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C'est mon testament, mec.

Je te le laisse à toi.

Parce que tu m'as jamais pris de haut.

J'ai confiance en toi.

Tu sauras quoi en faire.

J'ai avalé tout ce qu'on
enfonçait dans ma gorge.

Toutes les couleuvres
sans faillir.

Toi, tu m'écouteras.

Et tu comprendras.

Vernon Subutex, le revenant.

Ben c'est vraiment sympa
de m'accueillir comme ça au pied levé.

Comme je te disais,
je reviens de l'étranger, du coup j'ai pas de...

Enfin... voilà quoi.
Le vin s'est transformé en jonquille.

T'inquiète.
J'ai sorti du champagne.

Mais... tu les as cueillis ?

Ben ouais. J'ai cru me souvenir
que t'aimais bien les fleurs sauvages.

Ah, mais tu te souviens de ça ?
J'adore !

Allez, rentre.
Tu vas pas rester là.

Mets-toi à l'aise.

Je vais donner de l'eau
à ces fleurs sauvages.

Tu sais la première image
qui me vient quand je te vois ?

Non, j'sais pas. Celle d'une
bête puissante, d'un mec hyper balèse ?

Perdu. Non.

C'est celle du disquaire.

Du mec vraiment sympa.
Compréhensif.

Qui m'ouvrait la porte de son bureau derrière
pour que je puisse fumer un joint discrètement,

mais qui savait pertinemment que dès que
la porte était fermée, je me faisais un rail d'héro.

- Tu te souviens de ça, toi ?
- Ben ouais.

Trouver la planque pour le prochain shoot,
ça m'a pas mal occupée à l'époque.

- Oh, bingo !
- J'suis désolé.

Ça va nous porter chance.

C'est bon de te voir, Vernon.
C'est étrange.

T'as pas vraiment bougé.

Juste un petit peu maigri, quand même.

Toi, oui, par contre.

Enfin, je veux dire, en bien.

- C'est vrai. Le champagne te va bien.
- Ouais, j'ai décroché y a quinze ans.

J'ai jamais vraiment aimé le concept
de vieillir plus vite que les autres, tu sais ?

Du coup, j'ai pas pu échapper
au petit séjour dans la clinique suisse.

Chiant comme la mort, je te jure.
Ouais, c'était dur.

Maintenant que Lancelot est parti, mon fils,
j'envisage sérieusement de m'y remettre.

Vu que de toute façon, à 45 ans,
il paraît que c'est le début de la fin.

- Alors autant s'éclater, non ?
- Ouais.

- D'ailleurs je vais nous rouler un joint.
- OK.

Et toi, tu vas nous mettre de la musique,
comme à l'époque.

OK.

Ouais, ça nous aidera à
nous décoincer un petit peu.

D'éviter la phase « qu'est-ce que
t'es devenu, gnagnagna ». On s'en fout, non ?

Ah ben carrément.
Tu mets où le... Il est où le... la...

Juste derrière toi.

J'ai eu beaucoup de peine
quand Alex est mort.

Vraiment.

Parce que moi,
je sais ce que j'ai vécu avec lui.

Tu comprends ?
J'étais son double.

S'il avait été une fille,
il aurait été moi.

Ben ouais... enfin...

Pas aussi sexe que toi.

- Tu dois avoir faim, non ?
- Euh, ouais.

Je vais aller en cuisine
voirce qu'on pourrait se préparer.

OK, attends, je vais t'aider.

Mais...

peut-être qu'on peut dîner plus tard.

- Ouais, j'ai pas très faim.
- Moi non plus, j'ai pas très faim.

Bonjour. Vous savez que Laurent
n'est pas encore rentré de Cannes ?

C'est pas lui
que je viens voir.

Ça va ?
T'es redescendue depuis deux jours ?

Et toi ?
T'es déjà rentrée de Cannes ?

Ben oui.
Sans toi, ça sert à rien.

T'es la seule à l'avoir vu,
le scénariste inconnu. Du coup...

écumer les projections pour le reconnaître,
tout de suite ça a moins d'intérêt.

J'ai chopé le photographe officiel de la soirée,
et j'ai fait un premier tri dans les 460 photos.

Là c'est à toi de bosser.

Tu passes vite, tu trouves
ton chauve et on va boire un coup !?

Écoute, je suis désolée
de m'être barrée comme ça.

C'était plus fort que moi.

