All language subtitles for My Fre

[téléphone sonne]

[opératrice] Police secours ?

[policier 1] Vous pouvez dépêcher
les SP rue du Tilleul ?

On a découvert l'individu bâillonné
au niveau du…

donc pieds et mains liés
et du scotch au niveau du visage

La tête complètement… défoncée.

[opératrice]
La personne est consciente ?

[policier 2]
Pour l'instant, elle est consciente,

mais elle est pas en bon état.

Il dit qu'il a été enlevé en Allemagne.

[commissaire]
Il est recherché pour homicide volontaire.

- [policier 1] Homicide volontaire ?
- [commissaire] Depuis un moment déjà.

[journaliste] C'est une affaire
vieille de presque trente ans,

Une jeune Française de 14 ans,
Kalinka, tuée dans les années 80;

elle vient de connaître
un rebondissement incroyable.

[homme avec un accent]
Un père qui a fait le combat.

C'est un père qui a arrêté jamais.

Il sait où habite le tueur de sa fille.

Ah, j'ai eu un plan de lui aider.

Direct.

Qu'est-ce que tu vas faire ?

Qu'est-ce que tu fais comme un père ?

Qu'est-ce que tu es capable de faire
pour ton enfant ?

[musique intense]

[la musique s'atténue]

[musique intriguante]

[musique inquiétante]

[téléphone sonne]

[femme en allemand] Il était très tôt.

[sonnerie de téléophone]

La ligne d'urgence a sonné.

J'ai décroché.

Il a signalé une personne inconsciente
et donné l'adresse.

[sirènes d'ambulance]

J'ai immédiatement pensé :

"Ça ne peut quand même pas
être chez Krombach."

Il est lui-même médecin.
Pourquoi devrions-nous venir ?

[sirènes d'ambulance]

Il est sorti en disant…

Dès qu'il est sorti…
"Je pense que c'était déjà trop tard."

Il nous a emmenés dans la chambre.

La fille gisait là, morte.

Kalinka, sa belle-fille.

Il était à la fois agité et calme.

Par contre, la mère pleurait.

Elle était totalement dévastée.

Une pensée m'a traversé l'esprit.
Son corps était déjà très raide.

En sortant, j'ai remarqué

que la jeune femme avait
un cathéter dans le bras.

J'ai demandé à Krombach
ce qu'il lui avait injecté.

Il m'a répondu que c'était du calcium.
Il avait pensé que ça pouvait aider.

"Elle est restée
toute la journée au soleil."

Il n'avait qu'une seule hypothèse.

Elle était morte à cause de la chaleur.

C'est ce qu'il a dit.

Une affaire tragique.

Ça a continué à me tourmenter.

Je voulais savoir
de quoi elle était morte.

Ce n'était pas une mort naturelle.

Je pensais que quelque chose clochait.

[sonnerie de téléphone]

[homme en français] Le 10 juillet 1982,

dans la matinée, la maman m'a téléphoné

pour m'apprendre brutalement,
la mort de Kalinka.

Elle m'annonce que Kalinka a pu avoir
un choc à la suite d'une insolation…

J'étais complètement abattu,
j'étais effaré…

[vrombissement de moteur]

En Allemagne,
j'y suis arrivé dans la nuit.

Le lendemain, je suis allé
avec ma voiture à l'hôpital.

[musique mélancolique]

Je vois le visage de Kalinka.

Kalinka était adorable, c'était le…

le chouchou des parents, euh…

Vraiment très… très agréable.

Dès son plus jeune âge,
elle était souriante.

Kalinka,

c'est une fleur

des forêts des bois de Mazurie.

Bon, en polonais aussi, c'est…

c'est un mot qui sonne,

c'est-à-dire qui est musical.

J'ai fait des prières

pour le repos de son âme et…

Et je suis reparti.

Et puis le lendemain, chez la maman,

je suis allé voir Nicolas,

qui n'avait que
entre 11 et 12 ans à l'époque.

C'est lui m'a dit que…

Ils avaient passé
la journée normalement…

Kalinka n'était pas fatiguée outre mesure.

Et, ce n'est que par la suite
que j'ai commencé à…

J'ai commencé à sentir si vous voulez
des choses qui n'allaient pas.

Le décès d'une jeune fille
en pleine santé,

en pleine forme physique…

Je comprenais pas.

J'ai cherché à comprendre
cette insolation.

Lindau, c'était ensoleillé
et il faisait chaud, il faisait 29/30,

mais,

disons, par rapport à Toulouse
c'était pas des grandes chaleurs.

C'était effectivement difficile,

de croire certaines choses.

[chants des oiseaux]

La maman m'a proposé
de l'enterrer plutôt à Pechbusque.

Je pense que ça devait être
le jour de l'enterrement

qu'il y a eu des rumeurs

que peut-être Kalinka
est décédée d'une drogue.

[musique mélancolique]

[femme] Je suis Élisabeth Aragon,
voisine d'André Bamberski.

On l'a salué au cimetière.

C'est tout ce qu'on a pu faire.

J'en ai parlé avec mes voisines
qui m'ont dit :

"On dit qu'elle serait morte

"d'une piqûre

"que son beau-père lui avait faite
pour la faire bronzer."

C'est ça l'explication
qu'on m'a donnée à cette époque.

[M. Bamberski] Une piqûre intraveineuse
pour la faire bronzer…

[réalisateur] Ça vous heurte ces rumeurs ?

Oui, ça me heurte, mais bon,

comme y'avait eu une autopsie,

je pense que c'est au moment du départ
que j'ai demandé à la maman

qu'elle me communique
la copie du rapport d'autopsie.

Peut-être une semaine
ou deux semaines après,

disons, j'ai un peu explosé,

je me suis mis en colère de ne pas encore
avoir reçu ce fameux rapport d'autopsie.

[réalisateur] À quel moment
vous soupçonnez Monsieur Krombach ?

Dès début octobre 1982.

Quand j'ai lu le rapport d'autopsie…

Quand je l'obtiens, bon,
comme c'était tout en allemand,

donc je l'ai fait traduire.

Il était mentionné

qu'il y avait 400 cl
de la nourriture du soir de Kalinka

qui est remontée de l'estomac
dans sa trachée.

Et elle est descendue dans les poumons,
et elle s'est asphyxiée.

Même moi-même qui n'y connaissait rien

sur les aspects médicaux,
ni sur les autopsies,

ben, rien qu'en le lisant,

pour moi, il est évident
que Kalinka est morte d'une régurgitation,

et non pas d'une insolation.

Mais les deux médecins légistes

ont refusé de préciser
la cause de la mort par écrit…

J'ai voulu éclaircir les choses
avec la maman.

Elle m'a dit à moi qu'elle n'avait pas lu
le rapport d'autopsie…

Pourquoi ?

Y'avait aussi toutes ces anomalies…

Y'a des anomalies sexuelles.

C'est-à-dire, les anomalies évidentes
pour le commun des mortels :

blessure à la lèvre droite de la vulve.

Défaut de savoir s'il y avait eu
un rapport sexuel avant la mort ou pas.

Pour moi c'était quelque chose
d'évident donc, j'étais sûr.

"Y'a vraiment
quelque chose qui ne va pas."

[cloche]

[homme] Alexandre Parra Bruguière,
je suis intervenu

en tant qu'avocat
dans cette affaire en 2010.

Quand la maman de Kalinka Bamberski

m'a saisi
pour me constituer partie civile.

Au moment des obsèques déjà, elle sentait

qu'il y avait une volonté
de la part de M. Bamberski

quasiment de la faire passer
pour la complice du meurtre de sa fille.

Parce que lui veut à tout prix savoir
ce qui s'est passé, et,

elle, elle se contente
de la version de Krombach.

Mme Gonnin n'y connaît rien en médecine
elle est mariée avec un médecin.

Elle va prendre pour acquises
les explications de Dieter Krombach.

Elle a aucun doute
sur une origine criminelle,

bien entendu.

[M. Bamberski] Le commissaire lui a posé
cinq questions par téléphone…

Que M. Krombach a notées et auxquelles
il a répondu par écrit de chez lui.

