons, reculez !
Circulez, ne restez pas ici.

Circulez !
En arrière, s’il vous plaît, Monsieur.

Mais pourquoi on quitte Paris
maintenant,

quand tous les autres
retournent à l’école ?

Il y a justement une chose
dont je voulais te parler.

À l'hôpital, on m'a dit que…

enfin, ils m'ont découvert une maladie.

Rien de grave,

mais ils veulent que j'aille
quelque temps à la campagne.

À Hérode, tu vas sûrement guérir.

Tout le monde guérit là-bas,
c'est Verdun qui me l'a dit.

Il dit que c'est l'eau qui est bonne.

J'espère que c'est vrai.

[Laurent] Verdun a raison,
je me guérirai vite.

Je t'aiderai.

Je sais, c'est même pour ça
que je t'emmène.

Je me suis dit
que j'allais m'ennuyer tout seul !

Tu ne t'ennuieras pas,
on va très bien s’organiser.

J'en suis sûr, je compte sur toi.

[petit rire]
Et Catherine, elle ne viendra pas ?

Peut-être plus tard.

[gémissement]

[pompiste] Allez, salut.

- [pompiste] Salut, Laurent, salut Pascal.
- [Pascal] Bonjour, Charlie.

- Bonjour, Charlie.
- J'ai tellement sommeil ! Ah !

Ça, c’est le truc que je préfère.

Merveilleuse invention.

Qu’est-ce qu’on ferait
si ça n’ouvrait pas ?

On achèterait une nouvelle voiture.

Papa, tu te fiches de moi !

Ou on essaierait de l’ouvrir
à coups de pioche.

Toi, je ne sais jamais
quand tu es sérieux.

Je te promets
que j’essaierai de me corriger.

Pourquoi on n’a pas de tracteur ?

Tiens, Pascal.

Tu veux te lancer
dans l’agriculture maintenant ?

Non, mais pour se promener dans les bois.

C’est une excellente idée.
Comment voudrais-tu qu'il soit ?

Stop, ça suffit.

[Pascal] Bleu.

[Laurent] Grand ou petit ?

Moyen.
Mais j'aimerais bien qu'il soit bleu.

- [Pascal] Au revoir, Charlie.
- [Charlie] Au revoir, Pascal.

Monsieur !

- Bonsoir, monsieur.
- [Laurent] Bonsoir, Marinette.

Faîtes-moi vite une bouillote.

Le dîner est prêt. Une bonne soupe au lard
et son plat préféré.

Chut. Ne le réveillez pas.

[musique lente jouée au piano]

Verdun, tu n’es pas là ?

[Verdun] Si, je suis là.

[Pascal] Bonjour, Verdun.

Ah ! Bonjour, Pascal. Ça va bien ?

Je suis content de te voir, tu sais.

[il ricane] Dis donc.

T'as besoin qu’on te coupe
les chÈveux, hein ?

Vous êtes là pour longtemps ?

Papa a dit jusqu'à ce qu'on s’ennuie.

C'est la retraite alors ?

[Pascal]
Oui. T’as toujours pas de l'eau courante ?

Ils voulaient l'installer,
mais j'ai refusé, hein.

Pourquoi ?

Fais pas ça.

Quand on a dans son jardin
une source d'eau minérale,

on n’a pas besoin de la leur.

Va chercher un verre propre,
que je te fasse goûter ça.

Tiens, bois ça, ça va te faire du bien.

Et puis, ça va te faire
pousser le poil sur l'estomac.

- [il rit]
- Pouah !

De quoi "pouah" ? C'est bon.

Et puis t'auras jamais de rhumatismes,
ni la goutte.

Je ne t'ai jamais vu
avec une chemise comme ça.

Oui, c'est parce que
tu ne m’as jamais vu à Saint-Tropez,

chez mon copain Robert,
qui tient un hôtel chic.

J'aimerais que tu me vois là-bas, avec ça,

servir les beaux Messieurs
et les belles Dames.

[il rit] Caviar pour vous, Madame ?

Parfait. Et ensuite ? Très bonne idée.

Bleu ? Saignant ? À point ?

- Bleu !
- Bleu, naturellement.

Et qu'est-ce que vous boirez avec ça ?

- Champagne.
- Un peu de champagne ?

Et voilà.

- [ricane]
- [bruit de bouche]

Ce n'est rien.

Et à moi, qu'est-ce que tu me donnes ?

Ce bon verre d'eau.

- Bah !
- Allez, tu vas le finir, oui ?

Dis donc, on pourrait pas
aller aux écrevisses ?

Non, merci, pas d'eau.
Je n'ai pas soif aujourd'hui.

Toi, tu mourras idiot, hein ?

[Laurent ricane] Probable.

Si tu m'avais prêté tout l'argent
que t'as mis dans ta voiture,

j'aurais pu exploiter
ma source, imbécile !

[Laurent] Oui, on en reparlera
un de ces jours.

Ça fait vingt ans que tu me dis ça.
Tu bois un petit coup ?

[Laurent] Merci, il est trop tôt.

Alors, occupons-nous de choses sérieuses.

J’ai entendu qu'on parlait
de pêcher l'écrevisse.

- Tu veux y aller ?
- [Verdun] Oui, mais pas aujourd'hui.

Ben, ça tombe bien, on va à Clermont.

Ben, moi aussi,
mais qu'est-ce que vous allez y faire ?

Tu le verras.

- Tu viens avec nous ?
- Dans la Rolls ?

- [Laurent] Naturellement.
- Alors, je vais mettre une cravate.

La rouge.

Tu crois que ça va aller
avec cet ensemble ?

Terrible.

[sifflement]

Oh, tu veux t'arrêter une minute ?

Ici ? Tu es fou !

Juste une seconde. Mme Fournier !

[sonnette de vélo]

[Verdun] Mme Fournier !

- [Mme Fournier] Oh !
- Oui, oui, c'est moi.

Par exemple ! [cloche d'église]

- [Verdun] Ça vous épate, ça.
- [Mme Fournier] Ben dites donc !

- [Verdun] Venez, tenez.
- [Mme Fournier] Dans une Rolls !

Voilà.

Quelle belle voiture !

Bon, tu peux y aller maintenant.

Oui, monsieur.

Dis donc, ta cliente
elle y croit à ton eau miraculeuse ?

Elle m'en prend toutes les semaines.

Un verre le matin au réveil,
plus de rhumatismes…

[Pascal et Verdun] Ni de goutte !

Oui, c'est malin.

Tiens, tu m'attendras sur la place, là.
Je descends ici.

Encore la grosse affaire.
Un client important.

Oui, cette fois c’est pour le pharmacien.

[il acquiesce]

Regarde.

- Oui, c'est vraiment un gros client.
- [Verdun] Hein !

Viens nous rejoindre chez Girod.
Pascal vaudrait choisir un tracteur.

Un tracteur ?

Mais pourquoi pas
un camion de dix tonnes ?