OK, ben moi pareil.

Quoi, « pareil » ?

Taper ton blondinet,

c'était plus fort que moi.

Attends, je vais regarder ça.

Alors ?

Tu déniches des talents incroyables ?
Je peux ?

Bon, le sourire avec les dents.

Voilà, je trouve que ça fait
un effet hamster que j'aime pas du tout.

- Le deuxième truc que j'ai...
- C'est super ce que tu fais, hein !

À la base, Laurent voulait que
je travaille sur l'adolescence. Du coup...

...avoir des cuisses sèches.

Non, je respecte, hein.
T'obéis à ton patron.

Si c'est vraiment ça que t'avais envie de dire
au monde, que t'aimes les cuisses sèches, c'est parfait.

Mais t'as un cerveau !

Il est complètement largué. Tu peux lui
proposer n'importe quoi. C'est ça que tu fais ?

Et toi, c'est toujours comme ça
quand t'essayes de choper une meuf ?

D'abord tu casses la gueule au mec
et puis après tu lui cries dessus ?

- J'essaye pas de te choper.
- C'est ça, ouais.

Oh, je crois que j'ai trouvé.

C'est le type qui est
entièrement de dos, là ?

Ben ouais.

Bon dis-moi, combien est-ce que
je te paye ce petit buzz ? Tu cherches qui, cette fois ?

Le problème, c'est que je sais pas qui je cherche.
Un ancien d'Hot vidéo, il aurait été pote d'Alex Bleach.

Passé au cinéma d'auteur.
Réal, scénariste, plus ou moins en activité.

La moitié des scénaristes, réals,
ont commencé dans le porno, hein.

Non, sans pseudo, t'as aucune chance.

J'ai bien connu la meuf de Bleach.

- Vodka Satana.
- Y a un rapport ?

C'était une meuf étonnante.
Algérienne ou tunisienne, je sais plus.

Avant Bleach, avant le porno, tout ça,
elle était mariée à un prof de cinéma à la fac.

Cette meuf a cartonné
Ça a pas duré.

Assez vite, elle a eu des idées
de cinéma tradi, genre cinéma d'auteur, tu vois ?

Avec deux-trois nanas,
elles se montaient le bourrichon.

Je trouve que du X dans sa filmo.
C'est qui, ses copines, à l'époque ?

Je sais plus les noms.
Elles ont disparu depuis longtemps.

Non, c'est triste. C'était une chouette nana.
Et puis voilà, elle a vrillé. On l'a retrouvée morte.

Overdose dans un meublé, je crois.

On l'a retrouvée qu'une semaine après,
un truc dans le genre.

Non, attends, c'est l'horoscope.
J'aime bien.

Ah, pardon.

Surtout qu'ils sont en train de dire que les béliers
manqueront ni d'argument ni de charme...

pour convaincre ceux
qui les aime de les suivre.

Ah là là, si un jour quelqu'un m'avait dit
qu'on allait vivre une passion torride tous les deux,

franchement,
je l'aurais pas cru.

Tiens, j'ai un service
à te demander.

J'ai besoin d'une caméra DV.

Pourtant j'en ai sucé
des mecs, dans le camion.

Mais à l'époque, ce que je préfèrais,
c'était celles des musiciens.

Je savais pas que je passais à côté
de celles des disquaires.

Oh putain, j'ai faim !
Allez, salade !

J'ai trop faim.

Par contre, toi,
tu vas couper les tomates.

Ouais, parce que je vais pas te laisser fumer
ton joint tranquille pendant que je prépare tout.

Ah ben non. En plus,
j'adore couper les tomates, moi.

Ouais, ouais.

Oui, je vais te dire un truc.

Tu sais, si t'es là,
c'est grâce à Alex.

Ah ouais !?

Parce que j'avais aucune envie d'accueillir
un mec que j'avais pas vu depuis vingt ans.

Mais quand j'ai compris
que continuais à le fréquenter et que...

t'étais avec lui
la dernière nuit.

Je me suis dit que
t'allais peut-être m'aider à comprendre.

Comprendre quoi ?

Il parlait de moi, Alex ?

Oh, tu sais. Il parlait
essentiellement de lui, depuis un moment.

Mais il disait quoi,
exactement, sur notre histoire ?

Oh j'en sais rien, écoute.
J'étais au Québec. C'était loin, tout ça.

