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[grondement de tonnerre]

[musique : "La Rupture"]

[fin de la chanson]

[femme] Vingt-cinq minutes.

Hein ? Si ça chauffe trop,
vous me le dites.

Je vous donne une revue.

Il y a des soldes chez Thérèse.
J'ai vu un blouson drôlement bien.

- Combien ?
- 690 francs.

C'est trop cher ?

Au bout d'une semaine, il sera déchiré.

- Je me battrai plus, je te promets.
- Tu parles.

[téléphone]

Oui ?

Ah oui, un moment. Saïd, c'est pour toi.

- Un client.
- Oui ?

Pas de problème. Il est à quelle heure,
votre train, M. Rosière ?

C'est un peu juste mais c'est possible.
À tout de suite.

- Je viens avec toi.
- [Jeanine] Non, Martin, tu restes là.

- Je veux pas que tu te couches tard.
- Demain c'est dimanche.

- Je veux pas de problèmes avec ta mère.
- Bon, faites ce que vous voulez.

[cloches de l'église]

Ils laissent partir les bons joueurs.

- On gagnera jamais comme ça.
- Toujours une histoire de fric.

[conversations mêlées]

- Hé, Saïd.
- Il est encore là, le petit ?

On va se faire engueuler.

- Tu peux conduire ?
- T'inquiète pas, je suis clair.

- Je sens pas trop la bibine ?
- Non, ça va.

On dira à ta mère qu'on a crevé.

[il urine]

Est-ce que ça te dirait
d'aller chez ton père ?

- Ça va pas, non ? Je le connais pas.
- Justement. C'est l'occasion.

- Une autre fois, c'est pas pressé.
- Ça fait dix ans que c'est pas pressé.

Plus vous attendrez,
plus ce sera difficile.

Écoute, maman, j'ai pas envie.
Ça sert à rien d'en parler.

T'as pas envie…
Il s'agit pas d'avoir envie.

C'est ton père. Tu peux pas continuer
à faire comme s'il n'existait pas.

Et puis, maintenant,
il est pas en très bonne santé.

Après, ce sera trop tard.

Je t'ai dit que je veux pas,
n'insiste pas.

Bonne nuit.

Écoute, Martin, que ça te plaise ou pas,
tu iras chez ton père.

- Comme ça, ce sera fait.
- Tu ne vas pas me forcer quand même ?

Ben si, s'il le faut, je te forcerai.

- Mais pourquoi ?
- Parce que je pense à ton avenir.

T'auras beau m'insulter
ou faire la gueule, ça ne changera rien.

[femme] Tu vois,
ce sont des photos de toi.

C'est ta mère qui nous les a données.

J'ai pas encore trouvé où les coller.

Ça, ce sont tes frères.
J'ai eu trois enfants, tu sais.

Viens, regarde.

Lui, c'est François, c'est l'aîné.
Il travaille à l'usine.

Lui, c'est Frédéric.
Il fait sciences po à Toulouse.

Et le dernier, c'est Benjamin, on sait pas
trop avec lui, il est très turbulent.

Ah !

Oui, la gorge est un peu rouge.

- Ça te fait mal quand tu avales ?
- Oui.

Et ça t'arrive souvent
d'avoir des migraines ?

Des fois.

- 39,2 c'est beaucoup.
- Oui, en effet.

- Votre mari est là ?
- Oui.

- Il vient d'arriver.
- D'accord, je vais aller lui parler.

- Je ferme les volets ?
- Comme vous voulez.

Tu sais, à ton âge,
c'est le moment que je redoutais le plus.

Quand mon père fermait les volets.

Je lui disais : "Il fait encore jour !"

[volets se ferment]

Tout à l'heure,
je téléphonerai à ta maman.

Tu sais, Martin, tu n'es pas
obligé de rester ici.

Mais ça fait tellement plaisir
à Victor que tu passes du temps avec lui.

Qu'est-ce que vous foutez dans le noir ?

- Il a beaucoup de fièvre.
- C'est ce qu'on va voir.

Tu peux nous laisser seuls ?

- Retire ton pyjama.
- Pourquoi ?

Fais ce que je te dis, Martin. Hein ?

Tu vas prendre ta température
devant moi.

- Allez, dépêche-toi.
- Je l'ai déjà prise.

Eh ben tu vas recommencer !

- T'es pas malade, Martin.
- Si, je suis malade.

Non, tu mens.

J'aimerais bien savoir
comment tu as fait monter ta température.

Ça m'intéresse.

Je t'écoute, Martin.

Eh bien, c'est pas compliqué.

Y a… Y a qu'à frotter le bout
du thermomètre contre le drap,

et ça finit par chauffer. Et puis voilà.

C'est une explication très claire.
C'est ingénieux.

Ça prouve que t'es rusé.

Je veux savoir pourquoi tu as fait ça.

Je suis pas obligé de répondre.

Si. Faut que tu me dises la vérité.

Pourquoi ?

Vous pouvez pas me forcer à parler.

Moi, j'ai un copain,
ses parents l'ont battu.

Ça a fait des histoires à l'école.

J'ai pas l'intention de te battre.
Je veux découvrir qui tu es.

Pour ça, c'est nécessaire
qu'on se parle franchement.

C'est quoi, ça, me mentir ?
Je peux faire quoi ?

Te mentir moi aussi.

Ta mère a voulu te garder pendant dix ans.
Je la comprends. Elle a que toi.

Elle t'aime. Moi, je pouvais rien faire.

Il faut que tu sortes de ses jupes.

C'est à mon tour de m'occuper de toi.
Tu en dis quoi ?

En tout cas, moi, je veux pas habiter ici.

Pourtant, ce serait bien
que tu sortes de ton milieu.

Ça te ferait connaître autre chose.

- Ça me servirait à quoi ?
- Ça te…

Ça te donnerait les moyens de réussir
quand tu seras grand.

Je comprends pas. J'ai rien demandé.

Excusez-moi,
j'en ai marre de rester debout.

- Je peux retourner dans ma chambre ?
- Non. Tu vas dîner.

Le coup de la maladie, c'est terminé.

C'est pas terminé. Je suis malade.

Je te dis que ça suffit, ce cirque.
T'as compris ?

[sanglote]

[charnière grince]

[musique : "Lilac Wine"]

[fin de la musique]

[musique dramatique]

[fin de la musique]

[bruit de l'eau]

[coassements]

[oiseaux chantent]

[moteur d'avionnette]

[froissements des sacs de plastique]

[musique : "Élévation"]

[pas dans les brindilles]

[halète]

[fin de la musique]

[halète]

[cri d'oiseau]

[cri d'oiseau]

[bruit de moteur]

[aboiements]

[caquètements]

[cri d'oiseau]

[bruit de mouches]

[cri d'oiseau]

[orage]

[silence]

[caquètements]

[aboiements]

[grognements]

Ça y est.
Cette fois-ci, on l'a eu.

[aboiements]

[policier parle au téléphone]

[bruit ambiant]

Tout va bien ?

Dites-moi,
d'après votre avis de recherche,

vous avez disparu de votre domicile
depuis le 27 août.

Suite au décès de votre père.
C'est exact ?

On va vous relâcher.

J'ai parlé à votre belle-mère.

Elle s'occupe du fermier.

Qui va retirer sa plainte.
Le poulailler, c'est terminé.

Par contre, vous êtes dans un sale état.

Vous devrez changer
votre pièce d'identité.

- Je suis libre ?
- Mme Sauvagnac arrive.

Je préfère pas la voir.
Est-ce que j'ai le droit ?

Vous êtes majeur, comme vous voulez.

[bruit de moteurs]

[alarme passage à niveau]

[klaxon de train]

[musique au violon]

[frappe à la porte]

C'est qui ?

[homme] Martin.

Et vous, vous êtes qui ?

Moi, je… je suis Alice.

Je peux entrer ?

Je sais pas, Benjamin m'a rien dit.

- Il sait que vous êtes à Paris ?
- Euh, non.

Ben je sais pas quoi faire.

Je reviens quand il sera là ?

Non, ça va, entrez.

Vous êtes sa copine ?

On habite ensemble,
c'est pas sexuel.

C'était le sens de la question ?

Il vous a parlé de moi ?

Ben, euh, depuis
votre disparition, oui, forcément,

une fugue de trois semaines,
ça passe pas inaperçu.

Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

Enfin, il était inquiet.
Et vous refaites surface comme ça.

Il sera là quand, Benjamin ?

Euh, après son travail,
il rentre tard en général.

Je peux dormir là ? Je suis naze.

Impossible. J'ai mon concours demain.
Je dois répéter.

Désolée, ça va durer toute la nuit.

- Ça ne me dérange pas.
- Moi, si.

Un type qui roupille,

ça me distrait. La respiration,
les ronflements…

Je peux pas me concentrer.

Y a pas un coin…

La salle de bain, une cave, un parking.

Je dormirais n'importe où.

Pff.

- Vous avez pas une voiture ?
- On n'en a pas.

Attendez, vous allez où ?
Vous allez faire quoi ?

Trouver un endroit pour la nuit.

On va se débrouiller pour ce soir.

Venez.

C'est la chambre de Benjamin.

Il dormira avec moi.

[bruit de train]

Oui, il m'a flanqué les jetons,
tu te rends pas compte.

C'est un cauchemar, ton frère.

Je l'aime beaucoup,
ne dis pas de mal de lui.

Que je dise pas de mal de lui…

Il fait un peu clodo intersidéral.
Tu trouves pas ?

Depuis la mort de mon père,
il a pété les plombs.

Il s'en remettra. Avec le temps.

Il m'a foutue dans un état
d'angoisse pas possible.

J'suis même allée voir dans ta chambre
pour vérifier que j'avais pas rêvé

et il était sur ton lit
tout habillé les yeux fermés.

Et il parlait dans son sommeil
avec une drôle de voix.

Les gens qui parlent en dormant,
c'est banal.

Heureusement que t'es arrivé.