Y'a même pas eu d'enquête !

Krombach n'a même jamais été convoqué

pour être interrogé verbalement.

Il écrit : "J'ai d'abord préparé
250 mg de Solu Decortin,

pour combattre l'état de choc."

"J'ai également essayé de faire
des injections dans le cœur."

J'ai voulu des précisions
sur ce qui s'est réellement passé.

Donc, on a fait un recours

jusqu'au Parquet Général de Munich.

[homme en allemand]
Je m'appelle Wolfgang Eisenmenger.

À l'institut de Munich,

nous avons reçu un échantillon de peau,

situé sur le bras,
à l'endroit de l'injection.

Et au niveau de la toxicologie,
aucune substance

qui aurait pu causer la mort
n'a été détectée.

[réalisatrice]
Que pensez-vous des substances

que le Dr Krombach a injectées à Kalinka
pour la ranimer ?

Pour un médecin,
il faut dire que c'est plutôt…

inhabituel
de faire ce genre de déclaration.

Lors de son interrogatoire,
le Dr Krombach a affirmé

que le matin, il avait trouvé la fille
déjà froide et raide dans son lit.

Quand on remarque
que le corps est déjà rigide,

c'est totalement absurde
d'essayer de ranimer la personne.

Quelque chose cloche,
cet homme ne dit pas la vérité.

Mais en ce qui concerne
la cause de la mort,

cela ne nous a rien appris.

Cela ne suffit pas à prouver un meurtre.

À prouver un meurtre volontaire.

C'est une question de crédibilité

et d'expertise juridique.

[musique douce]

[femme en français] Je m'appelle
Patricia Jolly, je suis journaliste.

Avant la mort de Kalinka,

la famille Krombach est
une famille recomposée,

où tout a l'air d'aller très bien.

Kalinka Bamberski et son frère Nicolas

Son fils Boris et Diana sa fille.

Krombach, sa première femme,
elle est décédée à l'âge de 24 ans.

La maman de Kalinka
ne parlait pas allemand,

elle avait placé visiblement une énorme
confiance en Dieter Krombach.

Elle est convaincue qu'il a rien fait.

Elle dit que c'était un bon père

et qu'elle a jamais surpris
un geste déplacé ou quoi que ce soit

vis-à-vis de sa fille.

Dieter Krombach est… Il est sympa.
Il est… Il rit.

Il respire la joie de vivre.

Et puis euh, la justice allemande
ne s'en saisit pas…

Le beau médecin en blouse blanche euh…

Peu de gens déjà discutent
avec des médecins…

Et M. Bamberski est expert comptable,

c'est un homme très sérieux,
assez austère.

Il a vécu une trahison,
sa femme l'a quitté.

Elle divorce de M. Bamberski.

André Bamberski va toujours
au bout des choses.

Tout devient une obsession.

Il faut que les choses soient bien faites,
bien rangées bien carrées.

Cette constance, cette ténacité,
et jusqu'à l'obsession.

[cliquetis de la machine à écrire]

[M. Bamberski] Juin 83,
j'ai fait une lettre au procureur

pour lui demander quelle était
la suite de ces investigations…

Et, bon, euh, il nous a répondu

que Kalinka était décédée
d'une mort naturelle

et que aucune investigation
complémentaire n'était nécessaire.

Sous-entendu :
"Circulez, y'a rien à voir."

Alors là je, je le vis très mal.

Je rédige un tract.

J'en fais 5 000 exemplaires.

[vrombissement]

Et je me rends à Lindau.

Mon objectif, c'était de rendre publique.

C'était le jour de la fête de la bière.

Disons, y'avait beaucoup de gens
dans la rue,

30,000 ou 50,000 personnes.

Et donc, je distribue ces tracts.

Je vous lis quelques passages :

"Vous devez savoir
qu'un criminel vit à Lindau."

"C'est le docteur
en médecine interniste Krombach"

"Il a tué ma splendide fille Kalinka."

"De plus, malgré les allusions
dans les rapports médicaux"

"au sujet d'un acte sexuel,"

"cette question n'est même pas abordée.
Pourquoi ?"

"Je demande donc publiquement
que finalement, justice soit faite."

J'allais aussi aux terrasses,
des cafés, dans les magasins

à tous les gens qui, qui étaient présents.

Et, Diana donc, la fille de Krombach,

elle est venue avec des policiers

pour m'arrêter.

Donc on, on m'a arrêté,
on m'a mis en garde à vue.

On m'a questionné.
Au bout du compte, ils m'ont relâché.

Il était certain
que Krombach avait tué Kalinka.

Il était certain que…
Je ne lâcherais pas prise.

[musique douce]

Pour moi, dès le départ,

il était présent à l'autopsie,

ce qui est aussi une irrégularité!

[homme] Je m'appelle Yves Levano,
je suis avocat au barreau de Paris.

Dieter Krombach a besoin d'un avocat
français qui parle bien Allemand.

Pour M. Krombach, M. Bamberski est fou.

Y'a pas d'autre mot, c'est le fou.

M. Krombach n'a pas assisté à l'autopsie.

Il est allé pour reconnaître
le corps de Kalinka.

Et ensuite, il a quitté la salle.

L'autopsiste dit :

"Vous imaginez bien qu'on a vérifié"

"les traces de violences sexuelles."

"On n'en a pas vu."

[réalisateur] Y'a une lésion
à la lèvre supérieure qui est notée ?

[M. Levano] Exactement. Et donc,

les pompes funèbres habillent
le corps, nettoient le corps,

donc abîment aussi ce corps,
en faisant ça.

Au mois de juillet, il faisait très chaud,
le corps était vraiment très fragile,

la décomposition extrêmement avancée.

Voilà.

[M. Bamberski] Les deux médecins légistes

ont entièrement prélevé les parties
génitales du corps de Kalinka.

Alors, l'anomalie, c'est que,

par la suite,

on ne sait pas…

Il n'est pas écrit, dans le rapport
d'autopsie, ce qu'ils en ont fait.

Je, voilà… J'ai pas la réponse.

Mais encore une fois,
si on est en train de te dire :

"M. Krombach a fait
disparaître ces choses-là."

Il faut qu'on dise :

"M. Krombach a un, deux,
trois, quatre, cinq complices."

[musique guillerette]

[Mme Mayer] Lindau est un lieu de repos.

C'est une jolie ville.

Elle accueille énormément de touristes.

Krombach…

Il tenait un cabinet réputé.

Il y avait toujours du monde.

Je suis restée sa patiente,

parce que je n'avais aucune raison
de partir.

Je ne savais pas
pourquoi elle était morte.

Je l'ignorais.

Et c'était un bon médecin.

Il faisait des diagnostics précis.

La bonne blague,
je n'ai pas de reproche à lui faire.

Et la mère était quelqu'un
de calme et de très attentionné.

La gentillesse incarnée, je pourrais dire.

[Maître Parra Bruguière] Elle perd
physiquement la présence de sa fille,

et elle va apprendre que M. Bamberski,

et bien soupçonne…
plus que soupçonne son mari

celui qu'elle elle ne soupçonne pas,

d'être le meurtrier de sa fille,

et elle-même d'en être le complice.

Je pensais, et je l'écrivais,

que soit elle avait participé aux actes

qui ont entraîné la mort de Kalinka, ou

elle n'a jamais cherché
de se poser la question :

Comment Kalinka était morte ?

Ni de quelle façon.

[réalisateur] C'est conflictuel
entre elle et M. Bamberski…

- Oui.
- … le divorce ?

Oui. Ouais ouais,
c'est un divorce qui est conflictuel

et donc euh, tout ce qui viendra
de lui, de M. Bamberski,

sera purement et simplement rejeté.

[musique douce]

[Bamberski] Ben, j'ai rencontré Danielle
dans une crêperie de Casablanca.

C'était en 65, elle avait
à peine 20 ans quoi.

Dany était une jolie jeune fille,
grande, blonde, agréable.

Nous nous sommes mariés un an après.

Et un an et demi après, est née Kalinka.

Et quand Nicolas est né,
c'était déjà la grande sœur.