Une caravelle, n'importe quoi !
Il est complètement cinglé avec son gosse.

Tiens.

[gémissement de dégoût]

[air doux]

Papa.

Oui ?

Si c’est toi qui est malade, pourquoi
c’est moi qui prend les médicaments ?

Moi aussi, j’en prends. Tu n'as jamais
entendu parler de médecine préventive ?

Si.

[gémissement]
J’ai toujours si froid ces temps-ci.

Ça ne m'étonne pas. On n’est plus en été.

Je vais te faire monter
une couverture de plus.

Merci, papa.

N’oublie pas, dis ta prière.

Tu la dis, toi ?

[Laurent] J'essaye.

[Pascal] Ohhh.

Bonne nuit, Pascal. [baiser]

Bonne nuit, papa.

[Pascal] Dors bien.

[gémissement de frisson]
J'ai drôlement froid.

[Pascal] J'ai froid.

[musique rythmée]

[le volume de la musique baisse]

[klaxon]

Merci, papa.

Monsieur Ségur ?

Papa n'est pas là, mais ça ne fait rien.
Je sais le conduire.

Je suis le chauffeur, tu sais !

Un vrai tracteur !

C’est pas vrai !

[klaxon]

[Verdun] Écoute, fais attention !

C'est pas un jouet, ça.

Ah, là, là…

[Pascal] Tu sais ce qui nous manque ?
Une remorque.

Une remorque ? Pourquoi faire ?

Ben, pour y mettre la terre
qu'on doit retirer de la cave.

Parce que Verdun et moi,
on cherche un trésor,

alors tu vois toute la terre
qu'on doit enlÈver.

Et devinez qui va le faire ?

D'accord. Une remorque.

Une bleue, hein ? N'oublie pas.

Naturellement, bleue.

[Pascal] Au revoir.
Tu viens avec moi, Marinette ?

Un tracteur, une remorque !
Tu le pourris ce gosse.

Et puis s'il roule sur les pelouses,
qu'il écrase les fleurs, hein ?

Ça repoussera.

Ça repoussera !

Petit veinard, va !

Eh bien tout ça, c'est très bien.

[crépitement du feu]

J’avais cru que sans moi,
la maison ne tiendrait pas huit jours.

Entendu. Rappelez-moi demain,
à la même heure.

- Au revoir.
- [vrombissement]

Hé ! Regarde-moi.

[hennissement]

- [hennissement]
- [Laurent] Coupe le moteur.

Pardon.

Pardon, M. Vernet.

Ce n’est rien. Je suis content
que tu sois rÈvenu, Pascal.

Merci.

Tu as un tracteur, toi ?

Non, moi je préfère mes chevaux.

Comment s’appelle-t-il ?

Tempête. C'est le plus rapide de tous.

[Pascal] Tu en as combien d’étalons ?

[M. Vernet] À peu près dix.

Viens les voir un jour.

J'aimerais bien.

Qu'est-ce que c'est que ce truc là
sur son cou ?

[Laurent]
Tu as fini de poser des questions.

[M. Vernet] Une dent de loup.

Si on en met une au cou d'un cheval,

il peut courir toute la journée
sans se fatiguer.

Tu crois aux loups, hein ?

Oui, et à beaucoup d'autres choses.

Est-ce que tu sais que si l'on porte
sur soi, le cœur d'une tourterelle,

enveloppé dans une peau de loup,
les désirs s'effacent ?

Tu en portes une, toi ?

L'âge produit le même effet.

- [il ricane]
- [klaxon]

- C’est Verdun. Woah.
- [hennissement]

- [klaxon]
- [M. Vernet] Tempête, tout doux.

[Pascal rigole]

Bonjour, Verdun.

[Verdun] Salut, Pascal.

Je crois que Tempête a envie de rentrer.

À bientôt, Vernet.

Oh ! On pourra aller pêcher demain.

- Au revoir.
- [Vernet] Au revoir Laurent.

Comment va le père Vernet ?

Il va bien.
Il croit aux loups et il a dix étalons.

Dis, tu n’oublies rien ?

Quoi ?

Ton nouveau jouet.
Tu vas le laisser dehors toute la nuit ?

Bon, ben je vais le rentrer
et vérifier l’huile.

[en riant] Nous, on a de la chance,
chaque jour est une fête.

Mais non, pas comme ça, voyons !
Tu vas te faire pincer.

Comme ça, regarde, par le milieu.

Est-ce que tu sais qu’à Paris,
j'ai été presque mordu par un loup ?

À Paris ? Où ça ?

- Au zoo.
- Ah !

Il n’y a pas de loups, ici, hein ?

Non, tu peux être tranquille.

Mais s'il y en avait,
ils pourraient vivre ici ?

Bien sûr. Mais il y en a eu ici, avant.

Quand tu étais petit ?

Non, avant ça.

- [Laurent] Regardez-moi !
- Hein ?

Tu pêches pas ?

[Laurent] Quoi, avec mon appareil ?

Bon, maintenant que tu sais,
va poser ta balance là-bas,

dans le coin, sous l’arbre.

- D'accord.
- Allez.

Je vais avec toi.

Non, reste là, Laurent.

Laisse-le un peu vivre sa vie
si tu veux qu'il devienne un homme.

[chants d'oiseaux]

- [Verdun] 472,
- [Pascal] 218,

- [Pascal] 219,
- [Verdun] 473,

- [Verdun] 474.
- [Pascal] 220.

Tu ne peux pas compter moins fort,
ça m 'embrouille.

Oh, excusez-moi, monseigneur !

[Marinette] Tiens, Pascal.

- Non. [clic de la langue]
- Mais si.

[chuchote] 477, 478…

Vingt-deux, vingt-trois.

Pascal.

Tu as les pieds mouillés. Tu vas monter
prendre un bain chaud et tu mettras ça.

Oh !… Tout à l'heure.

[il chuchote] Vingt-six, vingt-sept.

[il crie] Non ! Tu m'embêtes
avec ton Rolleiflex et ton flash !

Mais qu'est-ce qui t'arrive ?

- [Verdun] Je t'en prie, hein !
- Il m’a assez pris aujourd'hui.

Oh, bon, ne te fâche pas.

[Pascal] Je me fâche pas.

Mais si, tu te fâches.
T'as un foutu caractère, tu sais.

Il veut te photographier,
c'est gentil, non ?

[il pleure]

Pascal !

Mais, qu’est-ce qu’il lui prend ?

Laisse tomber.

[ricanement] Tu veux que je te dise ?

Il a besoin d'une bonne claque
sur son cul, c'est ça qu’il a.

J'ai dit laisse tomber.

Laisse tomber ! Tu lui cèdes tout.
Le tracteur, la remorque.

Il était pas comme ça avant.
T’es en train de le pourrir.

Ça me regarde pas, mais
j’ai horreur de voir un bon petit gars

dÈvenir une poule mouillée.

