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LES RACINES DE LA VIOLENCE

Le jardin classique impose

des compositions végétales

de formes géométriques :

cercles, carrés, triangles.

Il est plus connu sous le nom

de jardin à la française.

Le jardin paysager,

également appelé jardin
à l'anglaise,

a été popularisé au 18e siècle.

Il adopte les formes
et les courbes de la nature.

Un troisième style,

le jardin sauvage,

n'a de sauvage que le nom.

Il est composé d'une variété
de plantes et arbustes

en apparence aléatoire
qui forment un écosystème

favorable aux insectes
et à la faune.

Le jardinage est
une croyance en l'avenir.

La croyance que les choses
se dérouleront comme prévu.

Que les changements s'opéreront
en temps voulu.

- On n'a pas eu trop de perte
du côté des semis,

ça peut aller.

- On attend une nouvelle
livraison d'annuelles.

- Il faudrait aussi vérifier

combien de plants on a
pour l'instant.

- C'est noté.
Je vais m'en occuper.

- Très bien.

Ce jour marque le début officiel
de nos préparatifs

pour grande la vente de fleurs
caritative annuelle.

Le volet logistique est assuré
par Charles Grow et Company.

Continuez de suivre le schéma
des plantations affiché au mur.

Je n'envisage pas
de changements majeurs
à ce stade,

alors je crois qu'on est parés.

Xavier va m'aider à finaliser
la répartition des tâches

et après ça,

Maggie et Xavier iront
travailler dans la grande serre.

La vente caritative
de l'an dernier a recueilli

150 000 dollars
pour la Popote Roulante.

Cette année, j'aimerais faire
encore mieux que ça.

Pas que pour la communauté,
mais pour euh...

Mme Haverhill elle-même.

Quand vous voulez.

- Les Ailes d'Ange
se refont une santé.

- Elles ont eu
un gros coup de chaud.

Je ne sais pas ce qui m'a pris.

- On ne peut pas prévoir
avec la nature.

Elle nous surprendra toujours.

Elles renaîtront
de leurs cendres.

- Hum-hum. Sûrement plus belles
que jamais.

Pour les visiteurs,

elles représenteront
<« un moment de grâce >».

- Monsieur Roth ?

On a eu un message
du manoir Gracewood.

Mme Haverhill demande
à vous voir.

- Quand ?
- Quand vous aurez une seconde.

Rien d'urgent.
- Ah.

On sait tous
ce que ça veut dire.

- Janine.
- Narvel.

Asseyez-vous, je vous en prie,
je vais prévenir madame.

- Salut, toi !
Qu'est-ce que tu racontes ?

- Narvel.

Bonjour, mon chou.

- Voulez-vous que j'aille
me changer ?

- Non, restons sur la galerie.

Oh !

Je dois avouer
que j'ai un faible

pour les petites pluies
matinales.

J'aime leur côté...

Quel est le mot déjà ?

- Dioxyde d'azote.

Leur côté mélancolique.

- C'est ça, oui, mélancolique.

Pousse-toi un petit peu, toi.

Je l'ai appelé Paillasson
le jour même

où on me l'a offert.

J'ai compris tout de suite
qu'il ne serait bon qu'à ça.

Comment s'annonce l'évènement ?

- Plutôt bien.

Je vous ferai faire le tour
des préparatifs.

Merci, Ronnie.

- L'an dernier, la vente a eu
un succès époustouflant.

Cette année,
je voudrais faire grimper

un petit peu les enchères.

Une dizaine de boutures rares
de monstera variegata,

des bulbes de nos fameuses
tulipes Perroquet pluriflores,

et en clôture,
ce sera la grande surprise,

des Sabots de Vénus.

- J'adore voir tous ces hommes
mûrs en pantalons pastels

se battre aux enchères
pour une fleur.

Mais ce n'est pas
pour cette raison

que vous m'avez fait venir.

Que se passe-t-il, Norma ?

- J'ai une faveur
à vous demander.

- Allez-y.

- La fille de ma sœur Betty
a eu une fille.

Ce qui fait d'elle
ma petite-nièce.

En fait, ma sœur est morte
il y a longtemps

et l'an dernier,
sa fille est décédée

et il semblerait que
ma petite-nièce l'ait mal vécu.

Cette enfant est métisse.

Quand elle était petite,

elle venait souvent à Gracewood
avec sa mère.

Un été, elles sont même venues
chaque semaine.

Et Maya, elle s'appelle
comme ça, était enchantée.

C'était un délice de la voir
s'amuser dans les jardins.

J'ai une photo d'elle.

Quand ses parents
se sont séparés,

elles ont déménagé.

Lui, ce n'était qu'un bon
à rien.

Je n'ai jamais compris
ce qu'elle trouvait à cet homme.

Mais chacun ses goûts,
bien entendu.

Ce n'était pas à moi de juger.

Et puis elle a eu un cancer.

Tout comme ma sœur avant elle.

Un cancer du sein.

Pour Maya, ça n'a pas été
très facile après sa mort.

Elle a fait une dépression,
abandonné ses études

et à partir de l,

ses choix de vie ont été
pour le moins hasardeux.

De mauvaises fréquentations.

Ça allait forcément mal finir.

Il était de mon devoir
d'intervenir.

J'aimerais beaucoup
que vous la preniez à vos côtés

comme stagiaire.

Je lui fournirai
un moyen de transport

et le salaire minimum,

avec possibilités
d'augmentation.

Vous lui apprendrez
à entretenir un jardin.

Vous lui donnerez aussi
des cours d'horticulture

et ainsi de suite.

- Et quel âge a-t-elle ?

- Je ne sais pas.

20 ans, peut-être ?

Non, plus.

- Ça fait combien de temps
que vous ne l'avez pas vue ?

- Je ne sais pas.

Je vous laisse faire.

Mais elle est de la famille.

Gracewood, c'est une famille.

- Et que voulez-vous
que je réponde à ça ?

- J'aimerais vous entendre dire :

<« Norma,
c'est un immense plaisir

de pouvoir venir en aide
à votre petite-nièce. >»

- Norma,
c'est un immense plaisir

de pouvoir venir en aide
à votre petite-nièce.

- Merveilleux.

Maintenant,
allons voir les jardins.

- Hum-hum.

- Tu viens, mon chien ?

- Allez !

Il y a quelques modifications
cette année,

pour des raisons pratiques
et des contraintes saisonnières.

- Vous savez ce qu'on dit,
Narvel.

L'argent est le meilleur
des engrais.

Plus il y a d'argent,
meilleur est l'engrais.

Elle poursuivit en expliquant

que les jardins ornementaux
étaient un phénomène récent.

À l'époque coloniale,

les jardins étaient
purement utilitaires.

Un croisement entre
une épicerie et une pharmacie.

À la fin du 19e siècle,

ils devinrent le signe
distinctif de la haute société ;

la vitrine publique
de sa richesse.

- À Gracewood, nous avons
le meilleur des deux mondes.

Quatre générations au service
de la botanique,

de l'horticulture et du public.

Voyons, où en étions-nous,
mon chou ?

- Vous vous demandiez
quelle couleur choisir

pour votre tenue.

