All language subtitles for Seraphin un homme et son peche (2002).french

[ Gémissements ]

[ Les gémissements s'intensifient. ]

[ Cri de jouissance ]

[ Bourdonnement d'insectes ]

[ Silence ]

- Ouais, il est bien fringant,
ton jeune!

Ha! Ha! Ha!

Tiens.

[ Donalda ]: Ce jour-là, c'était
le dernier samedi du mois d'août.

Ça faisait déjà 11 ans,
jour pour jour,

depuis la mort de maman.

Les affaires du père
allaient pas mieux.

ll faut dire que les temps
étaient durs pour les colons

dans les Pays d'en haut.

Les joies étaient rares.

Une chance qu'il y avait
les fêtes du calendrier.

Moi, je te connaissais
pas encore.

Je veux dire, c'est sûr
que je te connaissais,

mais juste comme ça.

- Si c'est si important de te marier,

pourquoi tu demandes pas
à Jambe-de-bois?

ll arrête pas
de te tourner autour!

- Lui? Si c'est pour avoir
des enfants tout croches!

- C'est pas comme ça
que ça arrive.

ll est capable de faire
des beaux enfants comme tout le monde.

- Si t'es si fine que ça, Donalda,
pourquoi tu lui demandes pas, toi?

- Parce qu'il faudrait que je l'aime.
- En tout cas, je veux m'arrêter à six.

- T'as pas le droit
d'empêcher la famille!

- Toi, Simonne, t'en veux combien?
- Moi, j'en veux pas.

- Hé, Simonne,

sais-tu comment les Français de France
appellent ça, le blé d'lnde?

lls appellent ça du maïs!

[ Éclats de rire ]

- Vos deux vaches Jersey,

si dans trois mois,
vous me payez 50$,

vous reprendrez vos bêtes.

- Vous y pensez pas, M. Poudrier?

C'est elles qui me donnent
tout mon beurre.

Qu'est-ce que ma femme dirait?

- ll y a des choses bien plus sérieuses
que ça dans la vie d'un homme.

Pis que des fois,
il faut cacher à sa femme.

C'est pas votre opinion,
M. Lemont?

On peut peut-être s'arranger.

Vous avez fait un bon hiver
sur votre ligne de trappe.

Vous devez avoir des belles peaux
de renard pis de vison.

- Oui, mais...

- Ça me prend
des garanties, moi.

Je suis pas la banque du peuple.

- Maman, dépêche-toi,
on va être en retard!

- T'as même pas
fini de t'habiller.

- Penses-tu que le bonhomme
Prout-Prout va être là?

Prout!
- On rit pas des vieux comme ça!

Envoye, file.

Qu'est-ce que tu fais là, toi?
- Bien, rien.

Je vais le rembourser,
tu sais bien.

- Avec quoi tu penses que tu vas
le rembourser, mon pauvre Bidou?

On est dans les dettes
jusqu'au cou.

- Bien, c'est ça,
choque-toi contre ton mari!

Moi, je débarrasse
si c'est ça que tu veux!

[ Brouhaha ]

- Envoye, mon Alexis!

[ Cris d'encouragement ]

- Fais pas le fou, Alexis,
c'est tout ce qui me reste!

- Que c'est que t'as gagé, toi?
- Envoye, Jo.

Montres-y que t'as le feu
ailleurs que sur l'enclume!

- Lui? ll n'en a même plus,

il l'a tout laissé
chez les créatures à St-Jérôme!

- Attends, toi, Jambe-de-bois!

- Alexis, envoye!
- Envoye, Alexis!

Jo! Jo!

Envoye, Jo!

Jo! Jo!

[ Cris et applaudissements ]

C'est pas juste!
Je l'ai vue faire, elle,

avec ses fanfreluches!

- Tu l'as eu!

- Oui, bien juste, oui.
- Wo, minute!

- Allez, les bretteux,
on s'en va à l'épluchette!

- J'emprunte de l'argent dans la caisse
du magasin pour me refaire,

pis là, batèche, je suis fait.
Ça, c'est encore de ta faute!

- T'as du front tout le tour de la tête,
Bidou Laloge!

C'est toujours bien pas moi
qui ai changé ta mise.

- Va donc sur l'diable!

- Bon, on se revoit à la fête!

- Arrête de me débiter
les belles promesses du curé Labelle.

- Ma chère Olympe, nous n'allons
tout de même pas abandonner;

le train sera là dans deux ans.
- Grand naïf!

Quand je pense que t'aurais pu
faire carrière à St-Jérôme!

Regarde-moi ces habitants!

[ Musique ]

Bonjour, M. le maire.
M. Laloge.

C'est encore pire
quand ils s'endimanchent.

- Elle en a dedans,
la maîtresse d'école!

- Ça fait une bonne secousse
qu'elle est veuve.

À sa place, on ferait pareil.

[ Rires et applaudissements ]

- J'haïs pas ça,
les femmes corporentes.

Ça a l'air riche.
Elles sont toujours gaies,

puis avenantes.
Vous trouvez pas?

Ça doit coûter cher à nourrir
pis à habiller,

des créatures de même.

Pour le permis, je vais voir
ce que je peux faire.

- Merci bien, M. le maire.

- M. le curé!

- Veux-tu un petit blanc,
Mathilde?

- Votre arrivée chez nous
est une véritable bénédiction.

Votre prédécesseur
était un saint homme,

mais il manquait de fermeté.

Je me suis laissé dire

qu'il trempait dans l'eau bénite
jusqu'au cou.

- Dans l'eau bénite?

[ Respiration haletante ]

- Aaaaah!

- ll faut que tu fasses attention,
Alexis.

Quand tu me fais
des belles façons,

c'est difficile de pas y croire.

- Tu te souviens-tu de la fois oû
tu m'avais demandé d'être ton cavalier?

Tu devais avoir huit ans.
- Neuf ans.

- Je t'avais dit d'aller jouer
avec tes catins.

- Si t'es si fin, te souviens-tu
de ce que je t'avais répondu?

''Un jour, tu vas voir,

je vais te rattraper.''

- C'était pas un bec
de petite fille, ça.

- ll y en a eu
mille autres avant.

J'ai eu le temps de l'imaginer.

[ Oiseau ]

Ah! Écoute!

[ Donalda ]: Je t'ai amené
près de l'arbre

qui poussait dans les rochers.

J'y venais souvent toute seule,

mais là, il y avait plus rien
de pareil.

Ni la lumière
ni les odeurs du bois.

Malgré mon air sûr de moi,

j'ai eu peur que tu me forces
à te dire non,

parce que ç'aurait été péché,

mais surtout parce que je suis
pas sûre que j'aurais pu résister.

- Promis que je vous paye ça
à la fin du mois.

- Ça pis...

votre crédit de 8$, Mme Brochu.

Moi aussi, il faut
que je paye mes comptes.

- Je le savais que vous seriez
accommodant, M. Laloge.

- Vous avez de la malle,
M. le maire.

- L'diable, qui c'est
qui peut bien m'écrire?

- Ça vient des États.

Euh... vous signez ici.

- J'ai pas une belle main
comme vous, vous comprenez.

Toujours dans la grosse ouvrage.