Tu veux en faire une gonzesse ?

[il crie et tape sur la table] Verdun !

Pascal ne deviendra jamais
une poule mouillée.

Pascal ne deviendra rien du tout… jamais.

[Laurent] Il est malade.

Incurable.

Et il va mourir.

Écoute, ne dis pas de choses pareilles !

Qu’est-ce qui te prend ?

[gros soupir]

[il renifle]
Tout le monde peut être malade.

Même très malade.

Et aujourd’hui,
on peut tout guérir, alors…

enfin, presque tout, quoi.

Mais on peut pas guérir ce qu’il a ?

[grande inspiration] Pas encore.

La leucémie.

L’avion qui s'est abattu,

tu sais, je t’ai raconté,

avec le parachute, la bombe.

Et les salauds qui l'ont lâchée ?

[Laurent] Morts.

Tant mieux.

Est-ce que les gens savent
qu'il y a un gosse qui a été tué ?

Peut-être plusieurs.

Je n’en sais rien.

Mais tu vas leur dire, toi, hein ?

Et le hurler pour que tout le monde
l'entende, hein ?

Non, pas maintenant.
Si tout le monde le sait…

alors, Pascal le saura aussi.

Comment, t'as pas envie de crier :
"J'ai un gosse de 10 ans qui a rien fait,

"qui est innocent, qui est en bonne santé,

"qui doit crÈver parce que le bon dieu
se fout pas mal de ce monde pourri !"

- [il crie] Nom de Dieu de bon Dieu !
- [verre qui éclate]

Verdun, qu'est-ce que tu essayes
de faire ? Tu es mon ami ?

Oui.

Oui, je sais.

Et le docteur, un spécialiste,
naturellement.

Le meilleur.

Qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ?

Il m'a dit d'être heureux, de rendre
Pascal aussi heureux que possible.

Alors, il faut que tu le soies.

Toi aussi.

Tu as raison.

On va essayer. [rit dans un souffle]

Mais il faut être extrêmement prudent,
parce que Pascal n'est pas stupide.

Non.

Il comprendra ce qui lui arrive.

[Pascal] Mais j'ai déjà compris.

Je t'ai pourtant défendu d'écouter aux
portes. Qu'est-ce que tu faisais là ?

Vous parliez de moi.
Je voulais savoir la suite.

Tu n'avais qu'à entrer.

Oui, mais vous vous seriez arrêtés
de parler.

Ne reste pas là, entre,
tu vas attraper froid.

Tu vois, j'ai fait ce que tu m'as dit.
J'ai changé de chaussettes.

Écoute.

En fait, ce dont nous parlions,
Verdun et moi,

c'est absolument pas certain,

parce que c'est une idée
qu'ont eue les médecins,

et la plupart du temps, ils se trompent.

Non, pas cette fois.

Je l'avais déjà entendu à l'hôpital.

Comment ?
C'est à l'hôpital qu'on t'a dit ça ?

[Pascal] Non, pas vraiment.

Mais j'ai entendu
les infirmières de nuit qui en parlaient.

Je n'arrivais pas à dormir
parce que j'avais trop froid.

[Pascal] Elles disaient
que je ne vivrais pas longtemps.

Ça ne prouve rien.

Et le vieux docteur, avec la barbe.
Tu sais ?

Le dernier jour, il est venu me voir,
il m'a dit que j’étais guéri,

que je pouvais partir,
mais en sortant j'ai vu qu'il pleurait.

Eh bien, ça non plus, ça ne prouve rien.

Je ne suis pas très intelligent, mais
je ne suis pas trop bête pour mon âge.

- Il y a d'autres choses qui m'ont…
- [en criant] Et merde !

Je rentre à la maison, j'ai pas le temps
d'écouter vos âneries, j’ai à faire.

[Laurent] Faire quoi ?

[Verdun] Me saouler. C'est urgent, voilà.

Bien, vas-y, nom de Dieu !
Vas-y, va te prendre une bonne cuite !

Ne vous en faites pas,

on va se débrouiller.

[musique triste]

Bonjour, Marinette.

Bonjour, monsieur.

JE T'AIME

J'ai drôlement bien dormi.

Moi aussi.

[musique triste s'arrête]

Non, il faut les prendre.

Oh…. ! Bon.

[gong d'horloge en fond]

Dis, tu n’es pas malade, hein ?

- Non.
- J'aime mieux ça, tu sais.

Qu’est-ce qu'on fait aujourd'hui ?

Ce que tu veux.

Je ne sais pas.

Tiens, je crois que c'est pour toi.

J'ai du courrier.

C'est quelque chose qui se mange ?

- Non, c'est un livre.
- Ah.

[joyeux] Un livre sur les loups !

Bien, par exemple.

[Pascal] Il y a une lettre dedans.

C’est Catherine.

Catherine ?

Je peux pas tout lire d'un coup.

Il faut procéder par ordre.
Commence par la lettre ou le livre.

Oh, c'est un chouette livre.

Elle est gentille, hein ?

Oui, je commence
à avoir la même impression.

Quand les loups s’accouplent,
ils le font pour la vie.

Si l’un d'eux meurt,

le survivant ne cherchera jamais
un autre compagnon.

- Tu te rends compte ?
- Oui.

Tiens, lis un peu, toi.

Ah bon.

Non, les lettres sont trop petites
pour moi.

[Pascal] Tu devrais porter des lunettes.

Oui, tiens, je n’y avais jamais pensé.
Ben, je m’arrange autrement.

[Pascal] Comment tu t’arranges ?

Ben, je lis pas. [il ricane]

Dis-moi, ton Buffon là,

est-ce qu'il parle
au moins du meneur de loups ?

Non, qu’est-ce que c'est ?
[gémissement de frisson]

Ben, j'ai pas très chaud non plus moi.
On ferait mieux de rentrer, hein ?

D’accord.

Alors… c’était un sorcier.

Un sorcier ?

Oui, il avait des meutes de loups,
et quand on le contrariait,

il lâchait ses loups.

[il ricane] Tout le monde
avait peur de lui, forcément !

Et après ?

[il hésite et tousse] Tu vois, ton Buffon,
il ne sait pas tout, hein ?

Et après,

à la nuit tombante…

Continue. Qu'est-ce qui se passait
à la nuit tombante ?

On entendait frapper à la porte.

[coups sur la table]

C'était lui ?

On ne savait pas.

On allait ouvrir la porte
et si c'était un homme

avec un chapeau rouge et des gants rouges,

alors c'était lui, le meneur de loups.

- [porte qui s'ouvre]
- [cri de surprise]

Oh, Marinette. Continue.

Et il était pâle et il sentait le loup.

[Verdun] Alors, tous les animaux
de la ferme s'affolaient.

Les chevaux, les moutons, les chiens,
ils s'affolaient, mais lui,

il disait rien.

Il mangeait ce qu'on lui servait.
[bruit de bouche]

Après, on lui donnait un lit, et le matin…

Quoi le matin ?

