All language subtitles for Memorias del Subdesarrollo.1968.720p.BluRay.AVC-mfcorrea 23.976 FPS-French

Restauré par Cineteca di Bologna au laboratoire L’Immagine Ritrovata en association avec l’Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie cinématographique.

Restauration financée par la Fondation Georges Lucas et World Cinema Foundation.

Remerciements particuliers à la Filmoteca de l'Université Nationale Autonome du Mexique et Camelia Films pour l’aide apportée au projet.

La restauration de Mémoires du sous-développement a été possible grâce à l’utilisation du négatif original image et son et d’un interpositif fourni par l’ICAIC.

Le négatif était globalement affecté par le "syndrome du vinaigre" - particulièrement sur les copies des négatifs des images d’archives – causant un "halo" permanent à l’image.

Une grande partie de la bobine 3 est cristallisé de manière irréversible et la moitié de la bobine 4 est sévèrement endommagée.

L’interpositif a été utilisé pour remplacer ces parties.

Le négatif a été restauré en 4K et scanné avec wet-gate seulement pour les parties les plus problématiques.

Les négatifs présentaient une faible définition, produisant un son rauque et une distorsion d’image.

Les rayures, la saleté et la poussière sur l’émulsion causaient des crépitations et grésillements pendant la lecture.

La restauration du son a permis de réduire considérablement ces problèmes.

Ce film a remporté les prix suivants lors du 16ème festival international de cinéma de Karlovy Vary (1968) :

L'Institut cubain des arts et de l'industrie cinématographiques présente...

Les mémoires du sous-développement

Scénario inspiré du roman D'Edmundo Desnoes

Chef opérateur
Ramón F. Suárez

Montage
Nelson Rodríguez

Musique / Leo Brouwer
Direction musicale / Manuel Duchesne Cuzán

Avec l'apparition spéciale de
Pello el Afrokán

Réalisation
Tomás Gutiérrez Alea

La Havane, 1961.
De nombreuses personnes ont quitté le pays.

Là-bas elle devra se mettre au travail...

Bon, au moins jusqu'à ce qu'elle trouve
un idiot pour se marier.

Parce qu'à vrai dire, elle est toujours belle...

Elle se rappellera de moi tant qu'elle
aura du mal pour travailler, après...

En vérité c’est moi qui ai été idiot

Le fait de travailler pour la maintenir
comme si elle était née à New York ou Paris,

et non dans cette île sous développée...

Pardon…

Girón

Tous ceux qui m'aimaient
et qui ont...

déconné jusqu'à la
dernière minute sont partis

J'ai toujours dit que si j'avais du temps

j'écrirais un livre d'histoires
ou un journal

maintenant je vais savoir si vraiment
j'ai quelque chose à dire...

Rien ne change.

Ici rien ne change.

Comme ça on dirait un décor,
une ville en carton.

Le Titan en Bronze...

Cuba libre et indépendante...
Qui pouvait prévoir tout cela ?

Sans l'Aigle Impérial.

Et la colombe que Picasso allait envoyer ?

C'est très confortable d'être communiste
et millionnaire à Paris...

"Cette Humanité a dit assez
et s'est mise en marche"...

Comme mes parents, comme Laura, et elle ne
s'arrêtera pas avant d’atteindre Miami.

Cependant tout semble différent aujourd'hui.

C'est moi qui ai changé ou c'est la ville ?

C'est l'heure de partir...

Oh ! abandonné comme les quais à l'aube.
Tout en toi a été un naufrage...

- Tu fais quoi ?
- Tu vois pas ?

Je veux dire, tu lis quoi ?

Quelque chose de banale, frivole et décadente,
the best of everything,

ce qu'il y a de mieux ou le mieux au monde.

- Ah oui ! Le film où…
- Oui celui là.

- Laisse moi.
- Moi ?

Oui ! Tu me regardes comme si j'étais
une bête bizarre, je ne peux pas lire comme ça.

Pourquoi ne parlons nous pas un peu ?

What's come over you ?
Quelle mouche t’a piqué ?

Dernièrement tu ne fais que parler d’insectes.

Et de quoi je pourrais parler ?

On est entouré d’insectes
toute la journée, de gens sales...

- C'est un pays qui est en retard comme tu dis.
- Et toi qu'est-ce que tu en penses ?

ça ne t’a jamais intéressé
de savoir ce que je pense.

- What's come over you ?
- Tu pratiques beaucoup l'anglais dernièrement...

- Je crois que tu veux vraiment partir.
- Mon vieux ! Lâche-moi tu veux !

Je te préfère quand tu deviens vulgaire...

Sais-tu que cela éveille mon érotisme ?

Lorsque je te vois lutter entre les sandales et
la sophistication, entre l'élégance et la vulgarité.

Je te regarde depuis un moment
et je te trouve très bizarre.

Je sais pas, tu as vraiment mauvaise mine dernièrement...

C’est que je n'ai plus de brillantine
"Yardley" pour mes cheveux,

ni "Colgate", ni la lotion impérialiste
pour l'après rasage...

- Comme tu sais, tout cela aide beaucoup.
- ça doit être ça…

- Toi par contre, tu es de plus en plus attirante.
- C'est vrai ?

Oui. Tu es plus artificielle.

Je n'aime pas la beauté naturelle,
J'aime les femmes comme toi,

faites pour les beaux habits, la bonne table,
le maquillage, les massages…

grâce à cela tu arrêtes d’être une petite cubaine vulgaire

Et tu deviens une femme belle et rutilante.

Tu es insupportable. Je ne sais jamais si tu
parles sérieusement ou si tu te moques de moi.

- Un peu des deux, ma chère.
- Moque toi plutôt de ta maman mon cher !

Va te faire foutre !

- Ça c'est très bon, très bon !
- Mais qu'est-ce que tu as ? Tu es fou, idiot ?

Ah ! Lâche-moi ! Je ne te supporte pas.

Je ne peux plus vivre ici,
je ne supporte pas la chaleur, la sueur...

Tu transpires trop, tu es dégoûtant…
Lâche-moi...

Sais-tu que tout ce que tu as dit est enregistré ?

- Quoi ?
- Tout. Mot pour mot.

Ça va être amusant après quand tu l'entendras.

- Tu es un monstre! Un malade!
- Attention, tu vas la casser ! Lâche !

Ici les femmes te regardent dans les yeux
comme si elles se laissaient toucher par le regard

Cela n'arrive nulle part ailleurs,
chacun vit sa vie.

Peut être les italiennes regardent un peu plus,
mais jamais autant qu’ici.

Depuis que "El Encanto" a pris feu,
La Havane ressemble à une ville de province.

Et dire qu'avant on l’appelait le Paris des Caraïbes…

"Notre vin est amer,
mais c'est le nôtre"

En tout cas les touristes et les putes disaient ça…

Maintenant elle ressemble plutôt à
une Tegucigalpa des Caraïbes.