- Coudonc, Séraphin,

il paraît qu'à Québec,

ils s'inquiètent d'un commerce
de boisson dans la région,

peut-être même ici à Ste-Adèle.

ll faudrait pas qu'ils regardent
de trop proche chez Mme Malterre.

Ces messieurs auraient
même commandé une enquête.

Ça commence à jaser pas mal.

- Fais-toi-z-en pas
avec ça, F.X.

Plus ça jase, moins c'est vrai.

Tu me fais une bien drôle
de façon.

Oû c'est que t'as caché
ton beau sourire?

Qui c'est qui a bien pu
leur envoyer une plainte?

- lls le disent pas,
vous pensez bien.

En plus, les gens de Québec
demandent au conseil

de suspendre temporairement
la licence de Mme Malterre.

- C'est de valeur
que vous y serez pas,

à la réunion du conseil.
- Pour quelle raison?

- Un homme peut être empêché
de faire son devoir.

- Écoutez, je suis
le greffier du conseil.

Je dois déposer la requête!
- ll faut gagner du temps.

Ça se fait toujours de même
en politique.

- My, my! Je peux pas
tromper le peuple!

- Viande à chien, vous le trompez pas!
Vous rendez service au village!

[ Enfant ]: Vite, vite,
elle s'en vient!

- Attendez-moi!

- Vous savez, c'est toujours
une question d'âge.

Remarquez qu'ils ont eu
du plaisir pareil.

- Et le repentir sincère?

- Oui, pour ça, je regrette.

Mais vous savez,

c'est pas facile pour une femme
de se retrouvertoute seule.

Pis... c'est le bon Dieu
qui m'a faite comme ça...

...luxuriante.

J'y peux rien,
c'est dans ma chair.

[ En latin ]

- Rends-moi ça oû tu vas le payer.
- Viens ici.

- Qu'est-ce que t'as, Simonne?
- Rien.

Je veux pas en parler.

- Ça a donc bien l'air grave,
ton affaire!

Tu t'es pas fait
accrocher, toujours?

[ ll soupire. ]

- Je ne le sais plus,
quoi faire.

Le notaire va bien finir
par le savoir.

ll va me mettre à la porte
pour sûr.

- Moi...

si tu voulais...

je pourrais peut-être
y donner mon nom?

Si toi, tu voulais de moi. Hein?

Pis comme ça, bien,
personne se douterait jamais de rien.

Pis tu ne serais plus obligée
d'aller faire la servante

chez la grande escogriffe.

- Non, c'est pas ça,
tu comprends pas!

J'en veux pas de ce bébé-là!

J'en veux pas!

- Dis pas ça, Simonne.

Dis pas ça.

- La saudite plainte!

C'est toujours bien quelqu'un du village
qui a écrit à Québec!

Quelqu'un qui sait écrire.

- Surtout qu'à Québec,
ça leur monte vite à la tête,

les affaires de boisson.

- Père Ovide, par ici!
- Oui, oui.

- C'est certain que si je pouvais
vous rembourser,

mais je suis à la veille
de perdre

toutes mes belles peaux
de renard, pis...

Quand je pense
que j'ai voté pour lui!

- Moi, c'est pour votre licence
que j'ai peur.

ll faudrait peut-être
convaincre le notaire

de pas déposer la plainte
sur la table du conseil.

- C'est certain que le bon Dieu
vous le revaudra, M. Poudrier.

- Le plus tard possible.

- En attendant,

on pourrait peut-être
vous donner

un petit quelque chose
pour vous dédommager.

- Quand j'étais petite,
avant de m'endormir,

je regardais les ombres bouger
sur le plafond de ma chambre.

Ça me faisait peur, je pensais
que c'était le Bonhomme 7 heures

qui venait me chercher.

[ Rires ]

Je me cachais
pour pas qu'il me trouve!

Sauf que je pouvais pas
m'empêcher de regarder.

[ ll grogne. ]

[ Elle rit aux éclats. ]

Tu me fais même pas peur!

- Je t'aime, Donalda.

- Tu te souviens, l'autre jour,
tu m'as demandé si la liberté,

c'était possible à deux?

- As-tu trouvé une réponse?

- Je pense qu'on sera
pas deux longtemps.

Sauf que je veux pas être seule
à rêver dans mon coin.

- Faire des enfants,
c'est facile.

- C'est pas ça que tu veux?

- Oui...

mais c'est pas mal plus difficile
de les rendre heureux.

Pis c'est pas en s'arrachant le coeur
sur les terres du curé Labelle

qu'on va y arriver

- Mais pourtoi, Alexis,

l serait oû, le bonheur?

- Je veux qu'il soit avec toi.

Mais il est pas ici
à Ste-Adèle.

Regarde.

On a un pays qui est
plein de richesses.

ll faut juste arrêter
de le penser en pauvres.

- Qu'est-ce que tu veux dire,
''de le penser en pauvres''?

- ll y a pas juste la terre
pour ouvrir un pays.

Quand je vais
dans les chantiers,

c'est plein de lacs,

c'est plein d'eau vive
dans les rivières.

Ça respire.

- Tu seras parti longtemps?

Je suis pas patiente,

mais ce sera bon de t'attendre.

- Je vais faire ça vite. Promis.

Merci.

- Je suis au bout de mon rouleau,
M. le curé.

J'ai de la misère
à finir mes journées.

- C'est vrai que votre fils
vous a mis dans une triste situation.

[ Sifflement du train ]

- Je vois.
Une garantie morale.

Un geste louable, M. le curé.

Hélas, dans les circonstances,

bien insuffisant
pour notre banque.

ll ne s'agit pas
d'une dette négligeable,

nous sommes d'accord?

- Raison de plus
pour prendre l'affaire au sérieux.

Pensez-y, M. Destreilles:

c'est dans l'intérêt de personne

d'acculer un honnête homme
à la faillite.

- Hum...

ll y a peut-être
une autre possibilité.

Accordez-moi quelques jours;

nous allons voir
ce que nous pouvons faire.

- Merci, M. Destreilles.

Merci.

- M. Destreilles.
- M. le curé.

Voilà, c'est fait.

- J'ai-tu bien entendu que cet hiver,
t'allais finir d'apprendre à lire?

- Oui, c'est vrai
que je t'ai promis ça.

Tiens.

Mais...

avec le ventre creux...

Quand ça crie en dedans, moi,

les lettres s'embrouillent.

- Ah ouais?

- Ouais. Je ne vois plus clair.

- Je vais être parti
dans les chantiers pour une secousse.

ll va falloir que tu ménages.

- Euh... c'est-tu ça
que tu cherches?

- Hé, mon sauvage!

Que je te voie mettre
tes pattes sales!

- Eh bien...

c'est pas mal plus sérieux
que je pensais.

- 700$...

en beaux bills du Dominion.

[ Un enfant tousse. ]

J'ai gratté
tout partout, Brochu,

parce que tu m'as demandé
de t'aider.

J'ai de la compassion,
ça s'adonne.

[ Un enfant pleure. ]

C'est plus fort que mon vouloir.

[ Pleurs et toux ]

Pis comme maire du village,

c'est mon devoir
de m'occuper de mon monde.