Oui, j'arrive toujours au bon moment.

[siffle]

- Ça te gêne pas si je lis un peu ?
- Non.

- Et ton concours ?
- À 9 h.

9 h. Faut que tu dormes, Alice.
Tu vas tout foirer.

On a un rappel pour l'électricité.

1 800 balles. Faut se grouiller.

- On en reparle demain.
- Comme toujours.

Allez, bonne nuit.

Bonne nuit, Zorro.

Pourquoi t'éteins ?

- Ça me dérange pas si tu lis.
- C'est mieux que je me couche tôt.

Pour une fois.

"Tango nuevo", ça suffit pas.

Bon, je vais te dicter un truc.
T'as de quoi écrire ?

Où est-ce que je l'ai foutu… Voilà.

Euh, je te le lis.

"Si d'autres musiques sont faites
pour que se ferment les blessures,

le tango, lui, se joue et se cherche

pour qu'elles s'ouvrent,
qu'on s'en souvienne,

qu'on mette le doigt…"

Euh, je te rappelle plus tard.

Hein ? Ciao.

Ça va ? Vous avez bien dormi ?

Eh oh ! Y a quelqu'un ?

Il est où, Benjamin ?

Il est rentré hier soir, il est reparti.

Je comprends rien.

On est jeudi après-midi,
si ça vous dit quelque chose.

Vous avez dormi exactement 19 heures.

Vous voulez un café ?

Oui.

Pourquoi vous m'avez pas réveillé ?

On a essayé, ça a rien donné.

Je veux m'excuser pour mon accueil,
j'étais nerveuse.

Pas à cause de vous.
J'avais le trac pour le concours.

Je deviens chieuse
et je fais trinquer les autres.

J'ai un caractère pas possible.

Benjamin dit que vous pouvez
prendre ce que vous voulez.

À part ça…

La salle de bain, c'est là.

Au cas où vous auriez l'idée
de vous laver.

Et pour voir Benjamin,
c'est facile, il travaille à la fnac.

Au Forum des Halles.
Jusqu'à 20 h à peu près.

On est bien en septembre ?

Le 21, exactement.

Et il fait toujours aussi chaud
à cette époque ?

Ça dépend des années. Comme partout.

Comment j'y vais, au Forum des Halles ?

Ben par le métro. C'est facile.

[brouhaha]

L'eau de toilette,
vous y êtes pas allé de main morte.

Je vais par là. Vous continuez,

puis changez à Odéon,

direction Porte de Clignancourt,
jusqu'aux Halles.

[haut-parleur] Bienvenue
au Forum des Halles.

Votre sac, s'il vous plaît.

Merci.

Martin.

Oh, bienvenue à Paris.

Les fringues, t'es pas trop à l'étroit ?

Non, ça va, je te remercie.

- Tu aurais dû me réveiller.
- C'est Alice… Votre sac.

Merci.

On a pas vraiment le temps
de se parler, là.

On se retrouve au café
dans une demi-heure ?

D'accord. Où ça ?

Le Quick.

Tu descends, c'est niveau -3.

Tu prends l'escalator allée des cascades.

Tu vas trouver ?

- À tout à l'heure.
- OK.

Tiens, Martin, prends ça.

À tout à l'heure.

[haut-parleur inaudible]

Votre sac, s'il vous plaît.

[femme] C'est pas mal pour vous.

- Vous faites quoi ?
- [Martin] Rien.

C'est l'occasion.

- Pourquoi pas.
- Oui.

- Donc je compte sur vous.
- Bonjour.

Bonjour.

Je vous retiens pas plus longtemps.

Soyez gentil, vous m'appelez.

D'accord.

- Merci beaucoup. Au revoir.
- Au revoir.

Tu m'expliques ? Qui c'est, celle-là ?

Ça te dit quelque chose ?

Tania de l'Étang, directrice artistique.

Agence studio création.
Elle te voulait quoi ?

Je peux poser
pour me faire un peu d'argent.

C'est peut-être pour du porno.

Sans déconner, ça t'intéresse de poser ?

Je sais pas.

Les photos, je m'en fous,
si ça peut me rapporter un peu de thunes…

Pourquoi tu as disparu
pendant trois semaines ?

J'ai pas envie d'en parler.

Ben oui, mais…

Elle t'a dit quoi, ta mère ?

Comment ça ?

Que t'étais là
quand il est tombé dans l'escalier,

que tu l'as vu se fracasser le crâne,

t'as paniqué et t'es parti en courant.

Puis plus de nouvelles.

T'as pas soif, toi ?

[Tania parle en anglais]

Jocelyn, les photocopies, s'il te plaît.

Merci.

Martin, tu m'attends cinq minutes.

Et je te présente quelqu'un
qui va s'occuper de toi.

- Tania, tu la connais ?
- Pas vraiment.

Elle est sympa.

Je l'ai rencontrée dans une autre agence.

- Elle t'a invité ?
- Oui.

- Tu fais ça souvent ?
- C'est la première fois.

J'ai jamais eu la chance
que ça se concrétise.

Deux fois, ça a failli,

la dernière fois, pour France Télécom,

on était deux et ils ont pris l'autre.

[sonnerie de téléphone]

[Tania] Tu me suis ?

Jocelyn.

Je te présente Martin.

Commence par un Polaroïd.

Ensuite, trois, quatre tests

avec des photographes différents,

l'Italien, et vois avec ses cheveux.

Je crois que…

Non, ça devrait aller. OK ?

Tu viens avec moi ?

On va se mettre là.

- Je souris ?
- Comme tu veux.

Y a un public pour ça.
Au Bataclan, ça a bien marché.

On dénichera deux concerts par mois.
On gagnera pas de l'or.

Il faut prendre des risques.

C'est une bonne idée,
si on insiste sur la qualité.

- Y a un public de vrais connaisseurs.
- Arrête.

Ils nous feront pas bouffer.

J'en peux plus des noces.

C'est pas motivant. Alice ?

J'en ai assez entendu. Je vais boire.

- On a des provisions.
- La bière, ça se boit frais.

[brouhaha du restaurant]

Écoutez, je sais que vous êtes là.

Oh !

Bon, j'ai passé l'âge
de jouer à cache-cache, moi.

Je vous signale
que je bougerai pas d'ici.

Qu'est-ce tu fous là ?

- Tu fais la gueule ?
- Non.

On est tous crevés,
on se dispute, c'est normal.

On est chez les mecs, là.

Hé !

Vous m'avez suivi à Saint-Cloud,
j'ai rien dit.

La semaine dernière,
j'ai encore rien dit.

Aujourd'hui, à Vincennes, j'en ai marre.

Voilà.

Je vous avais suivi avant,
vous m'aviez pas vu.

À Saint-Cloud, j'ai foiré, alors après…

vous étiez sur vos gardes.

Je veux pas vous coller.
Si ça vous dérange, je le ferai plus.

Je comprends pas pourquoi
vous faites ça.

On vit sous le même toi,
c'est simple de me parler.

C'est pas ça, j'ai rien à vous dire.

Rien du tout.
J'ai juste envie de vous voir.

Savoir ce que vous faites.

Je gagne ma vie,
c'est pas très folichon.

Ça vous branche, le violon ?

- Non, pas spécialement.
- Alors ?

Il faut tuer le temps,
et à Paris, je connais personne.

Vous avez un boulot de mannequin.

Oui, mais c'est pas tous les jours,

et j'ai pas rencontré de gens
qui m'intéressent.

J'ai été con de m'enfermer
dans les chiottes.

Je me sentais ridicule.

Je crois surtout
que vous manquez de maturité.

Vous avez quel âge ?

OK, ça va, c'est décidé,
je vous laisserai tranquille.

Un demi, s'il vous plaît.

Ça va ?

- Oui, ça va.
- Tu peux marcher ?

C'est bon, je… Ils m'ont fait

six points de suture,
je suis sous antibiotiques, ça va.

Tout va bien, comme toujours.

Je sentais pas ce connard.

Il était tellement bandant.

J'ai pas voulu l'emmener à l'appart.

- À l'hôtel, je…
- Il s'est passé quoi ?

Je sais pas, j'étais de dos…

Il a pris un cendrier

et il m'a foutu un coup.

On y va, là ? On reste pas ici.

Dans le fond, y a que les tueurs
qui te font rêver.

Tu arrêtes.

C'est une mauvaise rencontre
pour 100 de bonnes.

Ça vaut le coup. C'est le cas de le dire.

Pas la peine de noircir le tableau.

Je sais, tu es heureux et épanoui.

Parfaitement, oui, heureux et épanoui.

Je crois que j'ai mal
à cette putain d'oreille.

C'est quand, tes essais ?

Dans trois jours. Je fais un blocage.

Y a juste un passage où tu cales,
c'est rien, ça.

On reprend demain.

Demain, je fais un remplacement
chez Virgin 10 h - 19 h,

puis après, j'ai une soirée tango,
on a loué une salle.

Amortie avec les réservations.

Je demanderai à Martin de faire Cressida.

Ça te gêne vraiment, sans courant ?
C'est bien, les bougies.

Écoute, Benjamin,
les bougies, les bougies,

c'est très joli,
mais pas de chauffage, de frigo,

de téléphone, d'eau chaude,
j'en ai marre !

Complètement inconscient. Comme
tes histoires de cul, tu cherches la cata.

Ça n'a rien à voir.

Parfois, j'ai l'impression
que tu me mets à l'épreuve.

Tu veux que je te fasse la morale.

J'ai oublié, je suis désolé.

T'as dépensé le fric
pour faire autre chose.

Chacun son truc.

Quand je t'ai rencontrée,
tu déconnais,

je te faisais pas de sermons.

Je ne te fais pas de leçons,

je m'occupe de choses concrètes.

Je suis comme une conne

à essayer que ça parte pas en couille,

- j'en ai marre !
- C'est le cas de le dire.

J'ai pas envie de plaisanter.
Tu te rends pas compte.