La fracture a commencé

disons début, début 1974.

Y'avait des disques allemands,

y'avait des livres
pour apprendre l'allemand.

J'ai commencé à avoir des soupçons.

C'est moi qui ai fait la liaison

entre ça et le docteur Krombach.

Qui était voisin à trois maisons près.

Elle m'a dit carrément
que c'était son amant et donc euh…

Ben, c'est à ce moment-là qu'on a décidé

qu'on allait rentrer en France.

Je pensais que… On repartait de zéro.

Pour moi, la vie a repris normalement,
jusque un an après,

prétendument
elle a trouvé un travail à Nice.

En fait, que Krombach était…

était venu à Toulouse.

Euh, je l'ai suivie et puis euh…

Je me suis rendu compte

que pendant la semaine
au lieu d'aller à Nice,

elle vivait avec lui…
Dans, dans cet appartement.

C'est moi qui ai demandé le divorce.

Il y a en quelque sorte une forme de…
de volonté de vengeance

par rapport à tout ce qui avait pu
se passer justement auparavant.

Vengeance vis-à-vis de Krombach,

et vengeance vis-à-vis d'elle.

Qui faisait que chez elle,

on était presque, limite dans une paranoïa
de tout ce qui venait de M. Bamberski.

[cliquetis de la machine à écrire]

[homme] Je m'appelle Philippe Motta.

Je suis journaliste à Toulouse
depuis 30 ans à peu près.

J'ai rencontré André Bamberski en 85.

J'y suis allé en me demandant,

comme on dit en France,
si c'est du lard ou du cochon.

Voilà, si c'est bien, si c'est pas bien.

[sonnette]

Et la première des choses qui m'étonne…

Il a une pile de dossiers…

Tout ce qui s'est passé, ce qu'il pense…

[musique intriguante]

[M. Bamberski] Avec tout ce que j'ai vécu,

moi je ne fais confiance à personne.

Ne me demandez pas
de vous faire confiance.

[musique intriguante]

Je note tout.

[M. Motta] Il faut bien dire quand même,

il a tellement de talent
pour la compliquer lui-même…

On est trois ans après les faits,

et il me demande
de m'intéresser à sa cause.

Et on a fait un papier quoi,

et je pense que ça a été le premier papier
qui a été écrit sur cette histoire.

C'est pas forcément très bien écrit,
mais enfin, y'avait deux grandes pages.

Et on s'était bien gardés…
On avait mis "Une étrange histoire".

Je fais d'ailleurs l'interview de la mère.

Elle dit qu'elle est fatiguée
par toutes ces histoires.

Fatiguée parce que, ce que je comprends,
c'est qu'elle vit à Toulouse

donc elle a quitté
le Dr Krombach à cette époque.

[Mme Jolly] Elle le quitte
parce qu'il est infidèle,

et puis bon ben ça se termine
par un divorce…

"J'avais besoin qu'on me soutienne
après la mort de ma fille…"

"Je m'en vais."

Mais…

pendant encore cinq ans elle reste
très très proche de lui finalement.

Elle est convaincue qu'il a rien fait…

Et ensuite, j'interviewe
le docteur Krombach.

"André Bamberski m'accuse
depuis le premier jour,"

"mais tout ça, c'est… Il est fou "

Et il balaye tout ça…

"Écrivez ce que vous voulez,
ça m'est complètement égal,"

Voilà, voilà.
Il me répond comme ça un peu.

On a une personne qui dit :

"Le Dr Krombach est un assassin."

On a le Dr Krombach qui dit :

"André Bamberski est fou."

Et on a une troisième personne qui dit :
"J'ai rien à dire, je veux pas me mêler."

Donc euh,

on n'a pas assez d'éléments
pour savoir qui dit vrai.

[musique douce]

[M. Bamberski]
À l'époque, c'était encore en 85.

J'ai appris que la Commission
avait demandé au Parquet

d'envisager d'autres investigations,

en particulier
une exhumation du corps de Kalinka.

AUTOPSY, AFTER EXHUMATION

Les médecins légistes
qui avaient fait l'autopsie avaient dit

qu'ils avaient remis tous les organes

avec le corps de Kalinka.

Mais les organes n'avaient pas
été remis avec le corps.

Pour moi, y'avait déjà,
par cette exhumation,

au moins la confirmation
que des preuves avaient été soustraites.

Par qui ?

À ce jour, je pense
qu'on ne pourra plus jamais y répondre.

Mais, les autorités allemandes,
ils ont à nouveau classé sans suite.

Kalinka, elle a été

découpée

comme un porc à l'abattoir.

Mais personne n'a voulu savoir

comment et pourquoi elle est morte.

Quelqu'un m'avait dit
que Kalinka était Française, donc

la justice française peut être compétente.

Bon, j'avais déjà un nouvel espoir.

Je me disais bon ben,
la justice française existe.

J'ai pris comme avocat à Paris,
en janvier 1986,

Maître François Gibault.

[homme] Je suis avocat…

J'ai prêté serment en 56.

M. Bamberski m'apporte
le rapport d'autopsie bien entendu.

L'exhumation de, de Kalinka.

Les organes, effectivement,
avaient été prélevés,

n'étaient pas dans le cercueil.

C'est un des mystères.

Mais qui est important
parce que Dr Krombach

de même on n'a pas pu le poursuivre
pour viol ou tentative de viol,

puisque les organes génitaux
avaient disparu.

Manque de preuves si vous voulez.

[M. Bamberski]
Pour moi, ce sont des dénis de justice.

Et ça, je ne peux pas l'admettre.

M. Krombach a pris un avocat en France…

Et, il y a eu effectivement

un refus total de M. Krombach
de venir en France.

On le questionne, on le convoque.

Et il a toujours refusé de..

Son attitude a toujours été négative.

On ne sait pas, pourquoi
Kalinka Bamberski est décédée.

À partir de ce moment-là,

les thèses de l'innocence
sont au moins aussi probables

que les thèses de culpabilité.

[chants des oiseaux]

[Mme Mauer en allemand] M. Bamberski ?

Il a tout de suite senti
que quelque chose clochait

et il avait raison.

Absolument raison.

Quand avez-vous rencontré le Dr Krombach ?

Au début des années 1980.

Ma mère était une
de ses patientes régulières.

Quand on était petites,
elle nous emmenait avec elle au cabinet.

Ça a commencé
avec des injections de calcium.

Il fallait être allongé,
car ça donne le vertige.

Mais je n'ai rien remis en question,
j'avais 14 ou 15 ans.

Ensuite, on est passés
aux fameuses injections de fer.

Début 1985, mes parents se sont séparés.

Il y avait de la violence conjugale.

M. Krombach venait souvent
en tant que médecin

pour calmer mon père, en quelque sorte.

Puis mon père est parti.

Le Dr Krombach nous invitait
pour faire de l'équitation.

[flash photo]

Ensuite, il a eu l'idée

de nous emmener en vacances
et il nous a invités en Camargue.

On y a passé le week-end,
du vendredi au lundi.

[flash photo]

On est allés jusqu'à Nice,

c'est là qu'on a pris les photos.

Je me rappelle très bien
qu'il avait 50 ans.

Et il a commencé à dire :

"Allez, donne-moi un petit bisou."

Mais on voyait ça
comme de l'affection paternelle.

[réalisatrice] C'est la première fois
qu'il a franchi les limites ?

Oui, clairement.

On est rentrés tard,
on avait loué une chambre.

Avec un grand lit pour deux
et un lit simple.

Le lit simple était un lit d'appoint.

Il nous a dit

qu'il dormait dans le grand lit.

On devait choisir qui dormirait avec lui.

Ma sœur m'a implorée

de la laisser prendre le lit simple

et de dormir avec lui dans le grand lit.

Il avait apporté sa mallette de médecin.

On faisait de l'anémie
et il fallait un traitement régulier.

[musique sombre]

À un moment donné, je me suis endormie

et c'est là qu'il a abusé de moi.

J'étais totalement sous le choc,
comme paralysée.

En état de choc pur.

Je l'ai laissé faire.

Je n'ai pas osé bouger
ou dire quoi que ce soit.