Pas vrai, le jeune?

- Pis on va pouvoir rester
dans la maison pendant deux ans?

Pis cultiver la terre?

C'est bien ça qui est écrit?

- Mot pour mot.

[ Toux ]

Après, comme de raison,

il va falloir partir.

[ Toux ]

- Oû c'est que je signe?

[ Cloches ]

[ Cri de douleur ]

- J'ai... j'ai essayé
avec des broches!

Des broches à tricoter!

Je sais que c'est pas correct!

[ Simonne pleure. ]

ll faut que
vous m'aidiez, docteur!

- Ma pauvre petite Simonne,
t'aurais dû venir me voir avant.

[ Elle pleure. ]

- Ça me déchire!

[ Respiration haletante ]

Je veux pas mourir!

Je veux pas aller en enfer!
Je veux pas aller en enfer!

[ Donalda ]: Ce matin-là, Simonne,

l'orpheline du village,
a été enterrée.

ll y avait presque personne
pour la pleurer,

saufJambe-de-bois.

Ça m'a fait tellement de peine.

Le docteur, lui, il le montrait pas,
mais il était révolté.

Comme t'avais raison de parler
d'un pays qui nous étouffe en dedans!

- Simonne, est-ce qu'elle va
aller au ciel?

- Toutes les orphelines
vont au ciel.

[ Donalda ]: Alexis!
Mon beau secret!

Je pensais pas te revoir
après nos adieux sur la grosse roche.

J'ai eu peur que le cercueil
qui passait entre nous

soit un mauvais présage,
juste avant ton départ

pour les chantiers.

La vie peut être
si cruelle parfois.

Mon amour,

je te voyais si proche de moi,

mais t'étais déjà parti...

tout au fond de l'hiver.

J'ai eu froid tout à coup.

- Ça doit faire drôle pareil de
se ramasser dans le fond d'une boîte

à l'âge de 15 ans.

[ ll pleure. ]

[ Donalda ]: Les arbres ont perdu
leurs feuilles,

la terre se prépare pour l'hiver.

À 5 h, il fait déjà noir.

Je pense à Simonne
qui est au cimetière,

et je sens une grande colère.

Je suis aussi très inquiète
pour mon père.

Ses affaires s'arrangent pas.

ll a toujours pas de réponse
de la banque,

et moi, j'ai pas encore trouvé
un bon moment

pour lui parler de nous.

[ Alexis ]: Tes cheveux brillent
dans ma main comme des paillettes d'or;

c'est comme quand le soleil
fait des flèches sur l'eau.

Mon bel amour...

Le printemps me paraît si loin.

Bientôt, la malle passera plus.

Je ne pourrai plus t'écrire,
mais je vais te parler.

De ce temps-là, j'aime ça
m'éloigner du chantier.

Le pays commence
à prendre en glace.

C'est plein de silence.

C'est comme une force qui s'endort.

- Des gros chars,
je peux pas le croire!

On va être modernes astheure!
- Le curé Labelle,

il dit qu'avant 10 ans,

les Américains vont venir
dans les Laurentides,

pis que les Pays d'en haut,
seront comme la Suisse du Canada.

- Mais ça, oû c'est que c'est
que vous avez déniché ça,

Dr Cyprien?

- ll y a pas seulement l'agent
des terres qui a ses entrées.

Je suis allé à Montréal, à la rédaction
de la Gazette officielle.

- Je suis peut-être pas
un Anglais ni un ingénieur,

mais si le train du Nord
contourne la terre à Savoie...

il va passer
dans la coulée à Brochu.

- C'est pas le 1ertracé
et c'est pas le dernier non plus.

Allez pas montrer ça au monde,

ils vont s'exciter pour rien.

- Surtout qu'il y aurait sûrement
des gens sans scrupules

pourtirer profit
de ces renseignements-là.

- Arrêtez de toujours peindre
le diable sur les murs,

pis occupez-vous de vos malades!

- Je m'en occupe tout seul,
ils finissent pas au cimetière!

- Messieurs, messieurs,
arrêtez!

On est pas ici
pour faire de la chicane.

- F.X. a raison; on a toujours pas réglé
la plainte de Québec

pour cette affaire de bagosse.

- Faites-vous-z-en pas
pour la plainte,

je m'en suis occupé
personnellement.

- Envoye, ma Piquette!

- Je suis inquiète
pourton père.

Moi aussi, je vois passer
les factures.

Je me sens comme un fardeau.

- Ce qui m'inquiète surtout, moi,

c'est comment il va s'arranger
si vous partez pour Montréal.

Parce que Alexis pis moi,
c'est pour de vrai. On s'écrit.

- Es-tu bien certaine que
t'as pas fait de folies avec lui?

- Bien voyons, Nanette!
- Regarde là-bas.

Regarde-la donc faire
sa vertueuse!

- C'est elle qui a écrit à Québec
pour faire fermer l'auberge.

J'ai vu passer la lettre...
- C'est pas vrai?

Si le notaire apprend ça,
il va bien faire une attaque!

[ Rires ]
My, my...

- J'ai affaire
à sortir, Donalda.

Peux-tu t'occuper du magasin?

- Je finis ça pis j'arrive.
- Ouais.

- 700$, c'est pas du vol.

Eux autres, c'est rien
que des projets en l'air.

Toi, c'est de la vraie argent
que je t'ai donnée.

- Tu m'as fourré, Séraphin!

- Je t'ai rendu service,
c'est toi qui me l'as demandé.

Pis c'est de même
que tu me remercies.

- Oui, mais j'aurais pu
en avoir 10 fois plus!

Si mon garçon était pas là...

- C'est le maire
que tu menaces de même.

Penses-y bien, Brochu.

- C'est pas le maire qui a profité
de ce qu'il savait?

Tu lui diras de ma part
qu'il l'emportera pas au paradis!

Venez pas ici!
C'est le diable en personne!

- J'ai trop fait de crédit.

Mes clients font
ce qu'ils peuvent;

je suis toujours bien pas
pour les égorger.

- Avoir bon coeur...

c'est pas donné
à tout le monde.

- Le gérant de banque de St-Jérôme
m'avait laissé espérer.

Je comprends pas,

j'avais pourtant
un bon contact.

Peut-être que...

Peut-être que toi, Séraphin,

avec ton influence,
peut-être que...

peut-être que tu pourrais...

[ Séraphin rit. ]

- Moi, j'ai pour mon dire...

qu'il faut pas faire confiance
à ce monde-là.

Toutes des bouches pincées!

Écoute-moi bien, F.X.,

je pourrais peut-être t'aider.

Ça me ferait gros de peine
de te laisser dans le trouble,

avec ta famille.

Ta Donalda, elle,
elle pâtit pas trop

de ce qui t'arrive?

- Elle a beau être forte,
c'est difficile pourtout le monde.

Comme de raison, je fais
tout mon possible pour l'épargner.

- Une belle créature de même...

tu seras pas toujours là
pour la protéger.

Ce que ça lui prendrait,

c'est un bon parti.

Un vrai bon parti.

- Wo! Oh!

Tu sais qu'on a
des gros problèmes, hein?