- Je le voyais plus depuis un moment.
- Ouais ça va. J'ai compris. Te fatigue pas.

T'es comme tous les autres.
Tu penses qu'il en avait rien à foutre de nous.

Et qu'il était plus heureux avec cette putain
de psychopathe de Vodka Satana, c'est ça ?

Mais pas du tout. Tu sais, il était
pas vraiment capable d'être heureux, le mec.

Ben si. Justement, avec moi si.

Oui il sanglotait tous les matins
dès qu'il se levait,

mais moi, je rassemblais
toute mon énergie pour le relever.

Comme un entraîneur de boxe,
et il y arrivait,

il trouvait la force,
parce que j'étais là.

Alors évidemment,
du coup il a pas pu tout contrôler,

parce qu'il a disparu comme ça,
du jour au lendemain.

Tu sais comment il m'a quittée ?
Tu veux que je te dise comment il m'a quittée ?

Il m'a laissée
un message sur le répondeur.

T'y crois à ça ?

Quand on est jeune,
on croit qu'on cicatrise.

Mais avec Alex, j'ai compris
qu'il fallait s'amputer pour survivre.

Oh, Vernon !

Oh, c'est bon d'être avec toi !

Coucher avec toi,
c'est comme coucher avec lui.

Tu vas loin,
là quand même.

Non mais avec cette époque, je veux dire.
Arrête, tu peux comprendre ça.

Pourquoi tu veux une caméra DV ?
Pour quoi faire ?

C'est parce que je dois filmer...
je dois regarder des cassettes.

Un concert électro
que j'ai filmé à Montréal.

C'est pour une prod.
Un docu que je fais, tu vois.

Ben j'en ai une.

Mais Lancelot est parti avec.

Il m'a dépouillée.

Et Lancelot, il...
Attends, écoute-moi.

Il revient parfois, Lancelot ?
Tu l'invites, je veux dire ?

Waouh, mais tu craques, baby !

Tu veux que je te présente mon fils ?
Ça devient sérieux, dis-moi !?

Je sais pas.
Pourquoi pas ?

- Il vient lundi.
- Ah ouais ?

Par contre, tu sais quoi ?

Je vais prendre RDV chez mon dentiste.
T'as besoin d'un bon détartrage.

Je vous remercie beaucoup
de me recevoir, M. Ben Jaoui.

J'ai une amie qui suit votre master à Paris VIII
et qui fait votre éloge continuellement.

Je vous en prie,
si on peut plus faire ça entre collègues.

Collègue, ce sera une fois la thèse finie,
si je la finis un jour.

C'est très très long.
Merci Aïcha. Allez, va travailler.

- Tenez.
- Merci, Mademoiselle.

Je sais que vos travaux de recherche
portent sur le cinéma suédois.

Je viens vous solliciter,
non pas pour vous parler de Bergman,

mais plutôt sur la structuration des genres.

Je m'intéresse à ce postulat
soutenu par plusieurs essayistes

que la pornographie n'utiliserait pas
le cinéma parmi d'autres supports,

-... mais qu'elle en serait la tentation originelle.
- Attendez, vous êtes venue pour quoi là ?

- Vous êtes pas venue ici pour me parler de porno ?
- Si. C'est mon sujet.

Je pense que le cinéma
est pornographique dans sa globalité.

Et c'est vrai qu'une des rares artistes à avoir
tenté le mariage entre porno et cinéma,

-... c'est votre ex-femme, c'est Vodka Satana.
- Vous vous êtes déplacée pour rien.

J'ai tiré un trait sur cette période.

Par ailleurs, elle était pas seule.
Je crois qu'il y avait toute une bande...

Je sais pas.
Allez voir les copines de l'époque.

Si vous pouviez m'aiguiller,
ce serait formidable.

Vous le faites exprès ?

Vous avez bien vu que j'avais une fille.

Bon alors ?

Oui je comprends.
Ça a dû être très difficile de l'élever seul.

Elle a l'air vive, d'ailleurs.
Elle fait des études ?

- Droit fiscal.
- Et elle travaille bien ?

Oui, de ce côté-là,
y a rien à dire.

Moi, je...

J'ai pas votre chance,
j'ai pas votre expérience,

je peux pas en dire autant,
je pense que si j'avais des enfants,

ils passeraient pas le brevet,
tellement je mets du temps à finir ma thèse.

Sa grande amie portait le nom d'un philosophe
allemand. C'est tout ce que je peux vous donner.