Après, j'ai fait la morte
et il m'a secouée,

il a pensé que j'étais morte.

Il avait clairement peur,
parce que je faisais la morte.

Je n'arrivais pas à y croire.

C'est pour ça que je n'ai rien dit.
J'aurais dû en parler à la police,

mais non.

Le Dr Krombach jouissait
d'une certaine autorité à Lindau.

Un médecin !

Les médecins sont encore encensés
en Allemagne.

"Un médecin ? Faire ça ? Non !

"Il n'a pas pu faire ça,
c'est impossible."

[musique sombre]

[M. Bamberski] Personne ne savait
qu'il était pervers sexuel narcissique.

Surtout pour des jeunes filles.

En tant que médecin,
comment imaginer qu'un…

Qu'une telle personne ait pu
commettre un tel crime ?

Pour moi c'était quelque chose d'évident.

Donc moi, je dis,

profitant du fait que Kalinka

dormait seule au rez-de-chaussée.

Krombach est descendu, on a…

violé Kalinka.

Il l'a violée, mais Danielle,
les autorités allemandes,

ont cru qu'il n'est responsable de rien.

On l'accuse à tort…

Et, c'est moi

qui ai tout inventé contre lui.

En France,

les procédures ont traîné
pas mal de temps.

Plusieurs années.

Mais, en 1988,

trois professeurs de médecine français,

ont confirmé

que la mort était survenue après un choc,

pour eux, provoqué
par l'action médicale de M. Krombach,

et donc qui avait entraîné
la régurgitation.

Et donc la mort par asphyxie de Kalinka.

La Chambre d'Accusation

renvoyait M. Krombach
devant la cour d'assises,

pour meurtre.

Le 9 mars 1995,

la cour d'assises annonçait
leur décision judiciaire.

M. Krombach n'était évidemment pas là.

Il était condamné qu'à 15 ans
de réclusion criminelle.

Mais uniquement pour violence volontaire

ayant entraîné la mort
sans intention de la donner.

Avec la contumace
y'avait un mandat d'arrêt.

Hein, bien sûr.

Et alors, euh…

Quand on est innocent,

et qu'on n'a rien à se reprocher,

on se défend justement.

Ça donnait à penser qu'il était coupable.

Là, si vous voulez, j'ai dit
"Bon, c'est la fin. C'est la fin de tout."

Moi, j'ai attendu du Procureur général

pour faire arrêter M. Krombach.

Et…

l'amener en France,

mais j'ai appris en fin décembre 1995,

que le ministère de la Justice

avait écrit :
"Veuillez ne pas mettre à exécution

"la condamnation de M. Krombach."

Y'avait un blocage politique

en faveur de Krombach,
contre une citoyenne française,

victime d'un Allemand.

Et l'Allemagne a dit :
"Il a été jugé à Munich,"

"donc je ne l'extrade pas."

À partir du moment où j'ai vécu
des choses tellement horribles

dans ces procédures judiciaires,

bon, je suis parti de l'idée

qu'on ne pouvait
plus faire confiance à personne.

Le mandat d'arrêt
n'est pas mis à exécution,

parce que M. Krombach
est innocent dans son pays à lui.

C'est tout !

[chants des oiseaux]

[M. Bamberski]
C'est début mars 1997 qu'une journaliste

d'un journal local de Lindau a téléphoné

pour m'apprendre donc le viol
par le Dr Krombach dans son cabinet,

d'une patiente de moins de 16 ans.

Vous voyez, je n'avais pas tort.

M. Krombach est effectivement
un pervers sexuel.

[femme en allemand] Je m'appelle
Barbara Völkel, je travaille

pour la TV allemande, à ZDF.

Il y a 30 ans, les femmes
n'étaient pas prises au sérieux.

Voulez-vous que le viol conjugal
soit puni par le Code pénal ?

Non !

[applaudissements]

Si elles se rendaient au commissariat
pour dénoncer

un délit sexuel ou dire qu'elles étaient
victimes d'un abus sexuel,

on se moquait d'elles.

En 1997, il y a eu un gros débat
au parlement fédéral allemand

pour réformer les lois
concernant les abus sexuels.

Dans le train, j'ai lu un article
dans l'Allgäuer Zeitung.

Un médecin, un certain Dieter Krombach,

avait abusé d'une jeune fille de 16 ans
dans son cabinet.

Il avait été condamné
à deux ans de prison avec sursis.

[journaliste allemande]
Le violeur est toujours un homme libre.

Quand je me suis intéressée à l'affaire,

elle a provoqué un tollé
à Lindau, près du lac de Constance.

[journaliste] Le Dr Krombach aurait pu
écoper de dix ans.

Personne ne comprend la clémence du juge.

Plus de 2 200 signatures
ont déjà été réunies

pour éloigner définitivement
le médecin des patients.

Ici encore, il a fallu du temps

avant que je puisse
interviewer le Dr Krombach.

[journaliste] Le violeur est interviewé
devant la caméra de "Frontal".

Ça demeure encore aujourd'hui
la seule interview du Dr Krombach

au sujet de ses crimes.

Ses avocats lui ont déconseillé
d'en accorder d'autres.

[journaliste] Seules les questions
préparées ont pu être posées,

en présence des avocats.

Je m'attendais à voir
un criminel repentant,

mais ce n'était pas
l'état d'esprit de M. Krombach.

Je ne dis pas qu'elle…

[Mme Völkel] Il flirtait avec la caméra,

il m'a même fait quelques avances.

Et il m'a dit :

"Je suis ravi de vous rencontrer.

"Si vous n'étiez pas blonde,

"je ne vous aurais pas accordé
cette interview."

[ricanement]

L'homme devant moi ne montrait
aucun signe de remords,

il ne semblait avoir aucun sens moral.

[Mme Völkel] Vous pensiez
qu'elle faisait ça de son plein gré ?

De son plein gré ? Elle n'a pas dit oui,
mais elle n'a pas dit non non plus.

Elle m'a rendu mon baiser, au début…

Je l'ai embrassée, j'ai demandé
si elle voulait aller plus loin.

Elle a souri, c'est tout.

[soupire]

Nous parlions du viol
d'une jeune fille de 16 ans.

Il se moquait de la victime.

Et il ne voyait pas le mal.

Pour moi, c'était très intéressant.

Je parle aussi un petit peu russe.

Je lui ai dit "je t'aime" en russe
pendant… l'acte.

Je ne dis pas qu'elle était enthousiasmée
par ce que je faisais,

mais j'avais l'impression
qu'elle était d'accord.

[ricanement]

Je lui ai dit : "Vous l'avez anesthésiée.

"Elle ne pouvait pas s'y opposer."

[soupire]

Comme ils disaient dans la Rome antique :
"Qui ne dit mot consent."

Ça me bouleversait qu'il se moque
de sa victime devant la caméra.

Il l'avait anesthésiée pour abuser d'elle

et il essayait encore de se justifier.

[journaliste]
En 1982, M. Krombach aurait…

Peu avant la fin de l'interview,
je l'ai interrogé sur Kalinka.

Il m'a répondu que c'était un accident.

Il a ajouté
qu'il n'irait jamais en France,

comme ça, il n'aurait pas besoin
d'aller en prison.

Et l'interview s'est terminée là-dessus.

Après la diffusion dans "Frontal",
l'affaire a fait la une

dans toute l'Allemagne et le monde entier,
franchissant les frontières.

[journaliste] Je peux vous parler ?
Je m'appelle Andreas Becker.

Non.

- Une courte interview.
- Non, impossible. Merci.

[Mme Völkel] Selon moi, l'affaire Kalinka

avait été classée
trop rapidement en Allemagne.

Il y avait plusieurs éléments
qui indiquaient un délit sexuel.

[M. Bamberski en français]
Il n'a été condamné

qu'à deux ans de prison avec sursis,

et interdit d'exercice de la médecine.

Il n'a plus jamais été autorisé

d'exercer dans une clinique,
dans un hôpital,

dans un dispensaire, ou autres.

[réalisateur] À partir de quand
vous commencez

à suivre Krombach ?

Et ben, tout de suite après

le procès en 1997.