Pis c'est pas près
de s'arranger.

Ça fait que j'en ai parlé
à M. le maire, Séraphin Poudrier.

Pis il a accepté
de nous aider.

- Avec son argent?
- Oui.

À condition que j'y donne ta main.

- Séraphin Poudrier?

ll est bien trop vieux!

- Attends, attends!

Je le sais que les gens
le dénigrent,

mais c'est un homme qui a de l'honneur
pis qui est travaillant.

- Non, non, vous comprenez pas!

ll s'agit même pas de ça.

C'est parce qu'il m'a écrit.
- Qui qui t'a écrit?

- Justement, je voulais
vous en parler.

Vous le connaissez.

C'est Alexis.

- Alexis Labranche?
Un grand rêveur, un faraud!

Voyons donc, ma pauvre fille,
tu y penses pas?

ll pourra jamais te faire vivre!

- Vous pouvez pas parler de même,
vous le connaissez mal!

ll a changé!

- Ce que je vois, c'est que c'est
ma petite fille qui a bien changé!

- Vous allez me forcer?

- Ce que je veux, Donalda,
c'est que tu sortes de la misère.

- Sortir de la misère?

Pis pour vous, c'est pas ça,
la misère,

se marier sans amour?

- Je te demande pardon,
ma petite Donalda.

Je voulais qu'on puisse continuer
à vivre ici.

Ah! Ah! Ah!
Oublie ça, oublie ça!

On va s'arranger autrement.

- ll faut qu'on aide le père
si on veut pas tout perdre!

Ouvre-toi les yeux, Bidou,
c'est bien grave!

On va se faire saisir,
je le sais!

- Voyons donc, les gros banquiers,
c'est là pour faire peur au monde.

- Tu te rends
vraiment pas compte!

Avec tout l'argent
que t'as perdu cet été à St-Jérôme!

- Si tu veux vraiment
le savoir...

C'est ton beau smatte d'Alexis
qui m'a entraîné au jeu.

- Arrête donc de te cacher
derrière les autres, Bidou!

- Parlant d'Alexis,

tu t'es jamais posé de questions
rapport à Simonne?

- Lâche!

T'es rien qu'un lâche!

Si tu penses que
je vais te croire!

- J'arrive pas à comprendre
la décision du banquier!

- Le pire, c'est que Séraphin Poudrier
propose de nous aider.

- À quel prix?

- ll faudrait que je le marie.

Mon père dit
que c'est ma décision.

La nuit, je prie le bon Dieu
autant comme autant...

Je sais toujours pas
ce qu'il en pense!

Si jamais il fallait
que ça m'arrive...

Juste l'autre jour au magasin,

quand il m'a touché
la main...

Je peux pas m'imaginer
qu'il m'approche.

- ll y a parfois des choix
qui nous déchirent.

Au bout du compte, Donalda,

il faudra que t'agisses
en ton âme et conscience.

- Pis si ma conscience
m'a trompée?

- Hé, qu'est-ce qui se passe
au magasin général?

[ Discussion animée ]

[ Gémissement ]

[ Cri étouffé ]

[ Donalda crie. ]

- Aaaaah!

[ ll tousse. ]

- Arrête de me regarder
comme ça.

J'ai même pas été capable...

Tu comprends,
je voulais juste...

- Arrêtez de vous tourmenter.

- Je mérite pas d'avoir
une belle petite fille comme toi.

[ Donalda pleure. ]

[En pleurant]: Maman...

Maman...

Maman...

- En parlant de notre maire,
je vous dis

qu'il est pas en état de se marier
devant le bon Dieu, lui!

- Ah oui?

Pourquoi?

- La petite Simonne,

il y a 3 mois, elle a essayé
de provoquer une fausse couche,

et c'est de ça
qu'elle est morte.

- Ce serait pas Séraphin
qui l'aurait mise enceinte?

- C'est elle qui me l'a dit.

- Vous êtes bien certain?
- Bien oui.

C'est moi qui l'avais amenée
au village à la mort de ses parents.

Si elle l'a dit, Simonne,
c'est que c'est vrai.

- Je pensais vous voir
à l'église, M. Poudrier.

Comme vous le savez,

avant le mariage, on doit passer
par le confessionnal.

C'est une formalité
obligatoire.

- 2 et demi...

Pas obligé
quand on a rien à confesser.

- Un examen de conscience n'a jamais
fait de mal à un bon chrétien.

On passe des remarques
dans la région.

Une jeune orpheline...

Dans les circonstances, votre mariage
pourrait bien être compromis.

- Ça serait bien de valeur.

Bien de valeur pour vous,
M. le curé.

Vous pensez pas?

Moi itou, j'en ai entendu,
des remarques.

Ça adonne que
j'ai des bons amis à l'évêché.

La veuve,

à Trois-Rivières...

Sûrement que c'est rien
que des bavassages.

C'est pareil comme
pour votre orpheline.

Tous des jaloux, M. le curé.
Pas vrai?

- Es-tu bien certaine
de ta décision, Donalda?

- Oui!

Je vais avoir besoin
de toi, Nanette.

- Je peux pas accepter
ce qui t'arrive!

C'est comme si tout ça,
c'était de ma faute.

- C'est de la faute à personne!

Tu ne parles plus de retourner
vivre à Montréal?

- C'est certain
que c'est moins urgent

depuis que la situation
de ton père s'est améliorée.

Je te jure que personne
saura jamais pourquoi.

Attends.

Tiens.

- C'est pour moi?
- Hum-hum.

C'est pourte porter chance.

- Merci.

[ Ave Maria ]

[ Ave Maria ]

[ Pleurs du bébé ]

- Si quelqu'un ici présent

a connaissance d'un empêchement
à ce mariage

devant Dieu
et devant les hommes...

...qu'il se lève et parle
ainsi que c'est son devoir.

[ Pleurs de bébé ]

[ Toux ]

Acceptez-vous Donalda Laloge
ici présente

comme légitime épouse?
- Oui.

- Acceptez-vous Séraphin Poudrier
ici présent comme légitime époux?

- Oui.

- Mettez au doigt
de votre épouse cet anneau,

gage de fidélité et d'amour.

Mettez au doigt
de votre époux cet anneau,

gage de fidélité et d'amour.

[ En latin ]

- ll a dû s'éteindre.

- ll était pas allumé.

lci, on chauffe pas
quand il y a pas personne.

Faut ménager
si on veut pas que...

l'hiver soit trop long.

ll y a pas rien que le feu...

pour se réchauffer.

[ ll gémit. ]

[ ll ronfle. ]

[ Alexis ]: Ma belle
fleur sauvage.

Mon amour a fait de moi
un autre homme.

Je compte les jours,
je compte les heures.

Au moins, la neige
a commencé à fondre.

- ll faut que j'aille
au village.

On n'a quasiment plus
de sarrasin.

- Traîne pas à jaser,
t'as de l'ouvrage qui t'attend.

- On pourrait peut-être aussi
acheter un peu de beurre.

- Du beurre... Viande à chien,
c'est bien que trop cher.

Pis ça fait des grumeaux
dans l'estomac.

- Mon père me ferait
sûrement un bon prix.