Vous portiez une robe
vert émeraude l'an dernier.

- Avec des volants blancs
sur le cou et les manches.

- Oui, je me souviens.

- J'avais fière allure.

- Oui, en effet.

- Paillasson, viens.

Au pied, allez !

Les hémérocalles
<« Autumn Minaret >» jaune pâle

sont les premières à entamer
leur longue saison

la deuxième semaine de juillet.

Une semaine plus tard,
elles sont suivies

par un foisonnement
de cosmos Sunset.

Leurs pétales safranés
éclatants font de l'ombre

aux hémérocalles.

Puis, juste avant le plein été,

la palette des couleurs explose.

Vers la fin du mois,
toutes les fleurs violettes

et roses des asters vivaces
éclosent en une nuit

et pendant 38 heures,
leur éclat illumine le jardin.

- On est des jardiniers.

On arrache les mauvaises herbes.

- Bonjour.

Moi c'est Narvel Roth.

- Narvel ?

C'est bizarre comme prénom.

- Ce n'est pas plus bizarre
que Maya.

- Ouais, eh bien,
c'est mon prénom.

Où est Norma ?

- Mme Haverhill préfère
te laisser un peu de temps

pour t'acclimater.

Tu l'as vue quand
pour la dernière fois ?

Oh, assieds-toi.

- Euh...

pff, j'en sais rien.

Il y a des années.

- Elle a dit que tu venais
souvent ici avec ta mère.

Tu t'en souviens ?

- Évidemment.

Ça n'a pas changé.

Ou presque.

À part ça là.

- L'espace Magenta.

- Hum-hum.

- Qu'est-ce que Mme Haverhill
t'a dit au téléphone ?

- Euh, je ne me rappelle plus.

Euh...

Elle m'a parlé d'un travail
genre une espèce de stage.

Je serai payée ?

- Tu as commencé à être payée

à l'instant où tu es sortie
de la voiture.

Salaire de base.

Mais il augmente tous les mois.

T'as le chauffeur inclus.

Les repas sont à ta charge.

- Et je suis là pour désherber,
c'est ça ?

- Non, pas seulement.

On fera ton éducation.

Tu apprendras à jardiner
et tu auras aussi des cours

sur l'histoire des jardins,
l'horticulture et la botanique.

- T'es sérieux, là ?

- Très sérieux.

Ce sera moi ton professeur.

Une heure par jour.

T'auras parfois des devoirs,
des quizz aussi.

Ça t'intéresse ou pas ?

- Euh...

- Est-ce qu'un jour...

tu envisages de travailler
dans un jardin ?

D'accord.

Bon, tu vas d'abord te changer

et ensuite je te présenterai
à une ou deux personnes

qui travaillent ici.

Ça, c'est le manoir.

Ça, c'est le hangar
de rempotage principal.

On a converti une bonne partie
du bâtiment en salle commune.

Euh, tabliers
et gants de rechange.

Est-ce que tu as
une paire de bottes ?

- Euh, j'ai ça.

- On va voir
ce qu'on peut te trouver.

Attends.

Isobel. Voici Maya.

Je t'en ai parlé.
C'est notre nouvelle stagiaire.

Maya, Isobel.

- Salut !

- Euh, il y a
des bouteilles d'eau

et des sodas dans le frigo.

La boulangerie locale
nous livre des sandwiches.

Tu mets ce que tu dois
dans le pot

et si t'as une demande spéciale,

ils te feront ce que tu veux.

Oh, voilà Xavier,
notre grand gourmand en chef.

Xavier, voici Maya.

- Eh bien, bienvenue à bord.

- Euh, là-bas, c'est Maggie.

Les toilettes sont ici
si tu as besoin

de te débarbouiller
après le travail.

Ça, c'est un porte-outil.

Ils ont tous des fonctions
très différentes,

tu mettras peut-être du temps
à t'habituer.

Par exemple, ça là,
c'est un tamis.

Et ça, une houe.

En fait, il existe 38 sortes
de houes différentes.

- Et des tamis, y en a beaucoup ?

- On en reparlera
au moment voulu.

Pour l'instant,
commence par te changer

et euh...

on se voit après.

- Tous les plants que
vous voyez là vont pousser

dans un mélange organique
d'éléments comme la perlite,

la fibre de coco,
la mousse de sphaigne.

Mais associé à de la terre,
tout ça crée de l'humus,

et l'humus est le meilleur
terreau qu'on puisse trouver.

J'ai un échantillon tout prêt.

Voilà, enlevez vos gants.

Et je veux que vous en preniez
dans vos mains.

Deux belles poignées.

Pétrissez le terreau.

Comme ça.

Et sentez-moi ça.

Je veux vous voir mettre
le nez dedans !

Embrassez-le.

Allez, sentez-moi ça.

Oh ! Qu'est-ce que vous sentez ?

Est-ce que l'odeur est plutôt
animale ?

Minéral ?

Végétale ?

Hum ! Les trois.

Il y a 70 ans, la terre
dans cette zone était appauvrie

par l'agriculture intensive
et pour régler le problème,

on y a ajouté de l'engrais.

Ce qui n'a fait qu'aggraver
la situation.

Prends une bonne bouffée
de terre.

Allez-y carrément,
n'ayez pas peur.

Hum...

- C'est une sale manie,
monsieur Roth.

- Je m'autorise
une cigarette par jour.

- À demain, Maya.
- Ouais.

- Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?

- Elle s'en sort
plutôt bien, non ?

- Apparemment.

Mais avec les jeunes, va savoir.

Est-ce que Norma
lui a rendu visite ?

Pourquoi ?

Tu trouves pas ça bizarre ?

- C'est sa terre.

Son jardin.

Sa petite-nièce.

- Tu vois, avant,

les gens marchaient
sur la terre.

De nos jours,
ils ne marchent plus

que sur le goudron et le béton,

avec des semelles en caoutchouc.

On dormait à même le sol, avant.

Il y avait un vrai échange,

un genre de processus
de guérison.

- Tu me surprends
quand tu es romantique comme ça.

Le nandina est
un arbuste à fleurs

originaire d'Extrême-Orient.

À certaines périodes
de l'année,

ses feuilles dégagent une odeur
de menthe et d'amande

au point d'avoir la tête
qui tourne.

Comme on a la tête qui tourne

juste avant d'appuyer
sur la détente.

Le jardinage est
le plus accessible des arts.

Tout est déjà l.

Chaque graine est une plante
qui attend d'être libérée.

On a longtemps cru

qu'une graine avait
une durée de vie de 150 ans.

Dans les années 1950,

un botaniste japonais
a découvert

des graines de lotus viables

dans la couche de tourbe
d'un lac

datant de l'ère glaciaire.

Une portion substantielle
de ces graines ont germé.

Il est maintenant admis

que la longévité
de certaines graines se situe

entre 850 et 1 250 ans.

Dans les conditions adéquates,

les graines peuvent durer
indéfiniment.

Je porte les miennes gravées
sur ma peau.

OK, votre attention,
s'il vous plaît.

EÉcoutez, j'aimerais lever
ma tasse

à l'acharnement de Maya.

