All language subtitles for Benedetta - Paul Verhoeven (2021 France)

Jingle de production

Second jingle de production

Chant religieux chanté par une femme

Le chant est accompagné de musique.

La musique continue.

Les sabots progressent.

Des oiseaux babillent.

Roulement et cliquetis métallique
Des insectes grésillent.

-Je te salue, Ô ma sœur.

-Tu lui chantes une chanson ?

-O, tu.

Des sabots retentissent.

...Ô Illustrata...

Musique grave

-Qui êtes-vous ?
Que faites-vous ?

-On va au couvent,
notre fille va prendre le voile.

-Ils ont des écus, capitaine.

-Pour payer sa dot au couvent.

-Je paie en lettres de change,
pas en écus.

-Vous devez bien avoir quelque chose.

Le cheval s'ébroue.

-Rendez-nous cette chaîne !
Elle est à ma mère.

Ils rient.
-Elle a plus de couilles que toi !

-La Sainte Vierge vous punira.

-Qu'est-ce que tu en sais ?

-Elle fait tout
ce que je lui demande.

-Qu'elle aille se faire foutre...
la Vierge.

Un oiseau babille.
-Vous l'entendez ?

C'est la voix de la Vierge.
Elle montre qu'elle m'a entendue.

Musique intrigante

-Ah !

Ils rient.

Merde !

-Tiens !

Elle va bien se marrer avec toi,
la Vierge.

En avant !

Les sabots retentissent.

Un cheval hennit.

Musique joyeuse rythmée au tambourin

Un pet retentit bruyamment.

Les gens rient.

Un pet retentit.

Un pet

Le heurtoir retentit.

Une cloche sonne.

-Bonjour, seigneur Carlini.

Si vous voulez bien me suivre.

Attendez ici.

-Les théatines sont reconnaissantes,
car vous amenez à Jésus une épouse.

Benedetta sera heureuse parmi nous.

-J'apporte des oranges, des pommes
et du vin en quantité importante.

Pendant 25 ans,
vous recevrez la même chose.

Chaque année.

-C'est très généreux de votre part,
seigneur Carlini.

Et pour ce qui est de la dot ?

-Quand ma petite Benedetta est née,
elle a failli mourir.

Mais Dieu l'a sauvée par miracle.
Alors j'ai promis de la lui donner.

-Une histoire bien émouvante.
J'en ai entendu beaucoup comme ça.

Et à chaque fois, ça me touche.

Mais tous les ans, des centaines
de filles veulent servir Dieu.

Les postulantes de cette année...
Et je ne peux en prendre que trois.

-Je mesure les défis
que vous avez à relever,

je vous fais don de 50 écus d'or.

En plus des fruits et du vin,
qui ne comptent pas pour rien.

-En dehors d'ici, la dot d'une épouse
est au moins de 150 écus.

Une épouse du Christ
en vaut-elle moins de 100 ?

-Coupons la poire en deux : 75.

-Vous n'allez pas chipoter
comme un juif pour 25 écus.

-Après tout, Giulano,
c'est votre fille chérie.

Il inspire.
-Entendu.

100 écus.
-Nous ne négocions pas des chevaux.

Votre parole me suffit.
Et votre lettre de change.

La porte s'ouvre bruyamment.

Le vent souffle.
-Elle est trop grande.

-Elles sont si belles.
-Retire ta robe !

-Qu'est-ce que c'est que ça ?
-C'était à ma mère.

Pour prier la Sainte Vierge.

-Nous avons notre propre Vierge
au couvent.

C'est elle que tu prieras.

-Mais elle est à moi !
-Presse-toi.

La robe maintenant.

Elle souffle.
-Ça me gratte, c'est horrible.

-C'est exprès.

Ton corps est ton pire ennemi.

Il vaut mieux
ne pas te sentir trop bien dedans.

Quand j'étais
un peu plus âgée que toi,

j'ai perdu deux pouces de chair
sous le couteau d'un ivrogne.

Ce doigt de bois,
j'y tiens plus qu'aux neuf autres.

Si je pouvais, je remplacerais
chaque partie de mon corps

jusqu'à n'être qu'un bloc de bois

dans lequel serait sculpté
le nom de Dieu.

-Comme sur une pierre tombale ?

-Tu es intelligente.

Mais ça peut être dangereux,
ma petite.

Et pas que pour les autres.

Une cloche sonne au loin.

-Benedetta, c'est par ici.

Des pas s'éloignent.

Des femmes parlent indistinctement.

Donne-le-moi.

Glissement métallique

Voici ta cellule.

Demain, tu mets ça.

Glissement métallique

Elle soupire et se gratte.
Le vent souffle.

Elle soupire.

Elle respire fort.
Son aigu en fond

Musique grave

Le vent souffle.

Chœur religieux

-Marie bien-aimée,

tu es ma mère, maintenant.

Je t'en prie, aide-moi.
Je me sens si seule.

Je ne sais pas
si tu peux m'entendre, là où je suis.

Un choc retentit.
Des pierres roulent.

Elle pousse un léger gémissement.

Elle respire fort.

-Benedetta !

Tu es blessée ?

Relevez la statue !

Elle souffle.
Quelqu'un force.

Elle respire profondément.

-Tu as touché la statue ?
-Non.

Elle m'est tombée dessus.
-Qu'est-ce que tu faisais là ?

-Je voulais prier la vierge.

-Tu peux tenir sur tes jambes ?

-Oui.

-C'est un miracle
qu'elle ne soit pas écrasée.

Elle soupire.

-Bon, allez vous coucher
et ramenez Benedetta au lit.

-Bien.

-Ma mère !

Pourrait-il s'agir
d'un vrai miracle ?

-Évitons les grands mots.

Les miracles poussent
comme des champignons.

Mais ils ne valent pas
les ennuis qu'ils posent.

-Je n'y croyais pas vraiment.

Musique instrumentale douce

-J'ai tant désiré voir mon fils ;
le Seigneur Jésus.

J'ai désiré être à nouveau
en présence de son corps.

Et Dieu.

dans sa mansuétude infinie,

m'a envoyé un ange,
qui a proclamé cette nuit :

"Tu monteras vers ton fils
dans la gloire.”

Pour votre présence ici, mes frères,

j'ai prié avec ferveur.

-Noble dame, pleine de grâce

et de sagesse,

vous êtes notre récompense.

-Je vais maintenant prendre place
sur ce lit préparé pour moi.

Elle crie.
Les autres s'exclament.

Un chœur chante sur la musique.

Quelqu'un chuchote.

La musique continue sans le chœur.

Elle respire fort.

Un mouton bêle.

Plusieurs moutons bêlent.

-Benedetta !

Viens !

Tu es mon épouse.

Le chœur reprend.

Viens à moi !

Sa respiration est tremblante.

-J'arrive, Seigneur, j'arrive.

-Viens à moi !

-Benedetta, tes pieds !

Elles discutent.

-Ce festin nous est offert
par notre généreux invité,

Giulano Carlini.

Buvons à sa santé.

-Ayons une pensée
pour notre évêque de Milan

qui nous a quittés
la semaine dernière.

-J'ai entendu dire
que c'était la peste.

-Effectivement.

-L'évêque était un brave homme.

Mais je pense que sa cathèdre
lui a fait tourner la tête.

-Si c'est la volonté de Dieu,

son siège sera mieux occupé
par votre grâce.

-Ah non.
Non, et c'est bien triste.

J'ai pourtant fait ma cour au Vatican
avec l'impudence d'une catin,

mais je ne suis pas
un personnage assez en vue.

Ça serait déjà prodigieux que le pape
arrive à situer Pescia sur une carte.

-Il ne nous reste plus qu'à espérer
un miracle cartographique.

Ils rient.

-Que faisais-tu avec tes pieds ?

Tu étais censée être morte.

-J'ai vu Jésus.

Il est venu à moi.

Je suis son épouse, n'est-ce pas ?

Oui, oui... Bien sûr.

Quelqu'un crie au loin.
Des coups retentissent.

-Ouvrez la porte !

-Ouvrez.

-Il va me tuer, aidez-moi !

Ouvrez ! S'il vous plaît !