Pas seulement parce qu’ils ont détruit "El Encanto"
et qu'il n’y a pas grand-chose dans les magasins.

Mais aussi pour les gens.

Quel est le sens de la vie pour eux ?

Et pour moi ?
Ça a quel sens pour moi ?

Mais je ne suis plus comme eux

Pablo

Ces gens disent qu'ils font la première
Révolution socialiste d’Amérique…

Et quoi ?

Ils vont revenir à la barbarie,
ce sera la famine,

Comme les haïtiens,
ils ont vaincu Napoléon et après ?

Ils ont eu la première industrie sucrière
au monde avant la révolution

Et regarde-les maintenant,
pieds nus, devenus des zombies.

Les temps changent.

En plus, Sergio, ce n'est pas notre problème,

c'est un problème entre les russes et les américains

on n'a rien à voir avec ça

Écoute moi bien Sergio,

Ici ça va être le bordel

Et tu sais qui va se prendre le premier coup ?
Nous-mêmes !

Et tu sais pourquoi? Parce que nous sommes tout petits.
Une toute petite île Sergio.

Enfin c’est vous qui allez prendre ce coup
parce que moi, je ne serai plus ici, tu m'entends ?

Et dire que pendant plus de cinq ans
nous avons traîné ensemble…

Parce qu’en vrai, à l’époque de Batista,
on est arrivé à un point où…

ça ne pouvait plus continuer comme ça.

Moi je ne me suis jamais mêlé à la politique.
J’ai la conscience tranquille.

Dans la vie je n'ai fait que travailler,
travailler comme une bête.

Tu imagines Anita

Belle comme elle est, avec le ventre rempli de haricots noirs.

Aujourd'hui je l’ai vu déjeuner à "La Terraza"

Mais au final ils ont tous les moyens Sergio.

Le ''know how'' pour développer l'économie du pays.

Le plein !

- Le ''know how'', hein ?
- Oui, le ''know how'', le ''know how'' !

Les américains savent bien faire les choses,
ils savent faire fonctionner les choses.

Trois.

- Vérifie l'huile.
- Non, il n'y en a pas.

Si tu veux je vérifie quand-même.

Non...
Enfin, à quoi bon ?

J'ai une envie de le démonter complètement,

Et au final je dois le rendre comme il était

Pourquoi ?

Parce qu’il y a un inventaire.

Si je ne le rends pas comme c’était,
ils ne me laissent pas partir

Le truc c’est que je ne peux pas
trouver la pièce sellée,

vous devrez la trouver vous-même

parce que les choses ne sont plus comme avant...

Oui, ça je le sais…

Ensuite, la peinture ça sera pas la même.

Si on ne trouve pas d'alcool méthylique
il faudra mettre de la peinture synthétique,

et ce n'est pas pareil, et il faudra l’appliquer
au moins sur toute cette partie

- Pour que ce ne soit pas blanc.
- Oui je sais.

- Et cette bosse là ?
- Bon, ici en bas aussi.

On dit que la seule chose à laquelle le cubain
ne résiste pas c'est la faim.

Toutes les famines qu'il y a eu ici
depuis l'arrivée des espagnols !

En Amérique Latine, chaque minute 4 enfants meurent

à cause des maladies liées à la malnutrition.

Au bout de 10 ans, 20 millions d'enfants
meurent à cause de ça

Autant de morts que lors de la Seconde Guerre Mondiale.

C'est l'image de la décadence.

Je me sens mieux comme ça,
pas besoin de réparer, ni rien.

- Bon, si tu aimes marcher.
- Non, mais je me sens plus tranquille.

- Ah oui ?
- Oui, je ne veux pas de problème.

On dit que les dernières voitures
américaines sont incroyables.

Je lisais la revue que
Julio Gómez m'a prêté

Des moteurs sellés,
deux bougies, garantie 2 ans.

si ça casse on te le change,
pas besoin de réparer.

Imagine-toi !

Avec le genre de mécaniciens qu’on a ici…
c'est ça la solution !

Les gens me semblent chaque jour plus stupides !

Pablo a raison,
Tous les français sentent mauvais

C’est qu’ils sont cochons par nature, Laura !

Je m'en fous, qu'ils emportent tout.

Ça ne leur durera pas longtemps

Mais maintenant ça va changer
mon frère

je ne vais pas rester de nouveau chez moi
les bras croisés

Comme pendant la lutte contre Batista.

Non.

C’est vrai que je n'avais jamais
pensé qu'il serait renversé

et maintenant je sais que
si je n'interviens pas

ça ne pourra pas marcher pour moi
Demain, quand ce régime tombera

- Ces gens disent la même chose.
- Quels gens ?

Les prisonniers de Playa Girón.

Hé...

La vérité du groupe est dans l’assassin

On trouve sous l'organisation
militaire des brigades d'invasion

une hiérarchie de fonctions sociales

qui résume et illustre la division
du travail social et moral de la bourgeoisie

le prêtre, l'homme de la libre entreprise,
le fonctionnaire amateur, le tortionnaire,

le philosophe, le politicien

et les innombrables fils de bonnes familles

Chacun d’eux exerçaient
une action spécifique

et cependant c’était la totalité,
le groupe,

Qui donnait du sens aux comportements individuels

Séparément, Calviño est un criminel qui provoque
horreur et mépris, même aux bourgeois

La robe de chambre que j'avais
est encore tachée de sang là, devant

Parce qu'il m'a donné un coup pied
au ventre et j'ai eu une hémorragie.

Ça ne lui a pas suffit, et comme j'ai lutté
avec eux,

Il m'ont cassé deux vertèbres.
Tu te souviens ?

Et toi, ce que tu lui as mis... quand ils ont commencé
avec les coups de bâtons, il est tombé à genoux

Et tu lui as filé un coup de pied au foie,
et il s’est étalé par terre

Tu te souviens ?

Alors comme ça après l'avoir assassiné,
tu l’as souillé

Parce que tu es un sale assassin !

-Devant vous ?
- Je t'ai vu !

Sous mes yeux, tu l'as tué à coup de pistolet
et sa mort te faisait rire

- Au 106 rue Avellaneda

- le 6 octobre, à 7 heures du soir...
- Taisez-vous Calviño.

- Écoutez la dame...
- Et ose me dire que non

Que non

Que ce n'est pas vrai qu’après avoir tué
Morúa, les 9 jours où tu m’as détenu,

tu t’asseyais pour me raconter comment
tu l'avais tué. Dis moi que c’est faux !

- Dis-le, Calviño...
- Je ne peux pas répondre…

Dans toute société capitaliste il y a
à disposition de la bourgeoisie

ce même type d'homme
chargé de cette tâche si singulière.