Peut-être même
qu'il va nous le donner.

- Je te dis que
j'en veux pas pareil.

Les mauvaises habitudes,
c'est pas d'avance.

Quand on ménage, on en a plus
souvent pis plus longtemps.

C'est le bon Dieu qui arrange
ça de même dans le monde.

- Tu parles de ménager.

Comment on va s'arranger
quand on va avoir des enfants?

- Des enfants?
ll y a pas de saint danger.

Pas pourtout de suite,
toujours bien.

Je suis pauvre
comme du sel, Donalda.

ll va falloir continuer
à gratter oû c'est qu'on peut,

pis laisser faire...

le superflu.

- C'est la religion
qui a inventé le péché,

pour que l'homme ne soit pas
un loup pour l'homme.

- Quand Séraphin m'approche,

vous savez ce que je veux dire?

Je pense encore à Alexis.

C'est un péché d'impureté, ça,
pis aussi...

- Oui?

- Ça m'aide à supporter.

- La tentation n'est pas
une faute, Donalda.

C'est en lui résistant
qu'on reste en vie.

- Pour que je reste en vie, il faudrait
que je m'arrache le coeur.

- Comme ça,
dans le milieu de la nuit?

- Je te dis, ça me réveille.
ll bardasse dans le noir.

C'est épeurant!

- T'es pas allée voir
dans le grenier?

- ll porte la clé
autour de son cou.

J'ai peur d'être
en retard, Nanette.

Dans mes affaires de femme,
je veux dire.

- Dis-moi pas que t'es partie
en famille?

- C'est fou à dire,

c'est comme si ça me soulageait.

Quand Alexis va l'apprendre,

il va bien être obligé
de m'oublier.

C'est ça qui est épouvantable!

- Je... je sais pas
quoi te dire.

- Donalda, tiens!

Mes dernières confitures
aux fraises.

Je les avais mises de côté
pour Mme Le Potiron.

On va avoir des tartes au sucre

et des pets de soeurs;
je vais allert'en porter.

- Je vous ai déjà dit que Séraphin
aime pas bien, bien ça, la visite.

- Tiens.

J'ai hésité. Ça fait un mois
qu'elles sont arrivées.

J'avais pas le coeur
de les brûler.

- Moi aussi,
j'ai quelque chose pourtoi.

C'était à maman.
- Je comprends pas.

- Je veux pas qu'elle reste
dans cette maison-là.

[ Alexis ]: La vraie liberté,
c'est de pouvoir choisir sa destinée

sans avoir peur
de ce que les gens vont dire.

De pouvoir se lever pis partir
quand tout le monde reste à genoux.

Astheure, avec toi,

j'ai compris que
c'était encore plus vrai à deux.

La nuit, je rêve à nos enfants,

à mon désir de toi.

Comme je serai fier
quand un jourtu me diras

que tu portes notre vie en toi!

...l'espoir de te revoir...

[ Donalda ]: ...et de t'aimer
follement. Ton Alexis.

- Eh l'diable!

Je pensais bien que t'étais morte!
Ç'a bien été long!

C'est toujours de même
quand tu vas au village.

Euh...

T'as-tu acheté d'autre chose
que de la fleur?

- Mon père me l'a vendu
pour moins cher.

Avec la différence, j'ai pu avoir
un petit morceau de beurre.

- Viande à chien! Je t'avais dit
qu'on en voulait pas!

- Bien moi, j'aime ça.

- Quand je pense
qu'il te restait de l'argent!

Comment c'est que c'est
qu'on va faire pour arriver

si tu fais rien
que gaspiller de même?

Pis dans mon dos!
- Je suis pas coupable de rien!

- Sais-tu comment ça m'a coûté
pour sortirton père du trou?

Va penser à ça dans la maison!

- Mon pauvre ami,
ça doit être très douloureux!

- J'ai dû prendre
un coup de froid.

C'est comme si je pissais
des aiguilles!

- C'est un genre de coup de froid
qui s'attrape pas tout seul.

''Que le feu vénérien
attrapé au rique-racque,

''tout renforcé de vif-argent--

- ''...vous puisse
entrer au fondement.''

Gargantua?
- Non, Pantagruel.

Je fréquente encore le cercle
littéraire de St-Jérôme.

Si le coeur vous en dit,
la prochaine fois, vous m'accompagnerez.

Tiens, en parlant de vif-argent,

le bel Alexis est de retour.
Attention, les jupons!

[ Alexis ]: Marie-Ange!

Va vite quérir Donalda!

Dis-y qu'il y a
une surprise pour elle.

- Elle ne reste plus ici.
Elle est mariée.

- Ah oui?
Pis c'est qui, le beau monsieur?

- C'est M. Poudrier.
- Séraphin?

Ma petite grippette, arrête-moi ça!
Va la quérir, que je te dis!

- Je suis pas une grippette!
Pis c'est toi qui es pas fin!

- C'était pas
comme un vrai mariage.

C'était ennuyant à mourir!

Un vrai caveau pour les morts.

Pis... la messe était
même pas chantée.

- Avec le maire qui se marie,

je gage que l'église
était pleine?

Bouleau noir, c'est quoi
que personne ose me dire?

- Séraphin a dû lui faire
une belle façon, pis...

avec son argent...

- Ça, ça me rentre pas
dans la tête!

Je peux pas croire
qu'elle est de même!

- La misère amène la misère...

Des fois, ça peut forcer
à faire des folies.

[ Père Ovide
se racle la gorge. ]

- Saint-Simonac!
Alexis pis Donalda?

- Bien oui...
- Séraphin le savait-tu?

- Que je te voie
aller lui conter ça!

Je t'avertis: tu coucheras
dans le banc de quêteux jusqu'à Noël!

- Wo, back!
Je sais oû est mon profit...

Ma belle Victorine...

- Alexis?

Alexis, je le sais que t'es là!

Va pas plus loin, Alexis.

- Je reviens
du bout du monde...

pour qu'on se marie...

Pis je te retrouve
avec Séraphin.

Dans sa maison.

Dans ses affaires.

Dans son lit!

Comment tu fais?

Regarde-moi
quand je te parle!

- Bien là, je te regarde.

- Te souviens-tu?

''Alexis, ma belle promesse.''

Ça se peut pas, ça.

C'est pas toi.
C'est pas nous autres.

Maudite froidure!

[ En criant ]: Maudit silence!

Toutes ces nuits à rêver
comme un fou!

- Alexis!

J'attends un petit.

- Fais pas le fou, Alexis!

T'es après flamber
tous tes gages!

Maudite tête dure!

- Alexis,
tu devrais arrêter.

- Alexis, c'est assez,
viens-t'en!

Bien voyons donc!

Ça se peut-tu,
une malchance de même!

- Malchanceux au jeu,
chanceux en amour!

- Ça fait une semaine
que tu regardes par le châssis.

Tu vas finir
par le faire apparaître.

- Qui, ça?

- Le diable en personne!

[ Tonnerre ]

- C'est pas un bon soir,
Séraphin.

- Ça fait longtemps
que c'est pas un bon soir.

Ferme pas tes yeux de même,
t'as l'air d'une morte.

- Tu veux toujours bien pas
que je parte en famille?