[réalisateur] Quel est votre objectif
quand vous commencez ça ?

Moi ce que je voulais

c'est avoir la justice pour Kalinka,
contre Krombach.

J'y allais quand même dans ces années-là,

deux fois, trois fois,
même parfois quatre fois par an.

J'ai pris un détective,

qui m'a effectivement dit que d'après lui,
il faisait des remplacements.

Là, en fait, ces absences c’étaient

des absences de quelques jours

ou une semaine au mieux,
deux semaines au plus.

Donc, je me demandais ce qu'il faisait.

[femme en allemand]
Je m'appelle Petra Stephan.

J'ai étudié les bibliothèques en RDA.

J'ai tendance à tout remettre en question.

Mais c'est dans ma nature.

Je crois
que c'était au début de l'année 2006.

Mon cabinet médical m'a appelée.

On m'a dit qu'ils avaient
un nouveau médecin.

Petra Stephan.

J'étais curieuse, comme toujours.
"C'est quoi, son nom ?"

[conversation indistincte en allemand]

C'était ma première question.

Et la deuxième :

"D'où est-ce qu'il vient ?"

La dame au téléphone m'a répondu :

"Le médecin s'appelle Dieter Krombach

"et il vient de Lindau,
près du lac de Constance."

Hum.

Je me suis simplement dit :

"Lindau, une jolie ville…

"Qu'est-ce qu'un médecin de Lindau
vient faire à Rödental ?"

Hum.

J'ai été vérifier
quel genre de médecin c'était.

Et je suis restée bouche bée
devant ce que j'ai découvert.

Devant ce que ce médecin…

Devant ce qu'il a fait,
des choses horribles.

J'ai lu que sa première femme était morte
dans des circonstances mystérieuses,

probablement après une injection.

J'ai lu qu'il avait abusé d'une patiente.

Et surtout, j'ai lu toutes ces histoires
à propos de Kalinka.

Avec ces infos en tête, je suis allée

à mon rendez-vous au cabinet.

[percussions intenses]

J'étais persuadée
que cette histoire était douteuse.

J'avais un plan.

J'allais voir à quoi il ressemblait

pour vérifier si c'était bien lui.

J'avais peur.

Je tremblais tellement

qu'il l'a remarqué et qu'il m'a demandé :

"Pourquoi êtes-vous effrayée ?

"C'est de moi que vous avez peur ?"

J'ai répondu que non,
je n'avais pas peur de lui,

mais que j'étais stressée
à cause de la consultation.

Et là, j'ai pensé : "C'est lui."

J'en ai informé
trois autorités différentes.

J'ai écrit au courrier des lecteurs.

J'ai envoyé un mail au maire.

J'ai également écrit à l'association
des médecins conventionnés.

Enfin, j'ai envoyé un mail à M. Bamberski.

Et il a pris contact avec moi.

[M. Bamberski en français]
Grâce à cette dame,

les autorités allemandes ont appris,

dès fin 1997, il a commencé à faire

ce qu'on appelle des remplacements
dans toute l'Allemagne.

Donc il remettait des documents faux

aux diverses cliniques,
aux divers hôpitaux,

aux divers cabinets médicaux
dans lesquels il travaillait.

[Mme Stephen en allemand] Il n'a jamais
été réinscrit à l'ordre des médecins.

Mais apparemment, il avait eu le temps
de faire une copie de qualité.

Avec cette copie,
il a parcouru l'Allemagne

et assuré des remplacements
pendant toutes ces années.

La police criminelle de Cobourg

l'avait récemment attrapé
alors qu'il essayait de quitter le pays

avec une valise remplie d'argent.

Et d'auto-injections pour pénis.

Quand on ne veut pas prendre de viagra,

on peut en faire

pour stimuler le pénis.

[percussions s'arrêtent]

[M. Bamberski]
C'était, un procès qui a été,

euh, très bien suivi par les médias.

[journaliste en allemand]
Kalinka, la fille de M. Bamberski,

est morte à l'âge de 15 ans

après une injection
réalisée par le Dr Krombach.

JUSTICE

[Mme Stephan]
M. Bamberski était très calme.

Il est resté très neutre.
Mais il était content

qu'il y ait enfin un procès en Allemagne

intenté contre Krombach,
même si ce n'était

que pour lui reprocher

de ne pas avoir son inscription
à l'ordre des médecins.

Sans ce papier, il est impensable
de pratiquer la médecine.

J'ai pensé que c'était trop dangereux,

avec ce qui s'est passé.
Je sais quel genre d'homme c'est.

Je dois rendre ça public.

[M. Bamberski en français]
À l'audience à laquelle j'ai assisté,

en juillet 2007,

c'est là qu'il s'est avéré que

M. Krombach avait continué
ses agressions sexuelles.

Y'en a deux qui sont venues
témoigner au procès,

et euh… Bon, plusieurs autres

dont les noms sont cités dans le jugement.

M. Krombach a été condamné
à 28 mois de prison.

[Mme Stephan en allemand]
Au moins, il a écopé de deux ans.

Au moins.

Ce genre de chose ne devrait pas arriver.

Ensuite, il a été relâché avant l'heure.

Je ressens de la frustration parce que

J'ai peut-être des résultats, mais
j'ai pas du tout abouti au but extrême

à la justice pour la mort de Kalinka.

Mais c'est ridicule
de penser ce M. Bamberski…

De que je avais une euh…
Une amour avec elle ou quoi…

[femme] Que vous l'avez violée !

J'avais pas besoin. J'étais marié.

J'étais heureux avec la mère de Kalinka.

D'ailleurs, si elle est restée
encore jusque…

Je crois cinq années après on s…
C'était fait le divorce.

Mais pas à cause de ça.

Parce que je… Je l'avais trompée

avec une autre femme, une amie d'elle.

Bon, ça arrive.

[musique guillerette]

[M. Bamberski] M. Krombach est
quand même resté en prison

jusqu'en juin 2008.

Il est revenu à Scheidegg.

Scheidegg est aussi très près de Lindau.

Et donc, je suivais Krombach.

[flash photo]

Je suis allé trois fois à Scheidegg,

en septembre et début octobre.

J'ai trouvé sur une petite pancarte,

devant la maison où habitait M. Krombach :

"Maison à vendre."

Donc il avait l'occasion
d'échapper aux autorités.

Si vous voulez, je me suis un peu paniqué.
Je me suis dit : "Bon, euh,

"où est-ce qu'il va aller ?"

J'étais dans une impasse totale,

je ne pouvais rien faire d'autre.

Je pouvais rien faire
avec cette condamnation par contumace.

J'ai pris des décisions,
à partir de septembre 2009.

Là il faut faire quelque chose…

Y'a qu'une solution.

[musique dynamique]

Et c'est d'ailleurs ce qui motive…

Ce qui motive l'enlèvement.

L'enlèvement de M. Krombach,

d'amener volontairement
ou involontairement

M. Krombach en France.

Dans mon esprit, si vous voulez,

il fallait que la justice aille au bout.

Donc, euh…

C'était peut-être
un coup de poker, mais euh…

Au moins,
c'était quelque chose de concret.

[réalisateur]
Et vous pensez à le faire assassiner?

Non, ça, je n'ai jamais pensé
à le faire assassiner

Justice n'aurait jamais
été rendue, donc euh,

pour tout le monde y compris
pour moi-même,

il aurait subsisté un doute.

Bregenz, en Autriche est aussi
très près de Scheidegg et de Lindau.

Et donc, j'ai fait connaître
dans tous les cafés,

dans tous les restaurants,

dans tous les hôtels
où j'allais, de Bregenz,

que je cherchais quelqu'un pour m'aider

à effectuer le transfert de M. Krombach,

d'Allemagne, en France.

Je leur donne
les documents écrits en allemand.

Avec sa photo, en mettant Interpol.

C'était le vendredi,

y'a la réception de l'hôtel
qui m'appelle dans ma chambre :

"Y'a un monsieur qui vous demande euh…"

Et c'est là que j'ai fait
la connaissance d'Anton.

[homme avec accent]
Je m'appelle Anton Krazniqi.

