All language subtitles for Guerre - Jacquot De Nantes (1991) - De Agnès Varda - Fr.fre111

Je sais l'art d'évoquer
les minutes heureuses

Ces serments, ces parfums,
ces baisers infinis

Renaîtront-il d'un gouffre
interdit à nos sondes

Comme montent au ciel
les soleils rajeunis

Après s'être lavés
au fond des mers profondes ?

Ô serments ! ô parfums !
ô baisers infinis !

La nuit s'épaississait
ainsi qu'une cloison

Mes yeux dans le noir
devinaient tes prunelles

Et je buvais ton souffle,
ô douceur ! ô poison !

Et tes pieds s'endormaient
dans mes mains fraternelles

La nuit s'épaississait
ainsi qu'une cloison.

- C'est fini, maintenant ?
- C'est pas fini.

Allez, on y va, Jacquot.

- Des fois, le rideau s'ouvre encore.
- Mais non. Viens. On y va.

- Papa attend. C'est fini.
- C'est pas fini.

Des fois, ils ont un autre rideau.
J'attends.

Viens, Jacquot. On commence.

- Tu crois ?
- T'inquiète pas. Ça se fait.

Même à l'armée, les types
se la montrent pour comparer,

pour mesurer, pour savoir...

Pour savoir quoi ?

- Dis, Robert...
- Attention. Quelqu'un vient.

Comme on dit :

"Remets-la dans ta culotte,
ça mange pas de pain."

Faites un peu attention.
Ne salissez pas les fils.

- Vous voulez le plein ?
- 5 litres.

Comme vous voulez.
Le client est prince.

- Ça va ?
- Bonjour, Simon.

Ah ! Les trois mouches du coche.

Je trouve pas ma Simca.

- Bonjour, m'sieur.
- Bonjour, mon p'tit.

Tu as fait tes devoirs ?

- C'est vrai, ça. Tu les as faits ?
- Pas encore, papa.

- Fais ce que dit papa.
- Oui.

Dépêchez-vous, Mme Marilou.

Juste 5 litres. Bravo.
Vous servez comme un chef.

Bonjour, Yvon.
Tu as fait la sieste ?

Merci, M. Jean.

Je ne peux pas rester
qu'avec un côté frisé.

- J'arrive, j'arrive...
- Je joue Véronique dans une heure.

Et quand on s'ra mariés
Je serai toujours le premier

Papa n'a pas voulu
Et maman non plus

Mon idée leur a déplu
Tant pis, n'en parlons plus

Les enfants obéissants
Font tout c'que disent leurs parents

Papa n'a pas voulu
Et maman non plus

- C'est dans la 2e partie, ça.
- Oui. C'est dans le duo de l'âne.

C'est l'heure de l'apéro.

Le fer est trop chaud.

J'arrive dans cinq minutes.

Je ne veux pas
que tu montes sur cette échelle.

- Et tes devoirs, tu les as faits ?
- J'ai laissé mon cartable au fond.

- C'est terminé ?
- Oui.

Le moteur cliquette encore
un peu à froid, mais c'est normal.

Merci.

- C'est terminé ?
- Oui.

Le moteur cliquette encore
un peu à froid, mais c'est normal.

Merci.

Merci.

Allô ? Ici garage Demy.
C'est une commande de voiture neuve.

Je veux une Citroën 7CV noire.

C'est pour un client
qui est très pressé.

Ah, les gosses...

Toujours à encombrer l'escalier.

Viens, Jacquot.
J'aime pas être en retard.

Je voulais une orange.

C'est l'amour

qui console le pauvre monde

C'est l'amour

qui rend chaque jour la gaieté

C'est l'amour

qui nous rendra

la liberté !

Bonne nuit, papa.

T'aurais dû venir, papa.
C'était bien.

Mais je connais, moi,
Les Saltimbanques.

C'est l'amour

qui flotte dans l'air à la ronde

T'aurais vu la cliente de maman.
Elle faisait :

C'est l'amour

qui console le pauvre monde

Allez, "pauvre monde", au lit.

Bonne nuit, papa.

Et n'oubliez pas la prière.

Notre Père qui êtes aux cieux
Que Votre règne arrive

Que Votre volonté soit faite

Donnez-nous aujourd'hui
notre pain quotidien

Pardonnez-nous nos offenses...

Ils sont épatants, nos p'tits gars.

Je Vous salue, Marie, pleine de grâce

Jésus, le fruit
de Vos entrailles, est béni

Sainte Marie, priez pour nous,
pauvres pécheurs.

Ainsi soit-il.

Maman, tu viens nous embrasser ?

Bonne nuit.

Bonne nuit.

Et maintenant, en route
En route

En route

"Un riche laboureur,
sentant sa mort prochaine,

"fit venir ses enfants..."

"...leur parla sans témoins :

"'Gardez-vous', leur dit-il,
'de vendre l'héritage

"'Que nous ont laissé nos parents :
Un trésor est caché dedans.'"

Pour Jacques,
l'enfance était un trésor,

et la sienne, une source
d'inspiration pour ses films.

Allez. Maintenant, hop !
Laisse-moi écrire.

Dernièrement,
il écrivait ses souvenirs d'enfant

et il m'en parlait beaucoup.

Des anecdotes remontaient
à sa mémoire, des noms oubliés,

des détails soudain présents...

Il parlait de cette cuisine

où se passait l'essentiel
de la vie de famille.

Il parlait surtout de sa mère,

qui en était l'âme
et l'organisatrice.

Marilou, Marilou

Souviens-toi du dernier rendez-vous

Marilou, Marilou

Il émet évoquer les dimanches
où l'on sortait

et ceux
où le temps passait doucement.

Il avait vécu ce qu'il appelait
une enfance heureuse.

C'est en souriant

que Jacques évoquait
l'arrivée d'une parente de son père.

Une cousine de La Chapelle-sur-Mer

qu'un industriel brésilien
avait transformée en poule de luxe.

Vous m'attendez.

Dis-moi, c'est bien ici
le garage de Raymond ?

Raymond, c'est mon père.
Vous lui voulez quoi ?

Tu ne me connais pas ?
Mais je suis la tante de Rio.

Papa !

Patron ! Y a quelqu'un !

Ah, le voilà.

- Ah, c'est toi.
- Mais oui.

T'es épatante, comme ça.

Viens. Je vais te présenter ma femme.

Marilou !

C'est la cousine dont je t'ai parlé,
celle qui était partie au Brésil.

- Bonjour, cousine.
- Oui. C'est moi.

Touche pas. C'est de l'organza.

Enfin, je connais ta famille.
Bon, puisque c'est ça,

je vous emmène tous
au restaurant La Cigale, ce soir.

Ne reste pas là, toi.
Tu es invité aussi.

On s'embrasse,
maintenant qu'on se connaît.

Oh. Je t'ai mis du rouge.

- Je pourrais chanter une chanson.
- Oh non... Pitié.

Oh non, papa. Chante pas.

Il est bon, celui-là.
Ça t'a pas manqué ?

Si. J'y pense souvent,
au gros-plant.

Un jour,
un producteur a dit à mon ami

que je pourrais faire du cinéma.

J'ai fait des essais.

Quand ils ont dit "gros plan",
j'ai éclaté de rire !

- Le gros-plant, c'est du vin blanc.
- À la vôtre.

Allez, on trinque.

Santé.

Ils sont beaux, les diamants.

C'est vrai. Tu n'aurais pas dû.

Moi aussi, j'ai été gâtée.
C'est trop.

- Tu n'aurais pas dû.
- Tu vas me le reprocher.

Non.
Je suis très content de mon cadeau.

J'adore aller au casino.
La roulette, ça me fascine.

Récemment, j'ai eu une série.
Je gagnais, je gagnais...

Dans ces cas-là, j'achète des cadeaux
pour tout le monde. Pour moi aussi.

Le rouge. Le 1.

Personnel.

13.

13. Final, 7.

Merci.

Personnel.

Tu as voyagé seule ?

Oui. Je vais rejoindre Bill Shuster
à Munich.

C'est un homme très bien.

Mais avant, j'aimerais aller
sur la tombe du grand-père.

J'étais loin quand il est parti.

J'attendrai

Le jour et la nuit

J'attendrai toujours

Ton retour

J'attendrai

Car l'oiseau qui s'enfuit

Celle qui rit de tout cela
Qui veut plaire et s'en tenir là

C'est moi
C'est moi Lola

Mais c'est mon nom.

Mais oui. On t'a donné le nom
de ton grand-père.

Mais toi, tu es mon petit Jacquot.
Hein ?

Avoir vu si jeune mon nom
écrit sur une tombe

m'a donné le sens de la fragilité
de cette existence.

Merci. On passe.

On peut dire que j'ai de la chance.

J'ai repéré une petite vieille
et je lui ai fauché son sac à main.

C'est pas pour rien
qu'on m'appelle l'anguille.

Je vais le cacher dans cet arbre,

car j'ai vu un gendarme.

S'il vient, rien dans les mains,
rien dans les poches.

Et bonjour, Guignol.
Bonjour, Gnafron.

Bonjour, monsieur le brigadier.

Dites-moi donc,

vous n'auriez pas aperçu
un individu suspect ?

- Oui !
- Hein ? Un voleur de sac.

Et vous, les enfants,
est-ce que vous ne l'auriez pas vu ?

Il est caché sous un buisson.

C'est pour Anne
que tu fais le malin ?