- Maya !
- Elle a déjà tenu deux semaines

dans notre charmante
petite communauté.

À Maya !

- J'espère qu'on ne lui a pas
rendu la vie trop dure.

- Whou !
- Merci mille fois.

Merci à tous.

- A hou !

- Génial !

Et puis elle m'a donné un livre.

Un livre sur les jardins.

<« Qu'est-ce que vous voulez
que je fasse de ça ? >» j'ai dit.

Elle a répondu : <« Lisez-le. >»

Merci, Janine.

- Narvel.

- Merci.

- Voulez-vous de l'eau
ou du thé ?

Je demande à Ronnie.
- Non, ça va.

- Et un bon Manhattan ?

Ronnie prend une seringue

et il injecte une dose
de Cointreau

dans la cerise au marasquin.

Madame en raffole.

- Bah, dans ce cas,
c'est avec grand plaisir.

- Monsieur Roth.

- Ronnie.

- Vous savez vraiment
vous faire beau, mon chou.

Ça a toujours été le cas.

- Merci, c'est gentil.
- Ronnie utilise une seringue

pour injecter une pointe
de liqueur de Cointreau

dans les cerises.
C'est un vrai délice.

- C'est ce que dit Janine.

- Alors, comment s'en sort-elle ?

- Euh... qui ça ?

- À votre avis ?

- J'ai cru que vous ne poseriez
jamais la question.

- Alors, comment s'en sort-elle ?

- Plutôt bien.

Elle est très surprise

que vous ne soyez pas passée
la voir.

- Je ne vois pas l'intérêt
si elle doit abandonner.

- Eh bien, vous devriez
peut-être y réfléchir.

Vous vous êtes renseignée un peu
sur elle avant de l'engager ?

- Ah. J'en étais sûr.

- Je ne l'ai pas fait
pour vous non plus.

- Bon, c'est une stagiaire.

- Vous aussi, vous avez débuté
comme stagiaire à l'époque.

Elle est intelligente ?

- Oui.

- Pour ça, elle ne tient pas
de sa mère.

- Le dîner est prêt.

- J'avais un motif bien précis
en tête en vous invitant.

- Hum. Oui, je m'en doutais.

C'était délicieux.

- La vente caritative
de cette année,

je veux qu'elle soit spéciale.

- Elle le sera, je vous assure.

- Ce sera peut-être la dernière.

Depuis quelque temps,
j'ai des ennuis de santé.

- Oh, je suis vraiment navré.

- Non, non.
Rien de très grave.

Mais les efforts
que ça nécessite...

peut-être que je n'en serais pas
capable l'an prochain.

- Non, vous êtes forte.

- Et si je ne le suis pas ?

- Dans ce cas, Norma,

je vous promets la soirée
caritative

la plus géniale
de votre existence.

- J'ai pris des dispositions.

- Ah oui ?

- Voyons, mon chou,
vous m'écoutez ?

Je ne voudrais pas me répéter.

Ma mémoire n'est plus
ce qu'elle était.

- Vous savez que c'est faux.

Je vous écoute.
Allez-y.

- J'ai fait le nécessaire

auprès de l'équipe de gestion
du domaine.

Le manoir et plusieurs biens
annexes vont prochainement

être offerts à la vente.

Les jardins seront protégés
à perpétuité par une fondation.

Vous aurez un revenu annuel

ainsi que le contrôle total
des jardins.

Et le moment venu, c'est à vous

qu'il reviendra de désigner
votre successeur.

Ce domaine dont j'ai hérité

et que j'ai si patiemment
entretenu,

je le laisse maintenant
entre vos mains.

- C'est un grand honneur,

mais il y a de fortes chances
que je disparaisse avant vous.

- J'aimerais vraiment

que les jardins demeurent
dans la famille.

Vous croyez qu'elle sera
à la hauteur ?

- Vous seule pouvez
répondre à ça.

Je crois que vous devriez
rencontrer Maya.

- Organisez une rencontre.

- Hum.

- Maintenant,
montons dans ma chambre.

Non, vous d'abord.

Je veux vous voir.

- Feu !

- Qu'est-ce qu'il lui prend
à Johnny Boy ?

Je le considérais
comme mon fils.

Il nous a vendus au FBI.

Il mérite pas de s'en tirer
comme ça.

Je veux que tu t'occupes de lui.

- Hum-hum.

- D'abord, tu trouves
le bon emplacement.

- Hum-hum.
- Tu creuses un trou.

Tu me passes les pensées ?
- Ouais.

Tiens.

- Merci.

Tu recouvres bien
avec la nouvelle terre.

Et c'est tout.

- Génial.

Ça a l'air assez simple.

- Oh, voilà Mme Haverhill.

- D'accord.

- Maya.

Je suis Norma Haverhill.

- Bonjour.

Je euh...

j'adore votre tenue.

- Je me suis dit que je pourrais
vous aider un peu.

- Merci, mais on peut finir
tout seuls.

- C'est bientôt l'heure
du lunch,

on pourrait peut-être manger
quelque chose.

- Je n'ai rien apporté,
je suis désolée.

- Allons dans la salle commune,
viens.

Narvel m'a dit...

que tu t'attendais à me croiser
plus tôt.

C'est de ma faute.

Toutes mes excuses.

Je suis une vieille femme

et il m'arrive parfois d'oublier
les bonnes manières.

- C'est vous qui avez
commandé ça ?

- Non.

Ça n'a pas l'air
très appétissant.

On pourrait rentrer au manoir

et Ronnie nous préparerait
un petit plat...

- Oh, non. Ça va.
Merci beaucoup.

Je suis pas quelqu'un
de compliqué.

- Ça a un certain nombre
d'avantages.

- Dans la grande serre,

on s'occupe
des Cléomes Senorita Rosalita.

- Déjà ?
- Hum-hum.

- C'est une fleur magnifique.

Et quand le blanc vire
au parme, on...

- On pince les fleurs fanées.

Ça concentre l'énergie
dans les fleurs

plutôt que dans les graines.

- Tu te souviens de moi ?

- Ouais, bien sûr.

- Et ta mère ?

- Euh, ouais. Oui.

- Est-ce qu'elle te parlait
de moi ?

- Ouais.

- Vous voulez vraiment
le savoir ?

- Pardon ?

- Vous voulez vraiment
le savoir ?

- Euh...

J'ai enfilé une tenue
de travail,

j'ai marché jusqu'ici.

Je t'ai invitée à prendre
un sandwich.

Je t'ai confiée aux soins
de Narvel.

Bien sûr que je veux entendre
ce que tu as à dire.

Rien ne pourrait me faire
plus plaisir.

- En fait,
elle était très partagée.

Elle avait toujours l'impression
que vous la trouviez...

euh...

inadaptée.

- C'est ce qu'elle croyait ?

- Oui.

- Garde en mémoire
que ce n'était pas ma fille,

mais la fille de ma sœur.

- Mais elle s'appelait Norma.

Sa mère lui avait donné
votre prénom.

- Ma sœur Betty n'avait pas
demandé ma permission

pour le faire.