- C'est pas grave, Alexis.

C'est juste que t'as trop bu.

- Maudite hypocrite!

Elle est là qu'elle te fait
des belles façons,

avec ses beaux
grands yeux doux,

pourte faire
chavirer le coeur!

Bouleau noir,
j'ai-tu été assez innocent!

[ Alexis ]: Je peux pas croire
que vous avez laissé faire ça!

- Tu sauras que
Donalda a pas refusé.

- Pis après? Ça veut pas dire
qu'elle a accepté.

De toute façon, pour moi,
c'est un mariage qui compte pas!

- Elle s'est mariée devant Dieu,
mon gars.

- Vous êtes son père!
Vous avez du coeur!

Vous savez bien que c'est comme
si elle était enterrée vivante!

- C'est pas la meilleure place,
mais par les temps qui courent,

c'est pas la pire non plus!
- Pour elle, C'EST la pire!

- Tu dis ça parce que tu veux
qu'elle soit dans tes bras!

- Je dis ça
parce que je l'aime!

Je le sais pas
si vous pouvez en dire autant.

- C'est toi qui oses me parler d'amour,
Alexis Labranche?

Bien, tu sauras que même
si elle avait pas marié Séraphin,

jamais je te l'aurais donnée!

- Vous l'avez pas donnée,
vous l'avez vendue!

[ Murmure de douleur ]

- Aoutche!

[ Gémissements de douleur ]

[ Tonnerre ]

- Lâche-moi, Alexis!
ll faut pas que tu reviennes ici!

- ll faut qu'on se parle.
- Je t'en supplie!

- Je sais tout astheure.

- Alexis!
Vite, Alexis!

Vite, Séraphin va me chercher!

- Je le sais que
tu n'es plus enceinte.

Nanette me l'a dit.

Le mariage,
c'était pour sauverton père!

Dis-moi-le que c'est vrai.

Pourquoi tu parles pas?

Dis quelque chose, Donalda,
n'importe quoi!

- Alexis...

T'es là, Alexis...

T'es là.

- Je t'emmène.

On s'en va loin d'ici, personne
va jamais pouvoir nous trouver!

- Tu sais que c'est impossible.
- Mais tu peux pas retourner!

- Si tu savais comme ça me déchire
en dedans de moi!

- Tu peux pas sacrifier
toute ta vie pourton père, Donalda!

Réveille-toi, s'il vous plaît,
réveille-toi!

- Je suis réveillée, Alexis!

Si je rêvais,
j'aurais pas si mal!

[ En hurlant ]: Donalda!

- Tu sauras, ma femme,

que les péchés,
je connais pas ça.

Je travaille comme un chien!

J'ai pas le temps
de penser à mal.

C'est pas comme
la maîtresse d'école

qui fait sa madone pis que...

Qu'est-ce que tu faisais
dans le bois à la pluie battante?

- Rien.

- Me joues-tu dans le dos?

- Je te jure, Séraphin,

j'ai rien fait de mal.

- Ce serait pas
bien, bien chrétien...

...de conter des menteries

à son mari.

[ Gémissements ]

[ Lisant lentement ]:
''Le cadavre était...

dans un état...

de décomposition avancée.''

- Ça prendra le temps
que ça prendra, moi, je reste.

T'as fait des beaux progrès,
mon Jambe-de-bois.

- J'aime ça!

Pourton affaire...

Donalda laissera jamais tomber
ce maudit Séraphin.

Jamais!

T'es aussi bien de faire
une croix dessus au plus sacrant.

Qu'est-ce que tu veux,
t'as rien à lui offrir.

Pis en plus, t'es à la veille
de perdre ta terre.

- Tu connais vraiment rien
pantoute aux femmes.

ll faut dire
qu'avec ta patte folle,

elles se poussent
dès que t'approches.

[ Donalda ]: Les mois ont passé
depuis ton retour,

et toi, tu t'obstinais comme
un diable à bûcher surta terre.

Je me suis retenue dix fois
par jour d'allert'épier,

pourte voir juste une seconde.

Ça me brisait
de te savoir si proche,

mais je crois que ç'aurait été
encore pire si t'étais parti.

Dis-moi, Alexis,

depuis quand est-ce que
l'amour est une punition?

- Arrête donc de bretter
pis viens m'aider, sacrament!

Merci bien.
- Dis-moi pas merci.

On est supposés être fâchés.

T'as une maudite
tête dure, toi!

Comme ça,
t'as décidé de rester?

- Pense pas que c'est pour défricher
le pays à grandeur!

Je reste juste pour être là.

- C'est quand t'es fou de même
que je t'hais le moins, toi!

- J'ai pris connaissance
de votre proposition de sursis

par rapport à la vente
aux enchères de la terre d'Alexis.

À le voir bûcher de même,
il va pouvoir rembourser les taxes

qu'il nous doit
bien avant le temps.

- Je crois que ce sera
presque impossible.

Déjà là, avec ce que je propose,
il va y arrivertout juste.

- Vous êtes bien trop généreux
avec l'argent du canton.

ll vous a embarqué
bien comme il faut!

Dans deux mois,
il faut qu'il ait tout payé.

On a été assez patients
avec lui.

- Pas seulement avec lui.

- ll me semble qu'on s'est toujours
bien compris, Polydor.

- Oui. Mais dans ce cas-ci--

- Vous allez
me faire brailler!

Faites-moi pas regretter l'affaire
du testament de mon père.

Ah! M. Fournier!

Ça va, la santé?

- L'hiver a été bien dur
pour mon garçon.

[ ll tousse. ]

Dis bonjour à M. le maire.
- Bonjour.

- C'est bien triste à dire,

mais je pense que je vais vendre
un petit cercueil avant longtemps.

On se revoit
au conseil à soir.

- My. My.

- J'espère qu'il va
tenir le coup.

ll s'en est mis beaucoup
sur les épaules.

- Alexis, il y a pas
plus vaillant de coeur!

ll est plus têtu qu'une mule!
- ll va y arriver!

ll est fait solide.

Si je pouvais, moi,
j'irais l'aider!

- ll y en a juste
une seule qui pourrait l'aider,

pis elle,
elle est prise au piège.

- T'appelles ça un piège, toi?

Elle a marié le gars
le plus riche de la place!

- Avec un coeur de pierre.

Pas vrai, M. le notaire?

[ Rires ]

- Et si on se mêlait
chacun de nos affaires, hum?

- On sait bien, vous êtes pas
acoquiné avec personne, vous.

- Crois-tu à ça, les superstitions?
- Ça dépend.

- L'autre soir avant de me coucher,
j'ai mis près de mon lit

un cuvette pleine d'eau, du savon,
un peigne pis une serviette.

- Pis, un homme est-tu
apparu dans ton rêve?

- Oui! ll est venu se laver
tout nu au beau milieu de ma chambre!

- Ça, c'est bon signe!
C'était qui?

- Je croyais que j'étais
à l'abri des folies, à mon âge...

Je pensais jamais pouvoir
aimer un autre homme.

- C'est qui?

- Quelqu'un qui me traite
comme une dame de la ville,

pis qui est jamais pressé
de conclure.

