All language subtitles for Un.coup.de.maître.2023.VOF.1080p.FRA.Blu-ray.AVC.DTS-HD.MA.5.1-RyanHG (1)

Musique lente

Regardez.

Cette pièce est l'œuvre
de l'artiste Renzo Nervi,

connu pour sa vie faite de hauts
et surtout beaucoup de bas.

Observez bien cette toile.

Ne vous demandez pas
ce que ça veut dire.

L'art n'est pas juste
une représentation de la réalité,

l'art peut créer sa propre réalité.

N'essayez pas de comprendre,
il n'y a rien à comprendre.

Il s'agit simplement
de saisir l'expérience

que l'œuvre offre à vos sens.

Maintenant que vous avez pris
le temps pour contempler ce tableau,

venez avec moi.
Je vais vous présenter son auteur,

Renzo Nervi, un grand peintre
et un grand ami.

Le meilleur ami que j'ai jamais eu.

Tu me fais vraiment chier!
Tu te rends pas compte à quel point!

T'es en train de sombrer
et tu m'entraînes avec toi!

C'est quoi, ton plan?

Ça t'a pris 10 ans
à faire cette exposition,

tu t'en rends compte?

Le problème, c'est pas
qu'on ait rien vendu, c'est...

Regarde la presse.

On s'est fait massacrer.

Art Press. Le grand Laveran.

Alors...

"Il est suicidaire au 21e siècle
d'exposer un artiste

à ce point ancré au siècle dernier.”
Il est suicidaire...

Et je te dis pas les autres,
parce que...

Le problème, Renzo, c'est que tu refuses
les interviews. Tu boudes la presse.

- Mais ça sert à rien!
Tu le sais très bien!

C'est plus les critiques
qui ont le pouvoir!

C'est les commissaires-priseurs,
les acheteurs, les collectionneurs!

C'est l'argent!
Tu le sais bien, Arthur.

- Justement, les collectionneurs,

les commissaires-priseurs
et les critiques,

ils veulent te rencontrer.
T'es même pas venu

à ton propre vernissage.

- C'est pas ma faute,
je suis agoraphobe.

- Quoi, t'es agoraphobe?
T'as un certificat médical? Non!

- Agoraphobe et supermercatophobe.
- Super quoi? Supermaca....?

- J'ai peur dans les supermarchés.

- Arrête ton numéro, là...

Tu me parles à moi, Renzo, là.

Je te demande pas grand-chose.

Juste de venir un tout petit peu
à la galerie.

- Faire le faux avec tous ces snobs,
je peux pas.

Ecouter ces cons
m'expliquer ma peinture...

- Ecoute, tout le monde n'est pas con.

- Arthur, faire le bouffon,
c'est ton rôle,

pas le mien.

Le prends pas mal,
mais tu fais ça super bien.

T'es dans ton élément, t'es bien.
Moi pas.

C'est Laveran qui avait raison.

T'es devenu ringard, Renzo. Voilà!

- Je m'en fous de ce que dit Laveran.
Et de toute façon,

je lis jamais les critiques.
Jamais.

- Tu devrais.

Labyrinthe.
C'est le nom de l'exposition,

et là on est dans les méandres
du cerveau de Renzo Nervi.

C'est vraiment impressionnant.
Cette toile me plaît énormément.

Elle est onirique, cauchemardesque...

Vous aimez?
- Oui. Oui.

Sous la cruauté de cette peinture,

il se dégage une ironie,
une certaine commisération...

De la mansuétude, même.
- Vous avez parfaitement raison.

Parfaitement raison.

Derrière ces coups de pinceaux
un peu malades.

Derrière le fouaillement
des chairs de ces modèles,

on sent comme ça...
l'humanité de l'artiste.

On sent sa fragilité. Alors là, c'est...

à croire que vous êtes prédestinée
à acquérir cette œuvre.

Le jour où vous vous retrouvez
devant un Renzo Nervi,

l'artiste arrive en personne.

C'est très rare.
Laissez-moi vous présenter.

Cher ami, Renzo, je vous présente...

- Bonjour, pardon, Excusez-moi...

- Ho ho ho!
Coups de feu

- CÇa vous plaît, madame?
Je te fais les autres.

- CÇa va, ça va!
- C'est toi qui vois.

- Arthur, j'appelle la police?
- Non, ça va.

- Je peux appeler l'asile aussi.
- CÇa va aller.

Musique rythmée

- Anas!

Tiens, je te rends ça,
j'en ai plus besoin.

- T'as fumé quelqu'un ou quoi?

- J'en ai fumé trois.

Rire
- N'importe quoi.

Ça te plaît?

Train

- Ne quittez pas.
Arthur, c'est Renzo Nervi.

- Euh, vous lui avez dit que j'étais là?

- Oui.
- Enfin, Eugénie!

- Bah, quoi, vous êtes là?
- Faut pas être si pragmatique.

C'est pas parce que vous me voyez là
que je suis vraiment là.

La vie est plus compliquée que ça.
- Vous voulez lui parler?

- Non, passez-le-moi.

- Bon, allô? Qu'est-ce qu'il y a?

- Ça t'a plu?
- Tu l'ignorais peut-être,

mais tirer au pistolet sur une œuvre

Niki de Saint Phalle l'a déjà fait
il y a plus de 50 ans.

Donc tu n'as absolument
rien inventé, là.

- L'art est une révolution perpétuelle,
Arthur.

- Tu sais que j'ai perdu une cliente
importante à cause de toi?

“Donc, j'ai pas très envie
de discuter avec toi. Bonne journée.

- Non, attends! Ne raccroche pas!

OK, j'ai été trop loin.
Je m'excuse, sincèrement.

- Merci de le reconnaître,
c'est vraiment très fort de ta part.

Et puis, ça va me sauver
le coup, tes excuses.

Bon, faut que j'y aille maintenant.

- Non, attends!
Je voulais juste te dire...

“Je suis un peu à sec en ce moment.
Tu pourrais me faire une petite avance?

- Sur quoi? Sur la toile que j'ai pas
réussi à vendre à cause de toi?

Même si j'avais réussi à la vendre,
ça rembourserait à peine les dégâts.

- Quels dégâts?
- Ecoute, Renzo, euh.

“Les balles que t'as tirées
se sont pas arrétées à ton tableau,

elles l'ont traversé
pour se loger dans mon mur.

- Ah oui, ces dégâts-là.

- De toute façon, c'est fini.

L'exposition se termine,
on remballe tout.

- Vous lui dites pour le rendez-vous?
- Et Eugénie va te contacter

pour prendre rendez-vous
pour tes toiles.

- Quoi?

- On te renvoie les invendues,
à savoir.

- Euh... La totalité.

- Voilà, t'as entendu. Renzo? Renzo?

Soupir

Coups à la porte

- Qu'est-ce que c'est?
- Euh... Renzo Nervi?

- Oui?
- Alex.

Je suis ravi
de faire votre connaissance.

- Et que puis-je faire pour toi?

- J'aimerais apprendre à peindre
avec vous et devenir votre apprenti.

Je vous ai ramené
quelques-unes de mes études.

- Comment tu m'as trouvé?

- J'ai un peu galéré, en fait.

Vous êtes presque aussi dur à trouver
que Banksy.

- Je prends pas d'apprenti.
- Prenez-moi à l'essai.

- Je prends pas d'apprenti, t'es bouché?

- Non.

Je suis juste têtu.

- Ecoute, va voir des mecs
comme Jeff Koons.

Je suis pas une usine, moi.
J'assure seul ma production.

- Bah, justement.

Pour moi, vous êtes un des derniers
vrais peintres en activité.

Une légende vivante.

Ricanement

- Carrément, une légende vivante?

T'es comique, toi.

T'es têtu, mais t'es drôle.

Bon, je te prends à l'essai une semaine.

Au moindre faux pas, tu dégages.

- Compris, maître.

- Arrête de m'appeler comme ça.
- OK, maître.

- Bon, on va commencer
par un exercice d'observation.

Alors,
tu vas t'asseoir sur cette chaise,

et tu vas regarder tous les objets ici.

Quand je dis tout, c'est tout.
Le kayak, le cygne, le vélo,

le cercueil, le truc là,
je sais pas ce que c'est...

- Et c'est quoi, l'idée?
- Tu comprendras plus tard.

Bon, très bien.

- Merci!

Musique oppressante

Hurlement

Respiration lourde

Maître?

Ça fait plus de 3 heures
que j'observe, là.

- Ah... Oui.

Soupir

Bon.

Alors, maintenant,
tu vas vider entièrement cette pièce.

Tu prends tout le bordel.

Ce qu'il y a dans les armoires, au mur,
par terre, je veux plus rien voir.

Tu prends tout et tu déposes tout
ici dans cette pièce, OK?

- Euh... OK.
- Bon, très bien.

- Mais...

pourquoi?

Musique lente

- Alors, t'as pas encore terminé?
Soupir

- Vous savez combien de temps
Hercule a mis

pour nettoyer les écuries d'Augias

qui l'avaient pas été
depuis super longtemps?

- Non, il a mis combien de temps?

- Ben, il a mis super longtemps.

- Bon, je t'explique.
En fait, il a mis Un seul jour.

Mais bon, c'était Hercule,
il faisait pas 45 kg comme toi.

- Oui, ben. Vous voulez bien m'aider
pour le kayak, quand même?

Coups à la porte

- Oui, c'est pour quoi?

- Du coup, c'est encore un exercice?

