All language subtitles for They_All_Came_Out_to_Montreux.1080.WEB.PS.Episode_3.FR

Rien que le trajet jusqu'au chalet était une aventure.

On monte les petites routes de montagne

et la vue est de plus en plus belle.

Quand on arrive enfin,
c'est comme le paradis.

L'après-midi avant le concert,

il nous invitait à monter dans son chalet

et ce truc est devenu légendaire.

Nous descendons
là où se trouvent les archives de disques

et il a ce grand coffre-fort,

une sorte de truc
qui bouge dans les deux sens.

Il était capable de raconter
ses histoires personnelles.

Le catalogue de vidéos
et d'enregistrements de Claude

devait être l'un des plus grands trésors
de tous les temps.

Ce qui est génial,
c'est l'ouverture d'esprit

jusqu'à la nouvelle génération,

les nouvelles vagues et le punk rock,

tous ces genres différents
de ces vingt dernières années

auxquels Claude était également ouvert.
Incroyable.

Grâce à Claude, nous avons
ces archives remarquables, inestimables.

C'est un cadeau, c'est un cadeau pour nous tous.

Les archives représentent
un passage de la culture musicale,

dont une partie n'existe plus.

Elle n'existe que sur cette cassette.

L'héritage est dans les performances.

En ayant l'audio
et la vidéo du concert,

on peut le partager avec le monde entier.

Le plus difficile était Marvin Gaye
parce qu'il disait :

"Je n'ai jamais fait de télévision en direct
et je n'en ferai jamais".

Et finalement, je lui ai montré
une émission antérieure de Montreux,

de Nina Simone, Aretha Franklin

et il a dit que c'était une super façon
de filmer le concert

et il a signé le contrat.

Claude Nobs avait cette vision
très intéressante dès le début,

disant que ces artistes,

ce sont les Picasso,

ce sont les Shakespeare de la musique

et il faut les préserver

pour les générations à venir.

Donc dès le premier jour du festival,
il a voulu enregistrer

et filmer ces artistes,

pour faire passer le message
dans le monde entier.

Il voulait que les gens aiment
tellement cette musique,

parce qu'il savait

qu'il vivait à une époque particulière
de l'histoire de l'art.

Le simple fait d'être sur cette scène
vous connecte vraiment

littéralement à l'histoire du jazz.

En tant qu'Américain, je pouvais
vraiment me connecter

à toute mon histoire musicale
en étant à Montreux.

Ce festival était si important
en termes d'illustration

d'une ligne de passage.

200 ans, 300 ans dans le futur
ou dans mille ans,

ce sera toujours un peu le Saint Graal
pour les musiciens

et tous ceux qui s'intéressent à la musique.

C'est une collection stupéfiante.
Stupéfiante.

C'est une chose étrange,
la musique est la forme d'art la plus éthérée,

tu ne peux pas la sentir, la goûter,
la voir, tu peux l'entendre

mais dès que tu l'entends, elle disparaît.

D'une certaine manière,
il a réussi à défier ça,

et l'a rendue touchable et permanente.

Un, deux, trois, quatre !

Nous avons eu la chance
d'être très proches de Sony,

et Sony avait développé à l'époque
la télévision haute définition.

Claude disait : "Il vous faut
de meilleures images

que celles que vous montrez,

il faut de la musique en direct".

Et ils ont accepté.

Chez Sony, nous avons pris
la décision de tout enregistrer

pour le 25ème anniversaire
du Festival de Jazz de Montreux.

Nous avons décidé
de faire quelque chose

que les autres n'auraient pas osé faire.

Et beaucoup ont pensé
que c'était une décision folle.

Cependant, Sony et MJF
ont travaillé ensemble

sur un partenariat très fort.

Et ils ont réussi à capturer ce moment magique
des performances live du MJF,

en haute définition pour la première fois

grâce à l'utilisation de technologies de pointe.

Claude a toujours été un fan de la technologie
et un fan des médias,

mais je doute fort qu'il ait pu
brancher un ordinateur

et le faire tourner.