Les moutons bêlent.
Elle gémit.

Prenez-moi !
Non, il s'approche !

S'il vous plaît, aidez-moi.
-Catin !

Tu ne m'échapperas pas.
Tu es à moi, petite putain !

-Je veux être avec vous !
S'il vous plaît !

Elles crient.

-Viens !
II force et souffle.

Tu cherches la bagarre ?
-Vous êtes dans un couvent !

-J'aime Jésus.

Acceptez-moi.
-Je suis son père.

Elle m'appartient.
-Laissez-moi rester ici.

-Mais... un couvent n'est pas
un lieu de charité, chère enfant.

I! faut payer pour entrer ici.
As-tu de l'argent ?

-Non.

-Ça suffit, maintenant !
-Non !

Läâche-moi !

Je veux servir Dieu !

-Mère, aidez-là.

-Nous paierons sa dot !
-Je vais payer pour une inconnue ?

-Je prierai toute ma vie pour vous,
messire.

-Magnifique !

-Seigneur Carlini, les riches
n'entrent pas au royaume de Dieu.

Jésus l'a dit.

-Et vous, révérende mère,
vous faites tout

pour que j'y entre.

D'accord.

Cadeau pour toi, Benedetta.

-Comment ça ?
Ma fille est à moi.

Je ne vous la céderai pas pour rien.
-Je te donnerai dix dinari.

-Vingt. Et les frais d'un chien
pour remplacer cette traînée.

Musique douce

Un chœur chante au loin.

Elle soupire.

Elle prend une grande inspiration.
-Voilà.

-C'est délicieux.
Elle soupire.

-Tiens, attrape.

Elle est surprise.
L'eau fait des remous.

Savonne-toi bien.

-Tu t'appelles comment ?

-Sœur Benedetta, et toi ?
-Bartolomea.

-Bartolomea comment ?
-Bartolomea tout court.

-Bien se laver c'est la règle ?
-Un corps propre pour une âme propre.

-Je frotte aussi fort que je peux.

Merde, mon savon.
Il est où ?

Elle crie.
Elle rit.

-J'ai failli tomber.

Il reste de l'eau
pour que je me rince ?

Sœur Benedetta ?

-Ta chemise de nuit est sur la table.

L'eau fait des remous.

Des insectes grésillent au loin.

Glissement métallique
-Sœur Benedetta ?

-J'ai besoin de chier.
C'est où ?

Elle rit.

-Suis-moi.

-Des vraies chaises percées ?

-Tu faisais ça où avant ?
-Ben dehors, avec les bêtes.

Un pet retentit.

Oh, que ça fait du bien !
Ça soulage !

(-Chut ! On ne peut pas
parler si fort.)

Les insectes grésillent. Elle pète.
-CÇa, c'est permis, j'espère.

Elle rit doucement.
-Attends.

De la paille est arrachée.

Benedetta s'exclame.

Pardon, qui t'a fait ça ?

-Mon père.

-Pourquoi ?

-Ma mère est morte de la peste,
alors mon père m'a prise comme femme.

Je lui ai dit que je voulais pas,
mais il en avait rien à foutre.

-Comme femme, pour tout ?
-Oui, tout.

Mes frères faisaient aussi pareil
quand le vieux regardait pas.

Un oiseau crie.

Ce matin, j'ai essayé de le planter
avec des ciseaux.

Il a pas aimé, il m'a massacrée.
Donc je me suis enfuie.

Elle rit.

-C'est pas un avantage d'être belle.

-Si je ressemblais à une chèvre,
il ferait pareil.

Tu me trouves belle ?

-Tu ne le sais pas ?

Musique intrigante

-Non.
On n'avait pas de miroir chez nous.

-Tu es belle.

Tu pourrais voir ton reflet
dans mes yeux.

-Je vois rien.
-Faut que t'avances plus près.

La musique s'intensifie.

Alors, tu te vois ?

-Que faites-vous là toutes les deux ?

-Elle ne savait pas
où étaient les latrines.

Des pas s'éloignent.

(-C'est qui elle ?)

(-Christina.
La fille de la révérende mère.)

-Elle espionne toujours comme ça
pour sa mère ?

Leurs pas résonnent.

Le baiser claque.

Glissement métallique

Chant religieux en fond
Glissement métallique

(-Sainte Mère, Bartolomea
veut que je lui montre l'exemple, )

(mais je ne suis pas digne
de l'instruire.)

-Dieu a placé
cette jeune fille sur ton chemin.

N'a-t-elle pas besoin d'amour
et de conseils ?

-Oui mais il faut qu'elle soit
dirigée d'une main de fer.

que je n'ai pas.

-Dieu te guidera.

Le chœur s'intensifie.

Elle inspire soudainement.

Il crache.

Musique grave

Les serpents sifflent.

Elle gémit. Les serpents sifflent.

Elle crie.

-Au secours !
Jésus !

Elle gémit.
La musique s'intensifie.

Elle est essoufflée.

Elle gémit.

Qu'est-ce que ces bêtes voulaient ?
-Te tuer.

Ce sont des démons qui tentaient
de nous éloigner l'un de l'autre.

Mais ils sont stupides.

Ni la vie ni la mort
ne peuvent nous séparer.

Chœur en fond

Reste avec moi.

(-Oui doux Jésus.)

Le chœur s'intensifie.

Je resterai avec toi.

Le chœur s'évanouit.

Silence

Un instrument se met à jouer.

Elles entonnent un chant religieux.

Le vent souffle.

Le vent souffle.

-Parlez, ma sœur.

Elle inspire.
-Mon père...

J'ai vu Jésus.

-En rêve ?
-Non.

En chair et en os.
Comme je vous vois devant moi.

-Qu'avez-vous éprouvé ?

-De la peur.
-Alors c'était une vision fausse.

Quand le Christ se manifeste,
on est rempli de joie.

-Comment savoir
ce qui est vrai ou faux ?

-À travers la souffrance.

Elle est le seul moyen
de connaître le Christ.

-Je sais que Dieu veut
que nous souffrions, mais...

Elle respire fort.

... cela m'effraie.
-C'est naturel.

Les voies de Dieu
sont souvent terrifiantes.

Les imbéciles disent :

"Je ne le crains pas,
car je sais qu'il est toute bonté."

N'ont-ils jamais vu
un chirurgien au travail ?

-Nous devons donc nous réjouir
de nos malheurs ?

-Priez pour y parvenir.

Ego te absolvo.

Le métier à tisser roule et grince.

La manivelle frotte.

Elle s'exclame.
L'eau fait des remous.

-Les bobines sont fichues.
Tu sais combien ça vaut ?

Quelle idiote !
-Tu m'as foncé dessus.

-Je te demande pardon ?
-C'est de ta faute.

-Cesse de mentir.

Je t'ai vue.

L'eau frémit.

-Sors ces bobines du chaudron.
-L'eau est encore bouillante.

Sors-les de là et vite,
ou on te renvoie chez ton père.

L'eau bout.

L'eau fait des remous.
Elle gémit.

Elle halète.

Et le reste ?

L'eau bout.

-Tu veux que je recommence ?
-Les bobines se détruisent.

Un objet tombe.
L'eau remue.

-Arrête !
-Et alors !

Que se passe-t-il ici ?

L'eau frémit.

-Bartolomea s'est brûlé la main.

-Au travail tout le monde !
-Sœur Petra,

il faut qu'elle aille à l'infirmerie.
-Ben, emmenez-la.

La machine tourne et grince.
Le feu crépite.

-Une de vos sœurs
a endommagé des bobines de soie

et vous avez pris sur vous
de lui administrer un châtiment.

-Non, révérende mère.

-Non ?

-Je n'ai pas voulu la punir,
mais lui faire mal.

-Vous vouliez infliger de la douleur
à l'une de vos sœurs délibérément ?

-Oui, délibérément.

-Ce n'était pas par malignité ?

-Si vous dites
que c'est par malignité, c'est vrai.

-Vous ne connaissez pas
vos sentiments ?

-II semble que non.

-Bartolomea a fait quelque chose
qui vous a fâchée ?

-Non.