Mais dans la division du travail moral,
l'assassin recruté assure par ailleurs

l'existence de ceux qui ne sont pas
en contact direct avec la mort

et peuvent maintenir, comme individus
séparés, leurs âmes propres

Je parle pour moi et pour ceux qui pensent comme moi
on n'est peut-être pas la majorité

Je ne parle pas pour Ventura
ni pour les chauffeurs de Ventura

ni pour tous ces misérables
que vous venez de mentionner.

- Je ne connaissais même pas Calviño à l'époque.
- Vous ne le connaissiez pas ?

Je voulais vivre ma vie, tout simplement

Ils semblent tous être des éléments
détachés d’un sens général

que personne n'assume complètement.

Moi, en tout cas, je ne peux pas répondre
pour les autres

parce que chacun assume ce qu’il dit

On dirait que vous voulez
m'inculper.

Comme si j'étais responsable de l'invasion
et de tout ça.

- Non, non, je ne l'inculpe pas.
- Moi je vous dis que…

Je tiens à souligner que ma mission
a été purement spirituelle.

Je n'ai même pas touché à une arme,
ni avant, ni après.

Si quelqu’un se retrouve mêlé
à la conspiration

ça ne veut pas dire qu’il est conspirateur.

Je vous ai dit dès le début

que j’ai toujours été complètement
étranger à la politique

je n’ai été lié à aucun parti politique

Ensuite, la responsabilité individuelle dépend uniquement

du comportement de chaque individu.

Chacun s’en remet à sa propre individualité

lorsqu’il veut s’éloigner de la
misère extérieure qui le contamine

ou se plonge dans le groupe lorsqu'il
doit cacher sa propre responsabilité

Il contamine alors les autres, sans scrupule

Vous voyez, maintenant il y a un groupe,
je ne suis plus le seul...

On voit ainsi comment cette responsabilité
que la totalité rejette

est restituée et revendiquée
par un membre du groupe.

Non, vous me parlez d’une cause qui n’est pas la
mienne, mais celle du groupe

En effet, l'assassin qui torture,
le cas extrême de cette division du travail,

s’en remet à la totalité pour clamer
son irresponsabilité morale.

Non, écoutez, je n’ai pas commis
de crime directement, je vous dis…

La réunion est terminée.

Mais dans aucun des cas mentionnés

Il n’y a eu de revendication de la véritable
relation dialectique entre individu et groupe.

Les autres individus qui étaient
avec Calviño lors de l’invasion

Ne se reconnaissent ni dans ce système
qui les implique, ni dans leurs actes

Dans les comptes du grand propriétaire Freyre,

Dans l'extrême-onction de Lugo, le prêtre

Dans les raisons traitées par Andreu, le philosophe

Dans les révocations et le livre de Rivero, le dilettante

Dans la démocratie représentative de Varona

Qui pourrait lire directement la mort qui
se répandait sur Cuba à travers eux ?

La mort par famine, par maladie,
par torture, par frustration.

Noemí

Trois fois par semaine elle vient faire le ménage.

Elle vient depuis plus d’un an et je
ne l'avais jamais vraiment regardé.

Si elle se préparait et s’habillait mieux, elle serait très attractive.
Elle est mince, comme un modèle de Vogue

Elle me plaît.

Elle est née à Matanzas et elle est protestante.
Baptiste je crois.

Tu as été baptisée dans le fleuve ?

Bien sûr.

Comment ça se passe ?

Bon...

On ne peut pas le savoir ?

Bon, les gens sont réunis le long de la rivière.
Nous entrons dans l'eau le pasteur et moi.

Ensuite il m’a expliqué ce que signifie le baptême

vous savez, pour nous le baptême
c'est la mort du pêché

et la résurrection d'une nouvelle vie
pleine de foi, d’espérance, de dignité…

et... il m'a amené dans la partie plus profonde
et m'a plongé dans l'eau.

Si vous aviez vu comme j’avais peur !

Ça s’est passé tellement vite que
je ne me suis rendue compte de rien

Après coup je me suis dit, toute cette histoire
et tout ce stress pour rien !

La plupart des gens sont exhibitionnistes.

J'ai l'impression de voir des
animaux sans défense, sans poil,

En équilibre précaire sur leurs deux pattes.

Quelqu'un a dit que l'intelligence
et l'imperfection physique de l'homme

s’expliquent par le fait que
c'est le fœtus prématuré d'un singe.

Il y a un moment particulier
entre 30 et 35 ans

où la femme cubaine passe brusquement
de la maturité à la pourriture.

Comme des fruits qui se décomposeraient
à une vitesse incroyable.

Anéantis par le triomphe de la Révolution,
la domination de l'impérialisme américain

les Etats-Unis utilisent la Base Navale de Guantánamo
comme centre d'espionnage contre Cuba

Des cameramans de l'ICAIC filment
des images de provocations et violations

venants des forces militaires et
contre-révolutionnaires cachés dans la base.

ELENA

Vous avez des genoux magnifiques

- Hé ! tu veux manger avec moi ?
- Tu es fou?

Non, sérieusement.
Je n'aime pas manger seul.

Qu'est-ce que tu fais ici ?
Tu attends quelqu'un ?

- Ton fiancé ?
- Tu es fou ?

À ton age c'est très dangereux
de se promener par ici toute seule.

Tu es fou !

Non, c'est vrai...

Pourquoi tu ne viens pas avec moi ?

Je te jure, je ne digère pas bien
quand je mange seul.

C’est que j'attends quelqu’un de l'ICAIC
qui m'a donné rendez-vous pour un boulot.

L'ICAIC ?

Oui, du cinéma. C’est pour un essai.

Ah oui ? J'ai un ami là-bas assez important, il est réalisateur.

- À l'ICAIC ?
- Oui.

Si tu veux, dès demain j'y vais
et je te le présente.

- Il est quelle heure ?
- Vers les 6h30.

Il est tard, il ne viendra sûrement pas.

Bon, tu viens ?

Apportez moi un Martini sec.

Pourquoi tu ne bois rien avant ?

Je ne peux pas, j'ai des injections pour les nerfs, regarde.

Et pourquoi tu veux être actrice ?

C’est que j’en ai assez d’être toujours la même

Comme ça je peux devenir quelqu’un d’autre,
sans qu’on me prenne pour une folle

Et ça m'intéresse beaucoup de dédoubler ma personnalité.

Mais ces personnages du cinéma et
du théâtre sont comme des disques rayés…

Tout ce que fait une actrice, c’est répéter des milliers de fois, de mémoire

les mêmes gestes et les mêmes mots
et les mêmes gestes et les mêmes mots...

Ça sort d’où tout ça ?

C’est des extraits qui sont apparus…
des coupures de la commission.

Quelle commission ?

La commission qui révisait les films,
ici, avant la révolution.

Des coupures qu'ils faisaient aux films
avant d’être projetés.