Thierry Amsallem a commencé
à travailler avec Claude

et est vraiment devenu le gardien du royaume.

J'ai rencontré Claude dans les années 80.

La première fois que je l'ai rencontré,
ça a fait de l'électricité !

Et puis je suis parti avec lui
directement à Montreux,

sans brosse à dents.

J'ai passé ma vie d'adulte avec Claude,

et bien sûr tous les musiciens qui l'entouraient.

J'ai compris son message

de partager avec le public

et de préserver cette mémoire.

Il aimait la musique
et j'aimais la technologie.

En 87, le premier travail a été
de construire le bunker, les archives.

J'ai pu acheter à la télévision suisse
l'intégralité des archives

et après ça, avec mon partenaire

nous avons pu garder toutes les cassettes,

qui autrement auraient été simplement perdues,

et donc une énorme partie de l'histoire de la musique
aurait été perdue.

Je suis arrivé à un point où j'ai dit
que ça devait être numérisé.

Il a compris que j'étais capable
d'amener l'ordinateur

dans l'histoire.

Il essayait toujours
d'avoir la meilleure technologie

pour enregistrer.

'68 était en fait en noir et blanc.
Nous avons quelques aperçus de '68.

'69, nous avons Ella Fitzgerald et Les McCann,

nous avons deux grands concerts
bien protégés en noir et blanc.

'71, nous avons commencé en couleur,

et j'ai toutes les émissions importantes.

Aretha, et Roberta, et tous les gars-là.

A partir de là, j'ai tout.

Quand je regarde en arrière

et que je commence à fouiller
dans les archives,

il y a encore pas mal d'années
que je n'ai pas vues.

Je dois revenir en arrière
et voir les cassettes

et voir toutes les surprises,

toutes les jam-sessions,
toutes les choses

dont je ne me souviens même pas.

Mets Dickson, Little Walter,
et Elmore James,

tous ces gars-là à Chicago.

Si tu ne jouais pas comme Muddy Waters
tu ne trouvais pas de boulot.

- Ça, je m'en souviens...
- Ouais, mais tu as changé ça.

- Oui, j'ai changé.
- Parce que tu as fait du rock and roll.

- C'est ça.
- C'était une grosse différence.

Je l'ai changé.
J'ai foutu la trouille à tout le monde.

Je ne peux même pas expliquer
comment je me sens d'être invité à nouveau,

parce que si tu es déjà venu ici avant
et que tu n'es jamais réinvité,

il y a quelque chose que tu n'as pas fait
comme il faut.

J'ai dû jouer les bonnes notes,

et je suis là

alors je dois te le dire.

Claude Nobs n'avait pas peur
de manifester ses visions supérieures,

et certaines réalités physiques tangibles.

Au diable les règles,
c'est le sentiment qui compte.

Certains diraient : "Mais comment
tu peux dire que tu changes chaque année

quand tu as
Herbie Hancock pour la 33ème fois ?"

Pour la simple raison que si tu regardes
ce qu'il a fait

chaque année pendant les 33 dernières années,

chaque fois, c'est avec un musicien différent,

de nouveaux airs, de nouveaux arrangements,

et c'est le moyen parfait de montrer l'évolution

et ce qu'un artiste peut offrir au public.

Les gens, s'ils viennent ici,
ils viennent pour écouter de la musique.

Ici, avec les murs et le fait d'être dans une pièce,

cela te donne une proximité avec l'artiste,
tu vois mieux ce qu'il fait,

et il a aussi un meilleur contact.

Ils doivent sortir de leur zone
de confort technique

et réduire le spectacle.

Ils ne peuvent pas déballer six camions.

Nous avons toujours eu d'excellents groupes

et les artistes étaient heureux.
C'est le plus grand défi.

Ils doivent nous faire confiance,
et ils le font, heureusement.

Oh, c'est tellement beau ces chansons.
Je les aime toutes.

J'aimerais pouvoir jouer
toutes les chansons comme ça.

Ray Charles !

Ray Charles !

Le seul et unique Ray Charles !

J'ai rencontré Quincy par l'intermédiaire
de Nesuhi Ertegun

quand il produisait Donna Summer.