-La détestez-vous pour une raison ?
-Non !

Musique intrigante

-Avez-vous de l'affection pour elle ?

-J'éprouve... de la compassion, oui.
Pour toutes ses souffrances.

-Y compris
celles que vous lui infligez ?

-Oui, mon père dit qu'elles
nous guident vers Dieu

et nous rendent plus forts.

-Nos propres souffrances.

Pas celles des autres.

Vous avez montré trop de zèle.
Pas de pain pendant une semaine

et vous changerez les draps
de sœur Jacopa pendant 15 jours.

Vous pouvez disposer.
-Bien, révérende mère.

Musique grave

La musique s'estompe.

Sœur Jacopa soupire.

Elle gémit.

-Ma sœur, je suis censée vous aider.
-Reste où tu es.

Souffrir est mon métier,
j'en suis fière.

-L'orgueil est un péché.

-Chacun a droit à un péché.

Quel est le tien ?

-Je n'ai jamais péché.

Mais je sais que je pourrais.

-Bien sûr.

Aide-moi.

Elle soupire.
Mon péché...

est d'être née juive.

Sœur Petra était une putain.

Elle se vendait dans les latrines
de Florence et on s'en fiche.

Mais mon père avait
une queue circoncise.

Ça, c'est la faute impardonnable.

Elle ricane.

Benedetta soupire.

Tu viens de découvrir
mon amant secret.

Vous appelez ça de l'amour ?

-Dieu te parlera
dans beaucoup de langues.

Si ton cœur est assez courageux
pour s'ouvrir à lui.

Musique intrigante

Le vent souffle.

La musique devient grave.

Brouhaha de la rue.

Une femme crie.

La femme crie.
D'autres chuchotent.

-Écartez-vous !

Laissez passer l'abbesse.

Quelqu'un lui parle.

-J'ai trop mal !

La sœur lui parle.

On me torture !

-Tenez-lui la jambe.
Attention.

Ça va aller.

-Attachez-la.

Allez chercher les médecins.

Elle crie au loin.
Une clochette tinte régulièrement.

Elles discutent tout bas.

-Comment se porte-t-elle ?
-Elle a bu du jus de pavot.

-Elle dort.
-Qu'est-ce qui n'allait pas ?

-Je n'ai rien trouvé d'anormal.

-Pourtant elle souffre beaucoup.
-Elle a crié des heures sans arrêt.

-Il y a de la bile noire
dans ses urines.

C'est fréquent.

-Et si ça reprend ?

-Je vous laisse du jus de pavot.

Vingt dinari.

Cliquetis métallique

(-Pourquoi tu es si cruelle ?)

Un chœur chante en fond.

Tu veux être avec moi ?

Moi je veux être avec toi.

Le chant s'intensifie.

Cliquetis métallique

La musique devient intrigante
puis s'arrête.

Musique angoissante

Elle halète et gémit.

Elle crie.

Elle sanglote.

Un cheval hennit.

Elle crie.

Musique grave et triomphante

La musique s'arrête.

-Jésus !
Musique grave

Oh merci, mon doux Jésus.

-Benedetta,

je vais guérir ta blessure.
-Vous n'êtes pas Jésus.

-Je suis Jésus.

Tu es mon épouse.

-Non !
C'est faux !

Elle crie.
-Donne-toi à moi !

Garce !
Je vais te couper en morceaux !

Elle crie.
La musique s'intensifie.

Elle suffoque.

-Tiens.

-Vous allez avoir
une compagne de cellule.

(-Merci.)

-Benedetta.

Vous sentez-vous mieux ?

-Je me sens comme il plaît à Dieu
que je me sente.

-J'ai décidé de placer
quelqu'un à vos côtés.

Elle restera auprès de vous
jour et nuit, prendra soin de vous,

priera avec vous.

Vous donnera
votre remède si nécessaire.

-Je suis désolée d'être un fardeau.

-On verra si ça améliore les choses.

Des pas s'approchent.

Bartolomea était la seule qui se soit
portée volontaire pour cette tâche.

J'espère qu'il y a quelque chose
de providentiel dans ce choix.

Une leçon de pardon peut-être.

-Pourquoi es-tu là ?

Pour me tourmenter ?

-Qu'ai-je fait
qui te laisse penser ça ?

Des femmes discutent en fond.

Comment mettre
quelque chose là-dedans ?

-C'est la robe que je portais
en arrivant ici.

Musique douce

-Et ça ?

(-C'était à ma mère.)

Elle me l'a donnée
quand j'étais petite.

-Alors on va la mettre... là.

-J'ai été abusée par le diable.

II m'a fait te faire du mal.

Mais tu es revenue.

-T'es déjà sortie du lit ?

-J'essaie de me rendre utile.

La révérende mère m'a demandé
de l'aide pour les comptes.

-C'est quoi ça ?

-Des chiffres.

-Je connais pas.

-Je pourrais t'apprendre.

-Ah... Je suis pas forte
pour apprendre, moi.

Tout chaud !

Autre chose ?

-Non merci.
Il faut que je me couche.

-Je ne peux pas jeter
un coup d'œil ?

-Nous n'avons pas le droit
d'être nues devant les autres.

-Vraiment ?

Je t'ai vue !
Elle rit.

C'était une blague.

-T'es la seule
à les trouver drôles, tes blagues.

-Possible.

-J'ai vu tes seins.

Le vent souffle.

Musique douce

(Je les ai vus.)

Un oiseau roucoule.
Des sabots progressent.

Des insectes grésillent.
Les sabots s'éloignent.

Le vent souffle plus fort.

Musique grave

-Benedetta...

Benedetta !

Un chœur se met à chanter.

Tu veux souffrir pour montrer
ton amour pour moi ?

Enlève tes vêtements.

-Il nous est interdit d'être nues
en présence d'un autre.

-Où je suis,

il ne saurait y avoir de honte.

Fais ce que je dis.

(-Oui, Seigneur.)

(J'obéis.)

-Viens à moi.

Une cloche sonne.

Retire tout ce qui nous sépare.

Pose tes mains sur les miennes.

Elle gémit de douleur.

(-Oh, quelle douleur.)

(Oh mon Dieu.
Oh mon Dieu, ça fait mal !)

Elle respire vite et bruyamment.

C'est trop !
J'en peux plus.

Elle crie.
Le chœur s'arrête.

(Aide-moi.)

(Aide-moi. Aide-moi.)

Elle respire profondément.

Elle halète doucement.
Un chœur commence à chanter.

Le chœur continue seul puis s'éteint.

Leurs pas résonnent.

Quelqu'un s'exclame tout bas.

Le vent souffle. Elle est essoufflée.

-C'est Jésus qui m'a fait ça.
Elles s'exclament tout bas.

La nuit dernière.

Il m'a fait ça.

Et là aussi.

-Les stigmates !

Elles se mettent à prier tout bas
en latin.

Leurs pas résonnent.

-Étiez-vous en train de prier
quand c'est arrivé ?

-J'étais dans mon lit.
Endormie.

C'est là que c'est arrivé.
La mère inspire.

-Saint François était en prière
quand il a reçu les stigmates.

Catherine de Sienne aussi.

Aucun des deux ne dormait.

-Moi, je dormais.

Jésus m'a fait ces marques.
-C'était Jésus. Je l'ai vu.

-Ah ! Tu l'as vu ?

-Je l'ai entendu parler.

-Qu'a-t-il dit ?

-Je m'en souviens pas.

-Je pensais que la parole de Dieu
te ferait plus grande impression.

Amène sœur Benedetta
dans ma chambre.

Brouhaha de la rue
Un oiseau crie.

Quelqu'un frappe.

-Peux-tu ouvrir ?

Je nettoie ses plaies,
mais elles recommencent à saigner.

Elles sont très profondes.

Regardez.

Ses pieds sont dans le même état.

-Et son flanc ?
-Pire.

-Comment est-ce possible ?

-Je ne sais pas.
Je n'ai jamais vu ça.

-Que pouvons-nous faire ?

-Les garder propres.

Changer les pansements
toutes les deux heures.

-Retire-lui sa guimpe.

Pas de sang.