Ça sent encore le café, là-dedans.

- Tu vas vivre comme une tortue ?
- Ça te regarde pas.

- Je peux le garder, M. Bonbons ?
- Prends-le, si tu en as besoin.

Oui. Je vais fabriquer
un théâtre de marionnettes.

- Bonjour, Josette.
- Bonjour, M. Demy.

Il y a des rumeurs pas bonnes
du côté de Munich.

Je commence à me poser
des questions sur ma cousine,

avec son M. Shuster
qu'elle allait voir à Munich.

Ça sent l'espionne.

Pourtant, elle a l'air innocente.

Comment peut-on aller bien
de nos jours ? Et pourquoi aller ?

Pour aller où ?

Sarah,
Mme de Saint-Clair est arrivée.

Bon. J'ai envie de vous dégrader
la nuque pour dégager les côtés.

M. de Cavaletti rentre.

Ça va, comme ça ?

C'est presque bien.

Je vous donne juste
un dernier coup de peigne.

- Bonjour, Mme Demy.
- Bonjour, M. Arnal.

Vous pouvez me la réparer ?

- Tu as fait un gendarme nègre ?
- Mais non.

Pourquoi il est noir, alors ?

C'est les patates
qui deviennent noires.

Je vais faire autrement.
Je vais faire des têtes en carton.

Mesdames et messieurs,
les enfants, accélérez la sortie.

Prochaine séance
dans un quart d'heure.

Blanche-Neige est jolie.

C'était bien,
avec la sorcière et sa pomme.

- Je le savais.
- 7 dans cette maison ?

Quelle technique, ces Américains.

- Grincheux grinche.
- Et il éternue tout le temps.

Non. Ça, c'est Atchoum.

Il faut que t'ailles voir le film.
C'est formidable et ça fait peur.

Mon père me l'a promis
à la fin du mois,

si j'ai une bonne note.

Pas de bol.
Moi, j'y retourne demain.

Moi aussi, j'y re-vais dimanche.

Salut. Moi aussi, je l'ai vu.
Ce que j'aime, c'est la sorcière.

Lui, il a le béguin
pour Blanche-Neige.

Dis pas ça.

Tu m'as dit que c'est elle
que tu voudrais.

J'ai pas dit ça, mais elle est bien.
Elle chante toujours.

Elle chante quand elle balaye,
quand elle fait la vaisselle,

et aussi quand elle fait des gâteaux.

Ah ! Les fraises et les framboises
Les jolis petits fruits

Ah ! Les belles villageoises

Miroir, miroir,
dis-moi si je suis le plus beau.

J'ai rencontré trois pages
Trois gars de mon pays

Le plus jeune m'embrasse

Et le plus bel aussi

M'emmène dans sa chambrette
Pour parler du pays

Ah ! Les fraises et les framboises

Un bol entier...

Un bol entier de lait

Bien crémeux s'il...

Bien crémeux s'il vous plaît

De sucre parsemez

Et vous amalga...

Et vous amalgamez

Maman, ils sont sous le pont !

Viens voir.
Y a des nains géants.

Ils sont tous là. Même Simplet.

- Tu veux un bout de chocolat ?
- Oui, je veux bien.

T'as de la veine de les avoir tous.

T'as pas Blanche-Neige ?

Non. De toute manière, je m'en fiche,

car elle ne sait pas
faire le grand écart.

Et moi, si.

Vas-y. Essaie, toi.

Allez, maladroit, recommence.

Allez ! Pousse ! Tire !
Pousse sur tes jambes. Pousse.

On pourrait
faire un spectacle acrobatique

et on ferait le tour du monde
avec un cirque.

- Si tu veux.
- Allez, recommence !

Allez, pousse !

Avec ton bâton et régulièrement.

Voici les trois mousquetaires !

Déjà l'soleil rayonne
à travers les rideaux

J'ai touché ma quinzaine
Si tu le veux tantôt

Nous irons à Vincennes
dîner au bord de l'eau

Ça va ? Tu t'en sors ?

Et jetons du jus dans Paris

Caroline, Caroline

Mets tes p'tits souliers vernis

Tra-la-la
Ta robe blanche...

Mobilisation générale.

- Merde.
- Tu l'as dit, oui.

On n'avait pas besoin de ça.

Dieu sait où ils vont m'envoyer.

Marilou !

Toi, avec ta patte folle,
tu partiras pas.

Il faut amener les sacs
vers les voûtes pour faire des abris.

Il en faut dans les greniers,
là-haut.

Si mes fils partent à la guerre...

Il paraît qu'on va faire
des essais de masque à gaz.

Reine aura l'air d'une mouche,
comme ça.

Moi, une mouche ?
Mouche-toi toi-même. Et toi aussi.

Oui, mais une belle mouche,
quand même.

T'as vu ? Je lui ai fait
des grosses moustaches.

Tiens. Regarde.
Ça te va, comme ça ?

Ça va.

Oh, c'est bien ! Attends.

- Demy, Raymond, c'est ici ?
- C'est là.

C'est elle, avec des cheveux.

Pan, pan ! Pan, pan ! Pan...

- On tape pas sur une marionnette.
- Si. Un peu.

- Pan, pan !
- C'est là ?

- Demy, Raymond, Marcel, c'est vous ?
- C'est moi, oui.

Voilà. C'est votre affectation.

Les Batignolles, c'est pas très loin.

Je reviendrai tous les soirs.

Fabriquer des obus, c'est mieux
que de les prendre sur la tête.

Tu crois qu'ils dorment ? Regarde.

Ça va.

Ça change du feutre.
Allez, bonne chance, voisin.

Tiens. Ta musette.

Grand-mère, tu peux me faire une cape
pour ma marionnette ?

Pas noire comme ça,

mais avec des tissus
qui changent de couleurs.

Bien sûr, Jacquot,
mais je dois finir cette robe.

Regarde le haut,
avec toutes ces perles.

La cliente vient demain.
Il faut que je la finisse.

Bon. Tu me la feras après.

Chante encore.
J'aime bien tes chansons.

Il était un roi de Thulé

Qui, jusqu'à la tombe fidèle,

Eut en souvenir de sa belle

Une coupe en or ciselé

- Tu t'y connais, en sorcières ?
- Pas vraiment.

Elles volent sur des balais.

Est-ce qu'elles portent des kimonos ?

Dis donc,
tu t'y connais, toi, en costume.

Voilà grand-mère, là-bas.
Et Jacquot.

Trois places, s'il vous plaît.

Quatre places pour Cendrillon.

À tout de suite,
mes petits éléphants.

À tout de suite !

150 francs, d'accord.

Merci.

La cucaracha

La cucaracha...

En Allemagne, ils ont réquisitionné
les voitures privées.

Mon mari m'a écrit
de cacher la nôtre. J'hésite.

- Il est où ?
- Ligne Maginot.

Le mien, il fabrique des obus.

On a la chance
qu'il rentre tous les soirs.

- Au revoir, madame.
- Au revoir.

Porque no tiene, porque le falta
Marijuana que fumar

Qu'est-ce que t'as ?

- Mes invités sont pas venus.
- Patience.

- Va les chercher.
- Bon...

Attends. J'ai une idée.

- Vous êtes prêts, les éléphants ?
- Oui !

On y va.
Ouvre les rideaux, Yannick.

Et voici Cendrillon !

Je suis malheureuse...

Mes méchantes soeurs
sont allées au bal,

et moi, je nettoie les cendres.

Pauvre petite...

Me voici !

- Je suis la fée.
- Ah...

La fée des lilas.

Tu veux aller au bal ? Regarde.

Je la connais, la fée des lilas.

N'oublie pas
que tu dois quitter le bal à minuit.

Mais avant, je vais changer ta robe.

- Voici de la poussière d'étoiles.
- C'est du sable.

C'est pas des étoiles,
c'est du sable.

T'es plein de poux.
Dans quel état tu t'es mis.

Baisse-toi,
que ça tombe sur le journal.

Tu sais pourtant que ces gosses sont
plein de poux et de vermines.

Maman, tu sais, ils ont applaudi,
et René et moi, on a salué.

- Oh là, là... T'en as partout.
- Je veux voir.

Tu peux pas les voir.
Ils sont trop petits.

Je te mettrai de la Marie-Rose
après dîner.

- Il m'en reste une.
- Je les ai gagnées.

- Tu me les as volées.
- Vous disputez pas.

Demy, mêle-toi de tes affaires !

- Tu dois me les rendre.
- Non. Je les ai gagnées.

Tu triches.

Vous disputez pas.
Nous, on y va. On va être en retard.

- À ce soir.
- Salut. À ce soir.

Demy, viens voir !
Y a une nouvelle affiche !

"Des oreilles ennemies
vous écoutent."

Tu crois
qu'il y a des ennemis partout ?

Tu sais, c'est pas de la rigolade.

Ma mère a lu un livre qui s'appelait
Monsieur l'espion et sa fille.

Ils se déguisaient en bonne soeur,
et pour les reconnaître,

il fallait regarder leurs pieds.

Dépêchez-vous.
Allez, Mercier.

Le Gwen, plus vite.

Demy, ne traîne pas !

- Ça va, madame ?
- Oui. Ça va.

Accroche-le.

Si un jour
il y a une véritable alerte,

il faudra ni traîner ni chahuter.

Des religieuses !

On va vérifier ?

La maman du petit homme
Lui dit un matin

"À seize ans, t'es haut tout comme
notre huche à pain !