[ Rires ]

- J'ai eu des rêves de jeune fille
comme tout le monde, mais Polydor,

ç'a pas été le prince charmant.
Pis ici, à Ste-Adèle...

- Vous savez que c'est pas
des dragées, ça, Mme Le Potiron.

- J'ai les nerfs
à fleur de peau, docteur.

- J'aurais un petit service
à vous demander.

J'aurais besoin de l'adresse
de Délima aux États-Unis.

- Délima,
la soeur de Séraphin?

Elle est pas morte?
On en a plus jamais entendu parler.

- Au cours des années, votre mari
a sûrement dû échanger du courrier?

- Vous voulez quand même pas que
j'aille fouiller dans ses affaires?

- Une petite indiscrétion,
c'est vite oublié.

Surtout quand ça évite
d'en dévoiler une autre.

- Que voulez-vous dire au juste?

- Je pensais à vos lettres,
celles que vous avez envoyées à Québec.

- Wo! Wo! Back!

- T'es fou, Alexis!
On y arrivera jamais!

- Arrête de jacasser
comme une pie pis accroche!

- Soldat pourra jamais
tirer ça.

- Maudit notaire!

ll a viré de bord
devant le conseil.

Maudit bâtard de Séraphin!

lls m'auront pas,
bouleau noir!

Marche, Soldat!

Envoye,Soldat!

Envoye!

Marche!
[ Hennissement ]

Envoye! Marche!

Aaaaaah!

- Alexis!

[ Hennissement ]

[ Hennissement ]

- Merci, Soldat!

[ Coup de feu ]

- Viande à chien...

Une si belle bête.

C'est bien de valeur.

- Garde ta pitié pourtoi,
t'en as mauditement besoin!

- Quand ils ont travaillé
bien fort,

ça se pourrait-tu ça que...

qu'il y ait un paradis
pour les chevaux?

- Je suis même pas sûr qu'il y a
un paradis pour des bêtes comme toi!

- Une arme chargée,
c'est dangereux, Alexis.

Tu peux toujours bien pas
le tuer deux fois.

- C'est pas pour lui,

c'est pour les loups.

- Ça fait une secousse
qu'on en a pas vu dans le pays.

- Je dirais pas ça, moi.

- C'est certain que
si le conseil avait pu,

tu l'aurais eu,
ton sursis pour les taxes.

C'est-tu de valeur.

[ Elle sursaute. ]

- Comment tu fais
pourt'endurer?

[ En criant ]:
Maudit sans-coeur!

- Séraphin?

[ ll tousse. ]

Pour l'amour du bon Dieu!

Qu'est-ce qui t'est arrivé?

Tu t'es battu?
- Mêle-toi pas de ça.

- Pas avec Alexis?

Pourquoi, Séraphin?

- Parce que...

t'es à moi...

Pis il t'aura pas!

- ll faut que tu partes, Alexis.

- Je sais
que ça ne peut plus durer.

Mais je partirai pas sans toi!

[ Elle sanglote. ]

- Je voulais faire
ton bonheur...

Mais astheure, c'est à cause de moi
si t'as perdu ta liberté.

Je n'en peux plus
de te voir souffrir.

Va-t'en.

Va-t'en loin.

Pour moi.

- Ça me fait rien de souffrir
à cause de toi.

Mais si je te quitte...

comment je vais faire
pour vivre sans ma douleur?

[ En chuchotant ]: Comment?

- Je sais pas!
Je le sais pas!

S'il te plaît, va-t'en!

Alexis, va-t'en loin!

- Wo! M. le maire,

en tant que rapporteur officiel,

il faut que je vous dise:
ça jase au village.

[ En sourdine ]: ll y en a pas mal
qui sont du bord d'Alexis...

- Je sais que tu l'as revu.

- On s'est juste parlé.

- Veux-tu rire de moi?

Tu serais pas la première
femme mariée qui lui servirait--

- Je t'ai pas trompé, Séraphin.
Je le ferai jamais.

J'ai tout fait
pour essayer de t'aimer.

Mais j'ai pas pu.

J'ai même prié, mais le bon Dieu
veut rien entendre.

C'est vrai que
je l'aime, Alexis.

Pis que je l'aimerai toujours.

Mais ça ira pas plus loin.

Je connais mon devoir.

- Moi, j'ai tout fait
pour qu'on manque jamais de rien.

Ça, c'est comme
si ça comptait pas pourtoi.

T'es pareille
comme toutes les créatures.

T'as pas de reconnaissance.

[ Donalda ]: Par moments,
je t'en ai voulu, Alexis.

Je t'en ai voulu
de m'avoir écoutée...

...pis d'être parti
pourtoujours.

Quand les feuilles
ont viré au rouge,

je me suis sentie perdue.

Comme dans le bois,
la nuit,

pas de lune.

Même le silence
me faisait peur.

ll y avait plus
que du vide tout partout.

Je suis devenue comme une étrangère
à tout ce qui m'entourait.

[ Bruit ]

Comment ça se fait, Alexis,

qu'il y a pas eu
une toute petite place pour nous

dans un pays aussi grand?

[ Cris d'enfants ]

- Ah bien viarge!

C'est Délima!
- Délima?

#- Thank you.#

#Wait for me here.#
#lt won't be long.#

- ll s'agit d'un...

d'un regrettable
malentendu.

- Voyons donc! ll fallait
être bien naïf pour croire

que je laisserais ma part d'héritage
me passer sous le nez.

Bien naïf... ou bien ratoureux?

- Délima, enfin!
C'est injuste.

Les lettres ont dû s'égarer.

Puis vous êtes aux États
depuis si longtemps.

- Vous avez bien changé,
mon pauvre Polydor.

Je suppose que
c'est le prix à payer

quand on sort pas de son trou.

- T'avais rien qu'à peine
à venir m'en parler entre 4 yeux.

- ...part d'héritage qui a été
remise par erreur

et en toute bonne foi
au ci-devant Séraphin

et ceci faute d'avoir pu aviser
et dûment notifier ladite Délima

des sommes qui lui revenaient de bon
état de droit et en toute justice.

- Depuis le temps que
t'es partie aux États,

qu'on est sans nouvelles,

on a pensé... à un malheur.

Mais là, t'es là...

et l'argent,

il te revient.

Seulement, ça va prendre du temps

pour le ramasser.

- Votre soeur Délima
vous accorde...

24 heures...

...pourtrouver la somme
que vous lui devez,

faute de quoi, je...

j'ai reçu l'instruction
de faire procéder...

à la saisie de votre terre.

- Voulez-vous
me faire peur, notaire?

- 24 heures,
pas une minute de plus!

- Madame!

Madame!

Séraphin pourra jamais ramasser l'argent
en si peu de temps!

ll l'a tout prêté à du monde
qui était dans le trouble.

On vit quasiment
comme des pauvres.

- T'es la fille de Marie-Louise?
Tu lui ressembles.

- Ma mère est morte
pis ça fait bien longtemps.

- Séraphin pis toi,
c'est un mariage arrangé, évidemment.

- Non.

Non, c'est moi qui ai décidé.

- Pauvre petite fille,

t'as même pas appris
à bien mentir.