(-J'ai mal.)

-Quand on lui a imposé
la couronne d'épines,

le front de Jésus a saigné.

Je ne vois rien.

Panse ses plaies.

Et ferme.

-Vous avez un doute ?

-La fille était au lit.

Aucun miracle ne se produit
dans un lit, croyez-moi.

-Alors, j'écris quoi ?

Elle soupire.

-L'absence de signes sur sa tête
est troublante.

Dans tous les cas attestés
de stigmates,

on parle de marques laissées
par la couronne d'épines.

-Mais Dieu n'est contraint
par aucune loi écrite.

Nous sommes bien d'accord ?

-Votre Grâce ?
-Oui, mon enfant ?

-Puis-je m'en aller ?
-Mais bien sûr.

Leurs pas résonnent.

-Un verre de vin
vous ferait plaisir ?

-Très volontiers.

-Laisse-moi, j'ai besoin de prier.

Le vent souffle.

-Vous me trouvez prompt
à croire à ce miracle ?

-Mon cher prévôt, je pense
que vous n'y croyez pas du tout.

Il rcane doucement.

-Suis-je à ce point cynique ?

Peut-être.

À moins que j'aie moi-même
une vision.

-C'est bien possible.

Une vision de saint François
peut-être.

Assise était un village insignifiant.
Aujourd'hui, les pèlerins y affluent.

-Et remplissent ses deux basiliques.

-Administrées par un évêque,
pas par un prévôt.

Quelque chose se brise.
-Ah Jésus, qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Benedetta crie. Elle suffoque.

Elle gémit et halète.
Musique grave

Elle respire de façon saccadée.

Voix d'homme.
-Blasphème !

Sachez, ô pécheurs,

qu'au moment où la peste s'abat
sur chaque recoin du pays,

Pescia a été épargnée
par la seule grâce

de Mon épouse.

Vous harcelez, tourmentez

et persécutez
celle qui vous a protégés.

Elle gémit.

-Qu'avez-vous vu ?
-Elle est tombée.

(Un miracle qui vient à point.)

-Votre Grâce, tout cela va trop loin.
Nous devons vraiment.

-Vous voulez nous attirer
les foudres du ciel ?

Vous avez entendu
les mots prononcés.

-J'ai entendu des mots.
-Vous vous moquez de moi ?

Ces mots, aussi troublants
soient-ils, sont ceux de Dieu.

Je le sens au profond de mon âme.

Ce miracle
est la gloire des théatines,

comment ne pas le voir ?

-Je le vois, votre Grâce.

-Vous faites la docile...

mais vous me poignarderez
dès que j'aurai le dos tourné.

Eh bien.

nous verrons si Dieu nous donne
tout ce que nous désirons.

-Louée soit Benedetta.

-Santa Benedetta.

Elles prononcent des prières.

-Les gens croient
que Benedetta est une sainte.

Mais nous savons
que ça n'a aucun sens.

-Vraiment ?

-Vous vous étonniez
de l'absence de plaie sur son front

et soudain elle brise un verre
et des plaies apparaissent.

-Vous l'avez vue ?
Vous étiez là ?

-Non.
-Donc vous ne savez rien.

-Je n'ai rien vu.

mais je sais.
-Mais comment le savez-vous ?

Dieu vous l'a montré ?

Vous avez eu une vision,
vous aussi ?

-Pourquoi la défendez-vous ?

Elle inspire.

-On ne comprend pas toujours
les instruments de Dieu.

Peut-être a-t-il mis Benedetta
en transe et c'est dans cet état

qu'elle s'est blessée.

Ou bien Dieu
nous a envoyé une folle...

qui débite des sottises
pour servir ses desseins.

Grondement grave au loin

Le tonnerre gronde.
La pluie tombe.

-Je veux que tu me donnes ton cœur.

(-Mais ne vais-je pas mourir
sans mon cœur ?)

-Tu vivras.
M'aimes-tu ?

(-Comment vous aimer
sans mon cœur ?)

-Je vais t'en donner un nouveau.
Le Mien.

(-Bartolomea.)

Elle gémit.

(-Qu'est-ce qu'il y a ?)
(-Jésus m'a donné un nouveau cœur.)

Elle inspire.
(Il est si grand !)

(Trop grand pour ma poitrine.)

(Sens-le !)
La pluie tombe. Le vent souffle.

(Sens comme il est grand.)

Elle halète.

Le tonnerre gronde.

Elle halète.
Le tonnerre gronde.

(-Oui ! Je le sens. Oui.)

Quelqu'un parle.

(-Qu'est-ce qu'il y a ?)
-Benedetta a fait Un cauchemar.

-Tout va bien.

(-Ah.)

(Bonne nuit.)

(Allez vous coucher.)

Musique douce

Elle halète.

La pluie tombe.

Le tonnerre gronde.

La musique s'intensifie.

-II nous est arrivé
une chose merveilleuse.

Jésus-Christ a choisi
notre bienheureuse sœur,

Benedetta.

Nous avons vu ses plaies,

ce sont celles de Jésus !

-Loué soit Dieu !

-LOUÉ SOIT DIEU !

-Jésus l'a choisie.

Et c'est pourquoi nous,

investis par les pouvoirs
de son Église,

choisissons Benedetta
comme abbesse

du couvent des théatines.

-In nomine patris et filii
et spiritus sancti.

-AMEN.
-Amen.

-Oremus, Seigneur Dieu !

L'orgue retentit bruyamment.

-C'est impossible.

-Sœur Christina,
que vous arrive-t-il ?

Elle respire de façon saccadée.

-Avec tout le respect
que je vous dois, mon père,

c'est à nous,

nous, les sœurs de ce couvent,

de choisir une nouvelle abbesse.

-À nous seules.
-C'est Jésus qui a choisi.

Votre Seigneur et maître.

C'est la volonté de Dieu.

-Mais qui décide
de ce qu'est la volonté de Dieu ?

N'est-ce pas nous, les sœurs.

-Christina !

Retirez-vous.

Maintenant.

Musique grave

-Causa Finita.

Je demande à la révérende mère,
de renoncer à ses fonctions.

Un chœur accompagne la musique.

-Sœur Benedetta,

avancez.

Leurs pas résonnent.

Leurs pas résonnent.

Des pas s'éloignent.

Quelqu'un chuchote.

Des femmes discutent.

-Redis-le encore, j'aime bien.
-Votre Majesté.

Elles rient.

Leurs pas résonnent.

La porte se ferme bruyamment.

Benedetta rit.

Elle rit.

-Ça rebondit.

-C'est mon lit.
-C'est doux.

Elle glousse gaiement.

Et c'est que pour nous.

-Sœur Jacopa est tombée !
Elle peut plus bouger !

Elle suffoque.

-Elle ne passera pas la journée.

-Révérende mère,
je vais rester auprès d'elle.

(-Bien sûr.)

Mais si elle ne rend pas l'âme avant
les vêpres, vous quittez son chevet.

Ce sera mon premier Office Divin,
en tant qu'abbesse

et Jésus m'a dit
que vous devez être présente.

-Bien, révérende mère.

-Je resterai auprès de sœur Jacopa,
jusqu'à l'aube, s'il le faut.

-Parfait.

Jésus ne m'a rien dit à votre sujet.

Elle respire bruyamment.

-On vous jette de la boue au visage
et vous ne dites rien.

-Ce sont les règles du jeu.

En fin de compte,
tout le monde y gagne.

Le prévôt aura son épiscopat
et les théatines en profiteront.

-C'est important ?

-C'est peut-être vain et inutile,
mais j'y ai consacré ma vie.

Elle gémit.

J'avais une vie à donner,
j'ai choisi ce couvent et...

il m'a choisie peut-être.

-Mais ma mère, vous ne pouvez pas...
-Appelez-moi "sœur Felicita".

-Mais les gens doivent savoir.
Ce qui se passe ici est un blasphème.

-Ceux qui comptent le savent déjà.

S'ils ne dénoncent pas Benedetta,

c'est qu'ils ne veulent pas
qu'elle soit dénoncée.

Si toi tu le fais, ils te détruiront.

Tu seras seule.