- On peut commander des pizzas pour ce midi ?
- On verra. Va dans ta chambre.

Hegel ?

Tu vois, c'était bien.
T'es un champion. Vraiment je kiffe.

Mais j'ai quand même senti
que t'avais envie de boire ton café.

C'est un peu vrai. Mais tu sais parfois,
dans l'urgence on trouve des trucs.

Tu veux pas me passer
la biscotte, là, s'il te plaît ?

Mais tu m'embrasses d'abord.

Mieux que ça.
Un baiser bien mouillé.

Tu sais ce qu'on pourrait faire en juillet ?

Non.

On pourrait aller une semaine
à la piscine du château Marmont.

Je louerai un cabriolet,
et on traînerait à Venice Beach.

J'adorerais. J'en rêve même.
Ça serait bien, hein ?

Pourquoi pas ?

Eh, tu me laisses un passage.

- C'est qui, cette meuf ?
- Quelle meuf ?

Une meuf qu'a pas jugé utile d'attendre
40 jours avant de s'atteler à la bio d'Alex.

Elle contacte ceux qui l'ont connu.

- Et moi, elle me contacte pas ?
- Apparemment non.

Hého ! Ça t'intéresserait pas
de savoir ce que moi j'ai envie de faire ?

Tu crois que j'ai pas d'autres projets
que de te regarder tchatter avec cette meuf ?

- Mais ça va, je prenais juste 2 sec.
- Mais t'es sans filet, là, gars !

Tu te crois où ?
Tu te crois déjà au château Marmont ?

Tu crois qu'il y a une room service qui va venir
te ramasser toutes tes petites miettes,

te changer les draps et t'apporter des serviettes
pour que tu puisses t'essuyer la bite ?

Non mais je rêve là !
Vraiment, c'est tous les mêmes !

Des putains d'enculés
d'égocentrés.

Oui, mon chaton.

Ben justement, j'étais en train
de me dire que pour ce soir,

Quoi ? Non mais je rêve !
Tu pouvais pas me le dire avant, putain !?

Non, je te dis c'est pas la peine
de venir si c'est en coup de vent.

Si, ça change que tu me prennes
pour une corvée, putain !

Non, mais c'est pas vrai !
C'est contagieux ou quoi ?

J'en ai ras le cul de toutes ces bites, là !

Bébé ?

T'étais où ?
Je te cherchais partout.

J'suis là.

Excuse-moi.

Je me suis un peu énervée.
Mais on oublie, hein ?

Tout va bien maintenant.
Lancelot vient pour l'apéro.

Il va t'apporter la caméra.

Ah, très bien.

- Tu m'en veux pas, mon chéri ?
- Non, non.

Attends-moi, je descend. Si tu veux prendre l'air,
tu vas m'accompagner au pilate.

C'est quoi l'histoire ?
Aucune nouvelle de la semaine ?

Vous étiez parties bronzer
à poil à Porquerolles ?

Non mais...
Non c'est juste, c'est moi...

Je vous ai pas prévenu,
mais il a fallu que je rentre plus tôt...

C'est une très bonne idée.
Y avait un forum de scénaristes aux Halles.

Comme on trouvait rien là-bas,
elle s'est dit qu'il pourrait être ici.

Elle a eu raison.
Je lui ai dit de foncer.

Bon. Et alors ?
Il y était ?

Ben...
j'ai pas vraiment pu le...

Non, il y était pas.
Mais on a une autre piste.

Grâce à un ami d'Anaïs
qu'elle m'a fait rencontrer à Cannes.

Il nous a dit que le mec, visiblement,
gravitait dans le milieu du porno.

Bref. Ça mène à une des meilleures amies
de Vodka Satana, l'ex de Bleach.

Elle s'appelle Pamela Kant.
Comme le philosophe.

Le truc, c'est que comme elle cherche à garder
l'anonymat, c'est impossible de l'appeler.

Mais j'ai réussi à croiser les infos,

et je l'ai localisée.
Elle habite à Barcelone.

Attends, t'es en train de me dire qu'il faut
aller à Barcelone trouver une vieille actrice porno,

amie de l'ex de Bleach
qui connaît peut-être le mec ?

Alors que ce putain de scénariste était
à Cannes à côté de nous la semaine dernière ?

C'est ça. On a fouillé partout
à Cannes. Voilà tout ce qu'on a.