Ils disaient que ça portait atteinte à la morale

Contre la morale, les bonnes coutumes, tout ça…

Ah oui, oui, oui, je m'en souviens.

- Bon, je dois y aller, j’ai un essai
- A bientôt.

On dirait que ces gens avaient aussi ce genre de préoccupations pour la morale hein ?

En tout cas ils préservaient les apparences

- Vous allez faire quoi avec tout ça ?
- Je pensais l'utiliser dans un film.

- Dans un film ?
- Oui.

Ce genre de films où ce serait comme un "collage" où l’on peut tout mettre

- Mais... il faudrait que ça ait du sens non ?
- Ça viendra, tu verras.

- Ils le laisseront passer ?
- Oui.

On y va ?

Quelle expérience tu as ? Tu as travaillé
au théâtre, à la télévision ou autre ?

Non, on dirait que je n’ai pas eu de chance

Tu n'as pas suivi d’études non plus ?

Non. Une fois j’ai failli le faire,
mais finalement non

Bon, mettez tout ça dans le formulaire.

Mais, vous n'allez pas me faire d’essai ?
je sais chanter aussi.

Cette tristesse refuse l'oubli
comme la pénombre à la lumière,

que le destin fasse que tu puisses revenir
un jour, pour me rappeler…

Si tu le dis… Et toi non ?

- Non.
- Sûre que non ?

Quelle belle maison, tu ne trouves pas ?

Je ne sais pas.

Ne te fais pas d’illusion

Regarde, c'est ici.
C’est ici que j’habite

Qu'est ce qu’il y a ?

- C’est que…
- Quoi ?

Et ta femme ?

Mais je ne t’ai pas dit que je suis divorcé,
que ma femme est partie ?

- Comme ça et tout…
- Tout quoi ?

Que penseront les voisins ?

Ah si tu n’as pas confiance en moi…

Non, c'est pas ça.

Alors c’est quoi ?

Bon, entre le premier. Je viens après

C'est au dernier étage, appartement K-L.

Assieds-toi, mets-toi à l'aise.
Je vais faire du café.

Ce sont mes parents. Et c'est Laura.
Ils sont partis le même jour.

Et toi ?

Moi, quoi ?

Tu ne pars pas ?

Non, je me sens bien ici.

Toi tu es révolutionnaire ?

Qu'est ce que tu en penses ?

Je pense que tu n'es ni révolutionnaire ni contre-révolutionnaire.

Ah, non ?
Et alors, je suis quoi ?

Rien, tu n'es rien.

Ils vont t'envoyer des choses de là bas ?

Non, pour quoi faire ?

De belles chaussures… je sais pas moi !

Ils pourraient même t’envoyer une voiture si tu le voulais

Écoute, tu sais que Laura avait
plus ou moins la même figure que toi ?

Si tu veux je te montre quelques unes de ces robes
et si tu les aimes, tu les emportes, d’accord ?

C’est que…

Juste pour que tu les vois…

Ça te va bien… Regarde…

Tu dois me boutonner ici.

Allons, ne pleure plus.

- Allons…
- Tu m'as déshonorée !

Quoi, moi ?

Allons, on a rien fait de mal

Et maintenant, je lui dis quoi à ma maman ?

Eh bien… ne lui dis rien.

Si tu m'attends un peu je t'accompagne. D’accord ?

Non, merci. Je préfère être seule.

Bon, appelle moi.

… grâce à cela tu arrêtes d’être
une petite cubaine vulgaire

Et tu deviens une femme
belle et rutilante.

Tu es insupportable. Je ne sais jamais si tu
parles sérieusement ou si tu te moques de moi.

- Un peu des deux, ma chère.
- Moque toi plutôt de ta maman mon cher !

- Va te faire foutre !
- Ça c'est très bon, très bon !

- Mais qu'est-ce que tu as ? Tu es fou, idiot !?

Ah! Lâche-moi ! Je ne te supporte pas.
Je ne peux plus vivre ici,

je ne supporte pas la chaleur, la sueur…
Tu transpires trop, tu es dégoûtant… Lâche-moi !

Sais-tu que tout ce que
tu as dit est enregistré ?

- Quoi ?
- Tout. Mot pour mot.

Ça va être amusant après quand tu l'entendras.

Tu es un monstre! Un malade !

- Attention, tu vas la casser ! Lâche !

Lâche moi, lâche moi ! C’est fini toi et moi !
Je ne veux plus jamais te voir !

Je pars, et je pars seule.

Je ne veux pas que tu viennes avec moi.
Je ne supporterais pas un seul jour de plus ici.

Tu vas me laisser tout seul ?

Je m’en fiche ! Cherche toi une femme
qui te supporte, moi je n’en peux plus !

- Et tu disais que...
- Rien !

J'en ai marre d'être un rat de laboratoire
pour tes caprices et tes petits jeux.

Je vais vivre ma vie !
Je deviens vieille, tu m'entends ? Vieille !

Je pars toute seule ! Toute seule !
Je ne veux plus que tu viennes.

Et ça ?

Avant que tes lèvres ne m'avouent
que tu m’aimais, je le savais déjà, je le savais déjà...

- Et, ça va mieux ?
- Qui, moi ?

Oui, je pensais que hier soir
tu n'étais pas bien.

Ah oui. Mais aujourd'hui ça va.
Je suis venu voir comment tu vas toi.

Si tu veux, je fais le ménage et je t'aide
à faire le déjeuner, d’accord ?

- Qu'est ce qui t'arrive ?
- Moi, rien.

Vas y, dis le, que tu ne peux pas continuer,
que tout est fini

Que c’est impossible, que tu ne m'aimes plus.

Tu aimes le feeling ?

Alors, toute cette comédie que
que tu m’as fait hier soir…

- Ne te moque pas.
- Non, je ne me moque pas, je…

Oui, c’est que toi tu n'as pas le feeling…

En plus, tu ne peux pas critiquer
ma façon de vivre, si tout ce que j'ai...

Ce qui me déconcerte le plus chez les gens,

c’est l’incapacité à maintenir un sentiment,
une idée sans se disperser.

Elena s’est révélée totalement incohérente.
Que de l’altération, comme dirait Ortega.

Elle ne fait aucun rapprochement.

C'est l'un des signes du sous-développement :
l'incapacité de faire le lien entre les choses,

Pour accumuler les expériences et se développer.

Ici c’est difficile de trouver une femme
sensible aux sentiments et à la culture.

L'environnement est très faible. Tout le talent
du cubain est gâché pour s'adapter au moment.

Les gens ne sont pas consistants.

Et ils ont toujours besoin
de quelqu'un qui pense pour eux.

- Bon, j'espère te retrouver bientôt là-bas, Sergio.
- Moi ? Non, je ne pense pas.

Je connais les Etats-Unis, par contre,
ce qui va arriver ici, c'est un mystère pour moi.