Il avait disparu, sans laisser de traces.

Sauf l'odeur des loups.

Alors là, on jetait du sel dans le feu.

[Pascal] Du sel dans le feu ?

Ben oui, du sel, pour conjurer
le mauvais sort. [petit soupir]

Et ça faisait une flamme… verte,

comme de l'herbe. [ricanement]

Du sel.

[il rit] Oui.

Tu sais, ça marche peut-être
pas à tous les coups, hein ?

[petit cri] Tu vois, ça prouve
que mon histoire est vraie. [rit]

Oh, ça suffit comme ça.

Laisse le, c’est un signe de chance.

- Sel dans le feu…
- … donne l’an aux vieux.

[Verdun et Marinette]
Sel dans les flammes…

Sauve votre âme.

[ricane] Laisses-en un peu pour Marinette.

Il est l’heure d’aller au lit.

Oh, encore une histoire de loups.

Au lit !

[il bégaie] Et tu m’as pas dit
que tu avais eu froid aujourd’hui ?

[Pascal] Oui, mais maintenant
j'ai très chaud. Tâte mon front.

Bon, chaud ou pas chaud,
il est temps d’aller te coucher. Allez !

Oh bon, d'ailleurs,
je suis un peu fatigué. Mon livre !

Tu sais, Verdun, un jour on écrira
un livre sur les loups ensemble.

Oui, un jour.

Je vais y réfléchir.
Bonsoir, Marinette, bonsoir, Verdun.

- [Verdun] Bonsoir, mon gars.
- Bonsoir.

Il est de plus en plus gentil cet enfant.
Il deviendra un beau jeune homme.

Où est Monsieur ?

Il doit être rentré maintenant.
Va voir à la bibliothèque.

[Laurent] Non, il fait de la température.
À peu près 38,5 °.

Non, il est merveilleux.

"Continuer la cortisone", oui,

"et l'actinomycine", bon.

Docteur, est-ce que vous avez déjà
essayé d’empêcher un garçon de dix ans

de courir toute la journée ?

[en riant] Il est marrant !

Eh oui !

Merci.

Au revoir.

Qu’est-ce qu'il a dit ?

Que c’est conforme à ce qu’il prévoyait.

Trop chaud, trop froid, une brusque
fatigue, c’est le schéma ordinaire.

Rien d’autre à faire pour le moment ?

Rien !

Lui faire prendre ses comprimés,
lui faire ses piqûres et prier.

[Laurent] Ses comprimés,
ses piqûres et prier.

[feu qui crépite]

Ça va ?

Tu commences à les faire très bien.

Je voudrais avoir moins chaud,
mais ça vient de moi, tu sais.

Non, il fait chaud.
Je vais réduire le chauffage.

- Tu veux boire quelque chose de frais ?
- [bruit de négation]

Va te coucher. Il est plus de minuit.

Ah, oui, mais j'attends que tu dormes.

Vraiment rien ?

Une limonade ?

- Un baby scotch ?
- [Pascal ricane]

[Laurent soupire] S’il y a quelque chose
qui te fait plaisir, dis-le.

[Pascal rigole]

Ah, Il y a quelque chose.

[Pascal] Oui, c'est vrai,

il y a quelque chose
qui me ferait plaisir.

Qu’est-ce que c’est ?

Tu vas me le donner ?

D'accord. Mais quoi ?

Un loup.

Oui, merci.

C'est partout pareil.

Moi, je connais un gars à Paris,
on peut tout lui demander.

Il est Corse,
il travaille dans le cinéma.

Tu te souviens peut-être de lui,
il était avec nous dans le maquis.

Tu as besoin d’un…

je sais pas, moi, d’un sous-marin, oui ?

[il ricane] Il te le procure.

Je suis sûr
qu'il pourra nous trouver un loup.

Pourquoi ne lui as-tu pas téléphoné ?

Ben, je… je vais téléphoner.

[homme chauve] Il y a des tas de cinglés
qui ont des fauves chez eux.

Tiens, j'ai un jaguar, 12 rue Laugier,

un kangourou, rue de l'Abbaye et des boas.

J’en ai plusieurs.

Ils les mettent dans leurs baignoires.

Mais ton loup, ça été plus dur.

[homme chauve]
Le loup, ça n'intéresse personne.

Oh là là, ça…

ça n’est pas très éclairé ici.

Les loups aiment l’obscurité.

- [Verdun] Ah bon.
- Oui, venez par là.

[Verdun émet un cri de surprise]

Vous appelez ça un loup ?

Qu'est-ce que vous voulez que ce soit ?

J’ai commandé un loup.

Vous en voulez un plus grand ?

Un plus grand. Un loup quoi !
Un loup, c’est un loup.

[hésitation] Euh…

Vous n’en avez pas d’autres des loups ?

C’est pas exactement ce que… [il inspire]

Bon, ben, ce sera la prochaine fois,
hein, merci.

Eifi. Viens vite, Eifi, viens.

Je pensais que ça
ne marcherait pas, alors,

il m'est venu une autre idée,
entre temps.

Quoi ?

Bon, dis-nous tout, parle. Quelle idée ?

J’ai été faire un tour au zoo.

[ricanement] Tu vas tout de même pas voler
un loup au zoo, non ?

Pourquoi ?

Il sera sûrement mieux
au grand air qu’en cage.

Pascal veut un loup
et il aura tout ce qu’il demandera.

Et toi, tu auras 18 mois de taule, oui.

Non, parce que si un flic m’arrête,
je lui dirai qu’on est en guerre.

Et s’il répond que ce n’est pas vrai,
je lui demanderai pour quelle raison,

même en temps de paix, on laisse
des appareils voler avec des bombes

qui peuvent tomber et tuer un enfant.

D’accord… le zoo.

[soupir] On va rÈvenir
au bon temps du maquis ?

Si ce n'est
qu’on ne va pas faire sauter le zoo.

Non. Et les grilles, elles sont hautes ?

Plutôt oui, il faudra les franchir.

Bon, alors on a besoin d’une échelle
double, en aluminium si possible.

Des gros gants, une scie à métaux,
des pinces. Quoi d’autres ?

Un somnifère, du chloroforme pour le loup.

On n’a pas beaucoup de temps
pour trouver tout ça.

Ben, on se partagera les courses.
On est deux.

Il y a des gens
qui ne savent vraiment pas compter !

[Verdun ricane]

[musique mystérieuse]

[cri de chouette]

[grincement métallique]

Chut !

- Chut !
- [sirène de police au loin]

[hurlement de loup]

[sifflement d'oiseaux]

[soupir] J’ai pas pensé
qu'ils leur donnaient à manger le soir.

Essaye le chloroforme.

[musique douce et gaie]

On n'a pas le temps pour le chloroforme.

[musique s'arrête]

[cri de chouette au loin]

[grognements]

- [bruits de bouche de Verdun]
- [grognement du loup]

[Verdun] Donne-le-moi
et fais-lui la piqûre.