Là, ni mon contact à la PJ,
ni Google peut rien pour nous.

Putain, c'est pas possible.
Mais c'est pas possible.

Bon je demande à Géraldine
qu'elle te prenne un vol pour ce soir.

Parce que c'est hors de question
que le film nous échappe.

Je prends pas l'avion.

Train de nuit.
Plus romantique.

Du coup, je comprends pas bien là.

Sur Bleach, on fait quoi ?

- C'est un film ou une série ?
- Un film. Un biopic.

Alors pour un film,
tout le monde devient dingue ?

On casse des gueules, on va jusqu'en
Espagne pour chercher un vague scénariste

sur une vague idée.
J'sais pas, c'est normal ?

Non, c'est pas normal.
C'est le cinéma.

Y a une idée dans l'air.
Tout le monde s'emballe.

Après, la seule chose qui compte,
c'est de le faire avant les autres.

Bon alors,
tu viens à Barcelone avec moi ?

Non.

Qu'est-ce t'as ?
T'as peur que je te saute dessus ?

Que je t'embrasse ?
Peur de pas aimer ça ? Peur d'aimer ça ?

J'ai pas peur, je te dis.
C'est pas le...

SI t'as pas peur,
t'as envie, alors !

Mais je suis pas binaire.
C'est pas soit l'un soit l'autre.

Ah ouais ?

Vas-y.

- Qu'est-ce que t'as à perdre ?
- Rien, c'est... De toute façon, je peux pas.

Je peux pas parce que...

Parce que j'ai décidé
de parler à Dopalet.

Je vais lui ramener
un projet perso.

Putain, pas mal.
Tu m'as écouté, alors ?

C'est bien. Ça fait plaisir.
Alors, c'est quoi ?

C'est un doc en Bolivie sur un gang de féministes
qui taguent les façades des gros riches,

-... des violeurs dont les crimes sont restés impunis.
- Ah ouais, ça va le faire marrer.

Faut rendre le truc un peu sexy, aussi.
Sulfureux, j'en sais rien. Punk, quoi.

C'est bien. Je suis ravie si je peux t'aider
à te révéler à toi-même. Je suis là. Pas de problème.

Excuse-moi.

- Oui, M. Ben Jaoui ?
- Non, c'est sa fille, Aïcha.

- On s'est croisées tout à l'heure.
- Ah oui, tu voulais une pizza.

J'aimerais vous voir. Vous parler
de ma mère. Je sais des choses.

- Euh, je peux pas. Je pars à l'étranger.
- À Barcelone ?

- Oui, comment tu sais ?
- Je vous ai dit. Je sais des choses.

Rendez-vous à 20 h au Train bleu.
Gare de Lyon.

J'y serai. Merci.

- Salut maman !
- Ohé ! Tu peux sortir les mignardises du four, stp ?

Oh, c'est qui, ça ?

Le chaton à sa maman.

Mais dis-moi, t'essaye de te laisser pousser
la barbe depuis que t'as quitté ta mère ?

Ah Lancelot.
Je te présente Vernon.

- Salut.
- Bonjour.

Mon bébé.

C'est très important pour moi
que vous vous rencontriez.

Parce qu'on se quitte plus avec Vernon.

Il se passe un truc,
on peut le dire.

C'est le début
d'une histoire très sérieuse.

- Tu vois, je me console vite.
- Ouais.

Non mais pose ça.
Maria va venir.

Attends, je me disais.

Comme je voudrais pas que ça parte à la machine,
tu crois que t'aurais pensé à la caméra ?

Ah oui, la DV.
C'est pour vous ?

Ouais, tu peux me tutoyer.
Excuse-moi de faire chier mais c'est important.

C'est des vieilles K7 en exemplaire unique.
C'est un peu mon trésor.

Oui, trésor du Moyen-âge, un peu.

- Par contre, à mon avis, elle est pas chargée.
- Merci.

Alors, qu'est-ce qu'on boit, maman ?

Et tu vis dans quel quartier, à Montréal ?

Euh...
je vis près du fleuve.

« Près du fleuve » ? C'est un peu large, ça.
C'est grand, le Saint-Laurent.

- À l'est.
- Ah, mais c'est le quartier des fifs. Non ?

- Des quoi ?
- Des fifs.

C'est bien comme ça
qu'on dit pédé, là-bas, non ?