J'ai trouvé ça présomptueux.

- Elle croyait peut-être
vous forcer à vous en occuper.

- Je pense que c'était
son but, en effet.

- Parce qu'elle était inadaptée,
c'est ça ?

- Parle-moi sur un autre ton.

J'ai donné tout ce que
je pouvais à ta mère.

Ce que ma sœur lui donnait
n'était pas suffisant.

Malgré ses efforts,
ça ne suffisait jamais.

Elle entretenait mal son jardin.

- Comment pouvez-vous le savoir ?

- Il y a des choses qu'on sent.

Dans ses veines,
dans ses organes, dans sa chair.

Regarde-moi.

Je croyais passer
un moment agréable

et on patauge
dans la boue du passé.

- Ça vrai que ça a été
de la boue.

Et si je vous ai vexée,
je m'en excuse.

Mais je ne suis pas inadaptée.

- Non, bien sûr que non.

Tu es impertinente.

Et ne t'avise pas de quitter
ton poste

et les jardins de Gracewood.

Durant la nuit,
des pucerons noirs sont apparus

sur les bourgeons
des chèvrefeuilles grimpants.

Ça a été le branle-bas
de combat

pour pulvériser
un mélange d'huile de neem,

d'huile de karanja

et de savon pur sur les arbustes

pour arrêter net l'invasion.

Je ne me suis jamais
trop interrogé sur les femmes,

en dehors de leur statut
de femmes.

Je ne sais pas trop
ce qui se passe

entre ces deux femmes,

Norma et sa petite-nièce.

Et je ne suis pas sûr
de vouloir le savoir.

La nomenclature binominale.

Chaque pays, chaque culture
a des milliers

de plantes différentes.

Et toutes ces plantes ont
une multitude de noms

dans une multitude de langues.

Comment les horticulteurs
étaient-ils censés s'entendre

sur le nom à donner un arbre
ou à une fleur ?

En 1700, Carl Linné eut
une idée.

Pourquoi ne pas utiliser
une langue morte, le latin,

sur laquelle tout le monde
pourrait s'accorder ?

En conséquence, il prit le nom
de Carl Linnaeus.

Bon, binominal veut dire
<« deux noms >»,

comme chez les humains.

Donc Rosa rubiginosa,
c'est une rose.

Une rose couleur de rouille.

LA NOMENCLATURE BINOMINALE

Prenons-moi, comme exemple.

<« Roth >», c'est mon genre,
ou ma catégorie,

et Narvel,
c'est mon nom spécifique.

<« Roth >» signifie <« Rouge >»,
<« Rothum >» en latin.

Donc, si j'étais un Rothum,
les gens se demanderaient :

<« Oui, mais quel rouge
exactement ? >»

Quelqu'un répondrait :

<« Bah lui, c'est le rouge
qui pue >»

et donc je deviendrais :
<« Rothum foetidum >»,

ou Rouge Puant.

Et en entendant
<« Rothum foetidum >»,

tu saurais tout de suite

que tout ce beau monde faisait
référence à moi.

Enfin, pour ça il faudrait
qu'il y ait des gens

qui pensent à moi.

- Et qu'est-ce qui vous rend
si sûr

que les gens ne pensent pas
à vous ?

- J'ai entendu dire que Norma
était passée pour discuter.

- Les rumeurs vont vite.

- Ce genre de rumeurs, oui.

Alors, qu'est-ce qu'elle a dit ?

- J'ai eu une augmentation.

- Elle est partie en colère.

- Et j'ai eu une augmentation.

- Tu suis ta voie, Maya.

Je suis ma voie.

Norma suit la sienne.

Et tu suis une drôle de voie.

Fais très attention.

- Hum-hum.

- Monsieur Roth ?

- Il y a un problème ?

- Maya est blessée.

Elle voulait pas
qu'on vous le dise,

mais vous devriez venir
avec moi.

- J'arrive.

- Je... je suis désolée.

J'aurais pas dû venir.

- Non, ne dis pas de bêtises.

- Est-ce que j'appelle
une ambulance ?

- Janine, je m'en remets à vous.

- C'est peut-être pas
une bonne idée.

- Si elle va à l'hôpital,

ils lui feront passer
un test antidrogue.

- On peut s'en occuper ici.

- Maya.

On va nettoyer les plaies,
soigner tout ça.

Tu vas te reposer
et on verra comment tu te sens

dans une heure ou deux.
Hein ?

- J'aurais pas dû venir.

Je suis désolée de vous embêter.

- Hé, on est ta famille
maintenant.

Tu as bien fait de venir
nous voir.

Tu n'as plus rien à craindre.

Tu es en sécurité ici.

- Tu sais, je crois
que Norma trouve tout ça

assez divertissant.

Il ne se passe jamais
grand-chose à Gracewood.

- Ouais, bah ça fait un peu trop
d'histoires à mon goût.

Comment ça va ?

- Bien.

Mieux, vraiment.

- Demain matin, ça risque
d'être douloureux.

- Je suis déjà prête
à reprendre le travail.

- J'aimerais lui parler
seul à seul.

- Xavier, tu me donnes un coup
de main pour le repiquage ?

- Hum...

Maya, je suis pas le genre
d'homme

à me mêler des affaires
des autres.

J'aime pas trop non plus

que les gens viennent se mêler
des miennes.

Mais là, la situation est
un peu différente.

On est fiers de nos jeunes
stagiaires à Gracewood.

Quand ils réussissent,
on est contents.

Quand ils se saoulent
ou qu'ils publient

des commentaires sexistes
sur les réseaux,

ça nous fait de la peine,

mais quand ils se font taper
dessus...

ça nous embête sincèrement.

- Alors, vous allez me mettre
à la porte, c'est ça ?

- Absolument pas.

Non, on veut t'aider,
rien de plus.

- Est-ce que tu es satisfaite

de la vie que tu mènes
en ce moment ?

Qui est-ce qui t'a frappée ?

Ton petit ami ?

- C'est pas mon petit ami.

RG.

- C'est qui pour toi, alors ?

- C'est juste un dealer,
c'est tout.

- RG, comment ?

- C'est chez lui que ma mère
se fournissait.

Après sa mort, j'ai fait
des livraisons pour lui.

Je lui étais utile parce que
je passais inaperçue

dans les hôtels chics.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Il a détesté mon attitude.

Il avait pas dormi de la nuit.

Je sentais mauvais d'après lui.

Il a dit qu'il savait
où j'allais

et qu'il me frapperait
si je retournais ici.

- Et là, il s'est passé quoi ?

- Il a fait ce qu'il a dit.

- Il vaudrait mieux

que tu restes à Gracewood
ce soir.

Je vais parler à Isobel.

D'accord ?

- Gomez.

Robbie Gomez.

- OK.

Attends ici.

Je vais, euh...

je vais voir
ce que je peux faire.

Madame Haverhill ?

Maya a été blessée.

- Oui, je suis au courant.

J'ai des informateurs.

- Ça a l'air d'aller maintenant,
mais il vaudrait mieux

qu'elle passe la nuit
à Gracewood ce soir.

- Maya a perdu sa langue ?