[gémissement de douleur]

[Verdun] Il faut qu'on emmène
l'autre aussi.

[Verdun] Tu peux conduire ?

[Laurent] Bien sûr.

- [Laurent soupire de douleur]
- [Verdun gémit de dégout]

[Verdun] Je vais to mettre un peu
de whisky dessus, ça va te faire du bien.

[vrombissement de moteur]

Je me sens tout rajeuni. [il ricane]

Oui, on devrait faire ça
un peu plus souvent.

[ils rigolent]

Rien qu’à vous voir,
on comprend que vous l’avez.

Il n'a pas été possible de les séparer.

[petit rire]
Un jour, ce sera pareil pour nous.

Tchao.

Bonne chance à vous quatre !

Comme d'habitude.

[pompiste] Le patron est encore couché
et j’ai pas la clé de la pompe.

Regarde sous le téléphone.

[chant de coq]

[vrombissement]

Messieurs, d’où venez-vous ?

De par là.

- De Paris, alors ?
- Oui.

Vos papiers.

On n'a jamais eu besoin
de papiers dans le coin.

C’est M. Ségur
qui habite en haut de la colline.

Vous connaissez le château d'Hérode ?

Tu les connais ?

Allez chercher Charlie Lebroton,
le patron, il nous cornait.

Alors, tu les connais ?

Oh moi, je viens juste ici
pour nettoyer avant d'aller en classe,

alors peut-être le patron…

[garçon] Peut-être qu'il les connaît, lui.

[gémissement d'animal]

[vrombissement du moteur]

[policier] Vous savez lire, monsieur ?

Mais enfin, qu’est-ce que ça signifie ?

Ça signifie que quelqu'un a cambriolé
la station Esso à 30 km d'ici.

Ils ont laissé le gardien à moitié mort.
Vous comprenez, maintenant ?

- [policier] Vos papiers.
- [gémissement de Verdun]

Oui, ils sont dans la boîte à gants.

[Verdun] Et toi ?

Mon passeport américain
est resté au château,

mais j’ai mon permis de conduire,
il est là-dedans.

[musique entraînante]

[hennissement]

Et ouvrez-moi le coffre,
j’aimerais y jeter un coup d’œil.

Bien sur, mais la clef est
sur le même porte-clés.

Je ne peux pas faire
deux choses à la fois.

[hennissement]

Allons, reste tranquille.

Si vous étiez un cheval, vous croyez
que ça vous plairait les Beatles ?

[policier] Ma moto.

- [policier] Rattrapez-le. Oh !
- [hennissement]

[musique douce]

[Pascal] Papa ? C'est toi ?

Je ne voulais pas te réveiller.
Rendors-toi.

Tu l'as, le loup ?

Comment sais-tu ?

Pourquoi vous seriez partis tous les deux
si c’était pas pour ça ?

Allez, dors.

[Pascal] N'aie pas peur. Nous sommes amis.

T'en fais pas. Personne ne te fera de mal.
Je te le promets.

Tu vas être très heureux ici. Tu vas voir.
Comment tu t'appelles ?

Je suis sûr qu'on va être
de très bon amis.

Tu es une bonne louve, et tu es belle.
Et toi aussi tu es beau.

Comment ils s'appellent ?

J'en sais rien. Il faudra
que tu leur trouves un nom.

Je suis content qu'on les ait ici.

Ils vont nous défendre.

Contre quoi ?

Ils vont nous défendre, c'est tout.

Tu as donc peur ?

Pas quand je suis avec toi et Verdun.

Il parait que les loups n'ont jamais peur.

Ben, maintenant il est temps
de retourner au lit. Il fait froid ici.

[Pascal] Oh !

Mais je suis presque guéri, non ?

Oui, presque. Ces deux-là te feront
plus de bien que tous les médicaments.

Tu sais comment je vais les appeler ?

Adam et Ève.

Lui, c'est Adam, et elle, c'est Ève.

[ils ricanent] C'est original, ça.

Il devait avoir les dents assez propres.

[il ricane] S'il avait pas eu les dents
propres, après une semaine, tu le saurais.

[Pascal] Chut ! J'entends rien.
Allô, bonjour, Catherine.

Oui, très bien et toi ?

J'ai une surprise pour toi, enfin,
j'ai deux surprises. Oh, tu le sais ?

Oh, je sais tout.
Est-ce que tu les as reconnus ?

[Pascal] Tout de suite. Je crois qu'ils
m'ont reconnu aussi. Ils sont mieux ici.

Pascal ! Si tu continues comme ça,
on sera bientôt tous derrière les…

Enfin, tu vois ce que je veux dire ?

Oui, oui. Je vois ce que tu veux dire,
mais t'en fais pas, Catherine,

tu peux compter sur moi.
Attends une seconde, je tourne la page.

[il ricane] C'est celui que tu m'as donné.
Quand viens-tu les voir ?

Dès que je pourrais m’échapper.

Oh, pour noël, sûrement.

Oui, oui, oui.

Rappelle-moi quand tu veux.

Au revoir, chéri. Embrasse tout le monde.

Au revoir, Catherine.

C’était Catherine.

[Verdun ricane] Ah.

Elle vient pour noël. Tu sais pas ?
Elle sait tout pour Adam et Ève.

Bien sûr qu'elle sait tout,
elle nous a même aidés.

Ah oui ?

Oui, elle nous a aidés.

Ah, aujourd'hui tu pourras sortir si
tu te couvres pour ne pas attraper froid.

- [soupir] Ah !
- Et puis il faut roder ton tracteur.

Peut-être que je vais voir
mes loups d'abord.

Comme tu voudras.

C'est pas facile à décider.

Un jour, ça va être formidable. Je pourrai
prendre mes loups sur le tracteur.

[Verdun rit]

[musique entraînante]

Ça va ?

Regarde ! Sans les mains !

[Verdun] Qu'est-ce que tu fais ?

Non, ne passe pas là ! Il y a la voiture.

Tu vas trop vite !

[gémissement]

Regarde ce que t'as fait !

- Hop !
- Pour Ève.

Pour Adam.

Le boucher me demande tout le temps,
pourquoi il nous faut tant de viande.

Il a pas besoin de savoir.
Tu n’as qu’à dire qu’on a des chiens.

Je suis sourde, c’est bien commode
pour ne pas répondre.

Vous les avez volés, papa et toi, hein ?

Vous n’avez pas eu trop peur ?

Si, mais juste assez pour réussir.

Allez, maintenant,
c’est toi le meneur de loups. Vas-y.

C’est moi qui vais leur donner à manger ?

Oh non, pas encore, mais bientôt.

Tu sais pas, on leur donnera
de ton eau minérale.

Ah, c’est gentil, ça.

Et tu crois qu’ils en voudront ?

C’est malin. Bon, allons-y.