- Non, ça, c'est juste
que t'as pas eu de bol.

Soupir

- C'est quoi, tous ces tableaux?

- Mes invendus.

- M. Forestier? Bonjour, enchantée.
- Ah, bonjour.

Enchanté.
- Venez avec moi.

- II faudrait quelque chose d'imposant,
c'est pour ce mur, là.

- Oui, on a pensé à quelque chose
de minimum 3m sur 1m50.

- Très bien, très bien.

Euh, laissez-moi
vous soumettre une petite idée.

Euh. Plutôt que d'acquérir
une œuvre ancienne,

pourquoi pas commander
une œuvre originale?

Quelque chose qui.

serait fait spécialement pour vous,
sur mesure.

On pourrait faire appel
à un grand artiste, euh.

On pourrait même faire allusion
à votre entreprise... à sa réputation.

à son histoire...
- C'est intéressant, ça.

- C'est bien, ça, oui.
- Je crois.

- Et à quel artiste pensez-vous?

- Renzo Nervi?

Vous plaisantez, Arthur?

Y a pas quelqu'un
de moins problématique?

De plus civilisé?

- Non, non, mais. Renzo sera parfait.

- Je sais que c'est votre ami,
mais c'est pas dans notre intérêt.

- Ecoutez, on peut pas toujours raisonner
par intérêt.

- Si, car vous m'avez embauchée
pour vous rappeler où est le vôtre.

Votre admiration pour lui
vous rend aveugle.

- Oui, ben, voilà,

je l'admire, c'est tout.

Justement, je l'admire.

Et admirer quelqu'un, c'est pas
se demander qui a la cote, qui l'a pas,

qui marche, qui marche pas...
Je vous parle d'admirer quelqu'un.

Vous savez,
la première fois que j'ai vu

une œuvre de Renzo,
j'ai été bouleversé.

Je vous parle pas
d'une émotion personnelle.

Je vous parle
de quelque chose d'universel,

de la grâce de l'altérité.

Vous savez ce que c'est de voir le monde

à travers les yeux
de quelqu'un d'autre?

- Je me débrouille pour vous dégoter
une opportunité en or

et vous, vous gâchez tout
avec ce sociopathe. Pourquoi?

- Je veux l'aider.

- Maître? Au fait, j'ai trouvé ça
dans votre bordel.

En général,
c'est important, les recommandés.

- Qu'est-ce que c'est?
- Eh ben.

C'est.

un commandement de quitter les lieux.

"En vertu d'une ordonnance de référé
rendue par le tribunal d'instance,

"vous devez quitter et libérer
de toute personne et de tout bien

"les lieux que vous occupez indûment,

"et ce au plus tard le."

Vous avez reçu cette lettre quand?

- Aucune idée.

- Maître, vous allez être expulsé.

- Expulsé? J'aimerais bien voir ça.

Je suis né dans cette maison,
j'y resterai jusqu'à ma mort.

- Ca, c'est le Trésor public.
- Oh, alors, touche pas à ça! Non!

Selon un proverbe chinois:

"Si le silence est plus intéressant
que ce que tu vas dire,

"alors tais-toi."
Donc, tu touches pas à ça,

tu bois ton café et tu termines
ce que je t'ai demandé.

C'est une légende vivante
qui te le demande.

- Ça, j'ai terminé.

Alors?
- Bien!

- J'ai galéré, mais, bon, j'ai fini.

- Maintenant,
tu vas ramener tous les objets ici

et les replacer
dans leur position initiale.

C'est un travail de mémoire.

C'est pour ça que je t'avais demandé
de regarder ce bordel si longtemps.

Soupir
- C'est une blague?

- Non. Apprendre à d'abord regarder,
c'est l'essentiel.

Au travail.
- Maître...

Sonnerie du téléphone

- Oui?
- Oui, c'est moi.

- Arthur!
- Ben, oui, Arthur.

“Ecoute, j'ai peut-être un travail
pour toi, ça t'intéresse?

- T'entends quoi par "travail"?

Musique lente

- Tu fous quoi, là?
Ils t'attendent en haut.

T'aurais dû monter.

- C'est qui l'artiste?
- Hein?

Ah, c'est Maggie Chekamondo.

Une artiste franco-ougandaise
qui vit à Berlin.

C'est une photographe, quoi.

Ce qui est formidable avec elle,

c'est qu'elle a
une vie personnelle terrible.

Elle est orpheline...

C'est des NFT.

Me demande pas ce que c'est,
j'ai rien compris.

Enfin, c'est Eugénie qui s'en occupe,
ça se vend.

- Oh, bah, si ça se vend.

- Bon, revenons à nos affaires,
si tu veux bien.

Ils voulaient voir quelque chose
très rapidement,

alors je me suis permis
de leur faire un petit dessin.

Et je leur ai dit que c'était de toi.

- T'as fait un brouillon à ma place?

- Oui, enfin, je savais
ce qu'ils avaient envie de voir,

du coup, je trouvais ça plus simple.
Mais c'est un croquis, quoi.

Ils ont adoré.
- Hmm, hmm....

- Enfin, pour toi,
ça serait une formalité.

- Pourquoi tu la peins pas toi-même?
Ce serait encore plus simple.

- Commence pas, Renzo... Viens, on y va.

Et fais comme les chiens
à l'arrière des voitures,

qui font comme ça avec leur tête.

Tu dis rien, tu nous laisses parler,
Eugénie et moi. D'accord?

Ecoute, arrête de déconner, là!

Je compte sur toi, moi!
- D'accord.

- Je te fais confiance, hein?
- Mais oui.

Donc,
vous êtes dans l'agro-alimentaire?

- Absolument, oui.

- Mais plutôt agro
ou plutôt alimentaire?

Bio? Pas bio? Pas trop bio, hein?

Il rit.

OGM? Ah, mais.
- Non, mais...

Non, non, mais...
- Glyphosate?

- Bon, euh, excuse-moi.
Je crois que M. Dupont-Laval

aime beaucoup ton ébauche.
- Hmm, hmm....

Je peux voir?

- Oui... Oui, bien sûr. Tiens.

- Eh...

Pas mal, hein! Bravo!

- Renzo aime beaucoup s'auto-congratuler.
Bon, on demande pas à un artiste

d'être humble.
Rires légers

- Dites-moi, M. Nervi,

d'où vous est venue l'idée
pour cette œuvre?

- Oui?

- Les idées,
bah, en fait elles sont là...

- Mais je pense, enfin, qu'un peintre

s'exprime toujours plus facilement
à travers sa peinture.

- Voilà.

- Et Renzo me parlait
des grands muralistes mexicains,

que vous adorez, je sais.

Rivera, Orozco...

Mais en beaucoup plus contemporain,
c'est ça?

- Et en beaucoup moins mexicain aussi.

- Oui, d'ailleurs,
c'est de cela dont on avait discuté.

On partirait sur une œuvre
de 3m sur 1m50 minimum.

- 3m sur 1m50? C'est énorme!

C'est carrément Guernica!
- Non, Guernica,

c'est beaucoup plus grand.

- Bon, écoutez.
Je pense qu'on se dirige

vers un chef-d'œuvre. Hein?
- Hmm....

Eh bien, oui, espérons.
- Oui, espérons.

- Je suis... heureux de faire affaire
avec vous. Enfin.

- Merci, en tout cas.
- Merci beaucoup.

Voilà, ça, c'est le catalogue
de notre dernière exposition.

- Magnifique. Merci beaucoup.

- Merci, au revoir.
Vous ne serez pas déçus.

- Merci, au revoir.
- Merci beaucoup. Au revoir!

Ça s'est plutôt bien passé, non?

- Regarde comme c'est beau. Magnifique.
- Oui...

- Si j'avais ce portrait chez moi,
je passerais mes journées devant.

- Ben, oui.

Il est sublime, ce Modigliani.
- Hmm....

- Et je comprends pourquoi il te touche.

- Pourquoi?

- Elle te rappelle pas quelqu'un?

- Hmm....

- Esther.

- Ah bon? Tu crois?

- Oui...

Hum.

Bon, revenons à la réalité.

Ils voudraient que tu aies fini
le tableau dans le mois, en fait.

Donc, c'est-à-dire.
- Arthur, j'aimerais d'abord savoir

si je peux le faire.
Je ne peins jamais sur commande.

- Bien sûr, t'es un artiste indépendant,
donc...

- Exactement.

- Tu me parlais tout à l'heure
de Picasso,

qui peignait à sa guise,

et il acceptait les commandes.
Il était richissime et génialissime.

L'un n'empêche pas l'autre, tu vois?
C'est un problème éthique?

- Oui, un problème éthique.

Tu sais comment ils traitent les animaux
dans leurs usines?

Les poussins broyés vivants et tout?
- Je sais, oui. C'est ignoble.

Vraiment, c'est désespérant...

- Oui.
Soupir

- Moi, ça me révolte, tu vois?

Mais bon, voilà, il faut bien manger.

Je te demande pas de travailler
pour Hitler.

- Arthur, Jean-Marc Laveran est en bas.
Il est venu voir l'exposition.

- Merde!
- Laveran, le critique?

- Oui.
- J'irais bien le saluer.

- Euh... Je crois pas
que ce soit une bonne idée.

- Pourquoi?
- Euh...

Renzo...

Tu ne bouges pas, d'accord?
Tu restes ici.

- Bravo, félicitations en tout cas.

- M. Laveran, quelle bonne surprise!
- Je suis désolée...