C'est le radeau de la Méduse.

Plus bas, j'ai mal à mon oreille.

Et je supporte pas l'hystérie.

Bon ben…

Je vais pas te déranger.

Et mon bisou du soir ?

J'ai pas envie.

Je vous montre mon book ?

Si c'est pas trop long. Je suis fatiguée.

C'est pas grave, une autre fois.

- Vous avez pas froid ?
- Non, ça va.

[miaulement]

[bruit du train]

[miaulement]

Bon, Martin.

Ça vous dérange pas, ce bordel ?

Non, je trouve ça super.

Ça fait roulotte.

Ah bon ?

Ça marche bien, vos photos ?

Ça va, ça me rapporte
un peu de thunes.

Puisqu'on parle de ça.

J'habite ici, c'est normal
que je partage les frais.

Alors ça,
c'est pour la facture d'électricité.

Merci.

Tu sais ce qui est blanc en hiver,

qui tombe du ciel et finit par AR ?

- Brouillard.
- C'est pas brouillard.

- Blizzard.
- Non. Allez, concentre-toi.

Encore un petit effort.

- Allez !
- Je vois pas, tu me dis.

La neige, connard !

[rires]

Elle est géniale, non ?

Il est con.

[Benjamin] Vraiment super.

Quand vous faites un défilé de mode,

c'est répété ou improvisé ?

Y a rien de préparé, faut se grouiller
pour changer de fringues,

c'est un truc de vitesse, comme du sport.

Ah.

Et vous avez pas trop le trac ?

Non, pas du tout.
Je regarde pas les gens qui sont là, quoi.

Je deviens comme un robot.

- C'est marrant comme exercice.
- Parfait pour les aphasiques, ça.

Si vous voulez, demain,
j'ai un autre show pour Armani.

Ils lancent les collections
automne hiver de l'an prochain.

- Non ?
- Ça vous dit ?

J'ai envie, mais demain, je peux pas.

J'ai mon groupe de tango.

Quand j'avais votre âge,
j'étais au conservatoire.

Le trac m'a foutue en l'air.

Je perdais tous mes moyens.

Alice, arrête avec le trac,
c'est un peu fastoche.

J'arrivais pas à prendre sur moi.

Je vous ai vue jouer du violon,
pourtant il y avait du monde,

et ça se passait plutôt bien.

Dans un groupe, c'est pas pareil.
Seule, je me prends.

Une fois, j'ai rêvé que…

j'étais sur une place,

je me mettais à jouer de mon violon,

j'avais beau me concentrer,
tout était faux.

Ça écorchait les oreilles.
On me jetait des pierres.

- Et vous faisiez quoi ?
- Ben rien.

Je me réveillais, la vie continuait.

J'étais gratinée à l'époque.

Je me révoltais tout le temps

contre la musique, les garçons.

Contre tout le monde.
Heureusement que Zorro est arrivé.

- C'est qui Zorro ?
- Zorro, c 'est moi.

Pas tous les jours.
Un jour, c'est Zorro, un jour, c'est Zéro.

J'ai l'impression
qu'on a un équilibre avec Alice.

On est l'enfant l'un de l'autre,
à tour de rôle.

Ça veut dire quoi, ça ?
Vous vous suffisez ?

Les autres existent pas ?

Non, les autres existent.

Mais on laisse venir ce qui vient,
et on laisse passer ce qui passe.

Je crois que ça nous rapproche

mais sans nous démolir,
contrairement aux autres couples.

Hm. Intéressant.

Tiens, puisqu'on parle de ça,
moi, ça y est,

j'ai trouvé un endroit.
Un hôtel dans le 10e, pas cher.

Je voulais plus taper l'incruste.

Je comprends pas, quoi ?

Ça nous fait plaisir d'être avec toi.

- À la maison.
- Oui, mais enfin, bon…

Hein, Alice ?

Quoi ? Il fait comme il veut.

Bon, on trinque à quoi ?

- Tu vas sûrement trouver une idée.
- À Alice ?

- Ouais, à Alice.
- Allez, à Alice.

[musique : "Tango Illusion"]

[musique de tango continue]

J'avais dit qu'on se planterait.

C'est un mauvais soir.

On a fait le plein trois jours.

Faut attendre le week-end pour savoir.
C'est classique.

Tu parles. Les gens, c'est la recette.

Quand ça monte, ça leur plaît,

quand ça descend, ça leur plaît pas.

Te raconte pas d'histoires.

Excusez-moi, la loge d'Alice Balfour ?

On est tous dans la même loge,
la même galère.

Frank, dès qu'on se paie un bide,
on dirait que ça te fait plaisir.

- Salut, les filles.
- Salut.

Ah ben…

C'est sympa d'être passé.

- On va boire un verre ?
- Oui.

Alors, votre nouvelle vie ?

- Ça vous plaît ?
- Pourquoi vous dites ça ?

- J'ai pas de nouvelle vie.
- Je pense à la chambre d'hôtel.

J'y suis pas souvent.

Quand je bosse pas, je marche.
Je commence à connaître Paris.

Enfin, les rues,
je veux dire, pas les gens.

C'est drôle, mais souvent,
je pense à votre fugue.

Pourquoi vous êtes resté trois semaines
sans donner de signe de vie ?

On parle d'autre chose ?

Ben, l'autre jour, au restaurant chinois,

vous êtes un peu sorti de votre mutisme.

- J'espère que ça va continuer.
- J'aime pas parler de moi.

- Bon.
- Par contre,

- j'aimerais que vous me parliez de vous.
- Je suis d'accord.

Mais pas comme ça, dans le vide.

Posez-moi une question.

Qu'est-ce qui vous a marqué le plus ?

[rit]

Odile.

Odile, c'est ma sœur.

On a été élevées par ma grand-mère.

Elle avait un magasin
de chaussures à Amiens.

Ma sœur, c'était un génie.

Quand on allait pas à l'école,
elle s'occupait du magasin.

Y avait des rayonnages
pleins de chaussures.

Ma grand-mère disait un numéro,
et hop, ma sœur trouvait la bonne boîte.

Personne comprenait comment elle faisait.

À l'école, c'était pareil.

Première partout, elle connaissait
toutes les matières par cœur.

Et puis, mercredi…

un mercredi…

c'était le jour où il y avait le plus
de clients au magasin,

elle était devenue une attraction.

Ma grand-mère a fait comme d'habitude.

Elle lui a demandé un numéro, et puis…

Et puis Odile s'est trompée.

Elle s'est trompée de boîte.

C'était la première fois
qu'elle commettait une erreur.

Elle a eu de la fièvre, une méningite.

Ça a duré trois jours, et puis…

elle est morte.

Et elle avait quel âge ?

Onze ans.

C'est bizarre, on l'a toujours
considérée comme une adulte.

Elle a jamais eu d'enfance.

C'est râpé le Dos y Tres ?

Ben oui. On ferait quoi ?

Frank nous a plantés.

Je le voyais venir, celui-là.

Il a repris son ancien boulot,
ça rapporte plus.

Vous êtes quatre. Vous faites Dos y Dos.

Pff. Sans Frank à la basse,
ça peut pas marcher.

C'était lui, le cœur du groupe.
Un beauf, une grande gueule,

mais il se remuait le coup
pour nous foutre sur des coups.

Tu vas faire quoi, maintenant ?

Ben c'est pas évident.

J'ai trouvé des leçons.

Trois gamins deux fois par semaine.

T'as demandé combien ?

Carrément 200 balles de l'heure.

J'y suis allée, ils ont pas discuté.

Hm. Et toi, la synchro, alors ?

La synchro, c'est rigolo.

Ça change de Shakespeare,
c'est un peu répétitif,

c'est dommage,
y aurait du formidable à faire.

- Quoi ?
- C'est Martin.

[musique au piano]

Excusez-moi, j'ai pris du retard.

À cause d'un élève.

Ses parents l'obligent à faire du violon,
c'est moi qui trinque.

C'est pas grave.
Vous avez changé d'hôtel ?

Non, Armani nous a logés ici.
Ça se passe dans un salon au-dessus.

Quatre jours, privé,
deux défilés le matin, deux l'après-midi.

- Du champagne ?
- Oui.

S'il vous plaît. On peut
avoir la même chose ? Merci.

- [souffle]
- Content de vous voir.

J'aimerais bien qu'on se voie
tous les jours.

Comme ça, pour boire un verre.

Pour moi, une fois par semaine,
c'est pas assez.

Vous savez, Alice, si je vous avais pas
rencontrée, je crois que…

- ben j'existerais pas.
- Pourquoi vous dites ça ?

Vous existez parfaitement sans moi.

Vous vous débrouillez
vachement bien. Merci.

Vous avez fait du chemin.

Quel chemin ? J'ai eu de la chance.

J'ai bien réfléchi, vous me reprochez
souvent d'avoir du mal à parler

et là, je vais y aller carrément.

C'est la première fois
que je veux vraiment quelque chose.

Je comprends pas. Vous voulez quoi ?

Ben vous.

Martin, tu es là, extraordinaire,
il faut que je te parle.

T'as plein de coups de fil
pour les affiches.

Une option après l'autre,
ça n'arrête pas…

Je te présente Alice. Alice, Tania.

Bonjour, enchantée.

- On fait la fête. Tu viens ?
- Je peux pas.

Je suis avec une amie.

Aline, tu viens avec nous.

C'est Alice, pas Aline.

Pardon.

Désolée, je peux pas ce soir.

Il faut que je travaille mon violon.

- Au revoir.
- Au revoir.

[Tania] Dommage.

Tu as un voyage la semaine prochaine.

Tu pars à Marrakech une semaine.

Alice ! Alice !

- Vous l'avez oublié.
- Merci.

[bruit du métro]

[alarme de fermeture des portes]

J'ai pris un taxi. Et puis voilà, quoi.

- Pourquoi vous pleurez ?
- J'ai une conjonctivite.

Ça arrive chaque fois qu'il commence
à faire froid. C'est pas grave.