Bien sûr, il savait que je faisais le festival,

que j'avais un groupe de personnes
dont il était très proche,

et un jour il m'a appelé et m'a dit :
"Je suis à Moscou,

je viens de terminer le dernier album
de Michael Jackson.

Je veux venir à Montreux

pour me refaire une santé".

Donc je vais le chercher
à l'aéroport. Nous allons à l'hôtel

et j'avais dans sa chambre une série complète

de cassettes vidéo du précédent Festival de Jazz.

Et il a regardé toutes les cassettes de A à Z.

Puis il a fait des commentaires

et a dit que si un jour j'avais besoin de lui,

il adorerait travailler avec moi.

Nous avons commencé en 1991
une collaboration de 3 ans.

Le rêve de Claude était
de travailler avec Quincy Jones

et quand il a dit oui,
j'ai dû aller le chercher sur la lune !

Quincy était comme le jumeau parfait
pour lui, en quelque sorte.

Leurs nouvelles idées allaient de pair.

Leur volonté de soutenir
tout ce qui pouvait sembler

un peu tiré par les cheveux

ou un peu fou pour d'autres personnes,

ils se lançaient dans l'aventure.

Ils avaient juste de l'amour l'un pour l'autre.

Quand nous étions coproduits
par Quincy Jones en 91, 92 et 93,

Quincy était impliqué dans le rap, le RnB,

et je veux dire qu'être co-produit par Quincy

met toute l'histoire à un autre niveau.

La première année, je suis allé voir
Quincy chez lui, en Californie,

et il co-produisait le festival.

Il avait une grande table
avec un petit bout de papier,

jour par jour, les 1, 2, 3 juillet etc. avec les noms.

Je regarde sur la table

et je vois Sting,

B.B. King, Miles Davis,

et ainsi de suite,
et j'ai dit : "Oh, c'est très bien".

Et il a dit, oui, c'est le programme.

J'ai fait le programme,
maintenant c'est à toi de l'assembler.

L'un des grands moments
était un concert avec Miles Davis

faisant l'arrangement de Gil Evans

qu'il avait refusé de faire
pendant de nombreuses années,

parce qu'il disait :
"Je ne veux pas faire les vieux trucs,

je ne joue que mes nouveaux trucs".

Et Quincy a dit qu'on devait
demander à Miles de le faire,

donc on est allés voir Miles
à New York.

On a eu cette réunion dans sa maison.

Quincy lui a donné la liste des chansons.
Miles a dit à Quincy :

"Ca va être incroyablement cher".

Et Quincy a dit : " Pourquoi ? Tout est écrit,
chaque note est écrite".

Et Miles a dit : "Ouais c'est pour ça,
je dois jouer chaque note !".

Tu as besoin de moi pour tes habits, Claude ?

Ah non, je crois que tout est presque prêt.

Et je pense qu'il y a un gilet avec...

Tu en as fait assez, Claude, allez, maintenant.
Tu me fais me sentir mal.

Non, mais je me sens bien, je peux partager, tu sais ?
J'en ai trop.

Mais c'est bien, non ?
C'est un autre genre de coupe.

Elle a une belle épaule.

C'est vraiment bien. Vraiment bien.

Si j'étais au coin d'une rue
et que tu étais une femme,

est-ce que tu t'arrêterais ?

- Vous le feriez ?
- Je le ferais.

Quincy Jones vient et apporte
des tonnes de nouveaux artistes

que personne ne connaissait.

De nouveaux sons.

Le spectre de Quincy, d'Ella Fitzgerald
à Michael Jackson,

le hip hop et tout ce qui est si extraordinaire.

Nous avons perdu de l'argent sur toutes ces choses,

mais à la fin, ça a donné un nouveau souffle
au Montreux Jazz Festival.

Tout à coup, Sting a dit

qu'il voulait faire un projet spécial acoustique,

mais il ne pouvait jouer qu'un jour.

C'était deux jours
avant l'ouverture officielle du festival,

donc nous avons du remplir ses autres jours

et d'une manière ou d'une autre,
à cause du projet Quincy, je pense...

nous avons eu 21 jours de festival.