- J'avais des petites choses

à vous dire quant à votre papier

sur mon exposition.
- Renzo, s'il te plaît.

- Je refuse de débattre
de mes critiques spécialement

avec l'artiste concerné.
Rire

- Non, ce que j'ai lu était instructif.

Même si vous m'avez flingué.

- Bien sûr. Bon, j'y vais, moi.

Salut Arthur, bravo. M. Nervi...

Bonne continu.
- Quand vous dites que je suis prisonnier

de mon cadre, que j'étouffe

et que je me libère pas du corps

de la peinture, c'est marrant,
car c'est ce que je ressens!

Par contre, le passage
sur "la matrice mortifère

"de mon existentialisme",
je suis pas sûr d'avoir bien compris.

- Ecoute, Renzo, je t'expliquerai.

C'était vraiment brillant.
- Vous vous foutez de moi?

- Non, ça va.
- Lâche-moi, connard!

- Hé, on se calme là, on se calme!

- J'étais sincère.
Il m'a ouvert les yeux.

- Ouvert les yeux sur quoi?

Explique-moi!

Car je te rappelle que ce mec
a dit que t'étais un has been,

déconnecté du réel

et que tu devrais prendre ta retraite
avant une dégénérescence totale.

- C'était pas exactement la tournure,
mais...

- Enfin, quand même,
c'était à peu près ça.

C'est vrai, faut le dire,
ce papier, il était gerbant.

Le style est lamentable et le fond,
c'est de la merde.

Tu t'es comporté comme une pute,
maintenant assume. Voilà.

- Tu crois que je vais en rester là?
- Quoi?

- Ta petite galerie,
je vais la faire fermer!

- Tu crois que tes menaces me font peur?
Mais t'es qui, toi?

T'es qui pour critiquer un artiste
comme Renzo Nervi?

Maintenant, casse-toi de ma galerie!
Parasite!

- C'est moi qui pars!
- Vas-y, casse-toi!

- Connard!
- Ouais, allez. Pff...

Musique calme

Soupir

Bon, ça fait du bien quand même.
- Ouais.

Il lui faut pour quand sa toile,
l'autre?

- Bah...

Avant la fin du mois.
- Bon, ça va être jouable.

- Vous allez faire quoi avec ça, maître?

- Je vais vendre mon âme au diable.

Allez, hop!

On va la placer sur les chevalets.
- Ouais!

Musique lente

Soupir

- J'ai une bonne nouvelle.

Mme Debreuil s'est décidée
pour un tableau de Nervi.

Un nu qu'elle a vu
dans le catalogue, "Femme..."

- "Femme nue sur divan rouge".
- Exactement.

- Sublime.
- Et elle proposait 8 000.

- Ah... Et on en demandait combien?

- 15,
mais elle dit qu'elle peut pas plus.

- C'est une pingre!
C'est ce qu'elle dépense en un week-end.

Ecoutez, appelez-la et négociez.

Si elle veut pas,
dites-lui que c'est d'accord.

- D'accord.

- Ecoute, c'est une très bonne chose.

8 000 euros, c'est très bien,
je suis très content, voilà.

- Le problème, c'est que je l'ai plus,
cette toile.

- Comment ça?

- C'est Laura qui l'a.

- Laura? C'est qui, cette Laura?

- Un modèle qui a posé pour moi.
On s'est revus après, voilà.

Et je lui ai offert
pour la Saint-Valentin.

- Pardon? J'ai pas entendu.

- Et je lui ai offert
pour la Saint-Valentin.

- Pour la Saint-Valentin?

Rire

Tu fêtes la Saint-Valentin, toi?

- I! m'arrive d'être faible, oui.

- Je suis content.
Non, c'est une bonne chose.

Enfin.

Bon, écoute,

tu pourrais peut-être
lui proposer d'échanger

cette toile contre une autre?

- Tu crois?
- Bah, oui, je crois.

Brouhaha de la rue

C'est là, c'est ça?
- Oui.

Sonnette

Soupir

Bon, viens par là.
- Tu fais quoi?

T'es sûr de ton coup, là?
- Mais oui, t'inquiète.

- Je m'inquiète, oui.

- Elle l'a foutue où, bordel!

- T'es sûr que c'est pas illégal
ce qu'on fait?

- Mais non, c'est pas illégal!

- Bon...
- Oh, il est là!

Elle l'a même pas accrochée.

- On l'embarque, on se casse.
- Elle aurait pu l'accrocher.

- On s'en fout! Dépêche-toi!
Claquement de porte

Rires
Houlà! Viens par là.

- Allez, allez...

Léger fracas

[Is se déshabillent.

Gémissements

Soupir

- Et euh. dis-moi...

C'est une inspiration de Modigliani,
"Femme sur un divan"?

- Ah oui, c'est vrai.
- Ouais.

J'ai plus aucune inspiration.

- C'est normal.

T'attends toute la journée
l'inspiration devant tes toiles.

Ça se provoque, l'inspiration.
Faut que tu te nourrisses.

Faut que tu sortes un peu,

que tu regardes
ce qui se passe autour de toi.

- Non, tu sais très bien
d'où venait mon inspiration.

Tous mes portraits, c'était Esther.

Même quand je peignais des paysages,
elle était là. Elle était partout.

Toute ma peinture
est sortie de son sourire.

- Hé...

Reviens un peu à la vie, Renzo.

Esther est plus là, hein.

Alors, arrête de te vautrer
dans ton Thanatos.

Je pense qu'il te faut un peu d'Eros,
un peu de.

Tiens, écoute...
- Arrête, ça me dégoûte.

- Non, non! C'est beau, c'est la vie.

C'est vrai qu'elle crie
quand même très fort.

Désolé.

Vraiment pardon.

Ah?

- On fait quoi, là?

- Je sais pas, on improvise. Euh. OK.

Ne bougez pas, on fait que passer.
Cris

- Qu'est-ce... Renzo?

- Bonjour, je suis le psychothérapeute
de M. Nervi.

Surtout ne dites rien,
ce serait contre-productif.

Merci. Tout ceci

est une thérapie
cognitivo-comportementale

visant à la restauration

du Narcisse de M. Renzo Nervi.

Voilà, donc la visite

de certains lieux spécifiques pourrait

aider à l'acceptation
de sa psyché malade, voilà.

Et aussi la récupération de certains
objets de valeur, évidemment.

- Lesquels?
- Euh... Concentrez-vous.

M. Nervi, y a-t-il des objets ici
qui pourraient vous aider,

qui vous appartiennent
aussi peut-être.?

- Ah...
- Ah, peut-être, oui, voilà.

- Peut-être celui-là.
- Ah bon? Lequel?

Allez-y, prenez-le.
- T'aurais pu l'accrocher, quand même.

- Situation incongrue, n'est-ce pas?
Ne vous retournez pas, M. Nervi.

- Attention...

- Merci de me faire vivre ça, vraiment.
- Avec plaisir.

Très bien. C'est très bien, nickel.

- Merci, maître.
- Ne me remercie pas.

- Bon, du coup, la suite?
J'espère un truc plus artistique.

- Y a pas de suite,
on arrête là, c'est fini.

- Quoi?

Ben, comment ça?
J'ai fait quelque chose de mal?

- Non, au contraire, t'as fait exactement
ce que je t'ai demandé.

- Alors, ça veut dire quoi?

- Que tu l'as échappé belle.
Tu seras jamais un artiste.

- Comment ça?

- Depuis le début, tu t'es montré
rigoureux, rationnel, méthodique

et surtout modeste. C'est pas
ce qu'il faut pour être un artiste.

- Oui, mais je suis comme ça.
- Tu as trop de qualités.

Pour être un vrai artiste,
il faut en avoir aucune.

On fait de l'art
quand on sait rien faire d'autre.

C'est comme une malédiction,
un handicap.

Tu pourrais faire plein de choses bien,
ou pour les autres.

- Mais vous êtes un artiste.

- Mais je suis l'illustration parfaite
de ce que je te dis.

J'ai fait des choses inutiles
qui n'intéressent plus personne.

- Mais moi, je veux peindre,

car j'ai besoin d'exprimer
ce que j'ai à dire.

- Ça sert à rien de dire! II faut agir!
On est ce qu'on fait,

on est pas ce qu'on dit.
- Oui, ben, je fais quoi, alors?

- Eh ben, pars!

T'en as encore le temps!
Pour moi, c'est trop tard! Pars!

Pars!

- OK.

- Je suis désolé, Alex,
c'est mieux pour toi.

Là, tu me détestes,
mais plus tard tu me diras merci.

Qu'est-ce que tu fais là?

- Je suis venu t'apporter ta part
pour la vente du tableau.

- Ah... Mais t'étais pas obligé
de te déplacer, tu pouvais me l'envoyer.

- Je voulais qu'on fête ça ensemble.
Je t'ai apporté ta bouteille préférée.

- Bah, viens.
- Ouais.

Dis-moi, euh.
la fresque, elle avance.

- Oui, oui. Oui, ça avance.

- Ah, c'est bien.

C'est.

travaillé, c'est puissant, c'est...

Y a tellement de détails,
de précision, de travail.

Non, t'as dû bosser comme un titan, là.

- J'ai pas encore trouvé
le bon angle d'attaque.

- Renzo!
Je te préviens, je vais pas te lâcher!

On va la finir, cette toile!

S'il faut que je dorme ici,
je dormirai là.

Allez, on s'y met.
Je peux faire quoi pour t'aider?

Dis-moi.
Euh. je te ramène des peintures?