Pourquoi ne le demande-t-elle
pas elle-même ?

- Parce que c'est moi
qui le fais.

- Vous savez qu'elle s'est
montrée odieuse avec moi ?

- C'est moi qui vous le demande.

- Elle n'a qu'à se débrouiller.

Chacun doit prendre
ses responsabilités.

Vous l'avez fait, vous.

- Vous étiez plus patiente
avec moi.

- Bon, mon chou.

- J'ai un peu de travail
à finir, ce soir.

- Eh bien, dans ce cas,
mardi prochain.

- C'est super gentil.
Merci, Janine.

Je me suis construit cette vie.

Je me suis fixé
toutes ces règles.

Je crois que l'heure est venue
d'en transgresser une.

Shérif adjoint Neruda ?

Narvel Roth.

- On avait pas rendez-vous
dans...

- Trois mois.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Eh bien,
j'ai un petit problème et...

je voudrais t'en parler
en personne, si possible.

Au même endroit ?

- Il y a un nouveau Starbuck
au coin de la rue,

mais Tots est toujours ouvert.

- Euh, à 9 h ?

- Ça marche.

- Toujours en avance.

- Le poids des habitudes.

Assieds-toi.

Je suis content de te voir, toi.

- Ouais.

- Tu prends quoi ?

- Euh...

- Par ici.
- Un café.

- Je voudrais un muffin
au son grillé avec du beurre.

- Pareil pour moi.

Des nouvelles
de ma vieille bande ?

- Presque tous morts.

- Ouais, on fait rarement
de vieux os en prison.

- Le vieux a fini par crever
l'an dernier.

Les derniers s'accrochent encore
à leurs marchettes.

Potty Patlo est complètement
sénile.

Johnny Boy.

Cet enfoiré de Jeremiah.

Le Révérend Charles.

- Le Révérend Charles Avery.

- Il me cherche, ce sale nègre.

Il doit disparaître.
Ne laisse aucun témoin.

- Non, non, je vous en prie.

- Ouais, je me souviens.

- J'imagine, ouais.

Ça s'oublie pas,
le bon vieux temps.

- Beaucoup de contrats.

- 14 chefs d'inculpation.

- Deux ans de procès.

- Tu t'es repenti.

T'as vendu ta bande.

- Alors, maintenant
je suis tiré d'affaire ?

- Ça n'arrivera jamais.

Tout le monde te connaît
dans le milieu.

T'as tué neuf de ces gars,
alors crois-moi,

ils ont beau être morts,
personne t'a oublié.

N'importe quel skinhead
qui tient à se faire un nom

ou prendre un peu de galon
se ferait un plaisir de dire :

<« J'ai trouvé Norton Rupplea,

et je l'ai abattu >».

Gloire assurée.

Laisse tomber.

Tu ne seras plus jamais
Norton Rupplea.

- Il y a mon permis de conduire
qui expire dans quelques mois.

- Je m'en occupe.

T'avais parlé d'un problème ?

- Une sale histoire au travail.

- T'as fait du sacré bon boulot.

En fait, tu m'impressionnes.

Tu es une pub pour le programme
de protection des témoins.

Un exemple pour tout le monde.

Si j'avais une petite
étoile dorée,

je te la collerais tout de suite
sur le front.

- Il y a une jeune femme.

Elle travaille comme stagiaire
dans nos jardins.

Et la patronne se sent
des obligations envers elle.

Quelqu'un lui a cogné dessus.

Elle était mêlée à un trafic
de drogue, une ancienne mule.

- Où est-ce que j'interviens ?

- Euh, elle a un petit-ami.

- Robbie Gomez,
RG pour les intimes.

Une pourriture.

Sa bande traîne autour
de la neuvième avenue.

Alors, vous pourriez
peut-être vérifier

s'il y a pas son nom
dans les fichiers de la police.

Il a sûrement un casier.

- OK.

Oh, ouais.

D'après ce que je vois,
c'est pas un enfant de chœur.

- Hum.
- C'est quoi la suite ?

- Je voudrais que quelqu'un,
pas moi, bien sûr,

ce serait trop risqué,

mais que des policiers aillent
rendre une petite visite à RG

pour le secouer.

Qu'il comprenne qu'ils savent
comment il traite les femmes

et l'une d'elles en particulier.

Qu'il comprenne
qu'ils l'ont à l’œil,

et que si jamais ils apprennent
qu'il a récidivé,

ils reviendront lui rendre
une autre visite

et qu'ils peuvent l'interpeller
pour d'autres motifs.

- Tu me demandes un service ?

- On peut dire ça, oui.

- Je pense qu'on te doit
bien ça.

Je ferai ce qu'il faut.

- Génial. Merci.

- De rien.

- Dans combien de temps

est-ce que vous partez
à la retraite ?

- Dans 102 jours.

Tu vas avoir
un nouveau référent.

- Hum.

- Ce serait vraiment bien
de se revoir après ça.

- Non, Narvel.

Ce ne sera pas possible.

- Ouais.

OK.

Bonjour.

Ah...

Oh, beau travail.

Ça se présente très bien.

- Salut !

- Tu t'en sors ?
- Ouais.

- Oh ! Wow.

Ça va ?

Euh, Norma voudrait t'inviter

à venir manger au manoir
demain midi.

- Pff ! Ah bon ?

Je croyais qu'elle m'aimait pas.

- Oh, elle a sa façon de voir
les choses.

- Hum. Et comment il faut
s'habiller ?

- Euh, ça c'est une question
pour Isobel.

J'ai fait le nécessaire

pour régler cette histoire
avec RG.

J'ai mis quelqu'un sur le coup.

- Comment ça, quelqu'un ?

- Quelqu'un que je connais.

- Pff ! Quelqu'un que tu connais ?

- Quelqu'un de mon passé.

Elle m'a parlé de sa vie.

Il y a comme un vide en elle.

Elle a comblé un manque
par autre chose.

Maya, est-ce que tu te drogues ?

- Pourquoi tu veux savoir ça ?

- C'est une simple question.

- Ouais.

Et après ?

- Souvent ?

- Non. Ça va, j'ai pas
de problème de drogue.

Contrairement
à quelqu'un d'autre.

Est-ce que tu te piquais ?

- Ne va pas trop loin.

- C'est toi qui as commencé.

- Viens, rentrons.

Ça commence le plus
simplement du monde.

On ne se demande même pas
pourquoi.

On oublie comment ça a débuté.

Les jours se suivent
naturellement.

Les graines de l'amour germent,

comme les graines de la haine.

Maya ?

Entre.

- Salut.
- Salut.

- Tout va bien ?

- Euh, ouais, ça va.

- Euh, alors j'ai parlé
à quelques-uns de mes contacts

et ils m'ont dit
que tu devrais pouvoir

rentrer chez toi dans 48 heures.

Tiens, ça c'est ta tenue
pour le déjeuner de demain.

Ça va ?
- Euh ouais.

- Pardon.

- Isobel l'a choisie ?

- Non, c'est Norma.

Elle l'a achetée personnellement
pour toi.

- Oh.

Euh...

merci.

- Tu le diras à Norma.