(Je ne te défendrai pas.)

Des cloches sonnent.

-C'est l'heure des vêpres,
sœur Felicita.

Musique douce

Jacopa respire de façon saccadée.

Elle suffoque.

Elle suffoque et gémit.

Sa respiration se ralentit.

Elle soupire.

-Mensonge...

Elle gémit puis soupire.

La pluie tombe et le tonnerre gronde.

Les femmes crient.

Elle est essoufflée.

-Mon père,

je veux me confesser.

-À cette heure-ci ?
-Il le faut, mon père.

-Vous avez refusé de vous courber
devant Dieu, vous vous repentez ?

-Le Seigneur m'a appris
à ne jamais mentir.

C'est ce qui me conduit
à la repentance.

-Parlez. Renouez les liens
qui vous unissent au Seigneur vivant.

Le vent souffle.

-Au sujet de sœur Benedetta,
je dois vous dire que...

-Votre révérende mère ?

-Oui.

Oui, je parle de la révérende mère.

C'est une fausse prophétesse.

Son miracle était faux.
Elle a créé ses stigmates.

-Vous êtes en confession.
Vous voulez en accuser d'autres ?

-Je m'accuse... de m'être tue.

Par lâcheté.

Musique grave

-Avez-vous des preuves ?

-Les stigmates... sur sa tête.

Elle s'est servie
d'un morceau de verre

pour se lacérer le front
et le faire saigner.

-En avez-vous été témoin ?

-Oui.

La plume frotte bruyamment.

-Le trois.

-Ça c'est un. ?

-Quatre.
-Oui, vas-y.

La pluie tombe dehors.

La plume frotte.

Non non, tu appuies trop fort.

Recommençons.

-Je peux pas.
-Si.

Allez.

Musique douce

Elle gémit.

(-Viens.)

Viens.

La porte se ferme bruyamment.

Bartolomea respire fort.

Elle soupire.

Elle respire fort.

Elle respire de façon saccadée.

Elle gémit.

Elle respire de façon saccadée.

Elle gémit.

Elle respire de plus en plus fort.

Elle gémit.

-Tu veux les voir ?

-Montre.

Le vent souffle.

Elle soupire.

Elle respire fort.

Bartolomea soupire.

Elle rit en soupirant.

Elles respirent de façon saccadée.

Benedetta respire de façon saccadée.

Elle gémit.

Bartolomea gémit.

Benedetta respire vite et gémit.

-Va plus loin.

Plus loin !

-Ah, je peux pas.

Ma main est trop grande.

Elles respirent fort.

Tu veux goûter ?

Benedetta respire fort.

La musique s'intensifie.
(-Oh mon Dieu.)

(Mon Dieu.)

Elle respire de plus en plus fort.

Non.

Non ! Non !

Oh non.
-Mais si.

Allez, jouis maintenant !

Elle gémit.

Jouis !

Elle gémit plus fort.

-CÇa ne veut plus s'arrêter !

Elle gémit encore plus fort.

Elle soupire.

-Ah doux Jésus...

Elle est essoufflée.

Elle inspire puis soupire.

Elle respire fort.

-Tu veux encore ?

Elle rit.

De l'eau coule au loin.
Leurs pas résonnent.

Elles chuchotent.

Des couverts s'entrechoquent.

Silence

-La lecture d'aujourd'hui
est tirée du Lévitique.

Mais avant de commencer,

je vais aborder des questions

qui troublent le cœur
de nos sœurs.

Sœur Christina.

S'il y a quelque chose
qui vous préoccupe,

vous avez le devoir de l'exprimer.

-Vous voulez que je...
parle maintenant ?

-Ici ?
-En quel autre endroit ?

-Épanchez votre cœur.
Levez-vous, parlez !

Allez, parlez !

-Notre mère supérieure...

nous trompe

et nous ment.

-Chère sœur, expliquez-vous.

Avez-vous à vous plaindre
de notre révérende mère ?

-Je sais juste que...

Que.

-Que savez-vous, ma sœur ?

-Benedetta nous dupe.

Elle s'est infligé
les marques sur son front.

Quand elle est tombée,

elle a brisé du verre
et s'est blessée avec.

Je l'ai vue.

-Ma chère sœur, que dites-vous ?

-Je suis sûre que les autres signes
sont apparus de la même façon.

-Sœur Christina,

vous avez vu

notre révérende mère se couper
avec un éclat de verre ?

-C'est bien ce que vous dites ?
-Oui.

Et je l'ai rapporté à l'abbesse.

-Que lui avez-vous dit ?

-Ce que j'ai vu.

Ce que sœur Benedetta a fait.

-Vous avez conscience

qu'un faux témoignage
est un péché mortel ?

-Je ne mens pas, moi.

-Sœur Felicita,

avancez.

Elle s'avance.

Sœur Christina vous a-t-elle dit

avoir vu sœur Benedetta

s'infliger des blessures au front ?

-Elle avait de sérieux doutes.

-Mais l'a-t-elle vue faire ?

-Elle ne m'a pas dit
avoir assisté directement à.

-Directement...
Elle y a assisté ou non ?

-Non.

Elle n'y a pas assisté.

Elle gémit.

Musique grave

-Vous avez menti !
Elle crie.

Voix d'homme
-Elle ne croit pas en moi !

C'est Satan qui la possède.

Il faut la punir.

La flagellation !
Elle doit se flageller !

-Le diable doit être chassé
de votre corps !

Elle sanglote.

Dénudez-vous !

Libérez-vous du démon.

Frappez, ma chère sœur.

Elle crie et sanglote.

Elle crie plus fort.

Une porte s'ouvre.
-Enfin !

La porte se ferme.

La pluie s'est arrêtée.

-J'ai un cadeau pour toi.

Ça ira plus loin que mes doigts.
Tu veux essayer ?

-C'est un peu rugueux.

-Ah oui.
Je vais m'en occuper.

Enlève ça.

Ça t'a fait plaisir, pas vrai ?
-Qu'est-ce qui m'a fait plaisir ?

-Voir Christina se fouetter.
Je t'ai vue.

-Ah... Non c'est faux.

C'est après.

J'ai pensé à toi.

(À comment ça serait avec toi.)

-On l'essaie ?

Elle rit tout bas.

Elle rit doucement.

Bien lisse.

Elle respire de façon saccadée.

-Ah!
-Ça fait mal ?

-Non, ça fait du bien.

Elle gémit.
Musique grave

Elle gémit de plus en plus fort.

Elle gémit plus doucement.
La musique est intrigante.

-ŸY a le feu ?

Quelque chose crépite.

-C'est une étoile ?
-Une comète.

Elle est essoufflée.

Le vent souffle. Elle respire vite.

-La comète est au-dessus
de notre couvent.

-Ça veut dire quoi ?
-C'est un avertissement de Dieu.

Quelque chose de terrible
va se produire.

-Christina, non !

La musique s'intensifie.

Felicita gémit.

Les femmes parlent indistinctement.

Christina respire de façon saccadée.

Felicita s'exclame.

-Christina !

Elle respire de façon saccadée.
La musique s'intensifie.

Elle crie.

Felicita crie.

Impact
Elles crient.

Musique grave

Elle gémit.

Elles gémissent.

-Christina ! Christina !

Elle suffoque.
Les autres parlent indistinctement.

Quelqu'un sanglote.

Elles chuchotent.
-Qu'as-tu fait ?

(Qu'est-ce que tu as fait ?)

(Espèce de petite sotte,
qu'as-tu fait ?)

Elle gémit.

-Je vais lui imposer les mains

et intercéder pour le salut de son âme.

-Intercéder ? Ne la touchez pas !

-Il le faut !

L'âme d'un suicidé va droit en enfer,
mais je peux intervenir.

-Retirez vos mains !
Éloignez-vous !

Un mot de moi et Jésus tendra
sa main pour la sauver des flammes.

-C'est toi qui vas rôtir en enfer !
Elle gémit.

-Arrêtez !

-Arrêtez !

Elles reprennent leur souffle.

-Salope de menteuse !
Putain !

Felicita sanglote en criant.

Musique intrigante

La musique s'estompe.