- Ça vous gêne pas, pour le violon ?
- Non.

Pourquoi vous êtes là ?

Ben pour être avec vous.

Je savais pas
que vous aviez toujours les clés.

Dites-moi si ça vous ennuie
que je sois venu.

Je veux pas déranger.

C'est pas ça, mais vous vivez

dans le luxe,

vous venez voir si tout va bien
chez les pauvres.

C'est un peu comique.

Je préfère être simple et directe,
pour éviter les malentendus.

Je suis pas d'accord
pour passer à la casserole.

Non mais le luxe, j'en ai rien à foutre.

C'est pour gagner ma vie, c'est tout.

C'est déshonorant ?

Évidemment, vous,

c'est autre chose.
Comme Benjamin, une artiste.

Vous avez un petit ton méprisant.
En tout cas, Benjamin,

il a un talent d'acteur.

J'ai beaucoup d'admiration pour lui.

Ça vous dépasse un peu.

Vous êtes intelligente,
sûrement plus que moi.

Tout ce qu'on veut du côté de la tête.

Mais vous êtes fermée, aveugle en plus.

Je sais ce que vous pensez de moi.

- Merci pour votre sincérité.
- Y a pas de quoi.

Je suis pas digne de vous, c'est ça ?

Digne de moi, ça veut dire quoi ?

Je sais pas, digne d'être votre ami.

[rit]

Mon ami ou mon amant ?
Martin, vous êtes vraiment naïf.

Les gens avec qui je couche

et ceux que j'aime
sont pas les mêmes, désolée.

Je mélange pas les gens.

Je suis de l'avis de Benjamin,
c'est pour ça qu'on s'entend bien.

C'est clair pour vous ?

Benjamin vous a endoctrinée.

Dans vos putains de catégories,
je suis où ?

J'en sais rien. J'en sais rien.

Je vous aime pas comme Benjamin,
ni comme ma sœur.

Comme partenaire sexuel,

c'est pas mon style,
j'aime pas les jeunes, désolée.

Vous savez, Alice.

Je sais pas trop le montrer, mais…

j'arrête pas de batailler pour vous.

Moi aussi, j'ai un peu faim.

Désolée, y a plus d'œufs.

Vous pouvez vérifier.

OK, c'est mieux si on se voit plus.

[bruit de porte]

[tintements d'ustensiles]

[musique étouffée]

[musique claire d'inspiration africaine]

[photographe parle indistinctement]

Elle est bonne.

Bon, à bientôt.

[fin de la musique]

Je vous attendais.

J'ai bien vu.

Vous avez l'air fatiguée.

Je dors très mal en ce moment.

Si vous voulez,
il y a à boire dans le frigo.

On peut prendre un verre.

Vous avez un peu de temps, là ?

J'ai fini, donc j'ai tout mon temps.

Pourquoi ?

Parce que si…

Si vous voulez encore de moi,
j'suis d'accord.

[déclic de serrure]

[gémissements]

[halètements]

Excuse-moi d'avoir fait ça ici.

Je me suis à peine démaquillé.

J'avais peur que tu changes d'avis.

- Je bande encore.
- Je le sens.

Oh !

Pourquoi tu veux plus venir à Grenade ?

Écoute, depuis que je te connais,
j'ai tout laissé tomber.

Je dois bosser, je peux pas
rester comme ça à rien foutre.

À t'attendre comme une femme de marin.

Pour te casser le cul
pour trois francs six sous.

Pas besoin, c'est du masochisme.

Peut-être, mais si je travaille pas,
je me sens mal.

Tu vas faire les petites annonces ?

Non, je suis passée chez Virgin,
j'ai trouvé un remplacement.

Tant pis pour Grenade,
alors, je vais refuser.

Mais t'es malade ?

Depuis qu'on vit ensemble,
on s'est jamais séparés.

Une semaine, c'est pas la mer à boire.

- Tu penses ce que tu dis ?
- Non.

Je pense le contraire.
J'aurai du mal, mais il faut se forcer.

Pourquoi se forcer à souffrir ?

Ben…

il paraît que l'absence,
c'est la seule preuve d'amour.

Ça renforce les vrais liens
et ça éteint les feux de paille.

Moi, je préfère la présence.

[musique : "You're So Good to Me"]

Ça te plaît de voyager comme ça ?

Ça me change.

Grenade, c'est la ville de mes rêves.

Venez, il y a de la place.

Toujours autant de monde, ici.

Vous restez combien de temps là-bas ?

Une semaine. Pour un spot.
J'ai vu le storyboard, c'est chiadé.

Chiadé ? Tu parles, ça va être une merde.

Le problèmes, avec les gars de la pub,

ils se prennent pour des philosophes.

Tu vas sûrement poser devant l'Alhambra.

T'as vu, y a Ivan.

Il me fait chier,
il m'insulte et il se casse.

Il a repéré un mec.

Évidemment, c'est un piranha.

T'as vu comment il me parle ?

Il est devenu vachement aigri.

Il a un peu bu,

et la pub, c'est pas son truc.

Tu prends sa défense.

J'en ai marre de sa jalousie.

Il est un peu jaloux
de l'argent que tu gagnes.

Non, Alice.
Il est jaloux qu'on soit ensemble.

Et tu le sais en plus.

Y a jamais rien eu de physique entre vous.

Des fois, on s'amusait
avec des garçons de passage,

mais Benjamin, il est pédé 100 %.

On dirait que ça te pose des problèmes.

Quoi ? Je m'en fous complètement.

Mais des fois, je me dis
que t'as eu tellement d'aventures

et que moi, j'ai aucune expérience.

L'expérience, ça veut rien dire.
On va danser.

Non.

J'ai plutôt envie d'autre chose.

On rentre ?

[la musique continue]

[fin de la musique]

[bruit du train]

Tu prends pas tes bouquins ?

Je te les laisse, je lis plus.

Juste besoin de mes affaires d'été.

T'aurais pu venir me voir
dans la place Royale.

On a joué deux soirs à la salle des fêtes
de la mairie du 3e, plein à craquer.

Excuse-moi, mais Martin bosse trop,
le soir, il est crevé.

Martin…

Tu peux pas faire des trucs sans lui ?

Tu lis plus, tu vois personne,
si c'est ça, l'amour…

Tiens, c'est pour le mois dernier.
J'avais oublié.

Ça va pas ? T'habites plus ici.

Tant que t'aurais pas
trouvé quelqu'un d'autre…

Je préfère. 5 000 balles
à toi tout seul, t'y arriveras jamais.

Je travaillerai à plein temps.

Tu vas pas renoncer au théâtre.

Je suis peut-être pas fait pour ça.

Arrête.

Si t'y crois pas, personne y croira.

Je me plains pas, mais j'ai
plein de doutes depuis que t'es plus là.

J'ai plein de doutes sur tout.

Regarde Martin. Il va jouer dans un film.

C'est une pub, mais c'est un film.

Ça fait un an qu'il a débarqué.
Tout lui réussit.

Ça fait six ans que je rame.

Au fond, je sais pas y faire.

T'as rien à voir avec Martin.

C'est pas si sûr.

C'est peut-être pour ça qu'on s'évite.

Toi, c'est clair, t'as choisi ton camp.

Mais toi aussi, Benjamin,
t'as choisi ton camp.

Tu te vois monogame et fidèle ?

T'as raison, plutôt crever.

Si c'est le fric de Martin, j'en veux pas.

Si c'est ton fric, je garde.
Sinon, tu le prends.

Fais chier.

Tu restes combien de temps à Grenade ?

À peu près une semaine.

Si tu veux, je pourrais m'occuper du chat.

Je l'avais complètement oublié.

[bruit du train]

[guide parle allemand]

C'est rien, cet endroit. L'architecte
s'est inspiré du temple de Salomon.

Ces plans, personnes les connaît.

À l'entrée, ils expliquent tout.

L'époque, le contexte.

Mais c'est pas ça l'essentiel.

C'est quoi ?

Le savoir de l'architecte, son secret.

[guide parle anglais]

[guide en français] … du pouvoir
derrière l'architecture.

Voyez comment nous sommes
à l'intérieur,

mais en même temps,
on est presque

dans la nature à côté d'un bassin

où il y a les plantes, la végétation,

ça fait référence à l'esthétique d'Orient,

où l'admiration de la nature

est comme ça,
intérieure, extérieure en même temps.

[guide parle espagnol]

[cloche d'église]

[aboiements]

- T'as pas l'air dans ton assiette.
- Si, si.

Enfin, non. Écoute, Martin, je…

J'ai pas envie de faire
des salades avec ça, mais…

je… Je sais pas comment te le dire.

J'ai vu un médecin et c'est sûr.
Je suis enceinte.

Mais, euh, je répète,
je veux pas faire d'histoires.

Putain, j'suis crevé.

T'as envie d'être père ?

Martin. Martin,
t'entends ce que je te dis ?

Martin.

Martin, qu'est-ce que t'as ?

Qu'est-ce que t'as ?

Martin ! Martin !

[bip du cardioscope]

[bip s'accélère]

[infirmière parle espagnol]

[médecin parle espagnol]

Sí.

[médecin continue en espagnol]

No coma…

Orgánica, no.

[médecin continue en espagnol]

Vale medicina ?

[médecin continue en espagnol]

[brouhaha]

J'ai apporté ta trousse
si tu veux te raser.

C'est bizarre, je me souviens de rien.

Je te jure, le trou.

T'es pas malade, Martin, tout est normal.

T'as bien entendu les médecins.

Normal, normal,
je trouve pas ça normal, un truc pareil.

C'est le surmenage,
t'as pas arrêté de bosser.

Putain, je me sens faible.

Faut que tu te reposes.

Pour le film, Tania a dit quoi ?

Ben, ils ont trouvé quelqu'un d'autre.

Personne n'est irremplaçable.
C'est la vie.

Je m'en fous, j'veux plus faire ce métier.