- Pour une tombe
en beau sapin doux

avec 4 poignées,

ça vaut bien 3$.

Je m'en tiens toujours
une couple d'avance.

On sait jamais

quand est-ce que c'est
que la mort va passer.

- Celui-là va être trop petit.
L'autre est bien que trop grand.

- Bien d'abord, il va falloir
en faire un sur mesure,

seulement, ça va être
plus cher.

- Plus cher, je peux pas.

- L'autre jour, je l'ai vu,
ton garçon.

Celui-là, il va faire.

T'auras rien qu'à peine
de le ramasser un peu.

- Le petit Mathieu va être
trop serré là-dedans, tu le sais!

- Ôte-toi donc!

- Pour l'amour du bon Dieu, Séraphin,
fais-lui un autre cercueil!

De l'argent, t'en as.

J'en peux plus de te voir
tirer sur la misère du monde!

- Ôte-toi,
tu m'empêches de monter.

- Je me tasserai pas!

Tu vas lui faire
un nouveau cercueil!

- Qu'est-ce que
tu me dis là, Donalda?

- Je te dis que
je ne me tasserai plus.

Je vais finir part'haïr!

- Marche, Sans-coeur, marche!

- Alexis?

Alexis, dis-moi que t'es là!

- Qu'est-ce
que tu fais ici?

- Nanette,

il faut que
tu me dises la vérité.

- Quelle vérité?

- Des fois, chez nous, je le sens
qu'il est derrière moi, Nanette,

pis qu'il m'observe!

Ça se peut pas?

Dis-moi que ça
se peut pas, Nanette!

Jure-moi que c'est vrai
qu'il est parti pour de bon!

- Arrête de te faire
des peurs de même,

c'est rien que
des imaginations, ça.

Viens-t'en.
- Non.

Non. Non.

- Bon, bouge pas, je vais te
chercher quelque chose de chaud.

Bouge pas.

- Alexis!

Je le savais!

[ Rafales de vent ]

[ Cloches ]

[ lls chantent en choeur
Adeste fideles. ]

[ Donalda tousse. ]

- Donalda!
Vas-tu répondre, Donalda?

Voyons, viande à chien,
vas-tu répondre?

Donalda!

Je vais rallumer le poêle...

juste pourtoi.

- Doucement, doucement.
Doucement, doucement.

- Oui, c'est ça.

Ça va aller.

- Ça va te faire du bien!
Ça va... Ça va...

- Chut...

Ça va aller.
- Oui, oui.

Ça va bien.
Ça va bien...

Doucement.

- Tu voulais pas
voir le docteur?

- Je veux pas guérir.

- Non, je te laisserai pas
faire ça.

- Pour une fois que
je pense rien qu'à moi.

Comprends-tu ça, Nanette?

- Chut... Chut...

- Le docteur est à Ste-Agathe
pour un accident.

On l'attend pas
avant demain soir certain.

[ Nanette ]: Quand je pense
qu'elle aura même pas vu Alexis!

- Qu'est-ce que
tu veux faire, Nanette?

ll a quitté le pays
sans parler à personne!

- Je sais qu'il est
au camp de la rivière Rouge.

Penses-y même pas, Bidou! Avec
la poudrerie, les chemins sont combles,

ça passera pas!
- Ça va passer!

- T'es pas fou? Tu vas pas
retourner dans la tempête?

[ Claquement de porte ]

[ Donalda tousse. ]

[ Donalda tousse. ]

[ En latin ]

[ Avec difficulté ]: J'ai...

j'ai regardé dans mon coeur...

C'est devenu tout clair.

Je n'ai plus peur comme avant.

- Je suis avec toi, Donalda.

- Pousse, Bidou!

- Je vous salue Marie, pleine de grâces,
le Seigneur est avec vous,

vous êtes bénie
entre toutes les femmes,

et Jésus, le fruit de vos entrailles,
est béni.

- Sainte-Marie, mère de Dieu,
priez pour nous pécheurs,

maintenant
et à l'heure de notre mort.

- Je vous salue Marie, pleine de grâces,
le Seigneur est avec vous.

Vous êtes bénie entre toutes les femmes
et Jésus,

le fruit de vos entrailles,
est béni.

- Sainte-Marie, mère de Dieu,
priez pour nous pécheurs,

maintenant
et à l'heure de notre mort.

- Doux Jésus!
Je peux pas croire!

- Bidou!

Merci!

- Envoye, dépêche!

- Viande à chien!

Si tu t'imagines que tu vas
venir faire le trouble ici!

Ça va faire, astheure!

- Elle t'a attendu
aussi longtemps qu'elle a pu.

- Donalda.

- Alexis...

- Mon amour...

- Mon amour...

Mon seul amour...

[ ll sanglote. ]

- Je voulais vous dire

que je pourrai pas officier
à l'enterrement de votre fille.

- Là, vous me perdez,
M. le curé.

- ll n'y en a plus
de M. le curé.

J'abandonne le sacerdoce.

J'aime une femme.

Je veux vivre au grand jour.

- Ça prend du courage.

Moi, j'ai tout perdu.

- Saviez-vous,
François-Xavier,

que c'est votre fille
qui me l'a donné, ce courage-là?

- Ma petite Donalda?

- La vie est injuste!

Tellement injuste!

- C'est notre silence
qui l'a tuée.

[ Donalda ]: ll fait noir.

La chambre est glacée,

et je tremble de fièvre.

Nanette est là comme toujours.

Je sais qu'elle s'arrangera
pourte porter cette lettre.

Toi aussi, t'es là, Alexis.

Si proche.

Ta présence, c'est comme des flèches
de lumière dans la nuit.

Je me sens en paix.

Je sais que je vais partir
pourtoujours,

et cette fois,
ce sera avec toi.

Enfin.

- C'est moi...

C'est moi!

[ En criant ]: C'est moi!

C'est moi qui brûle!

C'est moi qui brûle!

C'est moi qui brûle!

Envoye! Envoye!

Viande à chien...

[ Séraphin hurle. ]

Depuis le premier jour

J'ai su que je t'aimais

contre la terre entière

et que tu te battrais

pour briser les barrières

qu'on nous met tout autour

Je te guette

à travers la clairière

J'étouffe les cris de ma colère

J'ai mis ton nom

dans mes prières

Mon Alexis

mon amour et ma vie

Au mois de mai

tu reviendras

quand le pommier refleurira

Près de la rivière

je t'attendrai

Mais si je te perds

je m'y noierai

Sous-titrage DVD: CNST, Montréal

Au fond de ton hiver

Penses-tu encore à moi

Pourquoi tu ne m'écris pas

Tu es ma seule lumière

Je deviens étrangère

à tout ce qui m'entoure

Je te guette

à travers la clairière

J'étouffe les cris
de ma colère

J'ai mis ton nom

dans mes prières

Mon Alexis

mon amour et ma vie

Au mois de mai

tu reviendras

Quand le pommier refleurira

Près de la rivière

je t'attendrai

Mais si je te perds

je m'y noierai

Depuis le premier jour

j'ai su que je t'aimais

contre la terre entière

Et que je t'attendrai

au bord de la rivière

jusqu'au-delà des jours