Tu veux quoi?
- Ouvrir la bouteille de vin.

- Parfait.

Je veux te voir travailler.

- Oui.

Musique douce

- Allez! À table!

Il soupire.

- C'est très bon.

- C'est ce qu'il y avait
dans le frigidaire.

Renzo...

Tiens.
- Alors, ça te plaît?

- Bah, c'est parfait.
T'as pas encore signé.

- Je ne signe pas les commandes.
- Tu vas pas recommencer avec ça.

Allez, signe.
- Non.

- En tout cas, ce qui est super,
c'est que

t'as fait tous les fruits et légumes
que voulait M. Dupont-Laval.

- Si on m'avait dit un jour que
je me laisserais corrompre à ce point...

Bon, je vais dormir.

- Voilà...

S'il vous plaît, un peu plus haut, là...

A droite, un peu plus haut...

- C'est sublime.
- Voilà...

- Touchez plus à rien.
Attendez, je regarde.

Je regarde.

- C'est magnifique.
- Ah oui...

Ah oui, c'est un art, hein.
L'accrochage de tableau,

c'est 80 %... 80 % de la... du travail.

- Oui.
- Un tableau mal accroché,

c'est une croûte.
- Eh bien, écoutez, merci beaucoup.

- Parfait, parfait! Ne touchez plus.
Ne touchez plus.

- Merci encore, vraiment.
- Merci...

- AÀ demain. Bravo, hein.
- Merci.

Coups à la porte

- Bonsoir.
- Bonsoir.

- Vous connaissez Pierre Bonnard?
- Bonnard...

Il travaille ici?
- Non, pas exactement.

Pierre Bonnard était un peintre
du début du 20e siècle.

Un très grand artiste qui a eu la chance
de connaître le succès de son vivant.

C'était un perfectionniste,
maniaque, angoissé.

Mais c'était surtout
un éternel insatisfait,

capable de retoucher ses toiles
exposées dans les plus grands musées.

Quand une œuvre d'art
est-elle vraiment terminée?

Eh bien, pour Bonnard, jamais.

Soupir

- Qu'est-ce qui se passe, hein?
- Me criez pas dessus.

- Je ne vous crie pas dessus, mais...

- Je fais que ça, appeler, il répond pas,

donc vous.
- Chut.

OK.
- Improvisez.

- Donc on y va. On y va ensemble.
- Je viens avec vous, allez.

- Euh... voilà, euh.

Eugénie vient de m'apprendre
que le grand Renzo Nervi

ne pourra pas être là ce matin,
il a été pris d'une inspiration

ce qui nous laisse euh. présager

un nouveau chef-d'œuvre,
on l'espère.

Et donc euh. c'est moi

qui vais avoir le privilège
de vous faire découvrir

cette toile.

Eugénie...

Euh. Voilà. Un, deux.

Exclamations et applaudissements

- Oh.....

Brouhaha

Je vous avais dit
que c'était pas une bonne idée.

- Enfin...

- C'est une farce.
- Non, non, c'est intéressant!

- Je comprends pas.
On est victimes d'une mauvaise blague.

Forestier?
- C'est pas si mal.

- II faut qu'on parle.
- Oui, mais.

Attendez, regardez-le...
- Maintenant!

- Je viens.

Brouhaha

Coups à la porte

Musique lente

- Renzo Nervi?
- Oui.

- Je suis maître Buffet,
huissière de justice.

J'interviens dans le cadre
de votre expulsion,

en application de la décision de justice
rendue par le Tribunal d'Instance.

Soupir

On peut entrer?

- Oui.

- Merci. Messieurs, vous me suivez.

Sonnerie de répondeur
- Bon, écoute,

“ça fait 4 fois que je t'appelle,
tu réponds pas,

donc je vais te laisser un message.

Ecoute-moi bien, sale putain d'égoïste.
Tu viens de perdre ton dernier allié.

Je voulais t'aider,

“mais t'as piétiné mon amitié,
t'as piétiné mon travail.

Tant d'années à travailler pour toi,
à me saigner pour toi,

“pour te donner les moyens de peindre,
de t'exprimer.

“Mais c'est plus fort que toi.
C'est ça?

Tu détruis tout!
Je veux plus te revoir de ma vie!

Musique triste

"I Wanna Be Sedated"
(The Ramones)

- Monsieur, champagne.
Châteaubriand de...

- Homard belle-vue et...
- Merci.

- Bonne continuation.

- Côte de porc ibérique accompagnée

de caviar d'aubergines
et asperges vertes et...

- Merci.

Propos indistincts

- Assortiment de fromages...

- Merci.

- Votre addition, monsieur.

- Comme je viens de dire à mademoiselle,
je ne paierai pas mon addition.

- Monsieur, je vous en prie.

- Parce que ce repas représente
une modeste rétribution

à mon travail en tant qu'artiste
à cette société de philistins de merde!

- S'il vous plaît, monsieur,
ne nous forcez pas à appeler la police.

- Si je puis me permettre.

C'est pas une bonne idée
d'appeler la police.

Si vous appelez la police,
je risque de faire encore plus de bruit.

Et là on serait tous super mal à l'aise.

En revanche,

si vous m'apportez encore
un dernier p'tit cognac,

je vous jure, je le bois

et je m'en vais tout de suite
sur la pointe des pieds

et vous ne me revoyez plus jamais.

- Sers-lui son cognac
et qu'il aille en enfer.

Musique lente

- Ami,
je sens du sort la sombre plénitude.

J'ai commencé la mort
par de la solitude.

Je vois mon profond soir
vaguement s'étoiler.

Voici l'heure où je vais,
moi aussi, m'en aller.

Mon fil trop long, frissonne
et touche presque au glaive.

Le vent qui t'emporta doucement
me soulève.

Et je vais suivre ceux qui m'aimaient,
moi banni.

Leur œil fixe
m'attire au fond de l'infini.

J'y cours.

Ne fermez pas la porte funéraire.
Passons, car c'est la loi,

nul ne peut s'y soustraire.

Soupir

Quel farouche bruit
fond dans le crépuscule.

Les chênes qu'on abat
pour le bûcher d'Hercule!

Musique angoissante

Cris des mouettes

Brouhaha de la rue

Sonnette

Sonnerie du portable

- Bon, qu'est-ce que tu veux?

- Je me sens anéanti,

monstrueux, difforme,
obsédé par le deuil et la mort.

“Je me sens comme dans une peinture
de Francis Bacon.

Ou un de ces animaux morts
de Damien Hirst

“plongés dans le formol.

Je suis un sauvage, moi,
je suis pas fait pour cette société.

Mais je me rends bien compte que
dans ce monde, Arthur, je n'ai que toi.

- Allez, monte.
Bip d'ouverture

- Je ne suis vraiment qu'un connard.

- Un énorme connard.

Bon, et ça fait combien de temps
que t'as pas payé tes impôts?

- Je sais pas.
C'est Esther qui s'en occupait.

- Ah d'accord.
Aussi longtemps que ça?

Soupir

- Tu sais, Arthur, quand on a commencé
dans ce milieu, tout était simple.

Je peignais mes tableaux,
toi, tu les vendais.

On se marrait,
on envoyait chier tout le monde.

On n'en avait rien à branler.
- Ouais, c'est vrai.

Ouais, le monde a changé.

Le marché de l'art s'est mondialisé,

ça suffit plus

d'exposer dans une galerie,
faut être partout en même temps.

Faut être
dans les foires internationales,

faut être.

dans les maisons de vente,

sur les réseaux sociaux.
Faut jouer le jeu, quoi.

Faut faire le faux-cul,
faire des courbettes.

Tu penses que ça me plaît

de lécher les couilles
à Roland Dupont-Laval?

- Non.

- Bah moi aussi, j'aimerais.

J'aimerais les envoyer chier tous là.
Moi aussi, j'aimerais.

J'aimerais qu'on retrouve
cette liberté qu'on avait.

Elles sont où, tes toiles?

- Ils ont tout saisi.

Musique calme

- Voilà, tout est là.

Soupir

C'est de la mort-aux-rats, ça?
- Euh.... oui. Oui, on dirait.

Il soupire.

- Faut que tu saches...
Bon, voilà, j'ai.

j'ai réglé les arriérés de ton loyer,
puis j'ai payé aussi

ce que tu devais au fisc
pour pouvoir récupérer toutes tes toiles

sinon elles étaient foutues.

T'es content?

Mais bon, hum. disons que je.

Je suis dans une situation financière

assez compliquée.

J'ai dû hypothéquer ma galerie.

Je me suis fait engueuler par Eugénie.
Enfin bon, je te passe les détails,

c'est pas très intéressant.

- Pourquoi tu fais encore tout ça,
Arthur?

Pourquoi tu m'aides
alors que je te fous dans la merde?

- Renzo,

à une époque, tout le monde te voulait,
tu te souviens?

Les galeries
les plus importantes au monde

t'ont fait des ponts en or,

t'as toujours refusé.
T'as toujours fait passer notre amitié

avant tes intérêts personnels.

T'es toujours resté loyal envers moi.
Ça je peux pas l'oublier.

Bon euh...

- Garde tous mes tableaux.
Je te les donne.

Vends-les, brade-les si tu veux.

- Mais Renzo, enfin...
- Garde-les, je te dis.

Je te dois bien plus que ça.

Tu as toujours été un ami fidèle.

Je voudrais te dire merci pour tout.

- Hé...

Hé.

Ça va aller, OK?

Ça va aller, on va trouver une solution,
hein, OK?