Je suis né in Kosovo, grandi en Autriche.

Comme père,

je suis fasciné par la force de ce mec.

Putain, c'est un père qui est très fort.

Ça, c'est intéressant, ça te touche.

Ça te touche. Après,
quand tu imagines, si tu arrivais là…

qu'est-ce que tu fais comme un père ?

Qu'est-ce que tu es capable de faire
pour ton enfant ?

[réalisateur] Qu'est-ce que
vous auriez fait vous comme père ?

Un procès court.

Compact, court, vite.

J'ai pris la voiture.

Je suis parti au lac de Constance.

Et je lui ai offert mon aide.

Lui, lui il m'a dit : "Moi je…

"Ce que je vous propose,
c'est par humanité,"

"je ne veux pas d'argent."

Oui, il a dit : "Combien tu demandes ?"

Je l'ai regardé, j'ai rigolé.

J'ai dit : "Non, pas d'argent."

[M. Bamberski] Donc je lui ai dit :

"Y'a quand même
des frais à engager euh…"

Il m'a dit : "Bon euh, oui,
mais après coup hein."

Donc euh, moi je ne…
Je ne risquais rien.

[réalisateur]
Vous aviez déjà fait de la prison ?

Oh, oui.

Si on pense aux conséquences,

qu'est-ce qu'il peut arriver.

Ça ne m'intéresse même pas.

Si vous voulez, s'il avait été mafieux,

il m'aurait demandé de l'argent
par avance.

Oui, je connais une bande russe.
Géorgienne.

Et… J'en ai amené deux.

[réalisateur] C’était quoi le prix ?

Le prix était dix mille euros par tête.

[réalisateur] Vous parlez de la manière
dont ça va se passer ?

Non, pas du tout. Il m'a dit:

"Euh, moins tu en sais, mieux ça va."

Donc ,disons, je lui ai donné mon accord.

C’était un espoir.

Si on ne croit en rien,

on n'aboutit à rien.

Je suis rentré à Toulouse.

Euh, j'ai attendu euh…
Rien de euh… Rien de nouveau.

[musique intense]

[M. Krazniqi]
J'ai pris la voiture de ma sœur.

Y'a assez de place derrière.

Les vitres derrières teintées.

Idéal.

[musique intense]

Le plan, quand tu le vois,

tu le prends, tu le mets dans la voiture

tu le transportes. Primitif, simple.

Krombach, il est pas à la maison.

Vers 21:00,

je vois la voiture entrer dans le garage.

Je dis : "O.K. Lui est là."

Lumière vient là-dedans.

J'ai toqué,

et je me suis retourné loin de porte

trois-quatre mètres de porte.

Lui est sorti.

"Bonsoir, vous êtes M. Krombach ?",
en allemand.

Il a dit : "Oui. Vous voulez quoi ?"

Il a les deux Russes
gauche et droite qui ont attaqué.

Il a commencé à crier :

"Au secours ! Aide-moi !"

[musique intense]

On doit mettre dans la voiture, scotché.

Et on a fait ça.

[vrombissement de moteur]

Il savait qu'est-ce qui se passe.

Il crie, il parle :

"Vous me rammenez en France ?

"On va me tuer ?"

Je lui dis : "Personne il va te tuer."

Il dit : "Retourne-moi à la maison,

"je vous donne cinq cent mille euros."

Non, on ne te ramène pas du tout,
on ne veut pas d'argent.

Moi, j’étais le chauffeur.

Les deux Russes
et le Dr Krombach, derrière.

J'entends un Russe :

"Non, non, fais pas ça, fais pas ça !"

Je tourne la tête, et je vois un
des Russes, il a sorti le couteau.

Apparemment,
il voulait couper les "génitales".

J'ai arrêté la voiture.

Et j'ai dit à mec : "Dégage."

C'est trop risqué pour moi
de rouler 300, 400 km

avec un mec avec le couteau.

Le mec il m'a dit :
"O.K. Je veux mon argent."

"O.K. Tu reçois ton argent. Ciao."

Krombach, pour moi,
était important de mettre

juste quelque part en France.

D'un coup, je vois : "Sortie : Mulhouse".

Yeah, super.

C'est la première ville

où il y a une justice,
une station de police.

Le palais de Justice, il est juste à côté.

Devant le Palais de Justice,

y'a eu les…
trois-quatre voitures de police,

je pouvais pas décharger.

Je suis entré
dans la première ruelle qui vient.

Krombach, il criait légèrement.

"Au secours ! Au secours !"

On a ouvert les portes complètes.

J'ai laissé ici.

[sonnerie de téléphone]

03:20 du matin,

je reçois un coup de fil anonyme.

"Téléphonez à la police

"de Mulhouse,

"pour leur dire que Krombach

"est sur le trottoir
en face de la douane."

J'ai téléphoné, j'ai raconté mon histoire.

Bon le gars, il m'a pris pour un dingue.

[commissaire] Il est recherché
pour homicide volontaire, mais…

- [policier 1] Homicide volontaire ?
- [comissaire] Depuis un moment déjà.

[policier 1] Rue du Tilleul ?

[comissaire] Ouais, rue du Tilleul,
à proximité d'un service des douanes.

- Il y a un mandat d'arrêt ?
- Ils marquent "Individu dangereux."

"Ce que je vous dis c'est très sérieux."

"Y'a un mandat d'arrêt européen."

"Donc, recherchez-le, bon vous verrez."

[opératrice]
De… Du mec qui est recherché…

[policier 1] Attends, y'a un mec, un mec
qui est bâillonné, mains et pieds…

On est rue du Tilleul là.

Il a les mains attachées et tout.
Attends hein.

[opératrice]
Il y a un mec qui est bâillonné.

[policier 1] On est rue du Tilleul,
bâillonné, les mains et les pieds liés.

Dix minutes après, il m'a dit :

"On l'a retrouvé,"

"mais vous l'avez drôlement amoché."

J'ai dit : "Moi, je l'ai pas amoché
puisque moi, je suis à Toulouse."

- [Policier 1] Monsieur?
- [M. Krombach] Oui?

[policier 1]
Votre prénom, ça serait pas Dieter?

[M. Krombach] Oui.

[policier 2] C’est Dieter le prénom.

[policier 1] Lui, il dit
qu’il a été enlevé en Allemagne.

[opératrice] La personne est consciente?

[policier 2] Ouais, pour l’instant
elle est consciente

mais elle est pas en bon état.

[M. Krombach]
Ils ont promis de me ramener à la maison.

[policier 1] Ils ont promis
de le ramener à la maison…

C'était quoi comme nationalité
vous avez dit, des Russes ?

[M. Krombach] Ça parlait russe.

- [policier 1] Ils parlaient russe.
- [opératrice] Ouais.

[la musique s'atténue]

[réalisateur] Vous imaginiez
que vous seriez arrêté ?

Non, pas du tout,

c’est pour ça que je vous dis,
j'ai eu la surprise…

J'ai réservé
une chambre d'hôtel à Mulhouse

et j'ai réservé un avion euh…

Quand je rentre à l'hôtel, il était déjà
cinq heures-six heures du soir.

Les policiers qui ont tapé à ma porte

ils m'ont demandé
si j'étais bien M. Bamberski…

"Bon, on vous met en garde à vue."

Et puis bon,
ils m'ont emmené au commissariat

où ont commencé les interrogatoires.

Quand j'ai été conduit par deux policiers,

au Procureur au tribunal,

je vous dis, ils m'ont tous fait
une haie d'honneur

dans le hall de sortie du commissariat.

[réalisateur] Ils se sont tous levés et…?

Ben, ils étaient tous debout…

en applaudissant.

Et euh, ce qui m'a fait euh…
Un peu du baume au cœur…

M. Krombach.
Ils m'ont fait comprendre qu'il était là.

Qu'ils ne l'avaient pas relâché.

Lui à la rigueur, je dirais euh…

Il était au bout du rouleau juridique.

[journaliste] André Bamberski
mis en examen pour enlèvement,

encourt jusqu'à dix ans d'incarcération.