[Verdun] Oh, regarde ! La première neige.

Fais un vœu.

Tiens.

Ben, je vais en faire un pour toi.

[musique triste]

Parce que par nature
les chiens sont sociables,

les loups, au contraire, sont solitaires.

Ils forment de courtes alliances
pour se battre et pour chasser,

mais une fois
qu’ils ont dévoré leur proie…

[Verdun] Dis donc, comment veux-tu
qu’on finisse ça pour Noël, hein ?

Espèce de petit flemmard.

Il y a encore cinq semaines.

Mais au train où tu vas,
il faudra cinq mois.

Allez, vite, pendant
que c'est chaud, finis la lettre O.

- [grésillement]
- Remets ça dans le feu, vite.

Viens vite, il y a un pépin
avec les loups.

- Hein ?
- Non !

[Laurent] Adam est tombé
au fond d'un des anciens puits.

Qu’est-ce qu'il a de cassé ?

Je n'en sais rien. Mais il pousse
des gémissements de temps en temps.

Ce qui prouve
qu'il est encore vivant. Viens.

Les puits ne sont pas profonds,
mais ils sont très étroits.

Pascal, ça va être un boulot
pour toi, ça, hein ?

[Laurent] Attention.

Doucement.

[Laurent] Voilà.

Maintenant va parler à Ève pendant
qu'on soigne son imbécile de mari.

[Pascal chuchote] Ève,
on va le soigner tu sais. Tout ira bien.

Il pue le chloroforme à plein nez.
Je vais faire un peu d'air.

[Pascal] Viens. Viens.

Viens. Là.

T'inquiète pas, Ève,
on va le guérir, Adam.

Pascal, tu peux me le tenir ?

Bien sûr.

[Pascal] Tu vas guérir, tu vas voir.

Bravo, Pascal ! Tu es formidable !

Tu es beau, Adam.

[renifle et souffle]

Comment est-il ?

Je crois pas que ce soit cassé,
mais il vaut mieux, par prudence,

mettre ça,
en attendant le plâtre de Paris.

Dors, Adam.

- [Pascal] Dors, Adam, tout va bien.
- [Verdun] Vas-y, comme ça.

[Pascal] Tu es un bon loup gentil.

On aurait besoin de Catherine, je suis sûr
qu'elle est formidable avec les animaux.

[il ricane] Il faudrait lui en parler.

Laurent, ne fais pas ça !

Tu es fou, non ?

Ève.

Viens ici, Ève.

[Pascal] Viens ici.

Tu es une bonne louve, viens, ma belle.
Viens vite, Ève, viens.

Tu es belle, sage. Viens ici, Ève.

Personne ne veut te faire de mal, viens.

Viens.

Viens ici. Tu es gentille.

Oui, viens là, oui, ma belle.

[Pascal] C'est ça.

[musique douce]

Tu vois.

Pour te faire voir
que je ne suis pas si fou que ça.

[il rigole]

Après ce qu'on vient de voir,
je ne crois pas qu'on en ait besoin.

Monsieur ! Monsieur ! M. Vernet est là.

Je viens. Pascal,
il vaut mieux que tu viennes aussi.

[Marinette] J’ai dit à M. Vernet
que vous étiez occupé,

qu’il faudrait qu’il attende un moment,

il m'a répondu,
que ça n'avait pas d'importance.

Oui, merci.

Oui, merci.

Excuse-moi, Vernet.
Marinette vient seulement de m'avertir.

Je suis venu pour ton fils.

Ah, salut Pascal ! Tu as bonne mine.

Pourtant, je vais mourir bientôt.

Tiens donc ! Qu'est-ce que ça peut faire ?

Moi aussi, je vais mourir bientôt.

J'espère que ça ne t'empêche pas
de t'amuser.

[ricane] Je ne fais que ça.

- Tu sais que j'ai deux…
- [Verdun] Bonjour M. Vernet.

- [Verdun se racle la gorge]
- Je m'amuse avec mon tracteur.

Et moi avec mes chevaux.

Du calme, Tempête !

Je voulais t'inviter à voir
un jeune étalon que je dresse.

Il est noir comme lui ?

Non, blanc.

Il faudra combien de temps
pour bien le dresser ?

- [Laurent] Pascal !
- [Verdun] Tiens, mets ça.

De trois à quatre mois.

Il a quel âge ?

Pascal, assez de questions.

Ah, il a encore la dent de loup.

[M. Vernet] Il ne la quitte jamais.

- Je peux la toucher ?
- Oui, bien sûr.

- [M. Vernet] Oh !
- [hennissement]

- Ça va ?
- Oui.

[M. Vernet] Vite, attrapez-le.
Attrapez-le. Doucement.

[Verdun] Doucement, Tempête.

Allons, du calme, allons.

- [M. Vernet] Tempête !
- [Verdun gémit]

[M. Vernet] Allons, ça suffit comme ça.

[M. Vernet] Du calme.

[Verdun] Allez, allez. Ça suffit comme ça.

[Verdun] Allons, allons.

[hennissement]

Ramène-moi chez moi.

Il faut que je prévienne
mes hommes immédiatement.

Viens.

Verdun, c’est notre faute.

On doit puer comme des putois.

[respiration saccadée]
Pire… comme des loups.

[Verdun] Un pour Ève.

Un pour Adam.

[soupir de bâillement]

Je crois que je vais aller
me coucher de bonne heure, ce soir.

C’est fatigant de marcher dans la neige.

Oui, c'est vrai.

Tu sais, demain matin, il y en aura encore
quinze centimètres de plus.

- Monsieur a choisi la dinde.
- Ah !

Oui. Elle est magnifique !
Un vrai monstre.

Tu crois que la neige tiendra
jusqu'à Noël ?

Je te le promets.

Tiens, ils ont sûrement faim,
maintenant. Allez !

Fais-le, toi, moi, j'ai pas très envie.

[hésite et expire] C'est comme tu veux.

Non, je ferais mieux d'y aller. Je crois
qu'ils aiment bien quand c'est moi.

Enfin, je l'espère.

Oui.

Je crois que je la mettrais
dans deux bassines, à ta place.

Verdun, j'aimerais que tu me donnes
ton avis sur le devis de l'électricien.

[Verdun] Ah, d'accord.

Je n'aime pas que tu sois
tout seul en bas.

Je ne suis pas tout seul,
il y a mes loups.

Ben, justement.
Tu veux pas que je t'accompagne ?

Marinette,
c'est un travail d'homme, voyons.

[Marinette] Pardon !

[gazouillis d'oiseau, cri de coq en fond]

Oui, tu es belle.

[Verdun] Il est guéri, regarde.

Ta jambe ne guérirait pas
aussi vite, hein ?

Ben, si j'étais obligé de remarcher
pour trouver à manger et survivre,

je ferais certainement comme lui.

Mais ton os ne se réparerait pas
aussi vite que celui d'Adam, hein ?

Non, peut-être pas aussi vite, non.