Là, tu traverses une légère
phase dépressive, mais c'est rien.

Puis rappelle-toi,
au 19e siècle, la dépression,

c'était la marque des génies.

Comment ça va?
Merci de me recevoir.

J'ai récupéré
l'intégralité de son œuvre.

C'est-à-dire plus de 200 tableaux.

Bon écoute, voilà,

j'ai besoin de ton aide.

Toi, tu fais des expositions
dans le monde entier,

tu connais des collectionneurs
importants, heu.

- Tu veux qu'on s'associe?
Tous les deux?

Tu sais qu'on a pas du tout
la même vision du métier.

Rire

Tu fais pas tout ça
pour qu'on recouche ensemble, si?

- Non, mais t'as peur de quoi?
De retomber amoureuse de moi?

- Arthur...

comment te dire, euh.

Renzo, c'est terminé. Il fait plus rien
de notable depuis des années.

Y a même des gens qui pensent
qu'il est mort.

Et à la limite, s'il était mort.

- Qu'est-ce que tu peux être cruelle!

- Je suis cash, c'est tout.

Écoute, c'est pas un artiste
qui m'intéresse particulièrement.

- Oui, enfin, c'est pas ce que tu disais
quand il avait la cote.

T'as tout fait pour me le piquer.

Tu te souviens?
- Disons que c'est un artiste

qui ne m'intéresse plus. Voilà.

Je te laisse, j'ai du travail.

Sonnette

Porte
- Oui, il est dans le salon.

Renzo?

Regarde qui est venu te rendre visite.

- Alex?

- Je vous offre quelque chose?
- Je veux bien un café.

Comment ça va?

- Couci-couça, et toi?

- Je suis passé à votre atelier là euh.

Qu'est-ce que vous comptez faire?
- Je ne sais pas.

Arthur, mon galeriste,
mais surtout mon ami de toujours,

a accepté de m'aider.

Puis j'aimerais bien régler
toutes mes ardoises avant de partir.

- Euh...

Partir où, Renzo?

- Euh... et tu continues la peinture?

- Oh non. Je suis passé à autre chose.

Je suis bénévole
chez "Action Contre la Faim".

- Ah?
- C'est trop bien.

On organise des gros événements.

En gros,
ça nous permet de récolter des fonds

pour combattre la faim dans le monde.

Ce que j'aime bien,
c'est que c'est concret,

j'ai l'impression qu'on participe
à sauver des gens.

- C'est bien.

Tu as trouvé ta vraie vocation.
- C'est grâce à vous, maître. Bah oui.

Ne pas se contenter de dire. Agir.

C'était votre conseil,
vous vous souvenez?

C'est resté gravé là.
- J'ai dit ça, moi?

- T'as dit ça, toi?
- Bah alors là...

Rires

- Alex? Pourquoi

vous ne resteriez pas dîner avec nous?

- Bah ouais! Carrément.

- Comme ça peut-être que Renzo
aura envie de se changer,

de s'habiller et d'enlever son pyjama.

Hein, Renzo? Non?
Ricanement

Et donc le type me fait entrer
dans sa chambre de bonne

pour me montrer un peu son travail.

C'est sympa, mais c'était pas non plus
super, enfin...

A l'époque, on se cherchait
quand même pas mal.

C'est un peu le foutoir aux Beaux-arts.

Et là, au fond de la chambre,

je vois un tableau magnifique.

Donc, je me dis

je vais pouvoir lui faire un compliment
un peu honnête quoi.

Et pas avoir l'air vraiment
franchement faux-cul.

Du coup, je lui dis:
"Mais là, ce portrait de femme là.

"Je l'aime vraiment beaucoup."

Et il me répond sèchement:

"Il est pas de moi,
il est de Renzo Nervi.

"Tu sais,
le prof avec son bob dégueulasse."

Pardon, hein...

Bah après, je me.

Je me suis inscrit à son cours.

I m'a tout de suite dit
que j'étais nul.

- Non, parce que tu étais nul.

- Ça va.

Et je suis devenu galeriste.
Rire léger

Et ma première exposition, bah.

c'était toi.

- C'est comme ça que vous vous êtes
rencontrés, grâce à un tableau.

- Oui, je l'avais perdu au poker.

- Et c'était quel tableau, maître?

- Je suis fatigué, je vais aller dormir.
Bonne nuit.

- C'était Un portrait de sa femme Esther.

Il a brûlé la toile
quand elle est morte.

Et après,
il a brûlé toutes les autres d'elle.

Renzo, je suis désolé.

J'aurais pas dû parler de tout ça.

- La vie est une succession de choses
qu'on aime et puis qu'on perd, Arthur.

Il faut que tu fasses quelque chose
pour moi.

- Quoi?

- J'ai bien réfléchi.
J'ai fait mon temps ici.

- Qu'est-ce que tu racontes?

- Si tu veux vraiment m'aider.
- Oui.

Aide-moi à mettre fin à cette comédie.
D'accord?

- Si je comprends bien
ce que tu me demandes

et je crois que je comprends,

arrête tout de suite.

Je le ferai pas.

N'y pense même pas!

T'es en plein délire là!

- OK.

Je me débrouillerai autrement alors.

Bonne nuit.

Musique douce

- Xanax, Prozac, Fentanyl,

Stilnox...

Oui!

- Je vous explique.

Le principe, c'est très simple:
vous posez n'importe quelle question

et le philosophe vous répond grâce
à une banque de données de citations.

Vous voulez essayer?
- Non, non, merci.

- Bon bah je essaie alors.

Monsieur?
Alors je vais poser une question simple.

Est-ce que je vais avoir
une augmentation?

- Se contenter

de peu est le moyen
le plus sûr d'être riche.

- Ah! Ça, c'est intéressant!
- Ah bah oui!

- Et donc, ça c'est une, une NFT?

- On dit un NFT, Arthur.
Et arrêtez avec les NFT, d'accord?

Euh. bon bah allez-y,
posez une question, Arthur.

- Non.
- Mais si, n'importe laquelle,

je sais pas euh... existentielle

ou comme ça, enfin, allez!

- Pourquoi vouloir mourir?

- Mourir n'est pas mourir,
c'est changer.

Et cet heureux trépas,
des faibles redoutés,

“n'est qu'un enfantement
vers l'immortalité.

- Renzo?

j'ai reçu ça là pour toi,
c'était dans ma boîte aux lettres.

C'est bizarre, parce que y a pas
de cachet de la poste.

C'est quoi?

Bah euh. tu l'ouvres pas?

- Je le ferai plus tard.

- Tu veux que je l'ouvre pour toi?

- Non, c'est gentil,

ça ira.
Rire

- Tu veux pas l'ouvrir?

- Si, mais je le ferais plus tard,
je te dis.

C'est mon droit, non?

- D'accord.
- J'ai le droit, non?

On est pas obligés de tout faire
immédiatement?

- Y a quoi dans cette enveloppe?
- Laisse-moi tranquille.

- Donne-la-moi!
- Sors de ma chambre!

- C'est pas ta chambre, c'est mon salon,
c'est mon appartement, c'est chez moi!

- Alors dégage de ton salon!

- Non, mais c'est quoi, ça?

Il soupire.
- C'est rien.

- C'est un médicament, Renzo?

- Non, ça soigne pas, ça tue.
Et il paraît que c'est même foudroyant.

- Ça tue?

T'as trouvé ça où?

- Dans le dark web.
- T'es allé sur le dark web?

Sur mon ordinateur avec mon adresse IP?

- Rends-moi ça.
Tu peux pas m'en empêcher.

J'ai le droit d'en finir si je veux,
comme je veux.

C'est même mon droit le plus strict.
- Confisqué.

Soupir

Musique grave

Après tout, si tu veux mourir,
c'est ton choix.

Merci.

- Ca va aller?

- J'ai pas réussi, il était déterminé.

Bah tu le connais hein,
quand il a décidé quelque chose...

- On peut dire qu'il était obstiné.
- Oui, borné, hein,

mais borné.
- Une vraie tête de mule.

- Une bourrique.

Il renifle.
Les cloches sonnent.

- Bon, si t'as besoin de quelque chose,
je suis là.

T'hésites pas.

- Si vous voyez ces images,
ça veut dire que je suis mort.

“Je suis né en 360 après Rembrandt.

“Oui, je préfère compter à partir
de Rembrandt, qui était un vrai génie,

“plutôt qu'à partir de Jésus-Christ
qui était un vrai cinglé.

Vous...

Vous tous
qui me tenez pour un misanthrope,

comme vous vous méprenez sur moi.

Vous ignorez la cause secrète
de ce que je semble être.

“J'étais né avec un tempérament
plein de vie, fougueux.

Mais aujourd'hui,
j'ai plus aucun espoir.

“L'homme n'est pas un créateur,

“L'homme doit se rappeler en permanence
qu'il est un être en détérioration.

Un être éphémère.

Et l'homme ne descend pas du singe,
non.

“L'homme est un singe.

Un singe qui se tient debout
et qui s'assoit pour chier.

Ce n'est pas un mal en soi.
C'est juste bien de le savoir.

En fait, je suis tellement pessimiste
que j'en deviens optimiste.

Parce que les extrêmes se rejoignent.
Et que le froid brûle.

Allez tous vous faire foutre!
Adieu.

Gémissement

- Mesdames et messieurs,
merci d'être venus ce soir

à l'exposition posthume de cet.

de cet immense artiste
qui est parti trop tôt.