Ce n'est un mystère pour personne, Sergio.
Tout le monde sait ce qui va se passer ici.

Et bien moi non,
franchement, je ne le sais pas.

Et bien, moi ce que je crois,
c’est que ce ne sera pas Playa Girón

C’est possible, mais ça pourrait
être intéressant, non ?

Peut-être, mais je préfère
être de l'autre côté.

Ce sera plus sûr.
Tu vas aussi retrouver de vieux amis là-bas

- Je vois où tu veux en venir, Sergio...
- Ah oui ?

Parmi eux il y avait des gens décents tu m’entends ?
Très décents

En tout cas c’est ce qu’ils disaient

Qu’ils le disent ou non,
moi j’ai la conscience tranquille.

Toi oui bien sûr

Étais-je comme lui avant ?

C’est possible.

La révolution, bien qu’elle me détruise, c’est ma
vengeance contre la stupide bourgeoisie cubaine,

contre les crétins comme Pablo.

Je me rends compte que Pablo n'est pas Pablo,
mais ma propre vie.

Tout ce que je ne veux pas être.

C’est bien de les voir partir,
comme si ils sortaient de moi-même.

Je reste lucide.
Une lucidité désagréable, un vide.

Je sais ce qui m'arrive,
mais je ne peux pas l'éviter.

Lui, Laura et tous...

Ici vivait Francisco de la Cuesta.

Nous avions 8 ou 10 ans.

Où est-il maintenant Francisco ?

Il se rappellerait à quoi on jouait ?

J'essaie et je n’y arrive pas.

Lors que nous étions à l’école
les prêtres avaient toujours raison.

Alors, ils avaient le pouvoir.

Je n'avais rien fait
mais c'était égal.

J'ai compris alors pour la première fois
le lien entre la justice et le pouvoir.

Le père d'Armando était un libre penseur.

Chaque semaine il lui donnait un peso
pour qu'il aille au bordel.

Il m'y a emmené pour la première fois.

Il m'a emmené à une grosse
qui coûtait 50 centimes.

Et lui a dit de bien s’occuper de moi.

Mais je n'ai pu rien faire avec elle
J'ai dû en chercher une autre.

Ensuite, moi aussi j'y allais chaque semaine.

Et j'ai découvert qu'Elena ne partageait rien
de ce qui me passait par la tête.

J'en attendais plus d'elle.

Je pensais qu'elle était beaucoup plus complexe et intéressante.

J’essaie toujours de vivre comme un européen.

Mais Elena m'obligeait à sentir le sous-développement à chaque moment.

J'ai aussi voulu changer Elena, comme Laura.

Mais elle ne comprend rien.

Elle a un autre monde dans sa tête,
très différent du mien.

Elle ne me voit pas.

Une aventure au tropique

Cette gazelle a été tuée par Hemingway lors
de son dernier voyage en Afrique en 1953.

Il a réalisé ce voyage avec Mary, sa quatrième femme.

Cette gazelle est l'une des plus rapides d'Afrique.

En plus de sa vitesse, elle saute constamment...

Il disait qu'il tuait pour ne pas se tuer

Mais au final, il n'a pas pu résister à la tentation.

Nous savons qu'Hemingway a voyagé plusieurs fois en Espagne

en tant que correspondant de guerre

plus tard, il a été à la brigade internationale...

Et c’est ici qu’il habitait ce Mister Way ?

Moi je n’y vois rien d'extraordinaire, vraiment.

Des livres et des animaux morts.

Exactement comme la maison des américains à Central Preston

Les mêmes meubles
et la même odeur américaine

Et c’est comment l'odeur américaine ?

Ah je sais pas moi, ça se sent

Et tu préfères laquelle,
l'odeur des russes ou des américains ?

Ah lâche moi !

Moi je ne connais rien à la politique.

Les tropiques…

Les pays sous-développés servent à ça,

à tuer les animaux sauvages, pêcher, se coucher au soleil…

Et vous avez ici la "beautiful cuban señorita"

"Je crois que je n’aurai plus jamais peur"
dit Macomber à Wilson

Quelque chose m’est arrivé lorsque j’ai vu le buffle
pour la première fois et que je lui ai couru après.

Une chose semblable au débordement d'une digue,
une excitation pure, formidable.

S'il suffisait de courir après un buffle pour vaincre la peur.

De toutes façons, à Cuba, il n’y a pas de buffle.

Je suis bête.

Il a vaincu la peur de la mort mais il n'a pas pu
supporter la peur de la vie, du temps.

D’un monde qui commençait à être trop grand.

Tu es là ?
Pourquoi tu es parti ?

Tu t’amusais tellement…

- Jalousie, maudite jalousie…
- Ah, s'il te plaît !

- Qu'est ce qui t’énerve ?
- Je ne ne suis pas énervé.

- Tu t’en fiches.
- De quoi ?

De moi.
Tu t’en fiches.

- C'est toi qui s’en fiche de tout
- De quoi ?

Tu ne t’intéresses à rien du tout.

C’était la chambre privée d'Hemingway.

Ici, il a toujours travaillé avec cette vieille machine,
debout et pieds nus.

Il ne s’asseyait jamais pour écrire,
et ne mettait jamais de chaussures.

Il se levait très tôt le matin et travaillait jusqu'à 11h ou 11h30

Peu de gens pouvaient entrer dans sa chambre.

J’en faisais partie, et je me déplaçais silencieusement dans la pièce.

Le reste de la journée, Hemingway dédiait son temps à…

Il s'appelait René Villareal

Hemingway le rencontra, enfant, jouant dans les rues de San Francisco de Paula.

Ça aussi je l'ai lu quelque part.

Il l'a adapté à ses besoins.
Le fidèle serviteur et le grand seigneur.

Le colonisateur et Gunga Din.

Hemingway devait être un type insupportable.

Ici, il a eu son refuge, sa tour, son île au tropique.

Bottes pour chasser en Afrique, meubles américains, photos espagnoles,

magazines et livres en anglais, affiches de taureaux...

Cuba ne l'a jamais vraiment intéressé.

Ici, il se réfugiait, accueillait ses amis, écrivait
en anglais et pêchait dans le courant du Golf.

…Mary, la quatrième épouse d'Hemingway, la fait construire en 1947.

À cette époque, il y avait beaucoup de journalistes
et de gens qui voulaient rencontrer Hemingway,

l'interviewer et ils l'empêchaient d'écrire dans sa chambre tranquillement.

Elle pensa qu’en lui faisant ce bureau, elle l’éloignait de la maison

et elle a essayé de le rendre le plus confortable possible,

en faisant installer 10 fenêtres double vitrage

pour que l’air circule, qu’il ait un joli panorama, des meubles simples, pratiques…

Sergio ! Sergio !

Un moment !
Vous avez vu le monsieur qui était avec moi ?

Sergio !

Un moment !