- Oh !
- Hé, hé, hé, hé !

- Désolée.

- Non, pas ça !

Désolé.

Je préfère pas.

BANQUET PRINTANIER DE GRACEWOOD

- C'est très réussi.

Charles s'est surpassé.

- Oui, comme d'habitude.

- C'est chez l'imprimeur ?

- Il attend votre feu vert.

- Il l'a.

Cette robe te va vraiment
à merveille.

Je l'ai déjà dit ?

- Ah, oui. Merci.

- Tu pourrais passer
à la télévision.

Je suis déjà passée
à la télévision.

Vous le saviez ?

Vous êtes tous les deux
trop jeunes,

mais à mon époque,
les westerns faisaient fureur.

L'Homme à la Carabine,
un feuilleton sur un père

et son fils était programmé
à la même heure chaque semaine.

Le mardi, à 9 h.

Et...

Bon sang !

Johnny Crawford était
le plus mignon des comédiens.

Il avait commencé
comme Mouseketeer.

Je parie que tu ne sais pas
ce que c'est.

Oh, mon père m'avait emmené
avec lui

lors d'un voyage d'affaires
à Los Angeles.

Il connaissait les producteurs
du feuilleton

et il leur fallait
une jeune fille

pour offrir une fleur
à Johnny Crawford.

Tu sais qui était
la jeune fille ?

- Euh, c'était vous ?

- Exact.

Ils ont filmé la scène
trois fois.

Père avait invité
tous ses amis ici

pour regarder cet épisode.

Quelle émotion !

On doit pouvoir trouver
cette vidéo.

Sûrement sur internet.

Je déteste internet.

- C'est rare
que vous vous en serviez.

- Avant les téléphones
portables,

y avait aucune preuve,

on pouvait faire
ce qu'on voulait.

Aujourd'hui nos moindres
faits et gestes finissent

en vidéo sur internet.

- Je parie qu'on peut trouver

un tas de photos de toi
très juteuses sur le web.

- Norma.

Ne faites pas ça.

- Ne faites pas quoi ?

- Vous le savez.

- J'ai entendu des rumeurs.

- De quelles rumeurs
parlez-vous ?

- C'est vous ou votre queue
que j'entends ?

Vous croyez que je ne vois rien ?

Que vous pouvez passer
sous mes fenêtres en pleine nuit

en remontant votre pantalon

après avoir fait votre numéro
à cette demoiselle ?

Ah ! Elles ont ça dans le sang,
on dirait.

C'est de famille.

- Vous m'aviez chargé de prendre
votre nièce sous mon aile.

- Mais je ne pensais pas

que vous joueriez
Humbert Humbert

dans votre propre production
de Lolita.

- Maya cherche seulement
sa voie.

- Et moi je suis la foutue
Reine d’Écosse !

- Vous devriez vous excuser.

- Auprès de cette traînée ?

- Janine ! Ronnie !

- Allez-vous-en, vous aussi.

- Pourquoi ?

- Je veux que vous partiez.

Je ne veux plus vous voir.

Désormais, vous ne travaillez
plus pour moi.

- Norma, calmez-vous.

- Ce soir. Je veux
que vous partiez dès ce soir.

- On verra ça demain.

- Monsieur Oscar Neruda.

Voilà qui je vais aller voir.

C'est lui qui m'avait demandé
de vous prendre chez moi.

Selon lui, vous n'étiez pas
un cas ordinaire.

- Comme vous voudrez.

Norma, je vous remercie.

- De quoi ?

- D'avoir eu confiance en moi.

- Je croyais que vous aimiez
jardiner les vieux jardins.

J'ignorais que vous aimiez
jardiner

également les jeunes touffes !

C'était le moment.

Le moment que j'attendais
depuis longtemps.

- J'arrive, une seconde.

- C'est Narvel, Maya.

- OK. Vas-y, entre.

C'est bon.

- Elle, euh...

elle veut que tu t'en ailles,
Maya.

En fait, elle veut
qu'on parte tous les deux.

Tout de suite.

- Elle est vraiment sérieuse ?

- Oh oui, aucun doute.

- Et elle a le droit
de faire ça ?

- C'est son domaine.

Le jardin lui appartient.

Alors, on s'en va.

- Est-ce que je vais devoir
rentrer chez moi ?

- Euh, eh bien...

Tu peux rester avec moi.

Si tu as confiance en moi.

Qu'est-ce que t'en dis ?

- Il faut que j'aille prendre

quelques petites affaires
chez moi.

- Ouais.

- Merde ! C'est lui.
C'est RG.

- Où ça ?
- À droite.

Le gars en rouge.

L'autre à côté, c'est Sissy.

Tourne à gauche l-bas,
mon appart est juste derrière.

- Attends, je viens avec toi.
- Non, ça va. T'inquiète !

- Je t'attends ici.

Ouais ?

Ouais, c'est qui ?

- Où es-tu ?

- Ça va. Fait pas chier,
j'arrive.

- Salut !

Je cherche quelqu'un.

C'est toi qu'on surnomme
Frito le Burrito ?

- Va te faire foutre, OK ?

- Oh. Mon informateur a dû
se tromper.

Mais toi, je te connais.

Tu es le fameux RG.

C'est toi qui as eu la visite

de la police l'autre jour.

- Ouais.

Et je suppose
que tu es Fred le paysan.

- Je suis jardinier.

C'est pour ça
que je suis habillé comme ça

et que je transporte
un sécateur.

C'est mon outil de travail.

Un bon sécateur, c'est l'idéal
pour couper une branche

ou même un bulbe
en un rien de temps.

Ça prend pas plus de temps
que pour couper un doigt,

ou une paire de couilles.

Hé, toi, réfléchis bien
avant de faire une bêtise.

J'ai taillé un grand nombre
de trucs dans ma vie.

RG ?

Considère que c'est ton deuxième
avertissement.

T'as bien compris ?

- Relaxe, le nazi !

- Allez, monte.

Tu te sens mieux, là ?

- Ouais.

- T'es défoncée, c'est ça ?

Récupère tout ce que tu as caché
et jette-moi ça.

Fouille dans ton sac,
dans tes poches,

dans tes affaires.

Tu préfères que je m'en charge ?

Hein ?

- Merde. Fait chier !

La sauge à feuilles de lavande

et les pavots orientaux
fleurissent tous les ans

au même moment.

Mais jamais vraiment
de la même façon.

Certaines années,

il règne une harmonie enivrante
entre eux.

D'autres fois,
ils se tolèrent à peine.

Laisse-moi t'expliquer
comment ça fonctionne, Maya.

- Va te faire foutre !

- Tu te sens pas bien, là.
C'est normal.

Mais ton corps va s'adapter.

- Espèce d'enfoiré.

- Pour commencer, tu vas aller
prendre une douche

et ensuite je veux
que tu te changes.

C'est très important
que tu boives beaucoup d'eau.

- Narcotiques Anonymes est
une communauté

d'hommes et de femmes
qui apprennent à vivre

sans la drogue.

Nous sommes une association
à but non lucratif

qui ne réclame aucun frais
d'admission.

- Je suis Narvel.