À la ville tu peux faire
un bon apprenti...

Viens avec moi aux cabinets.

- Tu peux pas y aller tout seul ?
- J'ai peur.

Mais pour labourer la terre

T'es bien trop petit, mon ami !
T'es bien trop petit. Dame, oui.

Je vais un peu explorer la grotte.

- Au loin, une lueur scintille...
- Reviens, Jacquot !

Il fait noir comme l'enfer,
là-dedans.

C'est quoi, l'enfer ?

C'est bon, d'être en permanence.

- Je veux aller à la fête !
- C'est la fête aux permissionnaires.

On va d'abord au Guignol.

On va d'abord
faire un tour à la fête.

Allez, le militaire.
Pas de chance.

La tête d'Hitler pour 5 francs.

Bravo !

Oui ! Bravo !

Allez, on tente sa chance.

- On va au Guignol, maintenant.
- Maintenant ?

Vous êtes bon, mon cher père.

Mais avant de vous épouser,

je voudrais la peau
de votre vieil âne.

Mon âne banquier ?

- C'est impossible.
- J'insiste, père.

Bon. Je ne peux rien vous refuser.

Oh là, quelqu'un !

Arrête de gigoter.

J'ordonne qu'on tue mon âne
et qu'on m'apporte sa peau.

- Pas son âne...
- Tu vas pas le tuer !

Oh ! Quelle horreur...

Fée des lilas, ma bonne marraine,
que dois-je faire ?

Vous vous déguiserez.

Vous avez des idées bizarres.

Allons. Dépêchez-vous.

- Enveloppez-vous avec.
- Quelle horreur !

Faites ce que je vous dis.
Tout est prévu à cet effet.

Désormais, on t'appellera Peau-d'Âne.

Ça vaut mieux
que d'attraper la scarlatine

Ça vaut mieux
que d'avaler d'la mort-aux-rats

Pas de l'ananas.
De la mort-aux-rats.

Ça vaut mieux
que de sucer d'la naphtaline

Ça vaut mieux
que d'faire le zouave...

Maman, y a plus d'école.
On est en vacances.

C'est à cause de la guerre.
Attention.

- Bonjour, monsieur.
- Bonjour. Le garage est ouvert ?

Pas vraiment. Allez voir l'ouvrier.
Il pourra peut-être vous aider.

- Je peux prendre de l'eau ?
- Bien sûr. Entrez.

- Vous êtes partis quand ?
- On roule depuis Bruges.

Entrez un instant.

On est partis comme des fous.

On dit
que les Allemands violent les femmes

et coupent les mains des enfants.

On est partis dans l'affolement.

On ferme boutique, Mme Demy.

Et vous fermez pour de bon ?

Les Allemands
seront là dans 3 jours.

Ils saccagent tout, ils tuent...
Nous, on s'en va.

- Vous partez tous, Mme Jaulin ?
- On va à la ferme.

Oh, les Jaulin s'en vont.

- Toi, tu pars ?
- Moi, je ne sais pas.

T'as envie de partir, toi ?

Je sais pas...

Papa.

C'est vrai. Ils arrivent.
On part ou on part pas ?

Partir où ?

Et je ne peux pas laisser maman
toute seule.

Dépêchez-vous. Activez.

Jean, attends-moi !

Quelqu'un peut nous aider ?

On ne veut pas
être faits prisonniers.

On s'en va, nous.

Par ici, les gars.

Monte chercher des bleus.

On ne sait même pas
si c'est encore la guerre.

Jacquot !

Attrape.

- Tenez.
- Merci, p'tit gars.

- Elle n'est pas là, Reine ?
- Non.

Elle est à l'abri chez ma soeur,
à Machecoul.

- Des nouvelles de votre mari ?
- Je l'attends.

Je m'inquiète,
mais je vais quand même à l'atelier.

Allez. Vite.

C'est bizarre,
cette langue allemande.

On en parlera à la maison.
Regarde l'affiche.

Vous les emmenez
se baigner à la Loire ?

Oui. Je vais chercher des matelas
dans un hospice, par là.

Et j'emmène la petite.

Ne les laissez pas se baigner seuls.

Ne vous inquiétez pas.

Allez, en route.

Toi, tu montes ici.
René, tu grimpes à l'arrière.

- Bonjour, Mme Bredin.
- Quelle chaleur...

Bonjour, madame.

C'est une petite réfugiée,
des amis d'amis.

C'était une petite merveille
de Sainte-Geneviève-des-Bois

et elle était vraiment très belle.

Non. Pas comme ça.

Comme ça.

Comme ça !

Comment tu t'appelles ?

Geneviève, et j'habite
Sainte-Geneviève-des-Bois.

Il faut faire de grands mouvements.

On va lui montrer l'escalier ?

Après, il y a un petit escalier.

On y va ?

Tu nous dis s'il y a quelqu'un.

À mon tour.

La porte est ouverte,
chez la sorcière.

Il y a peut-être eu des cambrioleurs.

On va voir comment c'est ?

Je peux voir ?

Tu crois qu'elle est morte ?

Un, deux, trois, quatre, cinq

C'est bien lui qui revient

Le métallurgiste ?

C'est lui

Un, deux, trois, quatre, cinq

C'est merveilleux

Mais chut ! Ne dites rien

Ne t'inquiète pas.
Vous vous amuserez bien, là-bas.

- On pourra pas jouer aux voitures.
- Profitez-en maintenant.

En route !

- Vroum... Vroum...
- C'est parti pour la promenade.

On roule au bord de la Loire.

Fais attention !
Je ne sais pas nager.

Pose ça tout de suite.
Jacquot, ne touche pas à tout.

Il faut bien qu'ils s'amusent.
Tout nouveau, tout beau.

À quoi ça sert ?

Ça sert à faire couler de l'eau
sur la meule pour affûter les outils.

Si tu as soif, tu bois.

J'ai mis toutes leurs affaires,
les jeux et leurs affaires d'hiver.

C'est le père Georges, qui m'a dit
de prendre ces gosses de Nantes.

Moi, il m'a dit :
"Le sabotier est un brave homme."

Ça a l'air vrai.

Ils sont bien pâlots.

Le grand air leur fera du bien.

En ville, on a peur.
C'est surtout pour les enfants.

Allez, hue !

Allez, hue !

On voit pas trop la guerre.

À part le manque de tabac.

- Voici de l'argent.
- On verra ça plus tard.

Il faut qu'on parte, maintenant.

Je ne les ai jamais quittés.

Vous inquiétez pas.
On s'occupera bien d'eux.

- Va avec la dame.
- Oui.

Viens. Je vais t'apprendre
à t'occuper des lapins.

Moi aussi,
je veux m'occuper des lapins.

Tu vois ? Ils sont jolis.

- Au revoir, les enfants !
- Au revoir, papa, maman !

Au revoir.

Vous ne vous blessez pas,
avec ce grand couteau ?

Mais non. Ça fait plus de 30 ans
que je fais des sabots.

On rentre, mon p'tit gars.

"Mes p'tits chéris. Pour Yvon,
j'envoie une décalcomanie."

"Pour Jacquot, un insigne
avec les armes de Nantes,

"car tu m'as dit
que tu voulais un insigne.

"Dites le bonjour à tante Léa
et au sabotier.

"Gros baisers de papa et maman.
Marilou."

- Pas mal, hein ?
- Ouais...

- Il est chouette, ton insigne.
- Oui. Ils en avaient jamais vu.

Où tu l'as eu ?

Bonjour, mon p'tit. T'as grandi.
La campagne t'a fait du bien.

Voilà votre linge. Il est payé.

- Merci.
- Au revoir, Mme Le Dantec.

Ça fait plaisir,
de vous avoir à nouveau.

Jacquot, enlève ton béret à table.

Je vous ai fait un festin :

gratin de pâtes et du saucisson,
cadeau de la charcutière.

- Celle qui chante à l'église ? Luce.
- Oui.

Nos p'tits gars.
Vous êtes contents d'être là ?

Oui, papa.

Je voudrais aller au cinéma
et au cirque. J'ai vu le chapiteau.

Je t'emmènerai, si tu veux.
Ou ton père.

Papa ?
Il n'aime que jouer aux boules.

On est bien. On fait une famille.

Il faut reprendre le catéchisme.
Ta communion, c'est en mai.

Oui, maman.

- C'est maintenant que tu rentres ?
- J'étais au catéchisme.

J'espère que tu auras ton examen
de première communion.

Oui, maman.

- Ta soeur l'a passé du premier coup.
- Il le sait.

J'espère qu'il sait son catéchisme.

Oui, papa.

Robert, tu peux nous aider
à installer les trapèzes ?

Oui. Mais il faut que je demande
à ton père. Ou tu demandes à Guy.

On vise celle-ci.

"Il faut élever notre âme
tout en restant modeste."

C'est notre bon curé qui l'a dit.

Raté. À ton tour.

Et puis, zut...

- Dis, Robert, tu le feras.
- Oui. Mais plus tard.

Reine n'est toujours pas revenue ?

Si. Mais elle a un nouveau genre.
Elle fait des chichis.

Marilou !

Le Feldkommandant Hotz a été abattu.
On lui a tiré dans le dos.

Il y a couvre-feu à 16 h.

Il y aura sûrement des représailles.
Ça s'est passé rue du Roi-Albert.

- La rue pour aller au catéchisme.
- Oui.