Merci, Verdun.
C'est très important pour moi.

- [Laurent] Verdun.
- Oui ?

Le père Vernet et ses gens
ont repéré leur étalon fou

et ils voudraient
qu'on les aide à le ramener.

[Pascal] Je peux venir ?

Avec ce temps-là ?
Tu es aussi fou que l'étalon.

[Verdun] Je reste avec Pascal, il faut
que je finisse les cadeaux de Noël.

[Pascal] Ne dis rien.

Mais…[il ricane] J’ai rien dit.

Hmmm… Vous êtes bien mystérieux !

- À tout à l'heure.
- Fais attention.

[Pascal] Est-ce que tu sais que les loups
ont un doigt de plus aux pattes ?

Ah, dis plutôt que les chiens ont
un doigt en moins.

Il s'est atrophié au cours
des derniers millénaires.

- Toi, tu as lu mon livre.
- [il ricane]

Tu triches.
Tu as dit que tu ne savais pas lire.

J’ai pas dit que je ne savais pas lire,
j'ai dit que je ne lisais pas.

Et les loups ?

Laisse-les dormir une heure ou deux.

Maintenant ?

Comment, tu ne sais pas ?
Les loups restent éveillés toute la nuit.

Je vais te dire une chose. Je ne laisserai
plus jamais traîner mon livre !

- Plus jamais, non !
- [il ricane] Je t'ai eu là.

[Pascal] Tu vas voir !

[musique d'action]

[musique s'arrête]

Pas maintenant.

Il fait trop noir.

Je te remercie, Laurent.

Entrez ! Marinette va nous préparer
à manger at à boire.

- [gros soupir]
- [rires au loin]

- [trompette]
- [Verdun rigole]

Non ! "Tu" ! Tu dois faire "tu, tu". [rit]

N’est-ce pas, madame ?

Quelle heure est-il ?
Qu’est-ce qui se passe ?

[Pascal] Je pensais
qu’on pouvait se lever.

Tu es fou, il est quatre heures du matin.

Je n’arrive pas à dormir.

Je peux venir dans ton lit ?

Si tu ne bouges pas.

Qu'est-ce que tu as fait
de ton pantalon de pyjama ?

Rien.

Tu as eu un cauchemar ?

Je ne crois pas.

[soupir]

Tu sais qu'il neige ?

Dors, petit monstre.

[vent qui souffle]

[musique triste]

Tu as oublié d’éteindre ta lumière.

Ça ne m’était jamais arrivé, tu sais.

Ne t’en fais pas.
Ça n’a aucune importance.

Rendors-toi.

Merci.

Bonne nuit, papa.

À demain, militaire.

Est-ce que je t'ai dit qu'il neigeait ?

Oui, tu me l'as dit.

Je ne me rappelais pas.

Tu sais que Catherine arrive demain,
hein ?

Oui, je sais.

Dors.

Si Marinette et toi, vous pouviez
mettre son lit dans ma chambre,

je m’inquiéterais moins.

Bon, c'est comme si c’était fait.

[Laurent] Cette espèce
de défaillance du corps.

Je te dis que c'est un avertissement
très grave.

Ben, c'est pas parce qu'un gosse
fait pipi dans son lit…

Tu ne comprends pas
que ça a une grande importance ?

Il faut se rendre compte d'une chose.

Si ça lui arrive pendant son sommeil,

c'est la conséquence
de la peur et non de la maladie.

C'est quand le subconscient
prend le relais

que des choses comme ça se produisent.

Il a peur d'une manière inconsciente.

Ben, tu te trompes.
Qu'il dorme ou qu'il ne dorme pas,

j'ai jamais vu quelqu'un
qui ait autant de cran.

Je vais te dire une chose, Laurent,

ce petit, ben…

il nous distance de très loin.

Tu as raison.

Dans le fond, c'est exactement ça.

[Laurent] Mais moi aussi, j'ai raison,
parce que je suis son père.

Et parce que la nuit dernière,
je me suis rendu compte

que jusqu'ici je n’avais jamais cessé
de croire au miracle.

Et la nuit dernière,
je me suis rendu compte aussi…

que le miracle ne se produira pas.

Pas pour Pascal…

pas pour mon enfant.

Monsieur n’est pas bien. Tu ferais mieux
de l’accompagner à la gare.

[soupir peu convaincu]
Tu sais, Pascal aussi a besoin de moi.

Si tu es tellement inquiet, pourquoi ne le
ramènes-tu pas chez le docteur, à Paris ?

Non.

Ce pays, la neige,
cette maison, ses loups.

Je crois qu’il a l'impression d'être
en train de vivre un conte de fées.

Excepté que, cette fois,
ça ne finira pas bien.

[vrombissement d'avion]

Chaque fois que je vois passer
une de ces saloperies,

je me demande si elle transporte
des passagers et leurs bagages, ou bien

de quoi détruire toute une ville.

Tu crois qu'il…

qu'il est content que je vienne ?

Tu verras.

Oh !

[Pascal] Catherine !

- [elle rit]
- [il soupire de joie]

- Tu vois ?
- [elle acquiesce]

- [Pascal] Hé !
- [Laurent ricane]

[grelotte de froid]

Quel dommage !

[eau qui coule]

Pauvre Tempête. Pauvre cheval.

[Pascal] Qu'est-ce que tu dis ?

Je dis que si tu as trouvé ton arbre,
Verdun viendra avec toi pour le couper.

J'y compte bien.

[il chantonne]

T'as entendu quelque chose cette nuit ?

T’as entendu…

Oui, enfin, je sais pas
pourquoi je me fatigue.

- Je n'ai pas eu besoin d'entendre.
- [Verdun] Hein ?

J’ai vu les traces de pas ce matin.

C’est la pleine lune.

Où est Pascal ?

Je ne sais pas,
il doit être sorti avec son tracteur.

Oh mon Dieu ! Laurent ! Le gosse !

[hennissement]

Au secours !

Au secours !

- Au secours !
- [cri d'attaque]

[Pascal] Au secours ! Papa !

Au secours !

[musique d'action]

Papa !

Au secours !

[grognements des loups]

Papa !

[hennissements et grognements en fond]

Papa.

C'est toi qui les as lâchés ?

Oui, ils avaient compris,
il fallait les lâcher.

Tu vois comme c'est simple avec les loups.

Très simple.

[hennissements et grognements]

Allez, va-t-en,
je ne veux pas que tu vois ça.

Vise bien, ne tue pas mes loups.
Tu promets, hein ?

[Pascal] Catherine !

- Pascal !
- Catherine !

[coup de feu]

C'est pas juste. Il m'a pas tué.

Mais les loups l'auraient égorgé.

C'est pas pareil.

Viens. Tu sais,
c'était la seule chose à faire.

[Pascal] Échec.

[rires]

Oui. Échec et mat.

Une autre partie ?

Demain. Je suis un peu fatigué.