Et je suis un toxicomane.

Bienvenue, Narvel.

- Merci.

- Je suis Maya.

Et je suis une toxicomane.

Bienvenue, Maya.

Je me suis épanoui
grâce aux fleurs.

Qui l'aurait parié ?

Je partirai pas avant d'avoir
dit au revoir à ma fille.

Dites-moi où est ma famille.

- Ta femme veut pas te parler.

Je crois qu'elle partage pas
tes convictions.

- Ouais, elle veut rien savoir.

- Ouais, OK. Mais euh...

je voudrais voir Annie.

Elle a... elle a que cinq ans.

- De toute façon,
ta femme lui a dit

que tu avais été tué
dans un accident.

- Hé. J'ai fait absolument tout
ce que vous m'avez demandé.

- Et maintenant que tu as
témoigné, on te délocalise.

Ta nouvelle vie commence,
mon vieux.

- Comment tu te sens ?

- Un peu étourdie.

Mais bien, sinon.

J'espère que tu sais au moins

que je suis pas vraiment
une droguée ?

- Oh, non. Bien sûr.
Je l'ai jamais cru.

Mais si t'en croises une
et qu'elle embarque,

j'ai une pile de sacs à vomi
à l'arrière.

Au cas où...

- C'est ça.

Moque-toi tant que tu veux,
monsieur le comique.

Mais si j'avais envie de vomir,

j'aurais pris mes propres sacs,
et ce n'est pas le cas.

Alors, merci, mais non merci.

- Ma fille a 13 ans maintenant.

Juste pour savoir,
si à un moment de sa vie,

elle cherchait à me revoir
ou à me joindre, elle pourrait ?

- Absolument pas.

Et si tu tentes de contourner

le programme de protection
des témoins

et que tu la contactes
directement,

tu risques de mettre sa vie
en danger.

- Où est-ce qu'elles sont ?

- Je sais pas, je te le jure.

Mais je veux pas le savoir.

- Est-ce que t'es jamais allé
aux jardins de Great Dixter ?

- Great Dixter ?

- Ouais, je fais mes recherches.

- Dixter, c'est super loin Maya.

À Londres. En Angleterre.

Un jour peut-être.

En tout cas, pas maintenant.

- Tu pourrais m'emmener.

- T'en as déjà eu
une aujourd'hui.

- Ouais.

Mais quand tu vas à une réunion,
t'as droit à une deuxième.

- Pff.

- C'est la treizième étape.

- Bah voyons.

Tu racontes pas mal
de conneries,

mais y a un truc
dont tu parles jamais.

- Ah oui, de quoi ?

- De toi.

- Bah, y a pas grand-chose
à dire.

- T'as déjà été marié ?

- Je l'ai été
quand j'étais plus jeune.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- On s'est séparé.

- T'as des enfants ?

- J'ai eu une fille.

Elle est morte, et notre mariage
s'est terminé là.

Et ton père ?

- Ouais, lui aussi, il est mort.

- De quoi ?

- Overdose.

- Oh.

C'était quoi son nom ?

- Maladi.
- Maladi.

- C'est un nom africain.

- Il était arrivé ici quand ?

- Oh bah, y a 200 ans environ.

LES JARDINS KENTFIELD

- Je crois qu'il y a pas loin

de 300 cents jardins botaniques
aux États-Unis.

La plupart sont pas mal,
d'autres sont fantastiques.

Mais ils sont
tous redevables à un homme,

John Bartram.

Son jardin fondé en 1728
à Philadelphie

a servi de modèle
à tous ceux qui ont suivi.

Cet homme était généreux
à l'excès.

Tu vois, il collectait
des graines

dans tout le Nord-Est

et il les envoyait à
des botanistes du monde entier.

On les surnommait
les <« Boîtes de Bartram. >»

Le jardin japonais est
de ce côté

et le pavillon tropical par là.

- J'ai vu tes tatouages
la nuit dernière.

Tu voulais
que je les voie, c'est ça ?

Ça a dû prendre longtemps
pour les faire.

- Ouais, assez.

- T'as rien d'autre à dire
là-dessus ?

- Pas pour le moment.

- Tu devrais les faire enlever.

- Je me suis renseigné
et j'ai décidé de les garder.

- Pff. C'est vraiment tordu.

- C'est par là.

- Tu ne comptes plus m'adresser
la parole ?

- J'ai pas rêvé, j'ai bien vu
ce que j'ai vu.

- Hum-hum.

- Est-ce que tu imagines
ce que j'éprouve en ce moment ?

À quel point cette merde peut
me déstabiliser ?

Non.

Bien sûr que non.

- Je voulais que tu sois
au courant

que je n'ai pas toujours été
l'homme que je suis.

On m'a appris à détester
tous les gens

qui n'étaient pas comme moi.

Et je l'ai fait.

Et j'étais plutôt doué.

- Et tu leur faisais quoi ?

À tous ceux que tu détestais ?

Tu les frappais ?

Tu les tuais ? Quoi ?

- Je déteste Robbie et Sissy,
tu comptes les tuer pour moi ?

- Maya, la haine...
- Non, ne t'avise surtout pas

de me parler de haine,

j'en ai suffisamment
pour nous deux.

- Désolé.

- Ne me touche pas !

Alors dis-moi, aujourd'hui,
qui es-tu ?

- Je ne suis qu'un jardinier

qui a été un autre homme
dans le passé.

Je suis ton ami, maintenant.

- Tu sais quoi,
je supporte même pas

d'être dans la mme pièce
que toi.

Non, arrête, merde !

Je l'ai reconduite au motel.

J'ai pris deux chambres.

Elle n'a pas dit un mot.

Ce journal m'a tellement aidé

à l'époque où j'étais assigné
à résidence

et toutes les années
qui ont suivi.

Maintenant, ce n'est plus
qu'un fardeau.

Shérif adjoint Neruda ?

- Oui.

- Narvel Roth.

- Salut.

- Est-ce qu'on peut se revoir ?

Demain ?

- Un samedi ?

- Les choses sont un petit peu
chaotiques, ces temps-ci,

mais demain les jardins
sont fermés,

c'est parfait pour moi.

- D'accord. À 15 h.

- Je serai là.

- Narvel ?

C'est Maya.

Tu peux m'ouvrir,
s'il te plaît ?

Je voudrais te parler.

Est-ce que je peux entrer ?

- Hum, OK.

- T'as rien à boire ?

- Bah, j'ai pris un soda
à la machine.

- Non, ça va.

J'ai vraiment envie
d'enlever mes vêtements.

Est-ce que tu es d'accord ?

Je vraiment très envie
d'enlever mes vêtements.

- Y a rien qui me ferait
plus plaisir.

- Déshabille-toi aussi.

Enlève ton chandail.

Tourne-toi.

Et tu les feras effacer ?

- Oui.

- Continue.

- Narvel ?

Whou !

- Ouais !

- Arrête !

- Ouais !

- Wouh !

Wouhouhou !

- Ouais !

- Wouh !

- Euh...

Excusez-moi, on se connaît ?

- Asseyez-vous, monsieur Roth.

Je peux vous offrir
quelque chose ?