[homme] Je m'appelle Laurent de Caunes,

et je suis avocat au barreau de Toulouse.

J'apprends l'enlèvement de M. Krombach

quand je suis prévenu que M. Bamberski

est en garde à vue à Mulhouse.

C'est là vraiment le moment
où ça m'a fait flipper.

J'aurais dû me renseigner auparavant,

sur euh, les conséquences

de l'instigation d'un enlèvement.

[Maître de Caunes] Les médias aiment bien
les expressions,

un peu hyperboliques, un peu théâtrales.

La révélation du scandale.

Donc là, on est rentrés
dans une phase très particulière

où M. Bamberski était partie civile

dans les poursuites contre M. Krombach,

et, futur prévenu,

dans les poursuites engagées contre lui.

[brouhaha]

[journaliste] À 23:00,
André Bamberski ressort libre.

Mais il est mis en examen
pour séquestration,

et association de malfaiteurs.

J'ai donné mon accord,

euh, le 9 octobre, donc, euh 2009,

euh, pour que Krombach soit,
effectivement, amené en France.

[homme] Je m'appelle Philippe Ohayon,
je suis avocat,

et, j'ai défendu Dieter Krombach
au cours de ces deux procès d'assises.

Dieter Krombach a été incarcéré.

Son visage est tuméfié,
il ressemble à un steak

Vous imaginez bien l'état catastrophique
dans lequel il est.

Il est traumatisé. Il se dit innocent.

Il crie son innocence, il est en colère.

[Maître Levano]
L'enlèvement a été extrêmement violent.

Et M. Bamberski disait :
"Non, mais moi c'est pas de ma faute

"parce qu'en fait, j'ai jamais ordonné
qu'il le frappe, qu'il le violente…"

M. Bamberski, à mon avis, est quelqu'un

pour qui,
la fin justifiera toujours les moyens.

[Maître de Caunes] Je soutenais,
nous soutenions que André Bamberski

avait agi sous l'emprise
de la contrainte morale.

Puisqu'il savait
que si Krombach était arrêté,

le procès serait enfin ouvert.

Un vrai procès contradictoire.

Un vrai procès, de justice.

Le but de la justice, c'est pas…

C'est pas…
C'est de ne jamais se faire vengeance.

C'est depuis la nuit des temps,

justice n'est pas vengeance.
C'est le contraire.

[Mme Völkel en allemand]
Après l'enlèvement de Dieter Krombach,

je suis entrée en contact
avec Diana Krombach.

L'interview a eu lieu en 2009
devant la maison de son père,

où il avait été enlevé.

Elle était toujours convaincue
de l'innocence de son père.

Je suis convaincue à 100 %
de l'innocence de mon père.

Toutes ces années,
ça a été un très lourd fardeau émotionnel

pour la famille.

[Völkel] Vous pouvez nous montrer
où ça s'est passé exactement ?

Je l'ai seulement entendu raconter.

Je sais que c'est son garage.
Ça s'est passé à côté.

La police m'a dit qu'ici,

il y avait une grosse mare de sang.

Au départ, la police a supposé
qu'il avait été assassiné.

[flash photo]

[réalisateur en français]
Est-ce que l'Allemagne a demandé

à ce qu'il soit renvoyé ?

Évidemment.

D'ailleurs, ils étaient très très étonnés
qu'ils aient même à le demander.

Et euh, c'est alors une grande
surprise évidemment,

c'est, c'est ce qu'on a combattu
pendant des mois et des mois.

Et puis ça s'est pas passé comme ça.

[musique intense]

[tic-tac d'horloge]

[M. Bamberski] En cours d'assises à Paris,

M. Krombach était accusé
sur la même base

que dans son procès par contumace de 95.

Pour meurtre aggravé
sur la personne de Kalinka.

[Laurence Ferrari]
Beaucoup d’émotion lors de l'ouverture

du procès de Dieter Krombach,

ce matin aux assises de Paris.

Une journée marquée
par le premier face-à-face

entre l'assassin présumé
de la jeune Kalinka,

et le père de celle-ci,
André Bamberski.

Ma première pensée
et ma première parole,

seront pour Kalinka.

[Maître Levano] L'atmosphère du procès
c'est ce genre de procès médiatiques où…

C'est euh, l'Allemand qui a échappé

pendant toutes ces années à la justice,

qui va enfin payer.

C'est ça l'ambiance.

M. Krombach est pas dans un bon état.

Grâce aux amis de M. Bamberski, notamment.

C'est un peu surréaliste
de voir cette situation.

C'est-à-dire quelqu'un
qui est dans le box,

parce que la partie
en face l'a ramené en France,

et celui-ci a été fortement violenté.

Ce climat germanophobe,

donc vraiment dans un climat complotiste,

où on accusait la justice allemande

de protéger un obscur
médecin généraliste

à Lindau, ce qui n'a aucun sens.

[brouhaha]

[flash photo]

[journaliste] Quelle est la vérité ?

La vérité,
c'est que mon père n'a rien fait,

il est pas coupable et c'est un acte
d'un fou, d'un maniaque.

[Maître Gibault] Dr Krombach,

euh, bon père de famille, avec ses enfants

Mais c'est un personnage double.

C’était Dr Jekyll et M. Hyde.

[Maître de Caunes]
M. Bamberski c'est une force morale.

C'est pas un justicier,
ce n'est pas le vengeur masqué.

Mais, combatif.

Un moine combattant.

[archive]
M. Bamberski est comme toujours déterminé.

Pour vous, c'est un soulagement d'arriver
à cette échéance,

ce rendez-vous avec la justice
après tant d'années ?

Et bien pour lui c'est un soulagement
parce que c'est ce qu'il a toujours visé :

que Krombach soit jugé.

[Maître Parra Bruguière] Mme Gonnin est
une femme très calme, très douce,

qui vit très douloureusement
ce qui se passe parce qu'en fait, euh…

L'enlèvement,
l'interpellation de Krombach,

la médiatisation.

Elle est à nouveau meurtrie,
dans cette situation où elle ne croit pas

en la culpabilité de Dieter Krombach.

Je pense
qu'elle s'est sentie victime au départ

de ce qu'elle considérait comme une forme

de violence et d'agression judiciaire
de la part de M. Bamberski.

C'est le procès de Bamberski
contre Krombach,

c'est la vengeance
de Bamberski contre Krombach.

[M. Motta]
Ils m'ont demandé de suivre les audiences,

de tenir la chronique du procès.

Il faut imaginer
que la salle retient son souffle,

c'est vraiment le cas de le dire,
et quand Krombach arrive…

Alors, et assez rapidement…

on voit que le procès lui échappe un peu,

parce que
quand les questions l'arrangent,

il les comprend très vite,

et il y répond à peu près bien.

Mais, quand une question
est de nature à le perturber un petit peu,

il fait ça là, il a ce geste toujours.

Mais là, il y a un épisode assez choquant.

On arrive euh, je crois
que c'est au bout du cinq ou sixième jour.

On apprend qu'il a fait
un malaise cardiaque.

Il y a la vie d'un homme qui est en jeu.
Cette personne était cardiaque,

un expert est passé à côté.

[journaliste] Dieter Krombach n'est plus
en état de comparaître.

Confronté à la justice,
le cardiologue allemand

a invoqué un problème médical.

C’était une invention pure et simple !

Pas mal de journalistes
et de reporters ont essayé

de contacter
Maître Levano ou Maître Ohayon

avant le procès,

et ils ont toujours déclaré que pour eux,
le procès n'aura pas lieu.

Effectivement, ils ont encore raison.

Et curieusement des problèmes médicaux
dans sa sphère de spécialité,

à savoir la cardiologie.

[journaliste 1] Kalinka, qui selon lui
a été tuée par son beau-père,

Dieter Krombach.

[journaliste 2] Pourquoi il n'a pas pensé
à prévenir la police

pour qu'elle fige la scène ?

[journaliste 1]
Danielle Gonnin, la mère de Kalinka.

Les ex-époux ne se parlent plus,
ne se regardent plus,

s'ignorent totalement.

[journaliste 3] Et vous, dans quel état
d'esprit êtes-vous ?