Table Ronde: Littérature et développement
Mardi 7, dans la salle d'activités, entrée libre

La culture dans un pays sous-développé,
n’est autre que le processus

parfois coûteux et douloureux,
par lequel un peuple

prend conscience de sa capacité de transformer
sa vie sociale, d'écrire sa propre histoire

et il doit prendre le meilleur de ses traditions
pour les faire fructifier

Et les enrichir avec les conditions de
la lutte pour la libération nationale

Nous étions dehors, à quelques pas
des cuisiniers et domestiques noirs de l'école,

j'ai découvert que j’étais un "spick", terme péjoratif
pour mépriser les latino-américains

les métis du continent, les "presque noirs".

Maintenant, je sais que bien que je paraisse blanc,
anglo-saxon et protestant,

En réalité je suis un noir du sud.

Tous les latino-américains sont noirs,
discriminés, opprimés, rejetés, ignorés,

étrangers dans cette nouvelle escroquerie avec ses prétentions d'universalité

Au style de vie nord-américain,
le grand rêve blanc des Etats-Unis

Bon, vient maintenant le tour de l'avocat du diable,

celui qui sème aussi le doute par-dessus le doute

et qui vous demande: mais messieurs,

ne comprenez-vous pas que les mots utilisés,

sous-développement, sous-développement...
sont malades ou, du moins, malsains

Ne voyez-vous pas que ces mots peuvent être des pièges du langage,

complices d'une culture déjà épuisée,
une ruse, un prétexte linguistique,

Un arrangement linguistique et idéologique qui peut
nous emmener à la paix mentale des formules ?

Inutile de fuir dans le continent linguistique du sous-développement

et d’oublier que la contradiction fondamentale
de notre époque n'est pas

la contradiction entre l'impérialisme nord-américain
et les trois continents sous-développés,

mais la contradiction entre le développement impétueux
des forces productives dans le monde entier

et les formes et les relations
de production du capitalisme.

C'est-à-dire, entre révolution socialiste et
système capitaliste, dans sa dernière étape impérialiste

Par exemple, tu parles entre autres

de contradiction fondamentale
entre prolétariat et capitalisme

Moi je crois le contraire de ce que tu penses,
que cela est complètement abstrait

Les contradictions fondamentales
se vérifient dans la réalité

une contradiction fondamentale, lorsqu'elle
se concrétise, elle se transforme en guerre

je veux dire que pour moi, la contradiction fondamentale
ne se situe pas dans ce moment,

par exemple, entre les prolétariats européens
et les capitalistes européens,

mais dans une zone où la guerre incarne et matérialise

Et montre ce qui est une contradiction fondamentale,
par exemple, le Vietnam.

Dans ce cas le problème est différent…

Le problème c'est que...

Cette discussion est seulement fondée si

la contradiction fondamentale est l'une
ou l'autre, c'est-à-dire...

Exclusivement au niveau de l’école marxiste
Oui, je suis d'accord avec toi.

mais concrètement, je constate que c'est autre chose…

Et toi, qu'est ce que tu fais là haut avec ce cigare ?

Tu dois te sentir très important, parce qu'ici
il n'y a pas beaucoup de concurrence.

Hors de Cuba, tu ne serais personne.
Ici, par contre, tu es bien placé

Qui t'as vu, Eddy,
et qui te voit, Edmundo Desnoes !

Comment tu t’appelles ?

Jack Gelber.

Puis-je poser une question en anglais ?

Ça va ?

Oui,vas-y

Comment se fait-il que si la révolution cubaine est une révolution totale,

il faille recourir à des formes archaïques de discussions, comme une table ronde,

qui nous mènent vers des sujets sur lesquels la plupart d’entre nous sommes déjà très bien informés,

alors qu’il pourrait y avoir une autre manière, plus révolutionnaire,d’atteindre une audience comme celle-ci

Jack Gelber part du principe que
la révolution cubaine étant une révolution originale

pourquoi recourt-elle à des méthodes conventionnelles
telles que les tables rondes,

pourquoi ne développe-t-elle pas
une méthode plus dynamique

pour établir une relation entre le panel et le public

Je ne comprends rien, l'américain a raison.

Les mots dévorent les mots
et nous laissent dans les nuages, dans la lune.

Loin de tout.

Comment se sortir du sous-développement ?
Je crois que c’est chaque jour plus difficile

On sent son empreinte partout.

Et toi, qu'est ce que tu fais là en bas Sergio ?
Ça veut dire quoi tout ça ?

Toi tu n'as rien à voir avec ces gens.
Tu es seul.

Dans le sous-développement rien ne dure, tout est oublié

les gens ne sont pas cohérents

Mais toi tu te souviens de beaucoup de choses,
tu te souviens trop

Où sont tes proches, ton travail, ta femme ?

Tu n'es rien, rien, tu es mort.

Maintenant, Sergio, ta destruction finale arrive.

Chaque fois que maman m'écrit
c’est la même chose

Elle sait que je ne mâche pas de chewing-gum et que
je me rase avec un rasoir électrique

La seule chose que je lui ai demandé,
c’est qu’elle m’envoie des livres et des magazines, mais non.

Je ne comprends pas la lettre de maman.

Ils sont fous.

Nous n'arrivons pas à nous comprendre.

Hanna est la meilleure chose qui me soit arrivé dans la vie.
Ça, j'en suis sûr.

Ils sont partis pour fuir Hitler
et ils sont tombés sur Cuba.

Hanna était plus mature que
les jeunes filles sous-développées d'ici.

Combien de temps je suis resté avec elle ?
Je ne m'en souviens pas.

Je sais qu’elle est ce qui m’est arrivé de mieux dans la vie.

Comment ai-je pu la laisser partir ?
Pourquoi n’ai-je pas couru après elle ?

Quand elle est partie à New York avec ses parents,
nous allions nous marier.

Nous ne croyions pas aux papiers,
mais on s’est dit que ce serait plus pratique.

Nous avions des projets.
J’allais la rejoindre à New-York, faire ma vie avec elle.

Je voulais encore devenir écrivain
et elle croyait en moi.

Hanna est la seule personne
qui a cru en moi.

Elle allait m'aider.

Ensuite mon père m'a laissé le magasin.

Je suis resté planté au bureau.

J'ai travaillé comme un fou pendant des années.

"Hanna chérie, comprends moi,
je ne peux pas laisser tout ça maintenant.

Je ne veux pas arriver là-bas les mains vides"

Hanna chérie, un jour c'était trop tard.

Je t'ai cherché.
Je te chercherai toujours.

Où es-tu maintenant ?
Que penserais-tu de moi ?

Attends, arrête toi ici !

Sergio !

Sergio ! Sergio !

- Occupant principal : Premier nom de famille ?
- Carmona.

- Deuxième nom de famille ?
- Bendoiro.

- Prénom ?
- Sergio.

Profession ?