On verra, c'est tôt
pour prendre une décision.

Allez, maintenant, lève-toi et marche.

- Ça va ?
- Oui, ça va.

Ça va, mais ça tourne.

C'est la terre qui tourne, pas toi.
T'as rien mangé depuis hier.

T'en fais trop, Alice.

Je fais ce que je peux. Allez.

[bruit du train]

- Il est quelle heure ?
- Je sais pas. Euh, midi.

Midi pile.

Marrant, c'est la première fois.

Comment ça, la première fois ?

Que je regarde ma montre
et qu'il est midi.

Les deux aiguilles se touchent.

[musique douce]

[Alice] "Cher Benjamin,
je suis en vacances avec Martin.

On a loué une maison
dans le sud de l'Espagne.

C'est le bout du monde,
y a pas d'électricité,

l'eau vient d'une citerne,

c'est pas le confort mais c'est pas cher.
Martin ne veut voir personne.

Il ne fait que nager dans la mer.

Son coma l'a ébranlé et il faudra du temps
pour qu'il reprenne confiance en lui.

J'ai loué un scooter
pour faire les courses. Je suis en ville.

J'en profite pour t'envoyer ce mot.
Je t'embrasse très fort. Alice."

[moteur du scooter]

[fin de la musique]

[bruit des vagues]

J'ai vu le propriétaire.

Il voudrait savoir
combien de temps on reste.

J'ai pas envie de partir.

Et où voudrais-tu aller ?

Faudrait rentrer,
ça fait deux semaines qu'on est là.

Deux semaines, c'est rien.

Martin, j'ai téléphoné à ta banque,
t'as plus un rond.

On pourra pas louer
une semaine de plus.

Avec ce que j'ai gagné ?
C'est pas possible.

Tu te rends pas compte.

L'hôtel du 10e, tu sais combien ça fait ?
12 000 balles.

C'est pas grave, ils me feront crédit.

Crédit sur quoi ?

Tu veux plus faire ce métier.

T'aurais voulu que je continue ?

Putain, sois honnête pour une fois.

Ça te plaisait
que je m'exhibe comme une femme ?

Tu méprisais ce que je faisais,
mais tu préférais mentir.

Tu mens, Alice.
Depuis le début, tout le temps.

T'as écrit en douce à Benjamin.

Je sais pas pourquoi t'es avec moi.

Parce que je t'aime, c'est tout.

Tu m'aimes ? C'est quoi ces conneries ?

Tu sais pas qui je suis.

Tu sais pas d'où je viens,
ce que j'ai fait, tu sais rien.

[bruit des vagues]

[musique obscure]

[fin de la musique]

[bruit des vagues]

Pourquoi t'es là ?

Pour te laisser le lit.
Faut que tu dormes, Martin.

Tu pourras pas tenir.

Avec cette chaleur, on étouffe.

Et y a que dans l'eau
que je me sens bien. Surtout la nuit.

Tu devrais essayer.

Ça sert à rien
que tu m'attaques comme hier.

Si tu veux me dégoûter,
t'y arriveras pas.

Je t'ai rencontré,
je peux plus revenir en arrière.

Une fois, tu m'as dit
que t'avais bataillé pour moi.

Maintenant, c'est moi
qui bataille pour toi.

On va pas reparler de ces trucs-là.

Ce que je t'ai dit hier,
c'est très simple.

Je comprends pas pourquoi tu m'aimes.

[halète]

[bruit des vagues étouffé]

[Alice chantonne]

[Alice continue de chantonner]

Putain, j'ai fait un cauchemar.

Je voulais nager jusqu'aux rochers.

Ceux qui sont derrière.

Ça fait combien ? Cinq km ?

J'y arrivais pas, je me noyais.

J'ai voulu te faire plaisir,
mais je fais des rêves comme ça.

C'est mieux si je dors pas.

Faut qu'on rentre, Martin.
On va retourner à Paris.

Je pourrais pas. Je suis pas en état.

Je foutrais quoi à Paris ?

Je sais pas. Recommencer à vivre.

C'est simple.
J'ai besoin de rester ici seul.

Sans toi, sans personne.

- Je peux pas.
- Pourquoi ?

Je vois que tu vas mal.

C'est tout.

Faut qu'on se quitte, Alice.

Je suis sûr que ça ira mieux.

Je me mets à te détester.

Tant pis si tu me détestes.

[Alice étouffe]

[sanglote]

[sanglote]

[silence nocturne]

[coup]

Excuse-moi.

Je croyais que tu nageais.

Ça va devenir plus gros que ma queue.

Ce sera sûrement un mongolien.

Forcément, avec un père comme moi.

Je sais que c'est à cause de ça
que t'as changé.

C'est depuis Grenade.

J'aurais jamais dû t'en parler.

Montre-moi.

Sûr, Benjamin sera de mon côté.

Mais non.
T'as vu ton dernier bilan ?

Trente briques de déficit.

- Excuse-moi, mais…
- Tu crois que c'est moi, le patron?

Il bloque toutes mes initiatives.
Il refuse d'investir.

Il laisse tout pourrir.

J'empêche tes conneries.

Faut me faire confiance pour une fois.

Je vous demande trois mois.

T'auras coulé,
c'est maintenant qu'il faut vendre.

C'est quoi la proposition ?

Ils veulent le terrain.

Tout raser pour une grande surface.

Pas question. Je veux sauver l'usine.

Sauver l'usine ? Tu parles.

T'en as rien à foutre.
T'as ton salaire de prof à la con.

Ferme-la, le seul
qui travaille ici, c'est moi.

Tu t'agites beaucoup.

Mais où est le résultat ?

J'y suis pour rien si t'es pas doué.

Arrête ! Oh !

Allez !

Cette fois, c'est foutu,
je suis bon pour le chômage.

Il est costaud, ce con.

C'est toi qui as provoqué tout ça.

[père] J'ai rien provoqué.

Si je vous laisse libres, je suis faible.

Si vous devez obéir, je suis un tyran.

Tu as fait des études, dis-moi quoi faire.

Je le ferai.

Prends tes responsabilités.

C'est toi, le père, pas moi.

[porte se ferme]

Pourquoi t'as rien dit ?

Tu dis jamais rien.

On dirait que t'as pas un point de vue.

[femme] Vingt ans, tu te rends compte ?

Non, je me rends pas compte.
Je vois pas ce que ça change.

J'aime pas les anniversaires.
Je trouve ça con.

Dès qu'il s'agit de fêter quelque chose,
tu supportes pas.

On fête pas les anniversaires.

C'est comme Noël
ou le premier de l'an. C'est bidon.

Il faut savoir repérer

les vrais tournants. Là, oui.

Là, ça vaut le coup.

Les vrais tournants…
On s'en rend compte après.

Sauf quand on tombe amoureux.

Excusez-moi.

J'suis un peu fatigué.

Ouvre-moi ça.

On va quand même trinquer.

À ton avenir.

Mon avenir ? Je l'aurais jamais,
mon diplôme de commerce.

J'ose pas le dire à Victor,
mais c'est pas fait pour moi.

T'inquiète pas, il s'en est rendu compte.

Dis-moi…

y a pas quelque chose
qui te tient à cœur ?

Je sais pas, moi, un métier ?

Non. Franchement, non.
Plus j'avance, moins je sais.

Je dis pas ça contre vous
mais depuis ces dix ans,

j'ai voulu faire plaisir à Victor,
et j'y suis pas arrivé.

Je vois bien que je l'ai déçu.

L'important, c'est que je m'y retrouve.

[sonnette]

Tiens, qui c'est ?

[sonnette]

Oui, oui.

- Bonsoir, maman.
- Benjamin ?

- Eh oui.
- Tu aurais pu prévenir.

J'avais promis à Martin.

- Bon anniversaire, petit con.
- Merci.

J'ai un cadeau pour toi.

Tiens. Tu penseras à moi,
c'est une eau de toilette.

Ouvre-le.

- Tu as mangé ?
- Oui, dans le train, un sandwich.

C'est quoi le programme ?
Je repars demain matin tôt.

Le programme ?

[musique : "Tea For Two"]

- Chante, quoi !
- Mais je chante.

Juste, juste, juste.

[père] Oh ! Oh !

Oh ! Ça vous ferait rien
de faire moins de bruit ?

- J'suis mal foutu, moi.
- Tu veux des boules Quies ?

Écoute, Benjamin. Chaque fois
que tu viens, c'est pour me provoquer.

C'est un peu systématique et fatiguant.

Alors la prochaine fois,
dispense-toi de faire le voyage.

C'est un mur, ce type.

C'est un mur.

Ne parle pas comme ça,
il souffre beaucoup.

Il souffre…

Il te fait souffrir, il nous fait
souffrir, y a que ça ici !

De la souffrance.

Ça va, quoi. Je suis heureux, épanoui.

Même si ça le fait chier.

T'as pas envie de faire un tour
avec ta moto ?

- J'ai envie d'essayer.
- Maintenant ?

Ce serait pas prudent. J'ai trop bu.

Je sais pas. C'est gai, la soirée.

Pourquoi tu restes pas demain ?

Mais maman,
t'as vu comment il m'accueille ?

À chaque fois c'est pareil.

Moi, je suis content
que tu sois venu. Merci.

- C'est vrai.
- Alors, on boit.

"Moi qui suis tronqué
de nobles proportions

floué d'attraits par la trompeuse nature,

difforme, inachevé…

dépêché avant terme dans ce monde
haletant, à peine à moitié fait,

si boiteux et si laid

que les chiens aboient
quand je les croise en claudiquant,

eh ben moi en ce temps de paix,
alangui à la voix de fausset,

je n'ai d'autres plaisirs
pour passer le temps

que d'épier mon ombre au soleil,

et de fredonner des variations
sur ma propre difformité…

Et donc, si je ne puis être l'amant
qui charmera ces jours si beaux parleurs,

je suis déterminé à être un scélérat…

et à haïr les frivoles plaisirs
de ces jours…"

Voilà.