-Elle m'a donné un ordre.

Elle n'est plus notre abbesse mais...
-Où est-elle allée ?

-À Florence.

Musique tragique

Une porte claque.
-Sœur Felicita est partie.

Elle est en route pour Florence.

-Pour quoi faire ?

-Pour parler au nonce, je suppose.

-Elle veut lui dire quoi ?

Elle soupire.

-Que crains-tu qu'elle lui dise ?

-Tout.

-C'est-à-dire ?

Que mes miracles ne sont pas vrais ?

-Je ne parle pas de ça.

-Que...

je me suis coupée moi-même
avec un misérable bout de verre ?

-C'est bien ce que tu as fait, non ?

Pas vrai ?

-Je sais pas.

Je sais pas comment Dieu
fait arriver les choses.

Je sais qu'il accomplit
sa volonté à travers moi.

Ce n'est pas seulement ma chair.

C'est la sienne aussi.

-Arrête !
Tu me dégoûtes.

(-C'est ça qui te fait peur.)

Ce que sœur Felicita
pourrait raconter sur nous,

ce qu'on fait.

Musique intrigante

Tu crois qu'on doit en avoir honte ?

La honte n'existe pas sous
la protection de l'amour de Dieu.

-L'amour de Dieu ?

Tu n'aimes que toi.

-Viens plus près, alors.
-Non !

Elle respire de façon saccadée.

-Juste tes seins.

S'il te plaît.

Elle respire de plus en plus vite.

Elle gémit.

Elle se met à sangloter.

Doux Jésus, non !

Ne me demande pas ça, s'il te plaît !

-Benedetta ?

Elle sanglote doucement.

-Les sœurs doivent creuser une tombe.

Quelqu'un crie.

La femme crie.

Une cloche sonne.
La charrette s'éloigne.

La cloche sonne.
Brouhaha de la rue

Un bébé pleure.

Brouhaha au loin

Il inspire profondément.

Brouhaha au loin

-Où est Teresa ?

-À l'hôpital. Elle ne survivra pas,
votre Excellence.

-Probablement pas, non.

-Ça fait trois depuis dimanche,
mais je n'ai pas peur.

-Peut-être
parce que tu es trop pleine de vie.

-Encore quelques semaines
et il sera là. J'ai déjà du lait.

Elle souffle.

-ASSsez.

Voudriez-vous ajouter
quelque chose ?

-Je vous ai tout dit.
C'est entre vos mains, désormais.

-Des accusations extraordinaires
exigent des preuves extraordinaires.

-Je n'ai dit que la vérité.

Vous pouvez douter
de mes motivations,

mais venez à Pescia

et vous constaterez vous-même.

Si votre regard est honnête.

II renifle.

-S'il y a diablerie à Pescia,
je saurai la démasquer.

Si cette sœur est coupable
du blasphème dont vous l'accusez,

elle ira au bûcher.

Mais si votre témoignage est faux...

Que va-t-on faire de vous ?

Qui peut le dire ?

Ah oui.

Moi.

Du feu crépite.
Chœur religieux d'hommes

-Notre Seigneur !

Jésus !

Chœur religieux de femmes

Chœur religieux d'hommes

-Kyrie !

Le feu crépite.

-Jésus !

-Ayez pitié de nous !

Chœur des hommes et des femmes

-C'est un signe du Jugement de Dieu !

"Le troisième ange sonna
de la trompette

"et il tomba du ciel
une étoile ardente comme un flambeau.

"Sa pestilence empoisonnera
le tiers des eaux."

C'est la peste !
C'est l'instrument pour nous punir !

La peste va s'abattre sur Pescia !

Ils prient en latin.

Musique grave

(-Non...)

Un chœur s'ajoute à la musique.

(-Merci, Seigneur.)

Merci !

N'ayez crainte.

La comète est le signe
que le Seigneur nous protège.

La peste ne touchera pas Pescia.

Ils chuchotent.

Jésus m'a promis, à moi, son épouse,

que cette ville serait épargnée !

-Seigneur Jésus, protégez-nous !

-Protégez notre cité !
La foule crie indistinctement.

-Merci, Seigneur Jésus !

-Ô doux Jésus,

nous savons que tu es ici avec nous.

Merci, mon Dieu.

Fermez les portes de la ville.
Ne laissez personne les franchir.

C'est la volonté du Seigneur.
Fermez les portes tout de suite.

Musique grave

Elles s'exclament et chuchotent.

-Ma sœur ?

Elles chuchotent.

Que se passe-t-il ?

-Je ne sais pas.

-Benedetta !

Benedetta !

La tombe est pour toi ?

Hein ?

Réponds-moi.

Chœur d'hommes

Ils crient de douleur.

Quelqu'un parle indistinctement.

-Une lettre !

Elle est tombée du ciel !
La fin est proche !

Faites sonner le glas !

C'est écrit.
Lisez-la !

C'est une lettre de Dieu !

Brouhaha de la charrette
Le chœur est éloigné.

II est essoufflé.

Brouhaha de la charrette

-Nonce !
Donnez-moi l'absolution.

Votre excellence, je meurs.

Ne me laissez pas
mourir comme ça.

-Demandez l'absolution
au prêtre de votre paroisse.

-C'est moi.
C'est moi, le prêtre de la paroisse.

Des gens parlent et crient.

-À gauche !

-Je l'ai !

Brouhaha de la charrette

-Ouvrez les portes pour le nonce !

-Les portes restent fermées.

Personne n'entre,
personne ne sort.

-Je suis le nonce de Florence.
Ouvrez ces portes !

-Pour le pape, ça serait pareil.
On n'ouvre pas.

-Vous êtes sous mon autorité,
celle de l'Église !

-Ici nous sommes
sous l'autorité de Jésus lui-même !

Les portes restent closes.

La porte s'ouvre bruyamment.

-Votre Excellence.

Je suis le prévôt de Pescia.

-Alfonso Giglioli,
représentant du pape,

je dois parler à l'abbesse
du couvent des théatines.

-Je suis au regret
de vous l'annoncer :

la Très Sainte Benedetta
est morte cet après-midi.

Nous sommes désolés
que vous ayez fait le chemin.

-Je célèbrerai la messe funéraire.
Conduisez-moi à elle.

On y va !

-La peste doit rester
hors de nos murs.

Quiconque veut entrer
doit être examiné par nos médecins.

Même vous, Excellence.
-C'est Dieu qui nous envoie.

Ce n'est pas vous
qui allez nous arrêter.

On entre !

Un coup de cravache retentit.

Brouhaha de la charrette.

Brouhaha de la rue

-Place, circulez !

Écartez-vous !
Brouhaha de la place

Des coups retentissent.
-Ouvrez.

La porte s'ouvre bruyamment.

C'est un honneur d'accueillir
votre Excellence.

Elles rient.

Un coup retentit.

Leurs pas résonnent.

-Vous avez monté un spectacle ?
-Non, votre Excellence.

Avant de mourir,
notre mère nous a dit

comment Dieu voulait
que soit célébrée son ascension.

-Encore une de ses visions ?
-Oui, c'est exactement ça.

Son cercueil devait être porté
par neuf novices

vêtues comme des anges.

Chœur religieux en fond
Elles rient.

Elles s'exclament.

(-C'était qui ?)

Le chœur s'évanouit.

Silence

-La peau est intacte.

Aucune trace de la peste.

Elle a reçu les derniers sacrements ?
-Non, son décès a été trop soudain.

-Je vais les lui administrer.

Faites les préparatifs.

(-Alors, vous êtes contente ?)

(-Je n'ai jamais souhaité
qu'elle meure.)

(Pas si vite, en tout cas.)

Musique douce

-Per istam sanctam unctionem.

Il continue en latin.

Un chœur retentit.
Elle crie.

Ils s'exclament.

-Jésus, retiens-moi.
Chœur en fond

Elle sanglote.
Ne me laisse pas repartir !

Je veux rester auprès de toi.

Elle halète.

J'étais au ciel,
dans une paix parfaite.

Mais j'en ai été arrachée,
J

comme un bébé du ventre de sa mère.
On m'a renvoyée.