"De lâches criminels à la solde
de l'Angleterre et de Moscou..."

"...ont tué à coups de feu tirés dans
le dos le Feldkommandant de Nantes

"au matin du 20 octobre."

"Jusqu'ici, les assassins
n'ont pas été arrêtés."

"Mais en expiation de ce crime,

"j'ai ordonné préalablement
de faire fusiller 50 otages."

"Étant donné la gravité du crime,
50 autres otages seront..."

- 15 millions pour dénoncer ?
- Plus que ce que Judas a reçu.

- Et 50 innocents fusillés ?
- C'est vrai. Mon père me l'a dit.

C'est ça, l'occupation.
Une guerre calme.

C'est facile de faire la loi,
quand on est armé.

Hubert von Meyerinck, Erik...

C'est allemand.
Faut pas y aller.

Je sais. Mon père me l'a dit.

Pourtant,
ça a vraiment l'air fantastique.

- En plus, c'est en couleur.
- C'est vraiment dommage.

Je l'ai déjà vu deux fois.

"Scénario de Prévert",
donc c'est un film d'amour triste.

- Alain Cuny. Il est beau.
- On y va.

3 places pour Les Visiteurs du soir,
s'il vous plaît.

"La gourmandise est un péché."

Mais il faut ce qu'il faut.
C'est un rôti de porc dans la noix.

Tu nous sauves, Luce.

Si tu le mets dans le gazogène,
il va cuire.

Non. Je roule à l'essence.
Ils n'y verront que du feu.

Allez.

- Merci, Luce.
- À demain.

Je viendrai un peu plus tôt, demain,
pour aider ta femme.

Radio Paris ment
Radio Paris ment

Radio Paris est allemand

Radio Paris ment

On enlèvera les bandelettes,
pour la fête.

Radio Paris est allemand

Radio Paris ment
Radio Paris ment

Qu'est-ce que vous en pensez ?

On a apporté la farine de sucre
chez le pâtissier.

Oh... Elle est magnifique.

Une pièce montée
comme avant-guerre.

- Ça, c'est une belle pièce.
- On n'a plus l'habitude.

- Moi, j'ai plus faim.
- Moi si.

Non. Toi, Luce, tu chantes.

Oui, Luce.

Luce, une chanson !
Luce, une chanson !

- Luce, une chanson !
- Chut...

Je ris de me voir
Si belle en ce miroir

Ah ! Je ris de me voir
Si belle en ce miroir

Est-ce toi, Marguerite ?

Allez. La Petite Lison.

La Petite Lison n'a pas 15 ans

Je suis contente. C'est réussi.

Elle a vécu comme sa maman
Elle a vécu comme sa maman

Elle levait le cul du verre

Mais pas du ver luisant

Elle levait le cul du verre
Avec du vin dedans

Hé, oh ! T'es beau comme un prince.

Qu'est-ce que t'as eu, comme cadeau ?

Un phonographe.

- T'as des disques ?
- Deux.

Je t'en prêterai, si tu veux.

Un peu d'eau,
ça va vous faire du bien.

Ah non ! Pas d'eau ! Pas d'eau !

Il est où, mon fils ?

Guy, écoute-moi ça.

Pour la musique,
je suis toujours d'accord.

La pendule fait tic tac tic tic

Mais le son est très bien.

Glou glou glou font tous les dindons

Et la jolie cloche ding din don
Mais...

Boum

Quand notre coeur fait Boum

Tout avec lui dit Boum

Et c est l amour qui s éveille

Boum

Il chante "love in bloom"

Au rythme de ce Boum
Qui redit Boum à l oreille

Elles sont bien, ces billes.

C'est épatant.
On voit bien toutes les cheminées.

T'as de la veine.

Ah oui.
Je te le repasserai, si tu veux.

On voit le Normandie
dans ton taille-crayon ?

Oui.

Oh là là...

- Tu me le fais voir, à moi ?
- Ben oui.

- Je te l'échange.
- Contre quoi ?

Un roulement à billes.

Non.

Deux.

Oui.

Salut.

Hé, Martin !

Ce que t'as montré à Le Guérec,
c'est du film ?

Oui. Du film de cinéma.

Où tu l'as trouvé ?
Il me le faut.

- Tu me donnes quoi ?
- Un roulement à billes.

Non.

- Deux.
- Non.

Je veux le taille-crayon
avec le grand bateau.

Ça va. Mais alors tu le me donnes
et tu me dis où tu l'as trouvé.

- On y voit vraiment le Normandie ?
- Mais oui.

Il faut faire attention.
Les gitans, c'est dangereux.

- Il ne faut pas s'approcher d'eux.
- Je ne suis pas venu pour ça.

J'ai un avion.
Je crois que c'est un Messerschmitt.

- Et moi un tank.
- C'est des actualités allemandes.

C'était sûrement interdit
de les prendre.

Mais écoute, on les a trouvés
dans une décharge.

- On devrait peut-être les rapporter.
- T'es fou !

Cette prise de guerre,

ces quelques mètres de vrai film
que Jacquot ramenait chez lui

n'eurent pas le temps
de devenir l'objet fétiche,

catalyseur de sa passion du cinéma.

Marilou balaya
ce qui lui semblait des déchets,

ou plutôt des documents
compromettants.

Jacquot avait perdu le Normandie
pour rien.

2 places, s'il vous plaît.

Hé, tante Nique !

T'as loupé la ligne de ton bas.
Ça fait comme un serpent.

Qu'est-ce qu'ils font ?
Ils sont toujours en retard.

Et puisque j'en suis réduite
à me justifier,

sachez donc que c'est M. Pitou
qui aime Mlle Clairette,

dont il est également aimé.

- Hein ?
- Hein ?

Quoi ?

Quoi ?

Oui, je vous le dis, c'est pour elle
Que Monsieur se trouve chez moi

De brutalité, vrai modèle,
Vous grondez sans savoir pourquoi

Quoi ce n'était pas pour elle !

- Oui, c'est pour elle !
- Se moque-t-elle encor de moi ?

- J'espérais, je ne sais pourquoi
- Vous grondez sans savoir pourquoi

- Ce n'était donc pas pour elle ?
- C'est pour elle !

Que Monsieur se trouve chez moi

Ces deux Boches, ils sont moches.
Jean Marais, lui, il est beau.

- 16 h 15. Qu'est-ce qu'ils font ?
- On dirait que ça les amuse.

Ça devient long, à la fin.

Regarde. "On tourne à la ferme.
Jean Choux entouré de son équipe."

- Il y a même des canards.
- Tu parles d'une équipe.

"L'action du prochain film
de Jean Gourguet, Malaria,

"se déroulera entièrement
dans une région tropicale."

C'est pas trop tôt.

"Je veux faire avec Malaria, dit-il,
un film d'atmosphère sur la peur.

"Mireille Balin jouera la femme
du colonial atteinte par la malaria.

"Sessue Hayakawa tiendra le rôle
du boy, le joueur de guitare.

"De la rencontre de ces deux êtres
hantés par la fièvre

"jaillira le drame."

- Mireille Balin. Elle est belle.
- "Belle"...

Excuse-moi, mais je m'y connais.

Celui a l'air pas mal, aussi.

Oui. Avec le mec qui tombe
dans l'arbre. C'est plein de sang.

Il est mignon.
Il gonfle mon vélo.

T'oublies pas la valve, hein.

Alors vous baladez votre mère ?

C'est pas ma mère.
C'est une voisine.

Elle doit aller chercher ses tickets
à la mairie.

Bon. Vous pouvez faire le tour.

Guy, je pars un instant.
Je vais chercher des biscottes.

- J'ai peur.
- On a un abri, ici.

- Je veux y aller.
- On y va tous !

Yvon, Jacquot, allez.

Allez, filez !

Reine !

Quel bruit. C'est l'enfer.

J'ai peur.
J'ai mal au coeur. Je vais vomir.

Calme-toi. C'est bientôt fini.
Regarde Jacquot, comme il est calme.

Tu te souviens
quand je te faisais peur ?

Où il est, mon papa ?
Je veux voir mon papa.

Est-ce que vous voyez quelque chose ?

Le 16 septembre 1943,

j'ai vraiment découvert l'horreur
de la violence, de la destruction,

avec des morts partout dans la ville,

des gens qui hurlaient,
qui agonisaient sous des décombres.

C'était l'apocalypse.

Et depuis, je hais la violence.

Voilà les petits !

Bonjour.

Je lui ai dit :
"On va les voir arriver."

- On a pensé qu'on pouvait venir.
- Bien sûr.

Il n'y a plus d'électricité.
Tout est cassé... C'est un désastre.

- Ça a été terrible.
- On entendait jusqu'ici.

Viens avec moi voir les lapins.
Tu te rappelles du blanc ?

Bien sûr.

Il y avait de la fumée partout.
Tout le monde se cherchait.

C'était affreux.

Dans la rue, il y avait des gens
coincés sous les ruines

qui criaient, appelaient...

- T'es sorti seul ?
- Tu cherchais papa.

Tu sais
que j'étais avenue des Américains.

Je me suis glissé sous la voiture
que je dépannais.

"Des Américains" ?
Tu les as fait venir ?

Dis pas de bêtises, toi.

C'est dur à comprendre.
Nos alliés qui bombardent Nantes.

Qui détruisent Nantes, plutôt.

Saloperie de Boches.
C'est bien eux qui ont voulu tout ça.