Un artiste qui a su

toujours rester fidèle envers lui-même.

Qui a toujours ignoré les modes

et les aléas du marché.

Il nous laisse ce soir

cette œuvre majeure en héritage.

J'ai trouvé ce message
dans son téléphone portable et ça.

ça m'a bouleversé.

Mais avant tout, c'est un ami

qui va me. me manquer terriblement.

Merci.

Bonne exposition.

Applaudissements

- Regarde. Harry Zakaryan.

Il pose ses yeux sur un artiste
et sa cote explose.

- T'es trop forte. Comment t'a fait?

- Je lui ai dit que les gens
n'en pouvaient plus de l'art conceptuel

et que c'était le grand retour
de l'art figuratif.

Peter Doig, blablabla.

Le mec est fou de moi depuis
que je lui ai vendu son 1er Basquiat,

donc ça aide.

Attends, c'est pas tout, viens voir.

Marianne et Simon Martel,
les Thénardier de l'art contemporain.

Ils vendraient un de leurs enfants
pour un Warhol ou un Lichtenstein.

Heureusement ils en ont pas.

Des enfants. Parce que des Warhol,
ils en ont un paquet.

Tiens, tu vois le grand dadais là?

En chemise blanche?

C'est Colin Vandernoot,
la star des NFT.

Je viens de parler avec lui et son idée

ce serait de digitaliser toute l'œuvre
de Renzo et de créer un musée virtuel.

Ça nous permettrait de vendre
2 fois ses œuvres:

la toile originale
et le clone dans la blockchain.

Non, mais les NFT, c'est l'avenir
de notre métier, chéri.

- Non, mais oui, évidemment.

- Tiens, viens voir.

Arthur, tu connais bien sûr
Harry Zakaryan?

Laisse-moi te présenter
Arthur Forestier,

l'homme qui a découvert Renzo Nervi.

- Ravi de vous rencontrer.
- Tout le plaisir est pour moi.

Propos indistincts

Musique douce

- Ça fait déjà un an, tu te rends compte.

Il s'est passé tellement de choses
depuis que t'es parti.

La rétrospective au Guggenheim,
la Biennale de Venise.

Tu sais que l'exposition à Shanghai
a été un très gros succès.

Je crois bien

qu'on est en train de percer
le marché asiatique.

Là-bas, c'est tout simple hein,
t'es devenu un demi-dieu.

Tu t'en rends pas compte.

Les ventes ont explosé, c'est énorme.

J'aurais adoré que tu voies ça.

Les collectionneurs
et les salles de vente

qui s'arrangent entre eux,

qui manipulent les prix

pour faire monter ta cote
toujours plus haut.

Bah on se demande
jusqu'où ça va s'arrêter.

Puis, je te parle pas des NFT...

Je t'en parle pas
parce que j'ai toujours rien compris.

- Ça n'a aucun sens.

Ça devient carrément indécent.

- Tu sais gagner de l'argent,
c'est un art.

- C'est quoi, ces conneries?
- C'est pas de moi, c'est de Warhol.

- Alors?
- Bah alors...

Je te trouve encore meilleur mort
que vivant.

"Life IIs Dead"
(Cannibale)

Si tu veux mourir, c'est ton choix.

Qu'est-ce que t'attends?

- Quoi? T'es pressé de me voir crever,
c'est ça?

Rire
- T'as pas les couilles.

Ah si, j'ai les couilles, si.

Mais je veux choisir le bon moment.

Pas comme cet imbécile de Darby Crash.
- Quoi?

- Darby Crash, chanteur punk qui voulait
rentrer dans la légende en se suicidant.

[I se suicide
la veille de la mort de John Lennon.

Tu vois le problème de timing là?

- Ouais, et toi ce sera quand?

Là maintenant dans 5 minutes?
Demain matin?

Ou dans un an? Enfin, je sais pas.

Combien de temps je dois vivre

avec cette épée de Damoclès
au-dessus de ma tête?

- J'ai envie de mourir,
mais pas tout de suite,

pas dans la seconde.

- Bah si, si!

Crève et maintenant,

une fois pour toutes
et on en parle plus!

- J'ai envie de faire ça tout seul.

J'ai pas envie de faire ça devant toi.

Tu peux respecter l'intimité des gens?
- Tu me donnes une leçon de savoir-vivre.

Tu joues un drôle de jeu, Arthur.
- Quoi?

Tu es chez moi, dans mon salon,
avec du poison

que t'as commandé sur le dark web
et je joue un drôle de jeu?

Vincent Van Gogh,
tu crois qu'il a fait des manières

avant de se faire sauter le caisson?
- Non.

- Et Nicolas De Staël,
avant de se défenestrer?

Et Rothko,
tu crois qu'il a fait sa chochotte

avant de se trancher les veines? Non.
- Non, non.

Me mets pas la pression, s'il te plaît.
C'est.

Tu peux pas comprendre
ce que je ressens.

- Si, si, je te comprends très bien.

Je suis la personne qui te comprend
le mieux au monde.

- OK. Mais tu ferais quoi à ma place?

- Ah bah, je me suiciderais grave.
Ouais, ça, c'est sûr.

Bah oui, j'abrègerais mes souffrances
et puis bah.

je me rendrais service
et je rendrais service aux autres.

- J'vais pas me suicider non plus
pour te rendre service.

Ah putain, tu me fous le doute là!

- Ah, ça y est, t'as remis en marche

ton petit cerveau. Enfin!
- Parce que...

si je me suicide, en fait,

y a pas de possibilité
de retour en arrière,

parce qu'en fait, je serai mort,
tu vois?

- Euh... Non.

c'est sûr que oui,

c'est le gros problème de la mort
si tu veux.

La mort, c'est... y a quelque chose

d'irémédiable dedans.

Bon, Renzo...

Toute façon, t'en fais pas,
j'ai choisi pour toi.

Tu vas mourir.

Allez, santé!

Musique grave

Chuchotements

Viens, on se casse. Viens.

- En fait, je suis tellement pessimiste
que j'en deviens optimiste,

parce que les extrêmes se rejoignent.
Et que le froid brûle.

Allez tous vous faire foutre!
Adieu.

Elle était très bien. On fera pas mieux.

- Non, faut la recommencer.

- Ah non, pourquoi on la refait?
Elle était très bien.

Ça fait 15 fois! Moi, j'en peux plus!

- Faut la recommencer.

C'est un peu trop théâtral.
Surtout quand tu dis

"Ô vous!
Hommes qui me prenez pour un être

"indigne, haineux."

- Tu peux pas critiquer.

C'est inspiré du testament
d'Heiligenstadt.

- Justement, fais-en moins,
sois plus toi.

Fais moins Beethoven quoi.

Enfin, je sais pas,
essaie de pas surjouer.

Essaie de pas rouler les "r",
par exemple.

Non, mais je sais pas,
fais pas "Misanthrope!" comme ça.

Pitié. Pitié.
- Tu veux prendre ma place? Vas-y.

Fais-le, gros malin.
- Stop!

Ça fait une heure là.

Une heure!

Je suis désolé.

C'est que je fatigue.

Bon euh... c'est pas grave,
on y est presque. Euh.

Juste les dernières phrases,

faut que tu sois plus désespéré.
Quand tu dis:

"Les deux extrêmes qui se rejoignent.
Et le froid qui brûle."

Même si je comprends toujours pas
le sens profond de cette phrase.

- Tu veux que je te réexplique?
- Non, on va pas revenir là-dessus.

Il faut qu'on sente plus de mélancolie,
tu vois? Hein?

Il faut qu'on sente ta voix trembler.

N'oublie pas que tu vas te suicider,
Renzo.

- Ah oui.
- Tu vas te suicider.

- Ouais, on la fait une dernière fois.

Puis cette fois-ci, tu donnes tout,
hein!

Allez!

Tu vas te suicider.
- Oui.

Dis-le!

- Tu veux que je le dise?
- Oui. Oui, dis-le.

- Je vais me suicider.

- Rappelle-toi de ce que t'as raté.

OK.

Qu'est-ce que tu fais là avec ta main?
- Arthur, c'est censé être un selfie.

- Quand je dis "Action",
tu comptes jusqu'à 3,

mais tu le fais mentalement.

Pas à haute voix.

Action!

- Si vous voyez ces images,
ça veut dire que je suis mort.

T'as pas des scrupules, toi, parfois?

- Bah... des scrupules de quoi?

- D'être devenu tout ce qu'on détestait.

De vendre mes tableaux à des hommes
d'affaires qui s'en contrefoutent.

Qui les stockent dans les coffres

comme ils stockent leur pognon
à la banque.

Y a quelqu'un qui vient là.

- Je comprends pas qui ça peut être.
Y a jamais qui personne qui vient ici.

Rentre dans la maison te cacher,
je vais voir, d'accord?

Moteur de voiture

Je peux vous aider?
- Bonjour.

- Qu'est-ce qu'il fout là, lui?

- Alex!
- Attends! Je t'avais dit de rentrer!

- Non, mais c'est rien, c'est Alex.
- Renzo?

Vous êtes vivant?
Il rit.

Oh les escrocs! J'en étais sûr.
Comme ça, on est vivant.

- Tu fais quoi? Tu nous filmes?

S'il te plaît, arrête!
Arrête de filmer!

- Rendez-moi mon téléphone!
- Attends, calme-toi.

- Non, non, y a rien à expliquer.
- Je vais t'expliquer.

- S'il te plaît, calme-toi.

On va parler à l'intérieur
tranquillement.