J'en fais trop, c'est ça ? Dis-moi.

- Ça te plaît pas ?
- C'est pas ça.

Ce qui m'étonne,
c'est que t'aie choisi ce rôle.

T'as pas le physique,
t'as rien d'un monstre.

Monstre ? Attends, l'essentiel,

c'est que je devienne
ce qu'ils ressentent.

On m'a tellement fait sentir que j'étais

une brebis galeuse
que j'ai fini par le devenir.

C'est pour ça qu'on s'entend
aussi bien tous les deux.

Le bâtard et le pédé.

[rires]

Il faut absolument que tu viennes à Paris.
Tu peux pas rester ici.

- Je glanderais quoi à Paris ?
- Tu vivrais ta vie.

T'es complètement paralysé ici.

T'attends un signe de Victor
qui viendra jamais. Alors, dégage, quoi.

[sonnerie du téléphone]

Merde ! À cette heure-ci,
c'est forcément pour toi.

Grouille-toi, ça va les réveiller.

Allô ?

Non, c'est pas Martin, c'est Benjamin.
Tu reconnais plus ma voix ?

Qu'est-ce tu fais à l'usine ?

Pourquoi tu veux que je le dise à Victor ?

Allô ? Allô ?

C'est François. Il a raccroché, là.
Je comprends rien.

- François ?
- Oui.

Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

Il m'a dit qu'il attendait Victor
à l'usine.

Maintenant, là ?

Pourquoi il a allumé partout ?
Il est complètement givré.

[Prêtre] Évangile de Jésus-Christ
selon saint Jean.

"Quelques jours avant la Pâques,
Jésus disait à ses disciples :

'Si le grain de blé
tombé en terre ne meurt pas,

il reste seul ;

mais s'il meurt,
il donne beaucoup de fruits.

Celui qui aime sa vie la perd."

[orgue joue]

[orgue continue de jouer]

Pourquoi tu restes là ?

Je me sens pas de la famille.

Faut que tu prennes le large, Martin,
sinon, tu vas te faire bouffer.

Tu veux pas m'accompagner à la gare ?

- Tu m'emmènes ?
- Tu restes pas avec eux ?

Non.

[vrombissement de moto]

[tousse]

- Désolé, j'ai roulé trop vite ?
- C'est pas toi.

Comment tu fais pour encaisser tout ça ?

- François, c'était pas mon frère.
- T'as pas un kleenex ?

Oh là là, je l'ai. Putain.

Si j'étais pas parti,
j'aurais fini comme lui.

- J'ai besoin d'un café.
- T'as pas le temps.

C'est pas vraiment conseillé.

- Faut que je me calme.
- Pourquoi tu leur en veux autant ?

Je vais te dire, Victor, quand j'ai dit
que j'allais devenir comédien à Paris,

la seule chose qu'il a demandée,

si j'allais prendre un pseudonyme

ou si j'allais garder son nom.
Tu te rends compte ?

C'est tout. Je lui ai dit que son nom

m'appartenait autant qu'à lui et que
j'en ferais même le tapin si ça me disait.

C'est comme toi, de toute façon.
Pendant dix ans,

il a pas voulu te voir,
et après, pendant dix ans,

il t'a séquestré.

- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que c'est vrai. Allez, salut.

T'es de plus en plus beau, toi.
Toujours puceau ?

T'arrêtes tes conneries ?

- Et mon eau de toilette.
- La prochaine fois.

- À Paris, j'espère.
- Monte, ton train va partir sans toi.

- Mon casque, mon casque.
- Oui.

[souffle du vent]

[brouhaha]

- Pression, s'il vous plaît.
- Un demi pour M. Sauvagnac.

- Tiens !
- Ça va ? Depuis le temps.

- Ça va, Saïd ?
- Bien, bien.

- Tu fais quoi ?
- Je bosse.

On m'a foutu dans une boîte privée,
une école de commerce.

Ce qu'on a déconné, tous les deux.

- T'étais pas retourné sur Paris ?
- J'suis pas resté. Y a pas de boulot.

Ici, grâce au rugby,
j'ai pu reprendre le taxi, tranquille.

Tu vois ta mère un petit peu ?

Toutes les semaines.
Et puis on s'appelle souvent.

- Ça marche bien son salon.
- Oui.

Ici, elle était trop connue.
Les ragots, tout ça.

- À Cahors, elle est pénarde.
- Vous vous êtes plus jamais revus, vous.

J'ai essayé de la relancer,
mais ça collait plus.

Elle trouvera jamais un homme.

À cause de ton père. Il l'a bousillée.

- Pourquoi tu dis ça ?
- Il l'a entubée.

Il lui a fait croire au mariage,
ça s'est jamais fait.

Il en a engrossées d'autres, ton père.

Elle s'est battue pour que tu portes
son nom. Il voulait pas te reconnaître.

Légitime. Elle avait
que ce mot-là à la bouche.

Ce qu'elle a pu me soûler avec ça…

Pourquoi elle m'a envoyé vivre chez lui ?

Elle insistait, tu te souviens pas ?

Elle pensait à ton avenir,
que ça t'aiderait.

Pour avoir une bonne situation,
des études.

Elle a beaucoup souffert,
elle voulait pas que tu le saches.

C'est un truc de mère,
le sacrifice. Tu vois le genre.

Et lui ?
Pourquoi il m'a installé chez lui ?

Ça aussi, j'ai jamais compris.

Je croyais qu'il s'intéressait à moi.

Mais en fait, non, rien, que dalle.

Il a toujours été froid, fermé.

- Il me juge.
- Claro, comme disait ta mère.

Il juge tout le monde.
Et il trouve tout le monde nul.

Je crois qu'il t'a récupéré uniquement
pour faire chier ses autres fils.

C'est aussi simple que ça.

C'est bizarre, mais…
Je sais pas comment l'expliquer.

Il me force à parler
quand il voit que je peux rien dire.

Il cherche à me coincer.

Non, en fait, il cherche…
Il cherche à me faire honte.

Tu comprends ?

[frappe à la porte]

Comment ça se fait
que tu es déjà réveillé ?

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je me casse. Je vous ai assez vus.

Victor.

[Lucie] J'sais pas ce qu'il a,
il a fait sa valise.

Qu'est-ce qu'on fait ?

Descends, descends.
Qu'est-ce qu'il te prend, là ?

Tu vas où, là ? Hein ?

- Tu réponds, oui ou merde ?
- Je fais ce que je veux.

Tu restes ici. Pose cette valise.

Pourquoi tu veux partir ?

Tu vas parler, abruti ?

[choc d'un corps dans l'escalier]

[pas rapides dans l'escalier]

[musique douce]

Ce que tu m'as raconté,
c'est pas un crime.

C'est un accident.

Mais non, c'est pas un accident.

J'ai voulu le tuer.

Je t'assure, j'ai vraiment voulu le tuer.

Et puis, je l'ai fait.

Le plus triste, c'est que
je comprends pas pourquoi je l'ai fait.

Je t'assure, je comprends pas.

Des fois, je me dis, euh…

Mais non, c'est pas vrai.

Et puis après, je me dis :
"Si, c'est vrai."

C'est moi qui ai fait ça.

Au début, quand on vivait ensemble,
j'étais heureux.

Parce que j'y pensais plus.

Et puis maintenant,
j'arrive pas à penser à autre chose.

Ça m'empêche même
de faire l'amour avec toi.

T'as bien vu, je bande plus.

[Alice soupire]

Bon, pour l'instant,
faut qu'on se raccroche

à des choses très concrètes,
et après, on verra.

D'accord ? Et puis,
on va rentrer à Paris.

On n'a plus d'argent
et puis le billet de retour…

Ben je l'ai déchiré.

On va trouver un moyen.

[musique calme]

[bruit des vagues]

[bruit de la poulie]

[bruit des vagues]

Martin !

Martin !

Martin ! Reviens !

Fin, c'est un peu en dehors de Paris,
mais c'est très vert, c'est très calme.

Qu'est-ce qu'il dit, le médecin ?

Il dit qu'il est épuisé.
Qu'il est nerveusement épuisé.

J'ai pas le droit de le voir
ni de lui parler.

C'est scandaleux d'enfermer les gens.

C'est Martin qui a voulu
être hospitalisé.

Mais pourquoi ?

Il avait des idées de suicide.

Les psychiatres disent que c'est bien
qu'il ait voulu se protéger de lui-même.

Vous me dites tout, n'est-ce pas ?
Vous me cachez rien.

Je sais pas grand-chose, je sais
qu'on lui donne des tranquillisants.

Et puis qu'il passe ses journées
sans dire un mot.

Ils vont en faire un légume.

- Ils sont très forts pour ça.
- Il faut avoir confiance.

Ça prendra du temps.

Par là.

Je vous remercie d'être venue.

C'est vrai.

Je suis très contente
de vous connaître.

Dans ses lettres,
il me parlait de vous.

Il vous écrivait souvent ?

Il m'envoyait des cartes postales.

Je crois que des choses se sont passées
qui le rongent de l'intérieur.

Je voudrais en parler
avec Lucie Sauvagnac.

Oh, celle-là…

Vous l'avez prévenue ?

Non, j'ai essayé,
mais y a pas moyen de la joindre.

Y a un train pour aller là-bas ?

Non, faut prendre le car.

Vous allez pas partir tout de suite,
je vous ai préparé le dîner.

Et vous dormirez à la maison.

Demain, si vous y tenez,
vous irez voir cette vieille carne.

Elle vous plaît, mon enseigne ?

- C'est original, non ?
- Oui, c'est rigolo.

On a surtout
une clientèle de vieilles dames.

Elles se font faire des couleurs.
C'est peinard.

Oh là là.
Ils sont un peu gras à la base.

Faut pas les laisser comme ça.

La séborrhée,
c'est la chute assurée.

Je vous fais un shampooing spécifique ?

Non, merci, une autre fois.