- J'espère qu'on dérange pas trop.
- Mais non. On va se serrer.

Je ne resterai pas longtemps.

Une fois l'électricité rétablie,
j'y retourne.

On ne peut pas laisser
le garage comme ça.

Son phonographe, il ne le lâche pas.

Allô, allô, James !
Quelles nouvelles ?

Absente depuis quinze jours

Au bout du fil
Je vous appelle

Que trouverai-je à mon retour ?

Tout va très bien,
Madame la Marquise

Tout va très bien, tout va très bien

Pourtant, il faut
Il faut que l'on vous dise

On déplore un tout petit rien
Un incident, une bêtise

Allez, entrez.

Jacquot, viens te coucher.
J'ai sommeil, moi.

Tu peux t'endormir tout seul.

Mets-toi dans le lit, mon p'tit.

Ça va, tes pieds, maintenant ?

Oui...

Tu t'habitueras.

Tu finis ton sabot aujourd'hui ?

Non. Pas cette cuillère.

Tiens.

Je t'apprends mon métier,

mais tu feras sûrement pas ça
plus tard.

T'auras mieux à faire.

- Je ferai des décors.
- "Des décors" ?

Des décors de théâtre, cinéma...
Marionnettes.

Marche pas dessus.
C'est le pont de Mauves.

Loupé !

Après toi

Je n'aurai plus d'amour

Après toi

Mon coeur sera fermé pour toujours

Ici bas, rien ne m'attire

Que ton sourire

Ici bas, rien ne m'émeut

Que tes grands yeux si bleus

Tout en moi

T'appartient sans retour

Après toi
Je n'aurai plus d'amour

Allez, assez lu. On rentre.
On échange nos machines, maintenant.

Jean !

1, 2, 3, soleil !

Pierre !

1, 2, 3, soleil !

Jacquot !

Le participe passé employé
avec l'auxiliaire avoir s'accorde

en genre et en nombre
avec son complément

quand celui-ci est placé devant.

Par exemple :
"La bille qu'il a prise est bleue."

Il a pris quoi ? La bille.

Les enfants, écoutez-moi.

Dis donc, ça chauffe, là-haut.

La bille, féminin,
est placée avant le verbe,

on écrit donc "prise"...
- On peut y aller, madame ?

N'ayez pas peur.

Chaque fois que j'hésite
sur un accord de participe passé,

je revois cette classe,
à l'école de Mauves,

et ce parachute qui virevoltait
au-dessus de la Loire.

Voilà un visiteur bien tard.
Entrez !

Un visiteur du soir.

- Bonsoir.
- Notre voisin.

Bonsoir, Henri.

Les Boches
ont fait une descente au café

pour ramasser des jeunes pour la STO.

Ils ont emmené Gaston et Paul.

Les autres jeunes avaient réussi
à se sauver avant.

Les Allemands,
ça les prend d'un coup.

Et Gilles aussi...

Gilles et Dominique
Dominique et Gilles...

Dominique, ils ne l'ont pas emmené.
Ils l'ont pas pris.

Non.
C'est dans Les Visiteurs du soir.

Il n'a que ça dans l'idée :
les films.

Il faut que tu ailles voir les Galon,
les anciennes institutrices.

Elles avaient un projecteur
avec des petits films de Charlot.

Des films courts.

C'est une idée, ça.
Il s'ennuie, le gamin.

Tu feras bien attention.

Régulièrement et doucement.

Pas trop doucement.
Moyennement doucement.

- Tiens, voilà les films.
- Merci.

Au revoir, mon petit.

Au revoir.

Tu nous le ramèneras avant de partir.

Merci beaucoup.

Cette salade à la campagne, Mme Léa,
quel goût !

Nous, on en mange tous les jours.
Et toc !

- Vous êtes contents de les voir ?
- Oui.

Papa m'a donné un cadeau.

Ah ! Les cadeaux, ça marche toujours.

Papa !

- Qu'est-ce qu'on fait ?
- On bouge pas.

Allemands ?

Compagnie, direction nord...

- Ton vélo, tonton Léon.
- Chut... Tais-toi.

Venez. Rentrez, j'ai tout préparé.

Regarde, maman, le projecteur.

Touche pas.
C'est moi, le projectionniste.

Papa, regarde l'écran.

Asseyez-vous sur les rondins.

J'ai déjà vu le film.

- Ça marche pas, ton truc.
- Soyez patients. Ça va s'arranger.

Qu'est-ce qu'ils sont en train
de manger ? Du savon ?

C'est la soupe aux bulles !

Jacquot savourait le plaisir
de son public

comme s'il avait fait le film
lui-même.

C'est en projectionniste ravi

qu'il terminait son séjour
chez le sabotier.

Les bords de Loire
étaient devenus dangereux,

avec les Américains sur une rive,
les Allemands et les FFI sur l'autre.

Il était temps de rentrer à Nantes,

retrouver le sable, le porche,
le garage et les cours.

Quand nous chanterons
Le temps des cerises

Les gais rossignols
Les merles moqueurs

Seront tous en fête

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au coeur

Quand nous chanterons
Le temps des cerises

Sifflera bien mieux le merle moqueur

Mais il est bien court
Le temps des cerises

Où l'on s'en va à deux
Cueillir en rêvant

Des pendants d'oreilles...

Cerises d'amour aux robes vermeilles

Tombant sous la mousse
En gouttes de sang...

Mais il est bien court
Le temps des cerises

Pendants de corail
Qu'on cueille en rêvant

Voilà les Américains !

Il faut qu'il y en ait
pour tout le monde ! Allez !

Vive la France.
Vivre le french wine.

À votre santé !

- What's your name ?
- Reine.

"Reine" ?
That's a pretty name.

On y va ?

C'est du Chopin. J'avais reconnu.

Oh, c'est bien, ici.

Pauvre Chopin.
Il est à toutes les sauces.

Pourtant, c'est beau.

Oui. Mais c'est écrit pour le piano.

Merci.
Bon, je l'emmène.

D'accord.

Ça fait comme une scène
qui se répète.

Les demoiselles Galon me l'ont prêté,
et toi, tu me le donnes.

J'ai pas de mérite. Ça vaut rien.

Mes parents
m'en ont acheté un électrique.

Quand tu en auras marre,
tu me le donneras.

- Je suis comme un cousin poubelle.
- Quel idiot tu fais.

- Allez, salut, vieux.
- Salut.

Où est-ce que je vais mettre
tout ça, moi ?

Mais il faut de la place
pour installer un cinéma.

Tu exagères...

Et il me faut des beaux cartons,
de la colle et des petites lampes.

Tu me donneras de l'argent ?

C'est rigolo, ce Charlot.

C'est pour toi.

Moi, je l'ai vu et revu,
à l'endroit et même à l'envers.

Tu as vu les boudins,
autour de l'écran ?

Comme à l'Olympique.

Il a tout fait lui-même.
À part le rideau, que maman a cousu.

Bon. On boit le café dans mon coin ?
On le laisse ranger.

C'est pas marrant.
J'ai qu'un seul film.

Il faudrait pouvoir effacer celui-là.

- Tu sais, j'y connais rien.
- T'as qu'à m'en acheter d'autres.

C'est pas le moment.

Tu refais ma coque ?

Tu sais, je ne coiffe plus.

Il y a trop,
avec les enfants et le garage.

Je fais même la comptabilité.
Regarde.

Alors, cette coque...

J'ai les cheveux trop longs.
Je n'arrive plus à me coiffer.

Si tu en as marre, on la défait.
En plus, c'est plus la mode.

Tu pourrais avoir les cheveux longs,
comme les Américaines.

Remarque, tu as la tête un peu ronde.

Il faut te grandir la tête
en hauteur.

Et un chignon perché ?

Raymond dit que ça fait gâteau.

Je l'ai vu sur une femme. C'est bien.

Ça marche, la charcuterie ?
Tu es contente ?

À la charcuterie,
j'ai beaucoup de paperasses.

Et ça m'ennuie, tout ça.

- Et Yvon n'est pas là ?
- Non. Il est au sport.

Ah. C'est bon pour la santé.

On y a inscrit Jacquot,
mais il préfère ses films.

Chacun sa passion.

Qu'est-ce que tu fais ?

J'ai une idée.
Je vais faire un film nouveau.

Tu vas nous empoisonner la casserole.

Promets à ta maman
que tu la rinceras bien.

Oh, il est bien.
Marcel Herrand, quel acteur.

Il y en a, du monde.

J'ai déjà envie
de voir la 2e partie.

Moi aussi.

J'aime quand elle lui dit :
"Une lueur. Comme tout le monde."

Et quand elle lui parle de sa mère
qui était blanchisseuse.

C'est une belle histoire d'amour.

Oh là là... C'est un chef-d'oeuvre.

Tu ne vois rien.
Tu vas t'abîmer les yeux.

"Le pont de Mauves."

Ah oui. On reconnaît les croisillons.

C'était dur à dessiner.
C'était minuscule.

Boum !

Boum

Tada-da-da-da
Boum

Mais c'est sérieux.

C'est des actualités
en dessins animés.

C'est bien.

"Les avions s'en vont."

Ça vous a plu ?

C'était très bien.

Ouh ! Des soutiens-gorge.

- Ah, il fonce à la lingerie...
- On regarde. C'est tout.

On a nos raisons.

Ah, elle est propre, la jeunesse.

Je vous laisse.