Pleine puissance.

Les années Quincy Jones
étaient évidemment très prestigieuses

mais elles ont aussi mis le Festival de Montreux

dans de gros problèmes financiers,

en dépensant beaucoup plus d'argent
qu'il n'en gagnait.

Cela a permis à Claude de sortir du rouge
et d'aller dans le noir,

et il a dû faire d'énormes changements.

L'économie qui va avec le festival
a évolué avec le temps

et le nouveau site du festival au Stravinski Hall
en faisait partie.

Quand c'est aussi grand,

c'est difficile pour un seul homme
de tout contrôler.

Pour faire fonctionner la salle, il faut des gens,

et il faut beaucoup de monde.

Quand j'ai commencé en 1967,
il y avait deux ou trois amis avec moi.

Je faisais la cuisine
et faisais venir les gens à l'aéroport,

en essayant de réparer les lumières, le micro,
tout allait de travers.

Tout était en retard.

Il était l'un des meilleurs promoteurs en Europe.

Et le rêve commence à perdre toute réalité.

Il n'aurait jamais accepté le changement.

Je veux dire qu'il était très têtu.

Quand il voulait quelque chose,
il n'écoutait personne.

Il a commencé quelque chose

qu'il ne pouvait pas encore contrôler.

Désolé de le dire,
mais c'est aussi en partie la faute de Claude Nobs.

Il fait partie de cette entreprise.

Je savais qu'il était frustré

de la façon dont l'industrie de la musique changeait.

Surtout le facteur humain de l'industrie musicale

pour lequel il se battait.

Le lien avec l'art de faire de la grande musique,

en parlant du genre de concert que nous pouvions créer

et qui pourrait être totalement différent
de tous les autres concerts.

Il savait que le monde était en train de changer,

c'était quelque chose de très douloureux pour Claude.

C'était sa vie.

La passion pour les musiciens,
l'amour qu'il a pour le musicien.

J'ai toujours dit,
j'ai travaillé 35 ans pour une maison de disques,

dont la moitié dans le domaine
de la musique d'expression,

la musique était le mot important.

Et puis les affaires sont devenues le mot important.

Et quand les avocats sont arrivés,

nous avons eu des situations où j'ai pensé,

Dieu merci, Claude n'est pas là pour voir ça.

Ca lui aurait brisé le cœur.

Il ne l'aurait pas compris.

Tous les secteurs s'étaient professionnalisés,

comme les tournées, les agences, le sponsoring.

Avant, on disait juste au magasin
de musique d'à côté :

"Avez-vous des tambours à nous prêter ?

Et vous aurez une demi-page
dans le programme en échange".

C'était aussi simple que ça.

L'évolution a fait qu'il fallait
plus de monde tout d'un coup.

Trois, quatre !

L'âge d'or a changé
quand les maisons de disques

ont mal évalué l'influence d'Internet,
et ne l'ont pas comprise.

Elles l'ont combattue au lieu de l'utiliser.

C'est donc là que le paiement
et les enregistrements

ont cessé d'être la principale source de revenus
pour les artistes.

Et ça a changé vis-à-vis du business des tournées.

Bien sûr, pour que ce soit viable,

il faut avoir un programme
de tournées beaucoup plus lourd.

Ce n'était pas son style

parce qu'il avait besoin
que les musiciens aient du temps

pour faire des projets spéciaux

et d'immobiliser une tournée entière maintenant,
c'est trop coûteux.

Ils n'ont pas le temps,
ils doivent jouer presque tous les jours

pour ramener de l'argent à la maison.

Avant qu'un artiste ait vraiment de l'argent
sur son compte en banque,

il doit payer un grand nombre de personnes.

Des agents et des managers.

Il y a tous ces coûts qui sont déduits,

et ce n'est pas si facile
de gagner sa vie en étant en tournée.

Tout le monde n'y arrive pas, en fait.

Nous nous limitons à 3 groupes par soirée

pour qu'ils aient plus de temps.

Et vous avez de nouveau un événement musical fantastique.