- Non.

Où est Oscar ?

- Le shérif adjoint Neruda
sera à la retraite

dans moins de trois mois.

Il a pensé que c'était
le bon moment

pour rencontrer
celui qui va prendre sa place.

Je suis Stephen Collins,
mais mes amis m'appellent Stick.

- Heureux de vous rencontrer.

- Oscar m'a expliqué.

Votre nouvelle identité
n'a jamais été compromise.

- Merci.

- Je suis au courant
de votre comportement exemplaire

depuis dix ans.
Félicitations.

- Oscar et moi, on s'est vus
il y a quelques semaines de ça

et euh...

on avait un arrangement.

Et je voulais savoir
s'il avait pu s'en occuper.

- Et de quel genre d'arrangement
il s'agit ?

- Je lui avais parlé d'une bande
de vendeurs de drogue

de la neuvième avenue.

- Oh, euh, il ne m'en a
jamais fait mention.

- Est-ce qu'on peut l'avoir
au téléphone ?

- C'est moi votre référent.

Le shérif adjoint Neruda
s'est désisté du dossier.

- Comme ça, sans rien dire ?

- C'est comme ça
que ça fonctionne.

Quel est le problème
avec la neuvième avenue ?

- Une bande de vendeurs
de drogue.

- Quel genre de vendeurs
de drogue ?

- Heureux de vous connaître.

Je suis sûr que vous faites
du bon travail,

mais je crains que
vous ne puissiez rien pour moi

dans cette situation.

- Attendez, laissez-moi
une chance.

- Je viens de le faire.

- Tiens.

- Merci.

- Ouais ?

Ouais.

Y a des blessés ?

Vous avez appelé la police ?

Vous êtes où, là ?

Est-ce que Norma va bien ?

Bon, très bien.

J'arrive tout de suite.

Ouais.

Ouais, ouais, vas-y, fonce !

Y a eu un incident
à Gracewood tout l'heure.

- Quoi ?

- Du vandalisme.

Personne n'a été blessé.

- Ça, c'est Robbie.

- Y a une heure et demie
de route, prends tes affaires.

- La police vient de partir.

- Qu'est-ce que tu leur as dit ?

- De toute façon,
je n'ai rien vu.

- Où est Norma ?

- Dans le salon.
Avec Janine.

- Regardez qui voilà.

L'infâme traître.

- Comment ça va ?

- Ça va.
Ils ne sont pas entrés.

- Ils ont donné
des coups à Paillasson.

J'avais cette arme.

Le Luger de collection
de mon père.

- Ah, faites-moi voir ça.
- Ils pourraient revenir.

Ils ont fouillé votre logement.

- Est-ce que la police
doit repasser ?

- Aucune idée.

- Vaut mieux que je sois pas là
s'ils reviennent.

Janine, veillez sur elle.

- Je peux les appeler
pour savoir où ils sont.

Tu vas faire quoi ?

- Tu m'attends ici.

Je vais régler ça
une bonne fois pour toutes.

- Non, ce ne sont pas
tes affaires.

- Maintenant, si.

- Tu pourras jamais
les trouver sans moi.

Je viens avec toi.

- Tu feras ce que je te dis ?

- Ouais, OK.

- Très bien.

On va attendre la nuit.

- Ça y est.
Ils vont à la maison.

Ils sont en route.

C'est une cachette
où on allait souvent.

- Et ils font quoi là-bas ?

- C'est juste un endroit
pour faire la fête.

Jeux vidéo, films, musique,
drogue, baise.

C'est juste une maison normale

où on peut fuir par-derrière
au cas où.

- C'est encore mieux.

Qu'est-ce qu'il a dit ?

- <« Passe me voir quand tu veux.
Tout est pardonné. >»

- Une fois à l'intérieur,
tu te tiendras à l'écart.

Et là, c'est moi
qui prends le relais.

- Craig ! Yo !

- Yo, Maya, quoi de neuf,
quoi de neuf, quoi de neuf ?

- Comment tu vas ?
- Bien et toi ?

- Ouais, super.
- Cool, cool, cool.

- Ouais, j'ai appelé RG.

Il nous a dit de passer
le voir ce soir.

- Attends, attends, attends.

Tout le monde dehors !

Non, non, pas vous deux.

Debout. Allez, mettez-vous dos
au mur et asseyez-vous.

Allez, allez, allez. Assis.

Maya ?

Viens là.

Tu voulais qu'ils meurent ?

Tiens, ils sont à toi.

Approche. Allez.

Tu leur colles une balle
dans la tête.

- S'il te plaît, c'était
seulement une mauvaise blague.

- À toi de voir.
Lequel tu veux tuer en premier ?

- Prends tout ce que tu veux.

On sait qu'on a merdé, Maya.

- Concentre-toi.

Les laisse pas s'en tirer.

Allez.

- Maya, fais pas ça.

- Vous allez allonger
les jambes.

- Laissez-nous partir.
- Allez !

- Vous n'entendrez plus parler
de nous.

- Tendez les jambes, vite !

Allez, plus vite que ça.

Tendez les jambes !

Je veux que vous vous rappeliez.

- Comment ça va ?

- Ça devrait être terminé
aujourd'hui.

- Ronnie a fait un peu de thé.

- Comment va Paillasson ?

- Il s'en sort plutôt bien.

Je croyais que ça allait
me coûter

une fortune en vétérinaire,

mais c'est fou,
il va récupérer tout seul.

Comme certains hommes
que je connais.

- Hum.

Il y a trois points
dont je veux discuter avec vous.

- Hum.

- Pour commencer, je vous rends
le Luger de votre père.

C'est un souvenir de famille.
Il vous revient.

Ensuite, j'aimerais
qu'on discute

de la restauration
des jardins de Gracewood.

Les dommages semblent
irréparables là,

mais les plantes
se régénèrent vite,

elles sont fortes.

Comme nous.

Accordez-vous une année de plus

et aidez-moi ou au moins,
aidez-nous

et le gala de l'an prochain
sera vraiment

un accomplissement
pour Gracewood.

- Et le troisième point ?

- C'est le <« nous >»
dont j'ai parlé.

Maya et moi on viendra
vivre ensemble dans le logement

en tant que mari et femme.

- Ça, c'est une idée obscène.

- Non, loin de là.

Et j'en ai vu des obscénités.

- Vous êtes en train de devenir
complètement fou.

- Allez-y,
appuyez sur la détente.

Vous avez le droit,
je le mérite.

Il y aurait une certaine
justice là-dedans.

Mais je dois vous prévenir.

Le Luger n'est pas chargé
et il ne fonctionne plus.

- Allez vous faire foutre,
mon chou.

- On se voit demain.
Là, il faut que j'y aille.

Un jardin bien entretenu
est un plaisir visuel.

Où se dressait
un enchevêtrement

de végétation disgracieux

s'étale ce qui aurait toujours
dû être là

au lieu de ce qui
ne devait pas y être.

Le jardinage est la manipulation

du monde naturel.

La création de l'ordre là
où l'ordre est nécessaire.

Les aménagements subtils
du désordre

là où c'est le plus utile.

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