- Aucune.
- Vous ne travaillez pas ?

- Non.
- Vous vivez de quoi ?

- De la location de quelques appartements.
- Ah ! Un ancien propriétaire.

- Âge ?
- 38 ans.

- Revenu net ?
- 600 pesos.

D’autres revenus de la famille ?

Non, je vis seul…

- Vous payez la taxe de la réforme urbaine ?
- Non.

- Dernier mois versé ?
- Non, je n'ai jamais rien payé.

Modèle d'occupation: propriétaire, acquéreur,
usufruitier, illégal…

Non non, propriétaire.

- Vous êtes sous embargo ?
- Non.

Environ combien de mètres carrés ici ?

- À peu près...

- Et bien...
- C'est assez grand...

- Oui.
- Disons, 100 ou 200 mètres ?

Je pense que c’est un peu plus…
Vous voulez mesurer ?

On vous croit.

Mettons 300 et si c’est pas bon
on verra après.

- Type de construction: briques.
- Oui, je crois oui.

Le local est composé d’un appartement...
Combien de chambres ?

Une chambre et un bureau.

- Il y a une chambre des domestiques ?
- Oui, il y en a deux.

- Des toilettes, combien ?
- 1,2,3,4… 5 !

- Combien de salles de bain ?
- 3.

Ascenseurs : 2
État de conservation : bon.

Signez ici.

Et tout ça... c’est pour quoi ?

C'est... pour un contrôle.

- Mais, alors…
- Non, ne vous inquiétez pas.

S'il y a des irrégularités nous vous informerons.

Attends, attends !
on ne peut pas tourner par ici…

- On va deux rues plus loin…
- Non, tu dois aller tout droit

Laisse tomber.
Je vais descendre ici. Tiens.

Et au milieu de tout ça, moi
je vis encore de la location

Il me reste à percevoir 13 ans,
non, 12, 11 ans.

ça fait maintenant 2 ans qu’ils m’ont enlevé l’appartement.

Tout m’arrive trop tôt ou trop tard.

Autrefois j'aurais peut-être pu
comprendre ce qui se passe ici.

Aujourd'hui je ne peux plus.

J'ai 38 ans et je suis déjà vieux.

Je ne me sens ni plus sage, ni plus mature.

Plutôt plus stupide, plus pourri que mûr.

Comme une sapote pourrie.
Comme une canne à sucre broyée.

C’est peut-être lié aux tropiques…

Ici tout mûrit et se décompose facilement.
Rien ne persiste.

Je suis déjà vieux.

Dès 13 ans je fréquentais les bordels.
À 15 ans je me croyais un génie.

À 25 ans, propriétaire d'un magasin chic de meubles.

Et ensuite Laura…

Ma vie est comme un végétal monstrueux et ramolli
avec des feuilles énormes et sans fruit.

Je crois que j’ai l’air d’être digne…

Vous êtes Sergio ?

- Oui, c’est moi.
- Je suis le frère de Elena.

Elena, elle est malade ?

Non, ma sœur est une fille très saine,
elle n'est jamais malade.

C’est autre chose. Elle dit que vous avez abusé d'elle.

Comment ?

- Non, non, ce n'est pas ça.
- Je ne sais pas si c'est ça.

Le problème c'est que vous l'avez déshonorée.
Et il va falloir régler ça.

- Je ne sais pas ce qu'elle vous a raconté...
- Non. Elle n'a rien raconté.

Voilà. On ne paie pas ça avec des robes, ni rien.

S'il vous plaît...

- Elena dit que vous lui avez promis de vous marier avec elle…

et qu’ensuite vous avez profité d'elle...

- Non, écoutez…

Elena était capable de tout.
J'aurais dû le savoir.

Je ne voulais pas avoir d’histoires avec la police.

J'étais prêt à me marier avec elle
si elle me le demandait.

J'avais peur.

Dis-lui ce que tu as dit à maman.
Allez, dis le.

- Vous m'avez menti !
- Vous ?

Bon, tu m'as menti.

Pourquoi ?

Tu m'as dit que tu allais me donner des robes de ta femme...

et ensuite tu as profité de moi

Si tu le dis…

mais tu sais que ce n’est pas vrai.

Et d’ailleurs tu n'étais pas vierge...

Ça c'est un manque de respect.

Écoutez...

Non, monsieur, ma sœur n'est pas une pute, merde !

Je ne sais pas comment elle m'a mêlé à ça.

J'étais résigné.

J'allais me laisser entraîner jusqu'à la fin.

J'avais peur.

Les filles doivent arriver à l'autel vierges.

C'est le plus grand trésor qu’une
femme puisse donner au mariage !

Ça c'était avant,
maintenant les femmes sont libérées et...

Ne parlez pas comme un révolutionnaire,
parce que vous ne l'êtes pas !

- Si tu ne maries pas avec elle, je te tue !
- Tais-toi, merde !

Mais vous vous prenez pour qui ?

Si je marie avec Elena c'est parce que
je le veux, pas à la force !

- Personne ne se moque de ma fille !
- Reste tranquille toi !

Pourquoi tu ne voulais pas me voir ?
Tu voulais te débarrasser de moi ?

Non Elena, ce n'est pas ça,
je veux me marier

Mais ça se fait pas comme ça,
il faut bien y réfléchir, non ?

Réfléchir à quoi ?

Il faut régler les papiers, non ?
Obtenir le certificat de divorce...

- Vous êtes divorcé ?
- Oui madame, je le suis.

-Et bien il faut se marier tout de suite !
- Oh papa, mais tu vas rester tranquille !

Nous, on s'occupe des papiers.
Pourquoi tu l'as amené ?

Cette nuit-là elle est rentrée tard à la maison.
La nuit où...

- Tu n'aurais pas dû l'amener.
- Elle me l'a dit.

Elle est arrivée avec sa culotte tachée de sang…

Non, ça c’est pas vrai madame !

Ça suffit, tu vas tout foutre en l'air.
Tu n'aurais pas dû venir merde.

Allez, calme-toi !

Laisse, calme-toi !
Et toi, reste tranquille !

Je savais qu'elle n'était pas vierge.

Ce sont des pauvres types.

Qu'est-ce qu'ils gagnaient dans tout ça ?

- Qu'avez-vous à déclarer ?
- Que tout est faux.

Oui, j'ai eu des rapports avec elle,
mais c'était consenti

Il n'y a pas eu d’abus, et encore moins de viol.
C’est un mensonge.

Sergio, signez ici.

L'accusé, Sergio Carmona Bendoiro,

a cherché à coucher avec Elena Josefa Dorado,
mineure de 16 ans

et pour cela, par le mensonge, il l'a amené
à son appartement,

à Línea y Paseo, Vedado,
et a profité de sa virginité

tout en sachant que la mineure avait
des troubles mentaux

et ne pouvait par conséquent, pas résister.