Aidez-moi.

Merci.

Suisse.

Merci.

Eh bien, je veux juste vous dire

combien je suis excitée et heureuse
d'être ici avec vous ce soir.

Je veux donc vous remercier
de me recevoir

au Montreux parce que
c'est quelque chose

qui est vraiment historique pour moi

et certains de mes artistes préférés
de tous les temps ont joué ici,

et je suis très honorée
de jouer ici avec vous ce soir.

Merci.

Maintenant, bien sûr,
j'ai une super équipe avec moi,

principalement avec Mathieu Jaton,

qui est le secrétaire général.

Il pourrait prendre la relève en une minute,

il connaît la musique,
il connaît les gens,

il les aime,
il a une connexion

et il me donne carte blanche
pour faire beaucoup de projets fous.

En tant qu'ancien cuisinier,
je vais rajouter des épices

et mettre un peu plus de poivre...

et en faire un grand repas.

Nous savions que les changements
dans cette organisation

étaient assez difficiles pour Claude

et nous avions l'impression
qu'il a même réussi à s'en sortir

de la meilleure façon qu'il voulait.

Parce qu'il disait toujours :
"Je ne veux pas être en mauvaise posture,

je veux juste m'en sortir comme ça".

À l'époque, il était au sommet du monde.

Nous sommes rentrés à la maison à minuit
et il m'a dit :

"Je vais promener les chiens,
viens avec moi,

on va le faire en ski de fond".

Et j'ai dit : "Claude, c'est trop tard pour moi.
J'ai besoin de dormir".

C'est arrivé dans la nuit.

Claude Nobs est dans le coma.
La nouvelle a été annoncée aujourd'hui.

Le fondateur du Montreux Jazz Festival

a été victime d'une chute le 24 décembre,

lors d'une excursion à ski de fond
non loin de chez lui.

Lorsque j'ai eu l'information le 23 décembre

que Claude avait eu un accident
de ski à la montagne,

et qu'il était dans le coma,

on a compris assez vite
que c'était très grave.

Même en sortant de son coma,
sa condition serait très, très mauvaise.

J'ai vu ce message de Mathieu :
"S'il te plaît, appelle-moi,

c'est à propos de Claude".

Je l'ai appelé et il m'a raconté ce qui s'était passé

et qu'il était à l'hôpital, inconscient.

Certains agents étaient des amis de Claude.

Je les avais déjà avertis que Claude
avait eu un accident

et que ça avait l'air mauvais.

Ce qui a été un choc pour nous tous.

Je veux dire, comment c'était possible ?

Il était là hier.

C'était une période difficile pour tout le monde.

Nous allions lui rendre visite tous les deux jours
aux soins intensifs,

nous avons essayé de lui parler et de le réveiller,

de faire aboyer les chiens au téléphone,
de mettre de la musique,

pour voir si quelque chose se réveillait.

Mais le pronostic était très mauvais,
selon les médecins.

Et puis...

Au début de l'année, le 10 janvier,

Thierry a pris la décision la plus difficile,
que c'était fini.

Claude est décédé.

Tu sais, je veux dire,
tu perds quelqu'un que tu aimes, c'est...

Il y a toujours comme un petit trou
dans ton coeur

où cette personne était.

Et ils sont toujours là,
mais vous ne les voyez plus,

car une partie de vous est enterrée avec eux
quand ils s'en vont.

Et c'est comme ça avec Claude.

Nous avons perdu des ailes.
Une grande paire d'ailes.

Des ailes d'aspiration et d'imagination.

Nous avons perdu un grand général
qui commandait en douceur,

avec grâce et humilité,

et plaisir.

C'est un artiste d'une autre envergure.

Pour moi, il était Merlin.

Comme Merlin.

J'aurais compris très clairement
que tout son réseau dise : "Ok,

nous avons aimé Claude,
on vous aime tous les gars.

Merci beaucoup pour le temps
que nous avons passé ensemble,

mais c'est fini".

J'aurais pu le comprendre,
mais cela n'a pas été le cas.