- Ah ouais.
- Et tu fais quoi là-bas ?

Je... Je filme des trucs
pour la musique avec des mecs...

- Ah, donc t'es réalisateur ?
- Non, je suis assistant

-...pour des trucs musicaux avec...
- OH !

C'est bon ce que vous mangez ?

Parce que si vous vous en foutez,
la prochaine fois je vais chez Picard.

- C'est très bon, maman, ça va.
- Alors dites-le !

- C'est très bon !
- Merci, petit con. Tiens, baby.

Si t'avais daigné rester, je t'aurais acheté
des pâtisseries. Mais tant pis pour toi.

C'est gentil, maman. Mais Aurélie dit
qu'il faut que je fasse attention.

Quoi ? Elle dit ça ?
- Ben oui.

- À son âge ?
- C'est quoi le rapport ?

Oh ben dis donc,
ça doit pas être drôle au lit !

Oh non maman.
S'il te plaît, non.

Ben si écoute. En général,
ces choses-là, ça va ensemble.

Je suis obligée de te prévenir,
parce que je veux pas qu'elle te gâche ta vie.

Tu vois maman, c'est exactement
pour ça que je reste pas dîner.

Mais non. Les premières relations
sexuelles, c'est très important.

Oh mon dieu.
Je t'en supplie, arrête !

T'as qu'à la ramener, aussi.
Ça la décoincera.

On lui racontera nos années rock
avec Vernon. Hein, mon blouson noir ?

- C'est ça, ouais.
- Au revoir.
- Ciao.

Je veux pas qu'elle te coince.
Je veux pas qu'elle te bloque.

Tu reviens quand,
mon bébé chat ?

Je sais pas, maman.
J'ai pas mal de taf en ce moment.

Attends,
je t'ai préparé un petit paquet.

Baby ?

Baby ?

Tu fais quoi ?
Tu te mets à l'écart ?

Ouais. Je prends juste un moment
pour regarder mon truc.

Pardon, tu comptes bosser là maintenant ?
Tu te fous de ma gueule ?

Ouais, si. Tu te calmes.
J'en ai pas pour longtemps.

Je regarde mon truc.
J'arrive.

Non, mais t'entends
comment tu me parles ?

Tu te prends pour qui, connard ?
Ça y est, tu t'es cru chez toi ?

Je t'héberge,
je te fais à bouffer, tu fumes gratos,

je te trouve tout ce que tu veux,
et tu me laisses en plan comme une merde.

- Ben évidemment je t'ai offert mon cul.
- Lâche-moi !

OK ? J'en peux plus.
Je te jure, j'en peux plus.

Tu m'as dit « lâche-moi » ?

Ouais. J'ai besoin de prendre 5 min.

Une demi-heure, même, d'accord ?
Ça me paraît pas ouf, comme demande !

Tu m'as dit « lâche-moi » ?
À moi, tu m'as dit « lâche-moi » ?

- Ouais.
- Non, mais il est taré, ce mec, putain !

On est ensemble pour quoi ?
Pour baiser ou pour faire attention l'un à l'autre ?

Forcément, tu sais pas ce que c'est
de voir un fils partir.

C'est comme si on t'enfonçait
un couteau dans le ventre.

Moi la seule chose que je veux,
c'est que tu me prennes dans tes bras !

Alors j'ai pas du tout envie d'attendre que M. ait
fini de regarder son putain de concert de merde,

qu'il peut regarder demain.
Ça changera rien !

Regarde-moi quand je te parle !

Putain, regarde-moi
quand je te parle !

Putain, t'es allée trop loin.

Excuse-moi, baby.
Je sais pas ce qui m'a pris.

Ferme ta gueule !

T'as raison !
Je sais. J'ai mal agi.

Accorde-moi ton pardon.

Je comprends.

Je suis vraiment désolée.

Mais on va y arriver.

Je te laisse.

Je vous ai écouté chez mon père.
J'ai rien appris.

Je savais déjà depuis plusieurs mois
que ma mère était une pute.

Tout ce que je connais d'elle,
c'est ses films.

Je peux en parler à personne.

OK, d'accord. Je suis pas persuadée
que je suis la meilleure personne...

Si, si.
Vous allez m'aider à en savoir plus.

Vous vous intéressez à ses amis ?
À cette actrice, Pamela Kant ?

Ben moi aussi.

Comment tu t'appelles, déjà ?

Aïcha.