- Avez-vous une déclaration à faire ?
- Oui.

Répondez aux questions de monsieur le procureur.

Connaissez-vous Elena Josefa Dorado ?

Oui.

- Répondez en regardant le tribunal.
- Oui.

- Oui, monsieur.
- Pardon. Oui, monsieur.

- Où l'avez-vous connu ?
- Rue 23, au Vedado.

L'avez-vous conduit jusqu'à votre appartement et couché avec elle ?

Oui.

Avant la nuit des faits,

la victime présumée vous avait-elle avoué qu'elle avait
entretenue des relations conjugales avec un autre homme ?

Non, elle n'a jamais dit ça.

J'étais le seul à parler avec une certaine cohérence.
Et c’est ce qui m'a fait couler.

Ils ont commencé à me traiter comme si j'avais
trompé cette malheureuse "du peuple".

Oui, et aussi pour m’offrir quelques robes...

de la dame qui est parti au nord.

Maintenant tout est "le peuple"

Avant, j’aurais été le type respectable
et eux les misérables coupables.

Je me croyais perdu.

Vaurien, effronté...

Dégénéré...

Avez-vous menacé Sergio de le tuer ?

S'il ne se mariait pas avec elle, oui.

- Vous l'avez menacé de mort.
- Oui monsieur.

Et qu’a dit Sergio ?

Sergio a dit oui, qu'il allait chercher les papiers,
qu'il se marierait, mais il ne l'a pas fait.

Quand avez-vous amené Elena au médecin ?

Bon, selon ma mère...
moi je ne sais pas exactement,

ma mère dit qu'elle l'avait amenée
quelques mois avant...

qu’elle n’ait ce problème.

- Savez-vous ce que le médecin a dit ?
- Non, je ne sais pas...

Et le résultat des examens ?

Vint ensuite le verdict.

Il est établi, premièrement :
que l'accusé Sergio Carmona Bendoiro,

a invité la jeune Elena Josefa Dorado de 17 ans,

à se promener dans la nuit du 25 janvier 1962,

et qu'au cours de cette promenade,
ils se sont rendus au domicile de l’accusé,

à Línea et Paseo, où ils ont eu des rapports sexuels

D’après les examens, il n'est pas prouvé

que Elena Josefa Dorado présente
des symptômes de déséquilibre mental

Ni qu'elle n’était privée de raison
lors des actes sexuels

Deuxièmement : Le parquet a jugé

définitives les conclusions provisoires
des feuillets 6 et 7 du rouleau.

Troisièmement: que la défense de l'accusé,

Sergio Carmona Bendoiro, a jugé
définitives les conclusions provisoires dans lesquelles,

sont niées toutes les accusations du procureur,

et demande l’acquittement de son client.

Seul considérant:

que sur les faits déclarés

il n’y a pas d’élément prouvant le délit de viol

établi par le procureur contre l'accusé.

Vues les dispositions mentionnées et en vertu
du code de défense sociale,

des articles 142, 240, 741 y 742
de la procédure pénale, nous déclarons:

que l'accusé Sergio Carmona Bendoiro est acquitté

du délit de viol

Ce fut une fin heureuse.
Pour une fois la justice a vaincu.

Mais, était-ce vraiment ainsi ?

Quelque chose me tracasse.
J'en ai trop vu pour être innocent.

Eux ont trop d'obscurité dans la tête
pour être coupables.

Je ne les ai plus revu.
J'espère qu'ils ne l’ont pas enfermée.

Encore des avions et navires de guerres vers la Floride

Retour inattendu de Kennedy à Washington
Un sentiment d’hystérie guerrière s’empare de la capitale des Etats-Unis

Une intervention imminente contre Cuba paraît évidente

La presse censure le bellicisme dirigé contre la nation voisine

Jeune mère accouche de triplées

Un chien à deux cœurs
Moscou, 22 octobre.

Compétition des syndicats pour leur diffusion

Matériel pour le mur de ton centre de travail.
À couper et coller.

Comment se propage le tétanos

Il y a un risque de contamination lorsqu’une
blessure s’infecte avec la bacille tétanique.

La plupart des cas sont mortels.

Le vaccin est le seul moyen de protection sûr.

Mao Zedong :

Tenter de résoudre les problèmes idéologiques
et la question du juste et du faux

par ordonnances administratives et avec des méthodes coercitives

N’est pas seulement vain, mais pernicieux.

…ainsi que pour les clients de l’établissement aux faibles revenus…

Pourquoi ne répare-t-on pas ma terrasse ?

J’ai déjà signalé 7 fois au service de la Réforme Urbaine…

qu'une partie est tombée et le reste se détache

et comme je n'ai ni les moyens, ni les outils,
je voudrais savoir comment faire.

Gilberto Calzadilla
Manrique No. 255

Travailler dans la joie et...

Salomon

Aujourd’hui elle m’a apporté tout un tas de photos

De son baptême dans la rivière.

Mais ce n'est pas comme je l'avais imaginé.
Ce n’est rien.

La robe ne s'est pas collée à son corps.
Et il y avait beaucoup de monde.

Je n'avais pas pensé aux gens,
les témoins qui sont toujours partout

22 octobre 1962

Discours de Kennedy

…d’autres bases semblent être conçues

pour des missiles balistiques de moyenne portée,

capables de détruire la plupart des grandes villes occidentales

entre la baie de Hudson (Canada), au nord, jusqu’à Lima (Pérou), au sud.

De plus, des bombardiers capables d'utiliser des armes nucléaires

sont actuellement assemblés à Cuba

pendant que les bases aériennes se préparent.

Pour stopper cette escalade offensive,

toutes les livraisons militaires à Cuba sont mises en quarantaine.

Si ces préparations militaires venaient à se poursuivre,
aggravant la menace contre notre hémisphère,

Des mesures additionnelles seront justifiées.

J’ai donné l’ordre à notre armée de se préparer à toute éventualité.

Rien n’a de sens. Les gens se comportent
comme si la guerre était un jeu.

Et si tout commençait maintenant ?

Inutile que je proteste.

Je mourrai comme les autres.

Cette île est un piège.

Nous sommes tout petits, trop pauvres.
Notre dignité nous coûte cher.

Nous refusons catégoriquement toute tentative de contrôle

toute tentative de surveillance de notre pays

Personne ne surveille notre pays.

Nous savons ce que nous faisons

Et nous savons défendre notre intégrité et notre souveraineté.

Ils nous menacent d’être la cible d’attaques nucléaires

ils ne nous font pas peur.

Nous devons savoir vivre à notre époque,

savoir vivre avec dignité

Tous,

hommes et femmes, jeunes et vieux,

nous ne sommes qu’un en cette heure de danger,

et notre destin à tous, révolutionnaires et patriotes,
sera le même, et ce sera

la victoire

La Patrie ou la mort, nous vaincrons.