- Tu te débrouilles pour rentrer ?
- Oui...

Viens voir.

Tu sais, dans cette boutique,
les femmes qui y vont disparaissent.

- Qui te l'a dit ?
- Quelqu'un. Enfin, on me l'a dit.

- Tu crois qu'elles...
- Je sais pas.

- C'est un conte de fée.
- Non. Un drame !

Je crois qu'ils les emmènent.
Ils les vendent dans des harems.

En Argentine.

Oh, des partitions.

Ma tante Nique, elle a le même.

C'est quoi ?
J'aime pas les vieux trucs.

Viens.

Laisse-moi tranquille.
Elle est formidable, cette boutique.

- Bonjour, monsieur.
- Bonjour, jeune homme.

- Vous cherchez quelque chose ?
- Non.

Enfin, si.

Là, c'est quoi cet appareil photo
avec une manivelle ?

Une caméra.
C'est pour faire du film.

De cinéma ?

Non. Du 9,5 mm pour amateurs.

- Et ça marche ?
- Oui. Si on met du film dedans.

C'est ce qu'il me faut.
Je voudrais être amateur.

Mais j'ai pas d'argent.

Tu n'as rien à échanger ?
Des livres, des jeux...

Pourquoi tu vas si vite ?

- Ce qu'il est agité, en ce moment.
- Ça lui passera.

Bonjour, M. Debuisson. Ça va ?

On fait le plein. On bavarde.

Je te cherchais.
Je voulais te dire au revoir.

Je ne voulais pas partir en pensant
que tu étais fâché contre moi.

Donc quand j'ai eu cette caméra,

je ne savais absolument pas
m'en servir.

Et heureusement qu'il y avait
un manuel mode d'emploi.

Je me suis précipité pour apprendre
tous ces termes barbares,

comme "diaphragme",
"pellicule orthochromatique",

"macro",
"filtres", "films vierges"...

Dès que j'ai eu fini,
je me suis dit : "C'est simple.

"Je vais tourner le scénario
qui est dans ce livre,

"L'Aventure de Solange."

Ah. Tu es là.

J'ai appris plein de mots :

sensibilité, diaphragme,
obturateur, ortho, panchro,

profondeur de champ.

C'est bien.
Mais pour moi, c'est du chinois.

C'est quoi ? C'est ça,
qu'on apprend dans ta classe ?

"L'Aventure de Solange.

"Acteurs : Solange, 5 ans,
ses parents, un rôdeur.

Allons.

"Solange, malgré la défense qui
lui en est faite, joue dans la rue.

"Un rôdeur l'entraîne
grâce à des bonbons et l'enlève."

Hé, toi.
Je vais faire un film.

J'ai besoin d'un type comme toi.
Tu peux venir, jeudi ?

- Où ça ?
- Au garage, quai des Tanneurs.

Je vois. Je viendrai.

- Voilà, Mme Demy.
- Merci, M. Didier.

Je rentrerai tard.

C'est pas grave. Ce sera ouvert.

"C'est un gitan qui l'oblige
à danser dans les foires,

"mais sa mère la retrouve
en reconnaissant sa médaille.

"Ce petit film
pour enfants et famille

"plaira plus qu'une simple bobine
présentant une jeune star

"dans des poses diverses."

- C'est ça, qu'on vous apprend ?
- Yvon m'a posé la même question.

- Que fais-tu avec ma fourrure ?
- J'en ai besoin.

Pour quoi faire ?

C'est pour Yvon,
qui jouera la maman de Solange.

C'est le petit frère de René
qui fera Solange.

- Quoi ?
- Trempe pas ça dans ton chocolat.

Pouet-pouet !

Ça ne me plaît pas,
d'être habillé en fille.

- Moi, ça me plaît.
- Le plus important, c'est la robe.

Ton chapeau.

Je vais chez Mme Bredin
chercher ta robe.

- Tiens. Je te l'ai préparée.
- Merci.

- Merci.
- De rien. C'était une robe de Reine.

- Salut, Lorca.
- Salut.

- Bonjour, madame.
- Bonjour.

Vous allez ameuter toute la cour,
avec votre Guignol.

Ferme ta bouche.

Sacré papa...

T'es belle, Yvon.

Sortez.

T'expliques à ta fille Solange
qu'elle ne doit jamais sortir seule.

Maintenant,
vous marchez doucement vers moi.

Ma petite Solange, tu ne dois pas
sortir seule dans la rue.

C'est bon. Ça peut aller.

Bon, Lorca...
Viens. Je vais te placer.

Tu seras bien caché là.

Hé, René.
On fera un plan de face de lui.

Et toi, Solange, tu joues
avec ton ballon, tu le lâches,

et tu tournes à droite.

C'est toi, le voleur d'enfants.
Attends.

"Au bout de quelques instants,
un individu lui offre des bonbons,

"puis l'enroule dans sa cape."

Tu la suis à grands pas.

Et tu lui proposes des bonbons.

Jolie petite fille,
tu veux des bonbons ?

Oui, monsieur.

Ben tu en auras.

Allez ! Mais débats-toi !

"6 mois plus tard..."
T'as envie de vieillir ?

Mais non. C'est pour mon film.

En tout cas, aujourd'hui,
il y a une bonne nouvelle :

l'Allemagne a capitulé.

Je t'explique la danse du ventre.

Tu bouges ton ventre
sans bouger les pieds. Comme ça.

Tu bouges ta tête, aussi.

Viens.
On va répéter avec les autres.

Tiens, René.

Le gitan, mets-toi en place,
prends ton tambour. Et toi, danse.

Accompagne-la au tambour.

Bon, je tourne. Allez-y.

Tape plus fort, Lorca.

L'arrivée de la mère, maintenant.

Alors écoute... Recule.

Après, t'avanceras,

et quand tu vois l'estrade,
tu fais : "Tiens !"

- "Tiens !"
- Mais pas maintenant. Recule.

Quand on tournera.

Reconnais ta fille.

Mais c'est le médaillon de Solange.

Maman...

Qu'est-ce que tu fais ?

Puisque tu veux tout savoir,
j'emballe mes premières images

pour les envoyer au laboratoire
Pathé-baby à Joinville-le-Pont.

Vous n'avez rien ?

Non. Il n'y a rien pour toi,
aujourd'hui, mon petit.

Ce sont tous des as du rodéo

Dans les plaines du Far-West,
quand vient la nuit

Les cow-boys
près du bivouac sont réunis

Ils fredonnent au son de l'harmonica

Une vieille chanson
de leur beau Texas

Sûr que tu vas avoir un beau gilet.

Mais le tricot, que c'est long.
Quelle patience.

Et moi ? Ça fait deux mois
que j'attends mon film !

Comme les labos reprennent juste,
il faut attendre et attendre.

C'est pas marrant. J'en ai marre !

Et c'est toujours pour papa
que tu tricotes des trucs.

Et puis un beau matin,
le film est arrivé.

Quelle joie, quelle excitation.

Je le mets dans mon projecteur
et il n'y avait rien.

Le film était absolument transparent.
Totalement.

J'avais oublié
de régler le diaphragme.

Je me suis dit qu'il fallait
que j'apprenne la technique.

- Que t'arrive-t-il ?
- Je veux faire une école de cinéma.

On va en parler avec le père.

Je sais ce qu'il va dire :

"Mais mon p'tit gars, tu es fou ?
On pense pas au cinéma, à ton âge."

Mon p'tit gars, tu es fou ?
On pense pas au cinéma, à ton âge.

On va t'inscrire
au collège technique.

Tu seras mécanicien.

Je veux aller au lycée
passer mon bachot !

Chic ! Du veau aux pruneaux.

Je veux aller au lycée !

Après le collège, tu auras un métier.
En sortant du lycée, rien !

Tachez de vous appliquer,
ou cette fois...

Vas-y. Tourne.

Si le bouc me cherche encore,
je plaque tout.

- T'iras où ?
- Je m'en fous. En Afrique.

Je ferai prof de mécanique.

C'est ça. Tu plaques Tôle Tout
et tu pars à Tombouctou.

Si je pars, je monte à Paris.

Je travaillerai aux halles
ou comme figurant à l'Opéra.

Ils prennent n'importe qui.

C'est une cliente de ma mère
qui me l'a dit.

On est moins payé que les choristes
et on reste au fond pour faire masse.

Pour faire masse à l'Opéra Garnier.

Je n'enseignerai pas toute ma vie
la danse

À Paris
moi aussi je tenterai ma chance

Pourquoi passer mon temps
à enseigner des pas

Alors que j'ai envie
d'aller à l'Opéra

Nous sommes deux soeurs jumelles
nées sous le signe des gémeaux

Mi fa sol la mi ré

Ré mi fa sol sol sol ré do

Il faut absolument
que je monte à Paris.

Moi aussi, j'irai à Paris.
Mais plus tard.

Mon père veut
que je finisse le collège.

- En attendant, je fais des films.
- Avec ça ?

Justement, je voulais te demander.

J'ai l'idée d'un sujet
et tu serais formidable, dedans.

Tu te fous de moi ?

Ta caméra et toi
êtes trop petits pour moi.

J'ai des projets.
Des grands projets.

Tu te rappelles de ma tante de Rio,
comme elle était coquette ?

Elle faisait des manières,

elle battait des cils,
elle était bien.

- Tu voudrais ce rôle ?
- Elle jouait dans les casinos, non ?