Viens. Allez, viens.

- Mon téléphone!
- Attends un peu. Réfléchis, hein?

Regarde, Renzo.
Regarde-le comme il est heureux.

Il revit, il repeint.

Ça lui a fait un bien fou de mourir.

Comment tu l'as retrouvé?

- J'ai demandé à votre assistante.
- Quoi, Eugénie?

Non, non, c'est impossible.

Elle sait pas où on est.
Personne ne le sait.

Je n'ai laissé absolument aucune trace.
C'est impossible.

- Elle vous a géolocalisé
grâce à votre téléphone portable.

- Tu comprends pourquoi
j'ai pas de téléphone portable?

- Ca va, ça va, Renzo...

Bon, tu veux de l'argent, c'est ça?
Allez!

- Vous essayez de me soudoyer?
- Exactement.

Je te fais un chèque et puis,
on en parle plus.

Donne-moi un chiffre.

- Je suis pas venu
pour vous faire chanter.

Vous me prenez pour qui?
Je suis pas comme vous.

Je voulais savoir la vérité.

Maintenant que je la connais, bah.

Je suis content de vous savoir en vie,
Renzo.

Rire léger

- On a quand même hypothéqué
la galerie...

- C'est vrai, Arthur a mis la galerie
sous hypothèque, pour m'aider,

mais je ne lui ai pas demandé,
il la fait de son propre chef.

Peu de gens feraient ça,

peu de galeristes,
peu d'amis feraient ça.

- Tu doutais de moi,

mais tu te rends compte
de quel genre d'ami je suis.

- Oh bah le meilleur, ça c'est sûr.
- C'est pas vrai.

- Arrête!
- C'est toi, le meilleur ami.

- Alors ce p'tit ragoût?

- Ah, il est délicieux!
- Très bon.

Je pourrais avoir mon téléphone?

- Non. Non, non.

Pas à table. C'est impoli.

T'es né quand?
C'est quoi, ta date de naissance?

- 13 mai 1995.

- 13 mai 1995?

- Vous faites quoi là?
- Ah merde! Ça marche pas.

C'est quoi, ton code?
- Je vais pas vous le donner.

- Alors, attends, je l'inverse.

- Arrêtez, vous allez le bloquer.

- Et merde, ça marche pas.
- Vous allez le bloquer!

- Oh!
- Bravo! Je l'ai bloqué.

- Non!

Soupir

- Bon, allez!

- Non, mais ça va pas!
- Voilà, voilà, c'est bon.

Comme ça, y a plus de preuve,
y a plus de vidéos,

y a plus de téléphone, c'est terminé.
C'est bon. Assieds-toi.

Il soupire.

Qu'est-ce que tu vas faire? Hein?

Tu crois quoi?
Tu crois qu'on va te croire?

Ce sera ta parole contre la mienne,
c'est tout.

- Tout est sauvegardé dans le cloud.
Photos, vidéos, tout est là-haut.

- Le cloud,

y paraît que ça existe pas.

- Tout est sauvegardé automatiquement.

C'était pas la peine de le jeter.

- Arrête, ça va, ça va.

Faut arrêter avec le matérialisme,
c'est...

- Bon, je vais y aller.

Comme j'ai plus de téléphone,
je vais galérer sans GPS.

Les toilettes?
- Euh... dans le fond, la porte à gauche.

- Il est pas simple là, hein.

- Non, il est coriace, ouais.

- Je crois qu'il va nous dénoncer là.
Ouais...

- Tu crois qu'il en serait capable?
- Bah oui.

C'est le genre de couillon
hyper honnête.

Il en est capable, c'est sûr.

On est foutus, là.

- Bah trouve une idée!
- Je sais pas...

- Trouve une idée pour le retenir!
Vas-y, trouve une idée, maintenant!

- Attends!
- Allez!

- Attends, attends!

J'ai une idée comme ça. C'est, c'est...

On en met un quart.
Un quart, hein, dans le café.

Comme ça, ça l'assomme,
il s'endort et on gagne du temps.

- Pourquoi t'as gardé ça?
- Je sais pas. Je, je.

Tu te balades avec ça
depuis tout ce temps?

T'es pas un peu bizarre?

- Je te signale que c'est toi
qui voulais l'avaler ça, donc.

- Je l'aurais pas fait. C'était du bluff.
- Ah oui!

Mais tu te fous de ma gueule?
Non, mais on en reparlera de ça...

Bon, maintenant,
il faut qu'on règle le problème là.

- Quoi? Arthur, tu vas pas le retenir
avec ça, c'est du poison.

Tu vas le tuer!

T'es pas un criminel quand même!
Réveille-toi!

- Putain. T'as raison, t'as raison!
C'est, je...

Non, mais je sais pas ce qui m'arrive.
Je deviens fou là.

Bon bah tant pis,
on va aller en prison, on va, oui...

- Comment ça, on va aller en prison?

- Tu crois que je me suis pas renseigné?

Trafic de cadavre,
faux et usage de faux, escroquerie.

Voilà, c'est prison.
C'est le racket, c'est la savonnette...

- Ah non, non, non.
Arthur, moi j'irai jamais en prison.

Je préfère encore mourir une 2e fois.

Je suis bien ici, je suis au paradis.

Je peins, j'ai de l'inspiration.

Personne ne me mettra
derrière les barreaux!

On me privera pas de ma liberté!

T'as compris?
- La prison, c'est pas un choix de vie!

- Ah non, c'est pas un choix?
- Non, on te demande pas ton avis! Non!

- Bon, je vais y aller.

- Tu veux pas boire un p'tit café
avant de prendre la route?

Ça va te réveiller.

- Un p'tit café, en vitesse.

- Non, c'est pas une bonne idée.

Soupir

- Allez, un p'tit café,
qu'on en parle plus!

- Merci.

Pardon.

Mon péché mignon.

[I touille son café.

- Attends.

C'est mauvais pour la santé, le sucre.

Voilà, euh... Alex.

Je voulais te dire que.
Ce qu'on a fait, c'est mal.

C'est une escroquerie, d'accord.

Hein? N'est-ce pas, Renzo?
- Sans aucun doute.

- Bah ouais, c'est sûr qu'c'est pas bien.
- Non, c'est très mal.

- Un jeune homme comme toi,
qui est idéaliste, solidaire

et qui donne une leçon de vie
à 2 vieux cons comme nous

qui se sont trompés sur toute la ligne.

Et bah ça fait réfléchir. Oui.
- Ouais...

Vous exagérez un peu, mais euh. merci.
- Non, non.

Pas du tout, pardon.
Il faut dire ce qui est, voilà.

Si tu veux nous dénoncer,
je comprendrais.

Juste, si tu veux bien

réfléchir encore un tout petit peu?

- Non.

C'est tout réfléchi.

J'ai pas d'autre choix
que de vous dénoncer.

- Bon, bah.

Tu es vraiment sûr de toi?

- Sûr.
- Sûr. OK.

Renzo,

tu as quelque chose à ajouter?

- Bah je crois qu'on a tout essayé.
- Ouais.

- Désolé.

Soupir

- Pardon, excuse-moi, mais...

Ton café va refroidir, vas-y.

Sanglot

Soupir

- Oh, je me sens pas bien.
- Quoi?

- Bah oui.

- Euh, je vais retourner aux toilettes...

- Putain!

Mais qu'est-ce que t'as fait?
Pourquoi t'as mis ce poison là-dedans?

- Pourquoi tu l'as sorti de ta poche,
putain, Arthur?

- Putain!
C'est toi qui as acheté ce poison!

- C'est ton idée!
C'est toi, l'assassin!

- C'est toi qui l'as assassiné!

- N'inverse pas les rôles, Arthur!
- Je n'inverse rien!

Respiration haletante

- Tu crois qu'il est...
- Je sais pas, je sais pas!

- Attends! C'était mon assistant.
J'vais voir.

- Vas-y. Vas-y!
- J'y vais.

Hé!

Il bouge pas. Il bouge pas.

Il bouge pas du tout.

- Oh mon Dieu!

- Alex?
- Hé!

Cris et toussotement

Allez! Allez! Allez!

Ça va? Alex, ça va?
- J'ai eu un vertige.

- CÇa doit être l'odeur du white spirit.

- C'est ton ragoût de merde, ouais!

Ça va?
- Ca va mieux.

Cris de soulagement

- Ca fait plaisir.

- Ah ouais.

- Oh putain!
- Oh c'est bizarre.

- Ca va là?
- Ouais, ça va.

- Viens, assieds-toi là-bas.
- Ouais.

- Tu sais, le sucre,
c'est un poison, hein.

- Ah oui, le sucre, c'est terrible.

- Assieds-toi.
- Merci.

- Bois de l'eau.
- Bah vous êtes sympas.

Respiration lourde

- En faisant croire
à la mort de Renzo Nervi,

les deux hommes auraient fait monter
la cote du peintre

“avec l'aide de grands collectionneurs

“et de prestigieuses maisons de vente.

Un tableau de Renzo Nervi

“peut atteindre
plusieurs centaines de milliers d'euros.

- Prison?
- Racket?

- Savonnette...

Tonnerre

Brouhaha des journalistes

- Excusez-moi.

Chacun son tour.

- Monsieur, s'il vous plaît!
- Vous.

- Y a-t-il une vie après la mort?

Rires

- Eh bien,
les petites pluies sont longues

et les tempêtes soudaines sont courtes.

- Monsieur Forestier,
s'il vous plaît, une question?