Jésus m'a ramenée ici sur Terre.

-Pour quelle raison, ma mère ?

-J'ai vu les âmes de ceux
qui vont bientôt mourir.

J'ai vu toutes vos âmes
et j'ai versé des torrents de larmes.

-Vous avez vu la mienne aussi,
je suppose ?

-Jésus m'a renvoyée ici-bas

pour vous sauver de la peste
et de ce qui vous attend après.

Les flammes éternelles de l'enfer.

-Ne vous inquiétez pas
des flammes de l'enfer, ma mère.

Ce sont les flammes de ce monde
qui vont vous consumer.

-La Mort Noire s'approche de Pescia.

Elle guette en aiguisant sa faux.

J'ai vu les corps boursouflés,
le sang.

Riches et pauvres, femmes et enfants.

Et Jésus, lui aussi, était là.

Il a dit que tant que je vivrai,
vous aussi.

Musique tragique

-Vous êtes accusée de blasphème,

d'hérésie et de bestialité.

Votre procès commencera demain.

-Nous n'avons rien trouvé,
votre Excellence.

-Vous avez tout fouillé ?
Éventré les matelas ? Les coussins ?

-Oui, votre Excellence.
Rien.

Il souffle puis inspire.

-C'est grand comme ça.

Ça doit bien se trouver quelque part.
Cherchez encore.

-Qu'est-ce que tu vas leur dire ?

-La vérité, quoi d'autre ?

-Tu peux aussi leur dire autre chose.

Silence

-Novice Bartolomea, levez-vous.

-Levez-vous !

Bien.

Sœur Felicita, dites-nous à présent
ce que vous avez vu.

-Je n'ai pas de mots
pour décrire ces actes.

-Faites au mieux.

Elle prend une grande inspiration.

-J'ai vu cette fille
dans des étreintes charnelles

avec la mère supérieure, Benedetta.

-Pouvez-vous être plus précise ?

-Elles se servaient l'une de l'autre,

chacune à son tour,

comme un homme avec une femme.

-Et comment avez-vous pu
être témoin de ces actes ?

-Par un judas que j'ai percé moi-même
dans le mur de mon ancienne chambre.

-Et ça,
ce n'est pas un péché mortel ?

Espionner sa supérieure ?

-Nous ne jugeons pas aujourd'hui
l'ancienne abbesse.

-Comment savoir
si les déclarations de cette femme

ne sont pas dictées par la jalousie ?
Ou le dépit ?

-Le témoignage de sœur Felicita
n'est qu'un début, pas une fin.

-Bartolomea,
Il inspire.

qu'avez-vous à répondre
à l'accusation de sœur Felicita ?

Dit-elle la vérité ?

-Je ne comprends pas.
-Pardon ?

-Je comprends même pas
ce qu'elle raconte.

-Avez-vous regardé
l'abbesse Benedetta avec luxure ?

-D'une femme envers une autre,
c'est impossible.

-Apparemment, ce couvent
élargit l'horizon du possible.

Bartolomea,

avez-vous, oui ou non, regardé
l'abbesse Benedetta avec luxure ?

Silence

-Avec amour.

Elle respire profondément.

Tout ce que je ressens pour mère
Benedetta, c'est de l'amour.

Le même que j'éprouve
pour toutes mes sœurs.

-Mais vous ne l'avez pas exprimé,
cet amour,

à vos autres sœurs
de la même façon, n'est-ce pas ?

-Non !

-Sœur Felicita,

par quels moyens,
la novice Bartolomea

a-t-elle exprimé son amour
pour la mère supérieure ?

-Elle a utilisé une statuette en bois

de la Sainte Vierge

pour pénétrer

le sexe de Benedetta
et la faire jouir.

Chuchotements

-Crimen nefastum.

C'est une inversion sacrilège
de l'ordre naturel.

Une abomination qui mérite
le châtiment ultime :

le bûcher.

-C'est faux.
C'est faux.

Il inspire profondément.

-Vous pouvez encore sauver votre âme,
mon enfant,

si vous avouez.

Silence

-Je n'ai rien à avouer,
votre Excellence.

Si vous savez,
pourquoi voulez-vous que j'avoue ?

-Tes aveux atténueront ton péché.

Tu peux encore t'épargner le bûcher
et Benedetta aussi.

Elle gémit.

-Non.

Elle proteste.
-Déshabillez-la.

Elle halète et gémit.

Elle force et crie.

Elle sanglote.

Il inspire.

Elle sanglote.

Tu peux sauver ton âme si tu parles.

-D'accord.

J'avoue.
J'ai eu des pensées horribles !

Sœur Juliana, je la déteste !
J'ai voulu qu'elle meure.

Laissez-moi !

Elle sanglote plus fort.

-Mon enfant,

ce n'est pas cela
que nous voulons entendre.

La "poire d'angoisse".

Elle gémit.

Est-ce que tu as déjà vu
quelque chose de semblable ?

Jeanne d'Arc était
une guerrière courageuse...

ses ennemis le reconnaissaient.

Pourtant,
elle a avoué ses péchés

quand on lui a montré
les instruments de torture.

Inutile de prétendre que
tu es plus brave que Jeanne d'Arc.

Nul besoin de prétendre
quoi que ce soit d'ailleurs.

-J'ai déjà avoué.

Je vous ai dit que je voulais tuer
sœur Juliana.

Je suis coupable de meurtre.

Ayez pitié.

I! soupire.

Musique grave

J'ai avoué !

Une porte se ferme.

-On ne se connaît pas encore,
toi et moi,

mais on est sur le même bateau.

Le voyage peut être long,

il peut être court.

Prions Dieu d'éclairer notre route.

-Non, non, non !

Elle crie et halète.

Elle gémit.

Elle crie plus fort.

Des cris retentissent.

Des coups retentissent.

-Entrez !

La porte s'ouvre bruyamment.

I! soupire.

C'est quoi l'amour, selon vous ?

-Je pense que...

c'est ne pas se sentir seul.

C'est...

une chaleur, là.

Vous avez mal aux pieds ?

De l'eau fait des remous.

-Vous êtes abbesse
et vous me lavez les pieds ?

-Novice, j'en ai lavé
plus souvent qu'à mon tour.

-Vous n'avez jamais touché un homme ?

-Non.
-Pourquoi ?

Parce que vous êtes insensible
aux désirs naturels d'une femme.

-Je n'ai de désir que pour Dieu.

L'eau fait des remous.

Musique douce

Il respire fort.

-Vous essayez de me séduire ?

Où avez-vous appris
ces talents de putain ?

-J'en sais peu des talents de putain.

Et je ne vous demanderai pas
comment vous en savez quelque chose.

-Jouer avec moi,
c'est jouer avec le feu.

Littéralement.
Musique inquiétante

-Je n'ai pas peur.

-Bien sûr.

Vous avancez revêtue
de l'armure de lumière.

-L'amour est la seule armure
dont j'ai besoin.

-L'amour du Christ,
c'est ce que vous voulez dire ?

Ou l'amour de Bartolomea ?

-Celui de Bartolomea aussi.

-Alors Jésus doit partager ?

Elle ricane tout bas.

-C'est avec joie qu'il partage tout.

Avec l'humanité entière.

-La chaleur dont vous avez parlé...
là.

Ce n'est pas l'amour
pour l'humanité entière.

C'est quelque chose de particulier.

-Bartolomea, c'est le particulier.

Et à travers elle,
j'atteins l'amour universel.

L'universel vous atteint au travers
d'un petit morceau de bois ?

On frappe à la porte.

Musique douce

Elle s'exclame.
Bartolomea gémit.

-Reste où tu es !
Musique grave

(-Bartolomea...)

-Je leur ai dit
que tu m'avais trompée.

Que tu m'avais forcée à pécher.

Elle sanglote.

-Des mensonges dans ta bouche.

-Je veux plus souffrir pour toi !

Va au diable !

-Étes-vous prête à avouer,
maintenant ?

Elle respire fort.

-Elle est là,
la preuve que vous cherchez.

-Le voilà votre amour, Benedetta.

Musique intrigante

Elle crie.
Musique tragique

Voix d'homme
-Blasphème !