Si. On pourrait faire une scène
dans un casino et tu gagnerais.

Tu veux pas ?

Retourne à tes rêves,
mon p'tit Jacquot.

Moi, j'ai les miens.

- Alors, ça marche, ces projets ?
- Moi, je renonce aux actrices.

Bonjour, Josette.

Je vais faire des dessins animés.
C'est mieux.

Les vedettes sont en carton
dans des décors de carton.

Je te vois venir.
Tu veux des cartons.

- Je peux en prendre ?
- Oui. Bien sûr.

Merci, M. Bonbons.

Tu m'appelleras M. Bonbons
toute ta vie ?

Oui, M. Bonbons.

Je pourrai revenir
pour des cartons ?

Quand tu veux, mon p'tit gars.

Le "p'tit gars" avait un vrai projet
et besoin d'espace.

Il avait repéré le grenier
à côté de la réserve à pneus.

Il en fit son domaine.

Sa nouvelle vie
commençait dans le calme,

loin des bruits du collège technique

et un peu moins près
des bruits du garage.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Une ballerine.

C'est quoi ?

C'est une danseuse.

Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier

Y avait un prisonnier

Il ne voyait personne
Que la fille du geôlier

Avec sa perruque,
on ne la reconnaît pas.

C'est qui ?

Viviane Romance.
Elle a joué dans Carmen.

- Oui, Carmen. On l'avait vu.
- Oui.

- Il doit y avoir de beaux costumes.
- Oui.

En plus, un film
de Marcel L'Herbier.

On sait que c'est bien, avec lui.

Montre-le-moi.
Je comprends rien, quand t'en parles.

Ben, viens. Je vais t'expliquer.

Regarde.

Oh, t'es bien installé.

- Touche pas.
- Ça, c'est quoi ?

Te mets pas à côté de la caméra.
Elle est posée très précisément.

Regarde. Si je veux faire bouger
la petite danseuse.

Je bouge la jambe,
je tourne une image.

Je bouge la jambe,
je tourne une image.

Je bouge la jambe,
je tourne une image.

T'as compris ?

C'est comme un mouvement continu.

Si par exemple on filme mon bras,
tac, tac, tac,

ça donne un mouvement continu.
Bon. T'as compris.

Maintenant, tu descends, car je dois
rester calme et très concentré.

Ça va pas du tout.
C'est flou. Ça a bougé.

Ça va vraiment pas.

Ô Peuple fidèle
Jésus vous appelle

Tu sais, je recommencerai tout,
si j'ai une nouvelle caméra.

Venez triomphants joyeux
Venez en ces lieux

Je suis contente d'être avec toi.

Je suis venu deux fois.

Le marchand a dit
que c'était une bonne occasion.

- C'est là ?
- Oui. C'est celle-là.

Elle est plus fixe.

La remontée mécanique,
c'est autre chose que la manivelle.

Si tu le dis...
Alors, on y va ?

- C'est ton cadeau.
- Heureusement que t'es là.

C'est avec cette caméra,

Ercsam Camex, que j'ai tourné.

Elle marchait image par image.

Les phares de voiture,

c'est pas ce qu'il faut,
pour éclairer un décor.

On est un peu serrés, en ce moment.
Les clients payent en retard.

Ton copain, M. Debuisson,
il me doit 2 mois de garage.

Chut ! Il est là.
Il parle avec maman.

M. Debuisson, bonsoir.

M. Demy, de même.

- Bonsoir, Jacques.
- Bonsoir.

- Ça va, au collège ?
- C'est un collège sans intérêt.

Recommence pas.

Quand on a l'âme d'un artiste,
c'est dur, d'être contrarié.

- Vous verriez le grenier...
- Tu n'y es jamais montée.

Évidemment, j'ai le vertige.

- Et moi, je peux monter ?
- Bien sûr.

Le dessin animé était formidable.

C'est ça que je voudrais faire.

Il me faut du matériel.

Bon Dieu ! On n'aura pas
un dimanche tranquille ?

À chaque fois, ça recommence !

"Je veux pas faire mécano.
Je veux apprendre le cinéma."

On lui a payé une caméra !

Maintenant, il veut des projecteurs,
un pied... Et puis quoi, encore ?

- Calme-toi, Raymond.
- C'est lui qui va se calmer !

Tu es dur avec Jacquot.

Il travaille bien à l'école.
Laisse-le s'amuser.

Une riche étrangère
Voulant revoir Paris

Fit le tour de la Terre
Pour arriver ici

Mais à peine installée
dans notre beau pays

Elle se mit tout à coup
à pousser les hauts cris

Elle avait oublié quelque chose au Chili

Et moi, j'ai oublié quelque chose :
de t'acheter un quatre-quarts.

Tu ne vas pas me distraire
avec un gâteau.

Mais ça n'a jamais fait de mal
aux bougons.

Tu es là, assis depuis une heure,
muet, furieux.

Tu veux savoir ?
Papa m'emmerde.

Ne dis pas ça. C'est un péché.

Et c'est aussi un péché
de faire la gueule.

Mais ris donc, paillasse.

Même si tu n'es pas gai, ris donc.

Demande à ton père de te raconter
ses aventures en arrivant à Nantes.

Il venait tout droit de sa campagne.

Il avait une chambre en ville,

chez la veuve d'un colonel,
une poivrote.

Merci, Guilbaud.

Tenez, prenez un verre avec moi.

Je suis sûre
que ça vous remontera le moral.

Vous avez assez bu comme ça.

Vous ne voulez pas, mon cher ?
Tant pis pour vous.

Mais
vous êtes déjà complètement bourrée.

Votre langage m'amuse, Guilbaud.

"Bourrée",
où allez-vous chercher tout ça ?

Et bien, mon cher, à votre santé.

Vous allez voir
ce que vous allez voir.

Yvon, allume l'écran.

Son père a même accepté
de couper la porte en deux.

- Pourquoi ?
- À cause du bruit du projecteur.

On est les champions
du plus petit cinéma.

Je suis flatté d'avoir été invité.

Mais vous êtes son fournisseur.

Mon fournisseur et ami.

Yvon, éteins la coiffure,
ouvre les rideaux...

Écran.

Musique.

Va rallumer, Yvon.

C'est pas long, mais c'est dansant.

Les marins, c'est marrant.

Viens avec nous.

On va voir Premier de cordée.

La montagne, ça peut attendre.

Mais La Belle et la Bête,
il faut y aller.

- Tu crois ?
- Oui.

Et si t'y vas, j'y retourne avec toi.

Tu veux que je fasse tes pavés,

mais tu veux jamais
que je monte dans ton grenier.

C'est normal.

Demy !
Viens faire notre programme.

Ah oui. Lui, il sait toujours tout.

Alors il faut voir
Untel père et fils.

C'est de Duvivier. C'est bien.

Capri.
C'est avec Darrieux. Ah, Darrieux...

Ah oui. On sait ce que tu en penses.

Fais voir.

Oh, Piaf !

Piaf, j'adore.
Qu'est-ce qu'elle chante bien.

Je suis dans une sombre affaire.

- Laquelle ?
- Je tourne un film.

Une histoire de voleur
qui s'enfuit sur les toits.

Ça s'appellera Attaque nocturne.
J'en aurai pour des mois.

Quatre saisons avaient passé.
Ou plutôt, quelques saisons.

Entre les ajustages et les soudures,

Jacquot avait découvert le classique
grâce à un prof de français.

Il s'était payé ce disque.
Il aimait l'écouter.

Mais il restait fidèle
aux valses musettes

qui allaient avec les personnages
d'Attaque nocturne.

Jacquot avait grandi.
Il avait changé.

Quand il descendait de son grenier
pour manger,

il parlait peu
et sa mère s'inquiétait.

Allez, Yvon. Viens.
Jacquot est descendu.

Son père, lui, quand il montait
chercher un pneu neuf au grenier,

ne regardait jamais la ville
de carton où habitait son fils.

Quant à Yvon,
il devenait sportif.

Jacquot visitait souvent
sa grand-mère

et il allait beaucoup au cinéma.

Sinon, il marchait vers le port,
il tirait sur ses amarres.

Jacquot devenait doucement Jacques.

Et il râlait toujours
contre son école.

J'ai détesté cette école technique.

En tapant sur mon chaudron, j'avais
l'impression de taper sur mon père,

ou de me défouler un petit peu,

parce qu'il fallait absolument
que je m'en sorte.

Et quand je faisais un tenon,
une mortaise,

c'était à Hollywood que je pensais.

Et ça, tu le mets où ?
Au cou du client quand il arrive ?

Allez, recommence !

Oublier la chambre à air
quand on remonte un pneu...

Attends, p'tit. Je vais t'aider.
C'est pas une omelette.

- Mais à quoi tu pensais ?
- À Hollywood, bien sûr.

Tu parles d'un mécano...

Elle était bien roulée,
la p'tite Rita.

C'était la mascotte des GI.
Elle était peinte partout,

même sur la bombe d'Hiroshima,
cette bombe de malheur.

- T'y crois vraiment, à tout ça ?
- Oui. Rita, c'était la bombe.

On va se projeter ce film-là,
et tu vas voir. Je...

Je ne l'ai pas vu depuis longtemps.

Mais enfin, on va regarder
quand même. Alors...

- Tiens...
- Je peux allumer ?

Attends.

Messieurs dames,
par ici, s'il vous plaît.

J'aime bien ce titre :
Le Port de l'angoisse.