Tous ses contacts m'ont appelé pour me dire

que maintenant que Claude est décédé,

nous devons vous aider à poursuivre
l'héritage de Claude.

Tout à coup, j'ai reçu un appel de l'agent de Prince.

Seriez-vous intéressée par la venue de Prince ?

Et donc j'ai proposé trois dates ouvertes.
"En voulez-vous une ou deux ?

On peut en avoir trois ?".

Cela a fait de ce premier festival
sans la présence physique de Claude

un évènement exceptionnel.

Je ne peux pas dire
que je le connaissais bien mais...

dans ma chambre, il y avait 4 livres de tous les gens

qui ont joué au Festival de Jazz de Montreux.

Et je pense que j'ai reconnu chacun d'entre eux.

Donc ça doit avoir un rapport avec son fondateur,

l'homme qui a mis cela en place

et l'a gardé tout ce temps.

Beaucoup de musiciens ont hâte de jouer ici.
Je sais que c'était mon cas.

Les musiciens que vous avez vus
ce soir sur scène...

J'ai un souvenir que je n'oublierai jamais.

C'est tout ce que je vais dire sur ça.

Mais j'ai encore une chose
que je veux dire, d'accord ?

J'embrasse Claude,
je vous embrasse. Merci.

Les gens disent toujours :
"Comment peut-on tromper la mort

et ne pas mourir en vrai ?".

Et je pense qu'il a trompé la mort,

parce que si tu fais attention,
tu peux entendre sa voix tout autour,

tu peux voir sa façon de faire.

Et cela vient du fait que tu sais

que tu crées quelque chose d'infini

et qu'il ne s'agit pas de toi,
mais des gens.

Ils sont tous de couleur différente,
d'âge différent,

de religion différente,

et ça semble fonctionner.

J'ai essayé de découvrir

comment cela peut aider à nous ouvrir
à la paix et à l'amour.

Le festival devrait être
quelque chose de joyeux

et qui rassemble les gens.

Partout où on va, il y a
une conscience de Claude Nobs,

sa conscience est ici.

Ce ne serait pas ce que c'est
sans sa vision,

sans son cœur.

Son cœur me manque.

Il a toujours été l'esprit constant du festival.

Je ne pense pas que cela va changer.

Je pense qu'il est toujours et sera toujours

l'esprit permanent du Montreux Jazz Festival.

C'est triste de ne pas pouvoir
lui serrer la main

et l'embrasser.

Mais il est tout autour,
je peux le dire.

C'était le père de ce truc.

Avec Claude Nobs, il nous manque
un grand missionnaire pour la cause,

qu'est-ce qu'on peut faire d'autre
que de le transmettre.

Et c'est ce que nous faisons.

Et c'est ce que Claude a fait.
Il l'a transmis.

Il a vécu sa vie pour ce festival.

Son cœur est là.
Et il bat.

De super, super souvenirs, mec.

Tout ce que nous pouvons faire,

c'est d'essayer de prendre soin
de son héritage comme d'un bébé.

Tant de bons moments,
tant de beaux souvenirs.

Et ils ne disparaissent jamais.

C'est de l'amour.

C'est une énorme pression
d'avoir l'héritage de Claude dans vos mains.

Thierry a l'autre partie de l'héritage.

J'ai décidé que cette archive
devait être une archive active.

La numérisation est maintenant terminée.

14 ans plus tard,

la fin de ma mission,
mais le début de la prochaine.

Pour préserver ça pour des milliers d'années.

Ce sera une ressource pour la recherche,
la culture et l'éducation.

C'est mon devoir.

Pour l'histoire de la musique,

c'est définitivement quelque chose d'unique,

et, pour moi, peut-être
la plus grande récompense

après avoir fait le festival pendant 42 ans.

Il a vu Montreux exploser.

Et il est allé bien au-delà de cette vision,

mais cette vision qu'il avait,

c'est ce qui maintient Montreux
en vie aujourd'hui.

C'est un endroit spécial
pour les artistes, Montreux.

Et ils continuent à y croire.

L'héritage de Claude Nobs
est inscrit dans l'histoire.