Allez, faites pas de manières.
On a tout le temps, non ?

Juste un petit shampooing, alors.

Détendez-vous. Je vais
vous masser le cuir chevelu.

Ça enlève le stress, vous verrez.

- On a bien fait de dîner dehors.
- Oui.

Les dernières belles soirées d'été.

Faut en profiter.

Un peu plus.

Non, merci, ça va.

- J'suis complètement pétée.
- Moi aussi.

Mais ça fait du bien.

Si j'avais vécu à Paris,
j'aurais fait la java tous les soirs.

Y a que les folies qu'on ne regrette pas.

Vous n'êtes pas de cet avis ?

Absolument. J'ai l'air plutôt sage,
mais vous ne me connaissez pas.

- Je commence à vous connaître.
- Complètement givrée.

Vous savez, Alice,

Victor et moi,
on a été vraiment heureux.

Et puis on l'a payé très cher
tous les deux.

Chacun de notre côté.

J'étais toute seule quand Martin est né.

Il est arrivé trois mois
avant le terme. C'était une crevette.

Le docteur était très inquiet.

Et là, je crois que j'ai touché le fond.

Et puis après, le simple fait
qu'il soit vivant, c'était un miracle.

Alors j'ai décidé de faire la fête.

Et même maintenant, à mon âge,
j'essaie encore de profiter de la vie.

Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent.

Je travaille dur toute la semaine,
alors les samedis soirs, je m'éclate.

Au fond, je critique mes apprenties,
mais je suis comme elles.

Et ce soir, pourquoi pas ? On est samedi.

Pas moyen.

- Vous en avez besoin.
- Que no.

- Je vais pas vous laisser seule.
- Je vais me coucher.

Vraiment ?

Si c'est comme ça, je vais y aller,

parce que sinon, après,
la semaine, ça me manque.

Vous allez faire un malheur.

Vous moquez pas de moi.

Je me moque pas, je me demande
si le collier, c'est pas un peu trop.

Oui, vous avez raison.

Faut que je fasse gaffe,
j'ai une faiblesse pour les bijoux.

Excusez-moi de vous demander ça,

mais vous trouvez
que je suis une mère indigne ?

Mais pas du tout. Et puis ça servirait
à rien de rester enfermée comme une nonne.

Vous savez, je pense beaucoup à Martin.

- Mais bien sûr, je le sais.
- C'est idiot.

J'avais peur que vous me jugiez mal.

Au contraire.
J'ai beaucoup de respect pour vous.

Merci encore d'être venue.

Mon Dieu, je vous ai mis du rouge.

En tout cas, pour la coiffure, je n'ai pas
encore trouvé ce qu'il vous faut.

Je vais réfléchir.

[musique : "Élévation"]

[cloches d'église]

[enfants qui jouent]

[pas dans le gravier]

Écoutez, mademoiselle,
vous avez déjà téléphoné deux fois.

Mme Sauvagnac ne veut pas vous voir.

Inutile de s'acharner.
Ça ne changera rien.

Il faut que je la voie, c'est important.

Je vous répète de ne pas insister.

Pourquoi tu veux la voir
ma grand-mère ?

- Où est-ce que t'habites ?
- À Paris.

- T'es de passage ?
- Oui.

Je suis à l'hôtel.

Va voir mon père à la mairie.

Il est plus intéressant
que ma grand-mère.

- Ta grand-mère, elle sort jamais ?
- Jamais.

Sauf pour voir mon oncle
et mon grand-père.

Tous les jours, elle va au cimetière.

Elle reste pas longtemps,
mais ça lui fait une promenade.

L'hiver, mon père a peur
qu'elle prenne froid.

Mais elle tient à y aller à pied.

Et elle y va vers quelle heure ?

Oh, ça dépend, c'est plutôt
vers 6 h, l'été, il fait moins chaud.

[femme] Christophe !

Merde, cache-toi,
y a ma mère qui se pointe !

[aboiements]

Christophe, reste pas là.

Non, je suis bien là, je m'amuse.

Tu dis ça pour me contrarier.
Tu fais quoi ?

Compter les voitures qui passent. Ça va
intéresser papa pour ses statistiques.

N'importe quoi. Tu m'énerves.

J'ai ramassé des escargots pour mamie.

Encore ? On va pas
en bouffer tous les jours.

Flambeau !

[aboiements]

[musique : "Élévation"]

[femme] … confirmer la réunion
de mardi à la Bastille.

Bonjour, je voudrais voir
Frédéric Sauvagnac.

C'est à quel propos ?

C'est personnel.

Il est en pleine réunion.

Et puis après, il a des RDV jusqu'à midi

à la mairie près d'ici.

[continue de parler]

[brouhaha de la réunion]

- Bonjour, mademoiselle.
- Bonjour.

J'ai beaucoup entendu parler
de vous depuis hier.

J'ai peu de temps à vous accorder.

C'est peut-être pas le meilleur endroit.

Désolé, on est en réunion
de travail avec mon équipe.

J'ai rien à leur cacher,
allez-y, je vous écoute.

J'ai besoin de dire des chose
à votre mère sur Martin.

Déjà, il faut que vous sachiez que Martin

n'a pas laissé un très bon souvenir.

Il est pas venu à l'enterrement
de son père,

puis il a jamais donné signe de vie,
on veut l'oublier.

Il va très mal.

Benjamin m'a dit
qu'il était en hôpital psychiatrique.

J'aurais jamais pensé
qu'il finirait comme ça.

Il finira pas comme ça. Il s'en sortira.

Écoutez, je lui souhaite
de tout cœur, vraiment.

Bon, on reprend.

Le passage sur l'ultralibéralisme,
ça va pas du tout,

c'est pas assez concret.
Ce qu'il faut, c'est

- un exemple fort.
- La Poste, si tu veux.

[murmure] Parle-lui.

Venez avec moi.

La Poste est une excellente idée…

Vous n'êtes pas à Paris, ici.

Ici, tous les gens se connaissent.

Une intrusion, ça passe pas inaperçu.

Écoutez, je me présente
contre le député sortant.

Ce qui veut dire que

j'ai un emploi du temps très chargé

et je peux pas me charger des problèmes
d'une inconnue qui harcèle ma mère.

Si vous voulez connaître
les droits de Martin sur l'héritage,

allez voir Maître Castagné, de ma part.

Il vous expliquera tout ça.

C'est pas à moi de le faire.

Pour le reste, eh ben,

respectez notre liberté.

La santé mentale de Martin,
ça concerne plus ma mère.

Et elle a bien mérité
qu'on la laisse en paix.

Alors si vous vous acharnez
à violer son intimité,

on va porter plainte.

Au revoir.

[musique du bar]

Vous gardez votre chambre
pour cette nuit ?

C'est un peu la question que je me pose.

De toute façon, y a pas d'urgence.

On est jamais complets.

Vous connaissez notre maire ?

Il paraît que vous l'avez vu ce matin.

Oui, enfin, il est très occupé.

Normal, il faut qu'il se bouge le cul.

Le premier tour,
c'est dans trois semaines.

Bonjour, Mme Sauvagnac.

- Désirez-vous quelque chose ?
- Non, je vous remercie.

Je voudrais rester un moment
avec cette personne.

Je n'ai rien à vous dire,
c'est à vous de parler.

On pourrait marcher un peu ?

Si vous voulez.

Martin vous a écrit une lettre.

- Vous n'avez jamais répondu.
- En effet.

Je l'ai reçue
et je l'ai déchirée sans la lire.

Il vous en a écrit une autre.

Cette fois-ci, j'ai décidé
de vous la remettre.

C'est à lui de faire tout ça.

Il n'est pas en état.

Vous vous donnez beaucoup de mal
pour lui. Beaucoup de mal pour rien.

Non, puisque vous êtes là.

Vous avez dérangé mon fils ce matin.

Que ça ne se reproduise pas.

Donnez-moi cette lettre.
vu que c'est votre but.

Qu'on en finisse.

Vous la lirez pas, je préfère la garder.

Faudrait savoir ce que vous voulez.

Je la lirai chez moi,
j'ai pas mes lunettes.

Je vais vous la lire.

"Mme Sauvagnac,

ce matin, le psychiatre est passé
dans ma chambre

et m'a dit que j'allais mieux.

Il se trompe parce qu'il ne sait pas
de quoi je souffre.

On ne guérit pas un assassin
avec des médicaments

mais en le jugeant.

Voilà, je veux être jugé.

Si j'étais seul, je crèverais,
mais Alice est là et me donne du courage.

Je vais me livrer à la justice.

C'est le seul moyen de m'en sortir.

J'ai besoin de votre témoignage,
vous êtes l'unique témoin.

La peur du scandale
vous a fait choisir le silence

mais il faut dire la vérité.

J'attends votre réponse. Martin."

Faut que je les mette dans l'eau.
Elles sont presque fanées.

[eau qui coule]

La lettre, c'est mieux
si je vous la relis.

C'est pas la peine.

J'ai la vue qui baisse,
je ne suis pas sourde.

- J'ai entendu.
- Vous en pensez quoi ?

À votre avis ? Il veut être jugé.

Vous croyez à la justice
des hommes, vous ?

Moi j'y crois pas.

Moi je crois à la lignée
des vivants et des morts.

Et Victor ne voudrait pas que son nom
soit traîné dans la boue.

On a tort de penser
que les morts sont silencieux.

Sinon Martin vivrait dans l'oubli.

C'est la mémoire de son père
qui le tourmente.

Que voulez-vous qu'on fasse ?

C'est entre eux, cette histoire.

Nous n'y pouvons rien, mademoiselle.

Il faut les laisser se débrouiller.

Victor aimait Martin plus que tout,
et il l'a compris trop tard.

Vous voulez convoquer
un tribunal ? C'est absurde.

Il n'y a aucune loi pour ça.

Martin n'a plus qu'à rejoindre son père

et ils pourront se parler ?

Votre fils, Frédéric,

il connaît pas la vérité.