Ça, c'est le titre français.

Et la scène de nuit avec Bogart,

quand il va chercher ses clients
sur l'île ?

Oui. Ça, c'est une nuit américaine.

- C'est tourné en plein jour.
- Et le clair de lune ?

Il n'y a pas de clair de lune.

Si tu veux, c'est un reflet de soleil
avec un filtre rouge.

Pour le clair de lune, on a besoin
d'un plein soleil en contre-jour

avec un reflet sur l'eau,
par exemple.

Enfin, une surface brillante.

Et on a besoin aussi de respecter
un angle bien précis entre la caméra,

les personnages en contre-jour
et le soleil.

- Comment tu sais tout ça ?
- Je l'ai appris.

Il en aura besoin pour ce soir ?

Faut voir ça avec le patron.

Reine. Reine.

Ne sors pas comme ça.
Ta robe est trop moulante.

- Au moins, ça se verra.
- C'est malin.

Qu'est-ce que je vais dire
aux gens, moi ?

Quels gens ?
Les amis ? Les voisins ?

- Ne leur raconte pas ma vie.
- Mais tu ne me dis rien.

Invente.
Dis-leur que je vais me marier.

- Ce serait mieux, oui.
- C'est ça. Je vais chercher un mari.

Reine !

- Salut, Reine.
- Ah. Salut.

- Quelle histoire !
- Oui. Tu vois.

- Qu'est-ce que tu vas faire ?
- Moi ? Rien.

Mais maman veut que je me marie.

- Avec qui ?
- Je sais pas.

J'en connais pas pour se marier.

Et toi, t'es bien trop jeune.

- Tu viens au carnaval ?
- Non. Je déteste ça.

Je remonte à l'appartement.

Et toi, t'y vas ?

Pas vraiment. Je vais voir M. Obliji.
Il va me filmer pour les actualités.

- Oui... On dit ça et on va danser.
- Mais non.

Hé ! Reviens quand même
pour le baptême de mon fils !

Je vais juste faire un tour.

Oui. Je l'ai déjà repérée.
Elle tourne autour de nous.

- Comment tu t'appelles ?
- Josiane.

Je trouve ces gens ridicules
Je déteste le carnaval

Ne sois pas amère, ma chérie

C'est fou ce que tu es grosse

Tu le portes devant

Ce sera un garçon
ou alors des jumeaux

Mais non. Tout est normal

L'opérette, ça me rase un peu.

Tu vois tout de la même place.

Au cinéma, t'as l'oeil qui se balade.

Tu vois les visages, les détails...
Le ciné, c'est mieux.

Ah, l'Amérique, l'Amérique...

Je t'en foutrais, moi,
des hélicoptères.

Va donc, eh, yankee !

Papa.

Papa, viens vite.

- Mon prof de dessin est là.
- Attends.

Tu sais, je t'ai dit.
C'est celui qui m'aime bien.

Laisse-moi finir.

Je lui avais demandé
de passer vous voir.

Il parle avec maman.
Viens, toi aussi.

Votre fils n'est pas raisonnable,
de penser au cinéma.

Il bricole là-haut
et j'ai vu des bouts de son film.

- Je crois qu'il est doué.
- Oui.

Mais le cinéma est un milieu à part.
Beaucoup d'appelés et peu d'élus.

Il vaudrait mieux l'aider à perdre
ses illusions. C'est mon conseil.

- Au revoir, madame.
- Au revoir, monsieur.

- Il est parti ?
- Oui. Il avait affaire.

- Un café, Raymond ?
- Oui.

- Il n'a rien dit sur moi ?
- Pas vraiment.

Et toi, tu veux un café ?
Ou un chocolat ?

Pourquoi il est venu, alors ?

Viens.

Il n'y a pas d'amour, Hélène.
Il n'y a que des preuves d'amour.

Si les mystères de la vie

Vous mènent à zéro

N'y pensez pas,
n'y pensez pas, n'y pensez pas trop

Pourquoi, lorsque tombe la pluie
Nous vient-elle d'en haut ?

N'y pensez pas,
n'y pensez pas, n'y pensez pas trop

Pourquoi la lune
a-t-elle une influence

Sur les marées des océans immenses ?

Pourquoi le paon dit-il "Léon"
Le coq "Cocorico" ?

N'y pensez pas,
n'y pensez pas, n'y pensez pas trop

Ça va, aujourd'hui ?

Très bien.

Qu'est-ce que c'est
que cette installation ?

Tu patines dans ton décor ?

Pour faire des mouvements de grue
voluptueux,

j'avais monté cette caméra
sur patin à roulettes.

J'avais une sorte de plan incliné

avec des graduations
en millimètre, en centimètre,

et à chaque image,
je descendais.

Je prenais une image,
je descendais un millimètre ou deux,

je prenais une autre image,
je changeais mon personnage...

Vous, vous lui faites descendre
les escaliers.

Moi, je fais descendre la caméra
image par image.

C'est un essai.
En accéléré, bien sûr.

Si tout va bien,
je devrais finir en gros plan

sur le voleur
se cachant dans l'égout.

Ça devrait marcher.

Mais quand je le ferai...

Il faut une patience infinie,
mais je l'ai toujours eue.

J'arrive, j'arrive !

Vous êtes toujours les premiers.

On ne se voit pas beaucoup.

- C'est que je n'ai pas le temps.
- Je sais. Tu dois finir ton film.

Justement.

Depuis qu'on sort ensemble,
ça n'avance plus.

T'as un peu le profil
de Françoise Christophe.

Je te trouve très mignonne.

C'est bien.

C'était bien, hier soir.

Finalement, tu es content.
Tu apprends un métier.

Ça marche, pour toi, au collège.

Tu fais ton film. Tu es calme.

Tout va bien.

Je suis calme, mais pas content.
Tu comprends rien.

J'ai pas le choix.
Tiens, regarde si je suis calme.

"Le travailleur manuel
n'aura qu'une instruction primaire,

"mais aura toutes les connaissances
de son métier." Ça, c'est important.

"Le travailleur manuel
sera en général robuste,

"avec un corps très développé.

"Deuxièmement,
le travailleur intellectuel,

"par exemple, le bureaucrate,

"se sent engourdi
à la fin de sa journée.

"L'intellectuel ne sera pas aussi
fort que le travailleur manuel."

"En conclusion,

"le travailleur manuel
et le travailleur intellectuel

"sont donc deux travailleurs
différents l'un de l'autre."

Ça, vous l'écrivez.

Je suis à plat.
Comme mes bonshommes.

Depuis que je l'ai fini,
je ne sais plus quoi faire.

J'étais heureux, quand je faisais
mon film. J'étais sûr.

Et il n'y a plus que le collège.

Encore deux, trois mois,
l'examen de sortie, et après...

Je ne suis même plus en colère.
C'est ça qui me fait peur.

T'es fatigué. Ça va passer.

Ce que j'ai vu de ton film
est épatant.

C'est vous qui le dites.
Vous êtes le seul à monter ici.

Il est bien, ton Voleur de sacs.

C'est pas Le Voleur de sacs.
C'est Attaque nocturne.

Je lui avais dit :
"Il faut que je fasse du cinéma,

"parce que je ne peux pas
rester dans ce garage."

Et il m'a dit gentiment :
"Il faut aller voir Fernand Jean,

"au théâtre Apollo, à Nantes,
et on va voir ce qu'il en pense."

Reste confiant.

J'irai parler à ce Fernand Jean.

Je suis donc parti au cinéma Apollo
avec mon appareil de projection

et j'ai montré le film,

dans la cabine de projection
de l'Apollo, au directeur,

qui m'a dit : "C'est très bien.
Il faut faire du cinéma."

Je raconte que mes parents
n'étaient pas d'accord, etc.

Et quelque temps après
vient à Nantes Christian-Jaque,

pour présenter D'homme à hommes,
avec Jean-Louis Barrault.

Tu nous emmènes où, aujourd'hui ?

À l'Apollo.
Ils jouent D'homme à hommes.

Ça vous plaira.

- Ça parle de quoi ?
- Du type qui a fondé la Croix-Rouge.

Et Christian-Jaque
présentera son film.

- On en a vu plusieurs, de lui.
- Il en a fait 40.

Allez, on y va.

Moi, j'y vais en vélo.

Et à l'entracte,

Christian-Jaque a eu la gentillesse
de bien vouloir regarder ce film.

Il le voit, le trouve pas trop mal,

et me dit :
"Il faut faire du cinéma."

Et mon père, effectivement, a dit :

"Si vous croyez que le petit peut
faire quelque chose,

"alors il partira à Paris."

Je partais à Paris
au mois d'octobre suivant.

Coupe.

J'ai d'abord été étudiant de cinéma,

et j'ai été chômeur, puis cinéaste.

J'ai rencontré une cinéaste
et nous avons fait quelques films.

Puis elle m'a donné un bel enfant.

Et puis maintenant,
je fais de la peinture.

Démons et merveilles

Vents et marées

Au loin déjà la mer s'est retirée

Et toi comme une algue

Doucement caressée par le vent

Dans les sables du lit
Tu remues en rêvant

Démons et merveilles
Vents et marées

Au loin déjà la mer s'est retirée

Mais dans tes yeux entrouverts

Deux petites vagues sont restées

Démons et merveilles
Vents et marées

Deux petites larmes

Deux petites vagues pour me noyer

Sous-titrage : Eclair Group