Blasphème !

Vous vous moquez

de Mon épouse comme on s'est moqué
de Moi sur la croix !

Sacrilège !

Vous avez tous été jugés !

Toi, Alfonso Giglioli,

tu as été jugé.

Et tu paieras ton blasphème

avec ton sang,
du pus noir et des bubons !

La musique devient intrigante.

Musique grave

-C'est arrivé quand ?
-Il y a une heure.

-Pas un mot.

Installez-la dans la cave.
Placez un garde.

Personne ne doit entrer ni sortir.

Et brûlez tout ce qu'elle a touché.

Musique mélancolique

-Garde la tête haute.

Il y a une chose que j'ai apprise
lorsque je me prostituais.

L'humiliation
ne laisse pas de traces.

Une porte s'ouvre.

Brouhaha d'une foule

La musique s'intensifie.

Les gens rient.

Brouhaha de la place

-Au voleur !

Attrapez-la !

La plume gratte.

Un papier est manipulé.

-Pescia ne laissera pas brûler
celle qui l'a protégée de la peste.

-Le peuple n'a rien à dire,
c'est l'Église qui décide. Signez.

-Nonce, l'enfant était promise à Dieu
dès sa naissance...

-Mon père ! Considérez
que votre tâche est terminée.

J'ai de la pitié pour elle.
Et de l'amour.

Mais la pitié et l'amour
n'ont rien à faire avec le devoir.

La sentence... est irrévocable.

Une porte s'ouvre.

Musique intrigante

On frappe.
-Excellence ?

-Oui.

-Notre sœur Benedetta a une requête.

Elle voudrait qu'on l'autorise
à prier avec sœur Felicita

et à implorer son pardon.

Elle voudrait aussi

être portée sur la place

à dos d'âne, comme le Christ
est entré à Jérusalem.

-Pour l'âne, c'est non bien sûr.

Mais je l'autorise à monter
sa petite comédie avec sœur Felicita.

Nous devons tous jouer notre rôle
jusqu'au bout, n'est-ce pas ?

-Bien.

Des pas s'éloignent.

Des oiseaux chantent au loin.

-Tu peux t'en aller.

-Ça te fait plaisir
que je sois en train de mourir ?

-Je viens vous dire
ce que Jésus m'a révélé :

votre fille vous attend
auprès de lui.

-Je n'en crois pas un mot.

Mais elle n'est pas en enfer.
C'est toujours ça.

-Vous avez donné votre vie à Dieu
sans jamais croire en lui.

Maintenant, il devrait être
votre réconfort et votre salut.

Mais vous êtes seule
face à la terreur de la mort.

-Dieu ne m'a jamais parlé
comme il vous parle.

-II vous parle en ce moment même.

Il vous parle à travers la douleur.

Elle tousse.

Elle inspire.

-Alors, il parle beaucoup.

Mais je ne comprends rien
à ce qu'il veut me dire.

C'est quoi ?

Qu'est-il est en train de vous dire ?

Un chœur chante.
-Vous croyez que je le sais ?

-Peut-être, oui.

Oui, vous le savez.

-Oui.

-Dites-le-moi.
Du verre tinte.

Dites-moi...

La musique s'évanouit.

Dites-moi.
Le chœur reprend.

La porte s'ouvre bruyamment.
Brouhaha de la foule

Musique tragique

La foule crie.
-Benedetta !

Benedetta !
Benedetta !

Pardonne-moi !

Benedetta !

Benedetta, regarde-moi !

Pardonne-moi !
S'il te plaît.

Dis-moi que tu ne me hais pas.

-C'est très bien.
Il fallait que je sois trahie.

La foule hue.

-À mort, le nonce !

-Libérez-la !

La foule crie.

-Laisse-moi !

-Je t'accorde la miséricorde
de l'étranglement.

Tu ne souffriras pas
dans les flammes.

Mais tu dois faire des aveux.

Musique intrigante

Renonce à ta vanité !

Avoue !

-Je vais avouer.

-Parle !

La foule se tait.

Un oiseau chante.

-Malheureuse ville de Pescia,

je n'ai pas pu te sauver.

Je n'ai pas pu
te faire renoncer au mal.

Musique grave

Elle inspire bruyamment.

Voix d'homme
Vous avez trahi Mon amour !

Cris et brouhaha dans la foule

Aucun de vous ne sera épargné !
Chœur religieux en fond

La mort va parcourir cette ville

comme un vent qui fauche
tout sur son passage.

Voyez !

L'Ange de la mort a étendu les mains.

La mort est là !

Elle marche déjà parmi vous !

Ange de la mort !

Montre ton visage !

-C'est lui qui m'a fait ça !

Le nonce !

C'est lui
qui a amené la peste à Pescia !

Sur vous !

Sur vos enfants !
-Assez !

Au bûcher !
Musique grave

Qu'on l'amène au bûcher !

Au bûcher !
-Non !

La foule crie.

Elle crie.

La foule crie.

La musique devient tragique.

-Non !
Si elle meurt,

on sera tous maudits !

C'est le nonce !

C'est le nonce qui a amené la mort !

C'est le nonce qu'il faut brûler !

-À mort !

-Détachez-la !

Elle halète.

La foule crie.

-Fuyez !

-Prends le baiser de la paix !

Il force et gémit.

La foule crie.

-Attrapez-le !

-Benedetta !

-Benedetta !

Benedetta !

Les cris diminuent.

Elle crie.
Il crie.

Elle halète.

Il gémit.

Brouhaha de la foule

I! suffoque.

-Veux-tu que je prie
pour le salut de ton âme ?

-Quand tu es morte,

est-ce que tu as vu l'autre monde ?

-Jésus m'a montré
la place de chaque âme,

passée, présente et à venir.

-Et moi,

est-ce que tu m'as vu
au paradis ou en enfer ?

(-Au paradis.)

Brouhaha de la foule

-Jusqu'à la fin, tu auras menti.

I! suffoque.

Brouhaha de la foule

Un chœur s'ajoute à la musique.

Le chœur et la musique s'estompent.

Ils s'évanouissent.

Des oiseaux chantent
et des insectes grésillent.

Une cloche sonne au loin.

-Qu'est-ce que tu fais ?
-Je dois retourner là-bas.

-Mais y a plus rien là-bas.

Pourquoi tu y retournes ?
-Le couvent est ma maison.

J'ai juré d'y passer ma vie.
-C'est du passé.

-Pas pour moi.

-On peut aller où on veut,
maintenant.

-Tu crois ?
-Mais oui, n'importe où !

À Rome, Venise, l'Espagne...

-Et on mangerait comment ?

On volerait ?
On se vendrait ?

Les oiseaux chantent.

-Il y a pire.
Au moins tu serais vivante.

Si tu retournes là-bas,
ils vont te remettre sur le bûcher.

-Ils ne me brûleront pas.

Allez !
Je serai protégée.

-Par qui ?
Ton époux, Jésus ?

(-Tu crois toujours pas en moi ?)

-Après tout ce que tu as vu ?
-Regarde.

-Mais je t'ai déjà expliqué.
Quand Dieu.

-Il y a personne, on est seules !

Tu peux l'avouer,
c'est des histoires. Dis-le !

Dis-le.

Si tu tiens à moi, dis-le.

Dis-le !

-Pourquoi, c'est horrible !
-Parce que je veux pas que tu meures.

Les gens qui étaient pour toi hier
te jetteront au feu.

(-Tu as raison.)

Musique douce

Ils m'attacheront au bûcher.

Ils y mettront le feu.

Les flammes me lécheront
mais ne me brûleront pas.

Dieu ne les laissera pas faire.

Et tous le verront.

Plus personne ne pourra douter,
plus jamais. Toi-même...

tu ne douteras plus
ni ne craindras plus rien.

Et ça sera mon cadeau pour toi.

-Tu es folle...
T'es folle.

-Tu n'es qu'une enfant, Bartolomea.

Ça fait partie de ton charme.

-Va-t'en !

Va-t'en alors !

Va au diable !

Qu'ils te brûlent !

La musique s'intensifie.

Va-t'en !

Musique de générique