Ça ne m’étonne pas.

Je ne t’avais jamais battu
avant aux échecs.

Non, jamais.

Tu m’as pas laissé gagner
pour me faire plaisir, hein ?

Non, je te promets que non.
Je pensais peut-être un peu à autre chose.

Moi aussi. Alors on est quittes.

Tu sais, je suis inquiet pour mes loups.

Pourquoi ? Ils se débrouillent très bien.

Mais j’ai peur qu’ils aient des ennuis.

Qu’est-ce qu’ils vont faire
quand je serai mort.

Pour le moment, tu es là.

Mais suppose que je meure bientôt.
Tu ne peux pas les ramener au zoo.

Je ne le voudrais pas.

Et si tu les lâches dans les bois,
ils se mettront à attaquer les vaches

et les fermiers prendront leurs fusils
pour les tuer. Qu'est-ce que t'en penses ?

En réalité, je n'en pense rien.

Si tu veux mon avis,
il n’y a rien à faire.

Chaque jour aura souci de lui-même
et chaque loup trouvera son destin.

Comme tu trouveras le tien et moi le mien.

Oui, c’est vrai, tu me rassures un peu.

Ça ne sert à rien de s'inquiéter.

Tu as raison. On va se débrouiller.

Tu m’as déjà dit ça une fois,
tu te rappelles ?

Oui.

Et ça m’a beaucoup aidé.

Je suis content.

[musique douce]

La première fois que je vous ai vus
ensemble chez Maxim’s,

je n’aurais jamais cru que vous pourriez
être si près l’un de l’autre.

C'est une foutue manière d’apprendre
les joies de la paternité.

Tu es cynique et fatigué.

Une bonne nuit de sommeil arrangera ça.

Oui, je suis fatigué.

Parce que je me sens si inutile.

[musique s'arrête]

Tout ce que je peux faire, c’est si peu.

Tu sais, avant, je n’avais jamais
vraiment pensé à la mort.

D’ordinaire, ceux qui y pensent,
c'est seulement les vieux.

Je n’étais pas encore prêt.

C’est pour ça.

Laurent, je te l’ai déjà demandé :

ces derniers mois, Pascal,
il n’était pas malheureux ?

Non. C’est vraiment un miracle.

Bien sûr, on ne peut jamais savoir
ce qui se passe dans la tête d’un enfant.

Mais il n'était pas malheureux
apparemment.

Alors toi, tu n’as pas le droit de l’être.

[la musique douce reprend]

Parce que tu es…

tu es sans doute le père
le plus merveilleux que j’ai jamais vu.

Chut ! Tu vas le réveiller.

Et tu sais bien que les femmes ont
toujours le dernier mot.

[Laurent] Attention là-dessous !

Ça, c’est un bel arbre.
Ni trop grand, ni trop petit.

C’est ce qu’on appelle un arbre moyen.

Et il a été planté
le jour de ta naissance.

Le même âge que moi ! Tu te rends compte ?

Tu vas le tirer, Pascal ?

[Pascal] Bien sûr, c’est moi le chauffeur.

Allez, grimpe.

Allez, mets en route.

Marinette, si tu veux monter derrière,
je t’emmène.

- [vrombissement du tracteur]
- Allez, en route bûcheron, allez.

Arrête, toi.

Bravo, Verdun ! C’est très joli !

Attends, c’est pas encore fini.

Faut qu'elles s’allument
et qu’elles s’éteignent.

Ça va cli-gno-ter.

Ça va pas les casser ?

Non, aucun risque, tu vas voir.

Pascal, va m’en chercher une autre
dans l’entrée, elle est vide.

Tu la veux maintenant ?
Je suis un peu fatigué.

Tu n’es pas le seul, tu sais.
On a tous besoin de se reposer.

- [Pascal imite le bruit d'un choc]
- [Laurent soupire]

Et tu me promets que tu vas faire
une bonne sieste tout à l’heure

pour être en forme demain ?

D’accord.

Et de ne pas tricher et de ne pas regarder
à l’intérieur des paquets.

Si tu promets de ne pas regarder
mon cadeau pour toi. C’est une surprise.

Je te le promets.

Laurent, si tu veux être rentré
avant la nuit, dépêchons-nous.

[Laurent] Oui, j’arrive.

[Pascal] Où allez-vous ?

[Laurent] Les achats de dernière minute.

[Verdun] Regarde. Ça cli-gnote.

- Bravo.
- Formid !

- [Verdun ricane]
- N’oublie pas de faire la sieste !

[Pascal] D’accord. Au revoir, papa.
Conduit pas trop vite.

Tu crois qu’il dirait que je triche
si je devinais que c’est un vélo ?

Si tu ne regardais pas ce que je fais,
t'aurais pas envie de deviner, là.

[Pascal] Moi, j’ai l'impression
qu'il y a un moteur dessus, tu crois pas ?

[Verdun] Mais non, on ne sait pas.
Moi, je ne vois rien.

La veille de Noël, c'est toujours pareil.

Si seulement c'était vrai.

[il gémit d'agacement] Mais qu'est-ce que
tu fais maintenait ? Toi alors.

Un gant rouge !
Verdun, je parie que c'est le meneur !

Ben maintenant, c'est plus
la peine de te le cacher, hein ?

[il chuchote] Après ta sieste, tu pourras
t'habiller complètement

pour faire la surprise à Marinette, hein ?

Oui.

[Pascal] Terrible !

Mais tu es sûr qu'ils s'habillaient
vraiment comme ça ?

Tu as ma garantie personnelle.

C'est chouette.

Chouette.

[coup de fouet]

Bravo ! Le meneur de loups !

[en riant]
Tu vois, elle a reconnu le costume, hein ?

Bien sûr, c’est moi qui l’ai cousu.

[il ricane] C’est une vieille menteuse.
Elle l’a cousu juste un petit peu.

Ne l’écoute pas, c’est lui qui est
un menteur, c’est un vantard, un feignant.

Il n’a jamais rien fait de bon
dans sa vie.

Tu lui réponds pas ?

Mais elle est trop sourde,
on peut pas discuter avec elle.

Bon, faut que j’aille m’habiller aussi.
Je vais me faire beau pour ce soir.

Tu vas mettre ta chemise de Saint-Tropez ?

Oui, je n'ai que celle-là.

- Verdun ?
- Oui.

Je voudrais te…

Quoi ?

Non, rien.

Regarde.

Tu veux m’aider ?

Je crois que je vais aller voir mes loups.

Reste avec moi, tu pourras goûter
ma mousse au chocolat.

Non.

Je vais aller voir mes loups.

[hurlement de loup]

Reste ici.

Si tu veux.

[hurlement de loup qui s'intensifie]

Pascal ? Où es-tu ?

Tu as triché. Tu avais
promis de ne pas ouvrir les paquets.

Pascal, ne fais pas l’idiot, je te vois…

[musique triste]

[pleurs et hurlements des loups]