Comment envisagez-vous la suite?
Etes-vous inquiet?

- Absolument pas.
Monsieur Nervi et moi-même

avons confiance en la justice
de notre pays.

Cris des détenus

- Vous allez bien vous amuser
avec nous!

- Allez, on se retrouve à la douche!

La porte grince.
Musique douce

Porte
Tintement des clés

- Bon bah, c'est pas si mal, hein?

Bah ça aurait pu être pire hein,
on aurait pu être séparés.

La télévision marche, tu crois?

- Ah!
- Ah y a un interphone.

Interphone

Oui, allô, bonjour,
c'est monsieur Forestier

et monsieur Nervi.

On voudrait savoir, pour la télévision,
s'il était possible

d'envoyer quelqu'un pour la réparer
ou pour la brancher?

- Y a pas de courant.

Allô?

- Les NFT peuvent être achetés
et échangés

comme n'importe quelle cryptomonnaie.

Ça, on s'en fout.

Ouais, on peut faire
n'importe quelle œuvre d'art en NFT,

ça c'est intéressant.

- Oui, effectivement,
j'ai été le mécène de Renzo Nervi.

C'est un artiste que j'apprécie

“particulièrement.
Un excentrique, bien sûr.

“L'œuvre qui est derrière moi,
nous avons dû, dans un premier temps,

“la soustraire au regard des visiteurs,
parce que...

- Ah!

Coup sur la TV
Non, tape au-dessus.

- Je préfère ne pas vous dire
à combien elle est estimée.

- Renzo Nervi? On a déjà tout dit.

Je veux dire, c'est un génie.

“L'un des plus grands peintres
du 21e siècle.

Et c'est avant tout un ami,
un ami proche,

“pour qui je vais d'ailleurs rédiger
la biographie.

- Je savais pas, tu savais?

- Ca va s'appeler: "La vie avant,
pendant et après la mort”.

Porte au loin

- A quoi tu penses?

- Je pense que t'avais raison,
on est devenus ce qu'on détestait.

Si on fait rien, tes tableaux
vont finir comme nous,

en prison,

enfermés dans des coffres-forts,
je sais pas où,

à Dubaï ou je sais pas.

Verrouillés,
derrière des p'tits mots de passe.

Musique douce

- Arthur?
- Oui.

- J'ai peut-être une idée

pour en sauver quelques-uns.

- Bon, merci hein, au revoir!
- Bonne journée!

Rire léger

Ça va, Judas?

- Maître, je suis désolé,
j'avais pas le choix.

- Mais je déconne, viens là.

Rire

- Ça va?

- Bonjour, silence, s'il vous plaît!
Silence!

Alors euh... merci d'être venus aussi
nombreux à cette vente aux enchères

des œuvres du célèbre artiste
Renzo Nervi, ici présent.

Alors voilà, la 1re œuvre,

s'appelle "le chat de Schrôdinger"
en hommage au fameux chat qui a servi

aux expériences
sur la physique quantique.

La mise à prix de cette toile est de.

- 20 euros.

- 20 euros?
- Oui, c'est ça!

- Bon, d'accord. OK.

Alors, peut-être quelqu'un.
22 euros peut-être?

- 22,50.
- 22,50 pour monsieur. Voilà.

- 23 euros.
- 23 euros pour madame.

Qui dit mieux?

- 24.
- 24 euros, qui dit mieux?

24 euros.
Une fois, deux fois, trois fois.

Adjugé! Vendu!
- Bravo!

Applaudissements

Très bien!

- Alors,

le prochain tableau
est un de mes tableaux préférés.

Il s'appelle "Les Hommes de Penrose".

- C'est quoi, les trous?
Des mites?

Rires
- Non, non.

En fait, ce sont des impacts de balles.

Renzo Nervi a pris un pistolet
et a tiré sur cette toile.

Dans son geste, il voulait

symboliser la mort
du capitalisme occidental.

Applaudissements

Merci pour Renzo.

C'est un tableau extraordinaire.

Mise à prix à 30 euros.

30 euros... Allez!

30 euros.
- 36 euros.

- Allez, ça s'enflamme.
- 38 euros.

- 40 euros.

- 40 euros une fois, deux fois,

trois fois! Adjugé!
Vendu au monsieur

au 2e rang.

Mise à prix de ce tableau?

- 8!
- 8 euros, c'est parti!

12 euros pour madame!

- 22, ici.
- Alors, 22 euros.

Qui dit mieux?

- 24 euros.
- 26 euros.

- Adjugé!

- Bravo!

- Bonsoir Renzo Nervi.
- Bonsoir.

- On vous a vu, ce soir, brader

vos tableaux alors qu'en temps normal
vous auriez pu,

je sais pas, en tirer quelques
dizaines de millions d'euros.

C'est quoi, le sens de ce message?

- Le sens de ce message,
c'est de dire que

le milieu de l'art est une farce.

Qu'il est l'illustration
de la corruption du monde

que nous laissons derrière nous.

- Arthur Forestier?
- Vous savez...

Les banques internationales
possèdent toutes aujourd'hui

leur propre cabinet de conseil
en achat d'œuvres d'art.

Ça veut dire quoi, hein?
Ça veut dire

que l'art est un investissement
comme un autre.

Le prix d'un tableau fait partie
de sa fonction.

C'est même devenu
sa fonction principale.

- Oui et vous trouvez ça normal, vous?
Non, ce n'est pas normal.

Et c'est pour ça que ce soir,
l'art n'appartient plus qu'aux riches,

mais l'art appartient à tout le monde.

- Vous voulez rajouter quelque chose?
- Non.

Bonne soirée.
- Bonne soirée, messieurs.

- A la libération de l'art!
- OUAIS!

- Bravo et merci!
- Bravo, les gars!

- Dans les yeux, dans les yeux!
Santé!

- Eugénie, merci!
- Arthur!

- Alex, sans rancune, hein.

Santé!

Sonnerie
Qu'est-ce qui se passe là?

- C'est quoi?

- Ceci est un message
pour Arthur Forestier et Renzo Nervi.

“Bravo pour votre performance.

Bien joué.

Poursuivez la lutte!

- Waounh!

Waouh!

Rires

- Bien joué.

Brouhaha

Moteur

Musique calme

- Ca va?
- CÇa va.

- Joyeux anniversaire, mon vieux.
- Merci.

- Bon, j'ai quelque chose pour toi.
- Quoi? Un cadeau?

- On va ouvrir ça à l'intérieur.

Voilà. Et maintenant,
joyeux anniversaire pour de vrai.

- Mais c'est...?
- Oui.

- T'es complètement fou, Arthur.

C'est vrai qu'elle lui ressemble.

- Ouais.

- Merci.
- De rien.

On va où là?
- T'inquiète.

- T'es sûr?

- On va où déjà tu m'as dit?
- Nulle part.

- OK. Et on arrive bientôt?

- Pas de but. Pas de destination.
On est libres, Arthur.

- Non, parce que. j'ai pas envie
de me faire bouffer par les loups.

- Y a pas de loup ici.
- Oui, ou par des ours.

- Y a pas d'ours non plus.
- Tu t'en fous, parce que t'es déjà mort.

- Et on ne vit que deux fois, hélas.

- Et t'en penses quoi, toi, de la mort?

- Finalement,
je crois que je suis contre.

- Tu veux vraiment pas me dire
où on va?

- Attends! Homme pressé, va.

Ça te rappelle rien?

- Bah si évidemment, oui.

- Et alors, tu préfères quoi?
L'art ou la réalité?

- L'art. Et toi, je imagine
que c'est la réalité?

- Comment je pourrais faire mieux
que ce qui a déjà été créé?

- Attends, quand tu dis "créé",
tu entends "créé par le Créateur"?

Rires légers

- Viens, on va manger, j'ai faim.

- Ah oui, au fait, j'avais oublié.
Tu sais que...

La famille royale belge,
elle est vraiment fan de ton œuvre.

Enfin, je veux dire,
vraiment très fan de ton œuvre.

- Ah bon? Et alors?

- Bah, et alors...
Ils ont vraiment adoré

la dernière rétrospective que t'as faite
à la Fondation Vuitton.

Et heu. ils aimeraient beaucoup
que tu leur fasses une œuvre originale.

- Hum, super.
Bah tu leur diras non.

- Ah oui, évidemment, mais tu sais
quand même que la famille royale belge

a la plus belle collection d'art
au monde.

- Et tu sais que je travaille pas
sur commande, Arthur.

- Ecoute, on ne va pas
recommencer comme ça là.

- En plus, je suis antimonarchiste.
Je peux pas les saquer les rois.

- Les rois, c'est des collectionneurs
comme les autres. Donc, voilà.

- N'insiste pas, ça m'intéresse pas.
Alex m'a proposé d'aller à Pondichéry

pour enseigner la peinture
dans une école hindouiste.

Je vais dire "oui".

- C'est quoi, ces conneries là?

- Bah je te rappelle que j'ai été prof.

- Oui, enfin, je te l'ai jamais dit,
mais en tant que prof, tu étais nul.

- Ah bon?
- Oui. Nul.

Tu sais quand même que la Belgique,
c'est un des pays

vraiment qui est à l'avant-garde
question art contemporain, donc.

- N'insiste pas, c'est non!

- Bon bah on en reparlera,
si tu veux bien, calmement, d'accord?

- Bah je suis calme. Et c'est non.

- On verra bien si c'est non.
On verra bien.

Musique du générique

"Life is dead"
Cannibale