Je suis beaucoup plus,
beaucoup plus confiant

et surtout plus serein
que la fois précédente.

[journaliste 4] C'est-à-dire ?

Ben, c'est-à-dire euh…

Depuis quelques semaines,
tout a été fait pour que

M. Krombach ne se provoque pas
un nouveau malaise.

[Diana Krombach] Évidemment,
il faut que ça finisse.

Évidemment, il veut prouver son innocence,

parce qu'il est innocent.

[femme en allemand]
Témoigner contre lui a été

un processus difficile pour moi.

Devoir, devant autant de monde,

tout raconter encore une fois.

J'ai rencontré M. Krombach
pour la première fois

à l'été 1993.

À l'époque, j'avais 29 ans.

Lui était plus vieux,
je dirais la fin de la cinquantaine.

Quelqu'un me l'avait recommandé.

"Il est très gentil,
c'est un bon médecin."

Il m'a diagnostiqué une anémie.

Il a dû me faire une injection.

Il m'en a fait plusieurs fois,

et tout allait bien, jusque-là.

À l'époque, mon mari et moi avions
quelques problèmes financiers,

alors il m'a proposé
de travailler avec lui au cabinet.

J'étais chargée de nettoyer le sol
et de passer la serpillière.

Je devais venir à midi,
car c'était la pause déjeuner.

Il n'y avait personne, pas de patients.

Sur le moment,
ça ne m'avait pas paru bizarre.

Mais un jour,
je suis entrée dans le couloir

et j'ai entendu des bruits.

J'ai appelé.

"Bonjour. Il y a quelqu'un ?"

C'était lui,
il était derrière, dans le laboratoire.

Comme il était déjà là, il m'a demandé

s'il pouvait m'administrer
une autre de ces injections.

Il voulait me la faire immédiatement.

Comme ça, je n'aurais pas besoin
de revenir plus tard dans l'après-midi.

Ça ne m'a pas paru bizarre
et j'ai accepté.

Mais c'était une injection
complètement différente.

Je me souviens
que j'étais comme paralysée.

Je me rappelle que je voulais me lever,

mais que, doucement, avec deux doigts,

il m'a repoussée sur le dos.
Et puis c'est arrivé.

C'était un viol
en bonne et due forme, oui.

- On peut faire une pause ?
- [réalisatrice] Bien sûr.

D'accord.

Je n'avais pas les idées assez claires
pour aller voir la police.

Tout ce que je peux dire,
c'est que j'étais terrifiée.

Et que j'avais honte.

M. Krombach était très riche
et il avait beaucoup d'influence.

Je me suis dit que moi, je…

[en français] Je n'ai jamais pu
défendre Dieter Krombach,

sur ces accusations.

C'est-à-dire, des non-preuves,

les autres procédures.

[en allemand] M. Krombach a même affirmé
qu'il ne me connaissait pas

et qu'il ne m'avait jamais vue.

Que je disais ça
pour faire mon intéressante.

[en français] La justice a des règles.

Et la première des règles,
c'est de prouver les accusations.

[en allemand] J'ai appris qu'il avait peur
de ce que je pouvais dire.

La salle d'audience était remplie.

Il avait deux avocats
qui étaient relativement féroces.

[en français] Les sœurs Mauer
n'ont jamais fait l'objet d'un procès.

Moi, je n'ai jamais pu

défendre M. Krombach,

contre les accusations des sœurs Mauer.

[flashs photos]

[réalisateur] Comment elle réagit
au témoignage des autres victimes,

Danielle Gonnin ?

Écœurement.

Le sentiment de s'être trompée
pendant 28 ans.

Je me souviens de Danielle Gonnin
se retournant vers moi, et me dire :

"Mais, en fait, c'est un pervers."

"J'ai vécu à côté d'un pervers"

"pendant des années,
sans m'en rendre compte."

Tout la choque,
l'âge des victimes, le mode opératoire…

Des jeunes filles qui sont,
qui sont mineures à l'époque.

Cette façon de sédater
et d'abuser sexuellement.

Danielle Gonnin n'est pas analys…
N'est pas allée regarder

les flacons de médicaments

qu'il a injectés
dans le corps de Kalinka…

Elle est pas allée regarder
ce que c'était,

elle faisait confiance.

Dr Krombach qui est cardiologue

et dont tout le monde s'accorde à dire,
ses tentatives de réanimer Kalinka,

autant sur la façon dont il procède
que sur les produits qu'il va injecter…

sont complètement contraires
à toutes les règles de l'art

en matière de médecine.

Elle va apprendre d'ailleurs,

cette infidélité
s'est passée sous son toit.

[Mme Jolly]
Plusieurs fois, son mari l'a droguée

pour la tromper
avec la petite voisine de 16 ans.

Mais la voisine

elle explique que quand elle a commencé
à avoir des rapports sexuels

avec Dieter Krombach, c'était chez lui,

donc dans la maison
où il vivait avec Mme Gonnin,

sur le canapé du salon,

et que pour euh, être tranquille,
il droguait sa femme.

Il versait quelques gouttes d'un…

d'un hypnotique
dans le verre de Danielle Gonnin,

pour qu'elle puisse dormir
très profondément,

et qu'elle entende pas évidemment,

qu'il se livrait à des actes sexuels
dans la pièce à côté.

Danielle Gonnin viendra dire à la barre
qu'elle a dormi anormalement,

la nuit du crime, on peut dire aussi.

Elle reporte les doutes sur le fait
qu'elle ait pu éventuellement

être endormie par M. Krombach
le soir où sa fille est décédée, et…

[Mme Gonnin au téléphone]
J'avais un doute, maintenant j'ai…

Plus qu'un doute.

C'est pratiquement
une certitude qu'il ment.

Et ça, ça fait mal.

Et maintenant, il va falloir que je vive.

J'aurais aimé que…
Dieter Krombach me dise :

"Bon, c'est un accident, j'ai paniqué euh,

"et j'ai menti."

Là, j'aurais compris,

j'aurais pardonné.

mais là maintenant euh…

J'ai pas de pardon hein.

[Maître Parra Bruguière] Ce qui était
très compliqué à gérer pour Mme Gonnin,

c’était ce sentiment en fait, d'être

considérée par beaucoup, euh…
comme étant celle qui savait

mais qui ne voulait pas dire,
ou qui ne voulait pas croire,

ou qui ne voulait pas entendre. Voilà.

Et euh, c'est cette image-là
qu'elle ne supportait pas.

[M. Bamberski]
Évidemment, nous étions satisfaits,

parce que j'ai pu dire,
réellement à la maman,

à tout le monde, à tous les médias :

"Voyez, je n'avais pas tort."

Dr Krombach a été condamné

qu'à 15 ans de réclusion criminelle,

pour violence.

Bien sûr, ma première pensée
est pour Kalinka.

La justice a été exercée à sa mémoire…

Et… Je vais pouvoir faire
mon deuil, avec elle.

[musique douce]

[réalisateur]
C'est quoi votre condamnation ?

Un an de prison, ferme.

Quand j’étais en prison en Autriche,
mon père il m'a visité.

Il m'a dit : "Mon garçon…
Tu sais qu'est-ce que tu as fait ?"

J'ai dit : "Oui, papa."

Ils sont, fiers de moi.

Tout le monde est fier de moi.

[M. Bamberski] Pour moi, le procès
pour l'enlèvement à Mulhouse.

J'ai appris que j'étais condamné

comme auteur de l'enlèvement,

pour un an de prison avec sursis.

Kalinka, j'espère qu'elle est au ciel,

et qu'elle sait
tout ce que j'ai fait pour elle.

J'estime qu'elle le méritait.

[réalisateur] Qu'est-ce que vous diriez
à un père qui a perdu sa fille ?

[M. Bamberski] Ben, je lui dirais,
puisque ça fait 39 ans…

Ne gaspille pas ta vie.

Je me suis battu,
comme Don Quichotte de la Mancha.

Contre les moulins à vent.

J'ai obtenu justice pour elle.

Mais, vraiment,

ce sont des combats extrêmes.

[musique douce]

Sous-titres : Sandrine Niggeler