Non. Je suis une femme
qui sait garder un secret.

Sale bête.

On dirait pas, mais ça grouille
d'animaux les cimetières.

J'aime m'occuper des tombes.

C'est comme des maisons,
il faut pas les laisser s'abîmer.

Vous n'aimez que les morts.

Il faut bien que quelqu'un les aime.

[musique bruyante]

Une fois, j'en ai bu cinq d'affilée.

Imaginez les dégâts.

Je suis là parce que ma chambre

est juste au-dessus,
et ce boucan me laisse pas dormir.

Je vous propose de venir à la maison.

[rit]

Un petit pavillon à la campagne.

C'est calme.

C'est pas un plan cul.

Juste pour vous éviter
d'attendre jusqu'à 5 h.

Ça me gêne pas d'attendre.

Ça va, j'ai rien à faire.

[musique continue]

[conversation inaudible]

[musique bruyante continue]

[fin de la musique]

Excuse-moi, hein.

Excuse-moi pour tout à l'heure.

J'arrivais pas à me réveiller.
J'ai trop picolé.

Je sais pas plonger,
mais j'adore les regarder.

Le patron m'a dit que t'étais là.

Oui, je t'attendais.

Ça te plaît, cet endroit ?

C'est une initiative de mon frère.
Ça marche le week-end.

Le commerce.
Les électeurs sont contents.

Bizarre que tu sois venu. Et tes répètes ?

T'es gonflée.

C'est bizarre que toi tu sois là.

Tu visites la région.

Tu laisses Martin à l'hosto,

tu quittes Paris pour aller dans mon pays

pour faire chier ma famille.

Ils t'ont prévenu ?

T'as tout compris !

Je pouvais pas t'en parler avant.

- Je te promets.
- Maintenant, je le sais.

Les secrets, ça se répète,
ma mère l'a dit à Frédéric, qui me l'a dit

et la boucle est bouclée.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ?
- Hein ?

Ils m'ont parlé de ça.

Je me suis permis
de fouiller dans ta chambre.

T'en as rien à foutre de ce patelin,
la machine est en marche.

T'as gagné, bravo,
ma mère va témoigner.

La vérité au grand jour,
ça va devenir un fait divers.

Un procès dont toute la société raffole.

C'est Frédéric qui l'a décidé.

La transparence sociale,
ça fait partie de son programme.

La loi, c'est la loi.

- Qu'est-ce tu fais ?
- Je vais plonger.

Le premier plongeon est toujours beau.

Fais pas le con.

- Ça va mieux ?
- Non, pas vraiment.

[cloches d'église]

Je vais rentrer à Paris.

Pas question.

Tu balances une bombe.

Puis tu te tires.
Non, Alice, c'est trop facile.

- Je fais quoi ?
- Ma mère veut te voir.

À quoi tu penses ?

À mon père.

Haut les mains !

Fais pas chier.

Parle pas si fort, mamie dort.

- Haut les mains !
- Barre-toi !

Je déteste les enfants.
Pas envie de jouer.

- Tous des sales cons.
- On t'emmerde, pédé.

Putain, la raclée !

J'vais te choper.

Je vais t'écrabouiller la tête.

Fais ta prière, merdeux.

[aboiements]

Benjamin est encore plus puéril
que Christophe.

Quand ils s'y mettent tous les deux,
on peut plus les arrêter.

Ne restez pas là, entrez.

J'ai quelque chose à vous remettre.

[aboiements]

[Christophe crie]

T'as intérêt à courir vite.

Salaud !

Gna gna gna gna!

Viens, on va le choper.

Ce minable !

[cris]

Martin a laissé ça avant de partir.

Je n'ai touché à rien.
Ce sont ses affaires.

[cris continuent]

Ça, ce sont des photos,
ils les a oubliées.

[cris continuent]

Arrêtez !

Ça suffit !

Allez, un dernier tour !

Ça suffit !

Attention à mes fleurs.

Je me suis trop marré.

Mais j'ai envie de pisser.

Tu restes dîner avec nous ?

C'est pas possible, maman.

Il faut que je rentre à Paris.

Déjà pour me libérer une journée…

Contente que tu aies enfin un vrai rôle.

Cette fois-ci, je viendrai te voir.

T'as rien mangé.

- J'ai pas faim.
- Un sandwich.

On va pas s'éterniser.

Jambon cru ou poulet ?

T'as pas plutôt fromage ?

Du gruyère, ça te va ?

Avec du beurre.

Je prends une tomate.

- Celles du jardin ?
- Oui, bien sûr.

Voilà.

[soupir]

[halète]

[musique : "Lilac Wine"]

[musique continue]

Vous m'avez raconté
qu'elle vous a donné des photos.

Montrez-les-moi.

Je les garde, elles sont à moi.

Qu'est-ce que vous avez
à me regarder comme ça ?

Je… J'ai pas pu vous en parler avant.

J'ai pas eu le courage.

Allez, foutez-moi le camp.

Vous entendez ce que je vous dis ?

Vous saviez tout
et vous ne m'avez rien dit.

Vous avez prévenu les autres avant moi.

Je suis sa mère.

Petite merde.

[porte claque]

[chaise tombe]

[grillons nocturnes]

[haut-parleurs station]

[Alice pleure]

Tu veux une bière ?

Non.

Oh, ça fait du bien.

En tout cas, j'ai fait
ce que j'avais à faire.

Je me suis rapprochée de Martin,
et puis comme ça,

je sais quelle histoire
je porte dans mon ventre.

C'est pas mes oignons,
mais tu comptes le garder ?

Oui.

[orage]

M. Sauvagnac !

M. Sauvagnac.

On peut pas rester là sous la pluie.

Allez, venez.

Je vous raccompagne dans votre chambre.

[bruit de talons sur l'asphalte]

[chocs de balle de ping-pong]

T'es rentrée quand ?

Ça fait plusieurs jours.
J'ai essayé de te joindre.

Tu voulais parler à personne.

Non, non, c'est pas ça.

Seulement je sais pas
quoi dire au téléphone.

Ça y est. Je suis allée là-bas et…

j'ai fait ce que tu m'as dit de faire.

Ah bon ?

C'est bien alors. Je te remercie.

Ils ont dit quoi là-bas ?

- Qu'est-ce qu'ils ont décidé ?
- Rien. Ils attendent.

Ils attendent quoi ?

Ben que tu te manifestes.

C'est pas eux qui veulent te dénoncer.

Tu peux encore changer d'avis, tu sais.

J'ai été voir un avocat, il m'a dit que

il voulait bien te défendre
si tu persistes à…

à vouloir te livrer.

Faut pas que tu restes ici.

Va voir ton psychiatre,
dis-lui que tu veux t'en aller.

- Il me laissera jamais partir.
- Si.

T'es rentré ici librement,

il a pas le droit de te garder.

S'il le faut, tu signeras
une décharge, d'accord ?

[bruits de la ville]

J'ai trouvé une chambre.

Y a juste la peinture à refaire.

Elle sera libre à la fin du mois.

En attendant, on peut…

On peut dormir à l'hôtel.

Y en a un de pas cher près d'ici.

Tu sais, Martin, je suis sûre
qu'on va trouver une solution.

On a de comptes à rendre à personne.

Il suffit juste d'avoir le courage
d'être heureux.

J'ai eu le temps de réfléchir et …

Je vais dire ce que je pense.

C'que t'as fait,
ça m'empêche pas de t'aimer.

Et ma seule morale, c'est…

C'est d'être avec toi.

[bruits de la ville]

[sirène d'ambulance]

[pas de course sur le plancher métallique]

[bruit de balais sur le trottoir]

M. Sauvagnac,
je suis Jean-Luc Bégniot,

le juge d'instruction.

Et vous allez être mis en examen.

Il vous est reproché
d'avoir commis un homicide volontaire

sur la personne de M. Victor Sauvagnac,

avec cette circonstance aggravante

que cet homicide a été commis

sur ascendance,
sur la personne de votre père.

Ces faits sont réprimés

par l'article 221-4

du code pénal

et passibles de la cour d'assises.

Vous avez quelque chose à dire ?

Non.

Je suis là
parce que je veux être jugé.

Si j'avais été capable de me juger,
je ne me serais jamais livré.

Veuillez noter.

Je prends acte de vos déclarations.

Je pense que vous mesurez
les conséquences de cet aveu.

Vous vous êtes livré
volontairement à la justice

ce qui consistera le jour de l'audience
une circonstance atténuante.

Maintenant, nous allons

faire venir M. le Procureur
de la République

qui a requis
votre placement en détention.

Nous allons écouter
son réquisitoire et ensuite,

votre avocat prendra la parole
pour votre défense.

Est-ce que vous désirez
ajouter quelque chose à cela ?

Oui.

Je tiens à vous dire
que je suis responsable, sinon…

sinon, ça voudrait dire
que je suis fou.

Et je suis pas fou, M. le Juge.

J'suis pas fou.

[musique enjouée de violon]

[tapent dans les mains en rythme]

[musique de violon accélère]

[tapent dans les mains
de plus en plus vite]

[fin de la musique]

[Martin] "Ma chère Alice, je suis heureux
que tu m'écrives tous les jours.

J'espère que tu joins les deux bouts
avec tes leçons de violon.

Moi, j'ai dit non à la grippe.

Un non définitif. Ici,
l'épidémie est pratiquement finie.

Envoie-moi un survêtement neuf.

J'ai reçu les chaussettes
et le chandail.

J'ai vu mon avocat. Les visites seront
autorisées la semaine prochaine.

Je pourrai te voir avec ton gros ventre.

Le moral va bien.
J'ai arrêté les calmants.

Tout rentre dans l'ordre.

Je n'ai pas peur du verdict.

Qu'il soit sévère ou indulgent,
je l'accepterai.

Tu sais, Alice, je n'ai que toi au monde,
et ça suffit pour remplir ma vie."

[musique : "Élévation"]

[musique : "La Rupture"]